Nous aussi, croyants du XXIè siècle, pouvons et devons probablement avoir ce
triple rapport avec l’évènement de la Résurrection :
-Témoigner, hardiment et joyeusement, même si ce n’est pas facile et si ça peut
nous causer quelques ennuis, c’est ainsi depuis les origines ;
-Tenter, dans une foi vigoureuse, à discerner, au cœur d’un monde encore et
toujours marqué par la violence et la mort, les signes de la victoire du
Ressuscité, et rendre grâces parce que, comme le voyant de l’Apocalypse, nous
connaissons, avec la certitude de la foi, la fin du film ;
-Accueillir, et probablement aussi désirer, une rencontre vive, personnelle avec
le Ressuscité, sans cette rencontre, notre foi demeurera comme amputée,
extérieure à l’évènement central de l’histoire des hommes, de l’histoire engagée
par Dieu avec les hommes, et définitivement scellée dans la victoire pascal du
Christ sur toutes les forces de mort et de désagrégation.
Mais cela ne suffit pas, et la seconde partie de l’Evangile nous révèle
probablement la voie royale pour nous situer par rapport à l’évènement pascal.
Le triple « M’aimes-tu » de Jésus à Pierre correspond bien sûr au triple
reniement de l’Apôtre quelques heures plus tôt. Cette voie royale, c’est
l’expérience de la miséricorde. La miséricorde considérée comme le don pascal
par excellence. Nous étions, nous sommes toujours en dette vis-à-vis de Dieu et
à Pâques, en Jésus Dieu a pris sur lui tous nos péchés et nous a remis, d’un coup,
sans aucun mérite de notre part, toutes nos dettes, gracieusement. La loi, les lois
morales étaient et demeurent dans l’incapacité de nous faire revenir à Dieu, alors
Dieu lui-même est venu à nous, pour prendre sur lui nos fautes et nous offrir le
pardon. D’ailleurs, dans ce triple « M’aimes-tu ? » Pierre fait, peut-être
douloureusement, l’expérience de son incapacité à se hisser au niveau de
l’amour de Dieu révélé en Jésus. En effet dans les deux premiers échanges,
l’évangéliste utilise le verbe agapein pour dire l’amour. « M’aimes-tu ? » Au
sens d’un parfait amour de charité ? Au troisième Jésus emploie le verbe
philein : « M’aimes-tu ? » au sens d’un amour d’amitié, le français, qui a le
même mot pour dire « J’aime le gâteau au chocolat » et « j’aime ma femme »
est dans l’incapacité de rendre compte des nuances du grec, mais dans ce jeu de
verbes, Jean nous montre que Jésus rejoint Pierre dans son amour imparfait,
alors même que, Pierre perçoit bien qu’il est incapable de rejoindre Jésus dans
son amour de don total.