Page 1 sur 2- Philippe Caubère – Manifestes – Besancenot - 2002
Texte paru dans Le Monde le 19 avril 2002
Pourquoi je soutiens Olivier Besancenot.
Par Philippe Caubère (comédien)
J’ai décidé de soutenir le candidat de la Ligue communiste aux élections présidentielles le
lendemain du 11 septembre, après avoir lu la déclaration de Robert Hue: “nous sommes tous
Américains”. La minute de silence réclamée aux militants communistes de la Fête de l’Huma m’a
conforté dans cette décision. Il m’était devenu impossible de ne pas interrompre le soutien que
j’accorde au P.C. depuis quelques années par un acte clair qui ne signifie pas une rupture irrévocable,
ni une quelconque trahison, mais un désaccord violent et instinctif. J’ai beaucoup de respect pour
Robert Hue. Je ne me réjouis pas de ses difficultés électorales, je ne ris pas aux blagues faciles que font
sur lui les guignols en tous genre et ne crois pas que l’affaiblissement du Parti Communiste soit une
bonne chose pour la démocratie. N’empêche que, dans cette histoire, l’honnête homme, c’était Krivine.
Dont j’ai obtenu le téléphone. Mais, là, impossible de s’entendre: des cris, des chants, un tumulte pas
possible. “Mais où tu es?” “À la manif’!” “Quelle manif’?” (j’étais en pleine tournée, au courant de
rien) “Hé ben: la manif’ contre la guerre!” Je me suis marré: il était là où il fallait. “Je veux soutenir
Besancenot!” Et lui, tout de suite: “Ben ouais! T’as vu le P.C.? N’importe quoi.” Cela dit sans haine et
sans ironie. Je ne le connais pas très bien, mais je crois pouvoir ajouter: avec tristesse.
J’ai longtemps espéré un rapprochement entre le Parti Communiste et la Ligue. J’aurais trouvé
formidable que ces deux anciens “frères ennemis” se retrouvent, s’expliquent, se serrent la main et
œuvrent ensemble. Je me souviens dans les années 90 d’un grand meeting à Bercy qui réunissait les
ténors actuels de la Gauche, dont Jospin, Hue et Krivine qui avait fait ce soir-là un incroyable discours,
salué par les hurlements enthousiastes de tous les militants communistes, sur la valeur du drapeau
rouge. Ce soir là, j’avoue que j’ai rêvé d’un grand mouvement de gauche révolutionnaire, moderne, qui
sache tirer les leçons du marxisme et les dépasser. Et puis… Cela dit, je ne suis pas un militant
acharné. Mon engagement politique se résume à des soutiens, des signatures ou des réflexions. Il
s’exprime surtout dans mes spectacles. Toute mon énergie est mobilisée depuis vingt ans par ce travail
solitaire, dur, ingrat, — même si jouissif au bout du compte—, qui constitue au fond le seul véritable
engagement de ma vie.
Alors, pourquoi soutenir Besancenot? D’abord, je trouve formidable qu’un homme comme
Krivine ait eu l’idée et le courage de renoncer à se présenter lui-même quand tant d’autres préfèreraient
crever que de laisser la place (que ce soit dans la politique ou le théâtre…)! Ça a dû se passer,
j’imagine, au prix de maints débats, n’empêche qu’il a laissé faire. C’est typique de la Ligue. En 1970,
à Aix-en-Provence, les seuls qui aient réussi à intéresser les anarchistes absolus que nous étions,
c’étaient ses militants. Quand tous les autres, cocos, maos, hippies, —anars—, nous semblaient
sinistres, odieux, incultes, affreux, eux étaient marrants, brillants, ouverts sur les autres et, ce qui n’est
pas négligeable, souvent très beaux; et belles, leurs militantes… Et tellement moins méchantes que
certaines du MLF… Alors que tout autant féministes! Mais si, mais si. Mais autrement. C’est qu’ils
—elles— échappaient au pire mal de cette époque(dont il faut bien reparler, puisque tout part de là.
Droite, gauche, extrème-droite, extrème-gauche: on est pas sorti de 68. C’est mon idée et je la partage),
au pire péché, donc, à la plaie de ces années, et qui suppure encore: le sectarisme.