UNIVERSITATEA DIN CRAIOVA FACULTATEA DE LITERE SPECIALIZAREA: ROMANA / LIMBA STRAINA INVATAMANT LA DISTANTA PROGRAMA ANALITICA Disciplina: Limba franceza contemporana (Elemente de semantica si lexicologie) Specializarea : Româna / Limba straina Anul : III I.D. , semestrul I Titular: lect.dr. Dorina Panculescu I.OBIECTIVELE DISCIPLINEI: a.Dobândirea notiunilor teoretice fundamentale din domeniul lexicologiei si semanticii; b. Analiza si recunoasterea modelelor productive de construire a cuvintelor în lexicul francez contemporan ; c.Constientizarea relatiilor semantice dintre cuvintele lexicului francez pe axa paradigmatica a limbajului d. studierea si analizarea izotopiilor textuale pe axa sintagmatica a limbajului cu ajutorul metodelor semanticii structurale II.TEMATICA CURSULUI 1.Notions fondamentales.Concepts fondamentaux de la linguistique structurale: unité linguistique minimale (morphème) et méthodes d’analyse et de segmentation de la chaîne parlée: l’analyse distributionnelle et l’analyse en constituants immédiats A.C.I.). La double articulation du langage humain (A. Martinet). 2. Le mot comme unité fonctionnelle de la langue: critères d’identification du mot dans le code oral et dans le code écrit; problèmes de segmentation ( morphème grammatical, morphe, lexème, affixe, lexie). Formation des mots par dérivation et composition. 3.Le mot : la sémantique du mot : le signe linguistique ; signification lexicale et grammaticale; relations sémantiques internes au mot : la polysémisation et l’homonymie ; leur réduction. 4. Les relations sémantiques entre les mots : la synonymie, l’hyponymie, l’antonymie. 5. L’isotopie textuelle : définition, types d’isotopies, méthodes d’analyse. Traits inhérents et traits contextuels. Les contraintes de sélection . 1 III. EVALUAREA STUDENTILOR Forma de evaluare este examenul scris. Prezenta la orele prevazute pentru lectiile de sinteza le va asigura un punct în plus la nota de la examen. IV. BIBLIOGRAFIE GENERALA 1. BORCHIN Mirela-Ioana, Lingvistica în stiinta secolului al XX-lea, Ed. Excelsior, Timisoara, 2001 2. CHISS Jean-Louis, FILLIOLET Jacques, MAINGUENEAU Dominique, Introduction à la linguistique française, tomes I-II, Hachette, 2001 3. SCURTU Gabriela, Initiation à la linguistique, Ed. Universitaria, Craiova, 2005 4. SAUSSURE, Ferdinand de, Cours de linguistique générale, Payot, 1916 ; trad. roum Curs de lingvistica generala, Polirom( ?), 1995 ( ?) 5. MARTINET André, Eléments de linguistique générale, coll. « U-Prisme », Armand Colin, 1982 (I-ère éd. 1967) ; trad. roum. Elemente de lingvistica generala, Ed. Stiintifica, Bucuresti, 1970 6. MAGUREANU Anca, La Sémantique lexicale, TUB, Bucuresti, 1984 7. RASTIER François, Sémantique interprétative, PUF, Paris, 1987 8. TUTESCU Mariana, Précis de sémantique française, EDP, Bucuresti, 1974 2 UNIVERSITATEA DIN CRAIOVA FACULTATEA DE LITERE SPECIALIZAREA : ROMANA / LIMBA STRAINA INVATAMANT LA DISTANTA SUPORT DE CURS DISCIPLINA : Limba franceza contemporana (Lexicologie si semantica) ANUL III I.D. Semestrul I 2007/ 2008 TITULARUL DISCIPLINEI: lect. dr. Dorina Panculescu PREZENTAREA CURSULUI (TEME, SUBTEME) 1.TEMA : Concepts fondamentaux de la linguistique structurale : l’unité linguistique minimale : le morphème. Les méthodes employées pour dégager les unités linguistiques : l’analyse distributionnelle et l’analyse en constituants immédiats (ACI). 2. TEMA :Le mot dans la langue et dans le discours: les définitions du mot en linguistique structurale . Critères d’identification et de délimitation du mot dans le code oral et dans le code écrit. Problèmes de segmentation du mot (affixe, lexème, .morphe, mot composé, base de composition, morphème grammatical). Formation des mots par dérivation et composition. L’arbitrair du signe. 3. TEMA : Sémantique du mot : le signe linguistique. Signification lexicale et signification grammaticale. Sens dénotatif et sens connotatif. Valeurs socio-culturelles des mots. Homonymie et polysémie. La levée de l’ambiguïté sémantique du mot. 4. TEMA : Les relations sémantiques : a) la synonymie b) l’hyponymie c) l’antonymie d) la méronymie 5. TEMA : L’Isotopie textuelle. Définition. Types de sèmes. Contraintes de sélection et violation des règles de sélection sémique. Typologie des isotopies. Isotopies métaphoriques et sémiologiques. 3 1.TEMA : Concepts fondamentaux de la linguistique structurale. L’analyse distributionnelle et l’analyse en constituants immédiats Le structuralisme, ce grand courant qui a dominé la linguistique du XX-ème siècle, et dont l’initiateur fut en Europe Ferdinand de Saussure (Cours de linguistique générale, 1916), affirmait le principe d’immanence de la langue, vue comme système d’unités linguistiques, dont le fonctionnement était indépendant de toute réalité extralinguistique. De toutes les fonctions du langage, les structuralistes ne s’intéressaient qu’à un seul aspect : le message (idées à transmettre) et au code (la langue) dans lequel il était transmis. Pour dégager les unités de la langue, les structuralistes ont proposé des méthodes nouvelles , telle l’analyse distributionnelle. Cette méthodologie visait à décrire une langue inconnue, dont on prenait un échantillon représentatif et homogène (un corpus, formé d’un ensemble de textes effectivement réalisés dans cette langue). Sans prendre en considération la signification des énoncés ou la situation de communication, on essayait seulement à repérer des régularités et de construire des classes paradigmatiques d’unités linguistiques. Dégager une unité, c’est montrer qu’elle entre dans des oppositions avec d’autres unités de la langue, qui peuvent figurer à la même place de la chaîne parlée (dans le même contexte). Dans une langue, les unités s’ordonnent successivement sur l’axe syntagmatique (l’axe des combinaisons). Les énoncés linguistiques sont linéaires, l’émission vocale des unités se déroule dans le temps. La langue est constituée d’éléments discrets , c’est-à-dire distincts les uns des autres, en nombre fini et entrant dans des systèmes d’oppositions avec d’autres unités sur l’axe paradigmatique (des substitutions).. Pour identifier les unités de la langue, on applique deux opérations élémentaires, la segmentation et la substitution, qui forment le test de la commutation. La commutation est un changement provoqué par le linguiste dans un énoncé pour observer le comportement d’un fragment de cet énoncé, qu’on suppose être une unité distinctive. Dans une première étape, on découpe la chaîne en plusieurs segments et on regarde ensuite si l’on peut substituer à cette partie d’autres parties , qui se trouvent en opposition paradigmatique. Le test doit répondre à deux conditions : 1) le nouvel énoncé ainsi obtenu doit appartenir à la langue ; 2) le sens de l’énoncé change. Si le test réussit, c’est qu’on a identifié une unité distinctive de la langue. Si l’on veut aboutir aux unités distinctives minimales, il faut s’assurer qu’un fragment de la partie de la chaîne parlée qu’on vient de faire commuter ne peut pas entrer dans un autre test de commutation. Prenons un exemple : si l’on segmente dans l’énoncé La tête est belle le segment tête ainsi : t-ête, on peut substituer à t d’autres segments comme cr, f, b (crête, fête, bête). Les segments nouveaux ainsi obtenus appartiennent au français et donnent un sens différent à l’énoncé. Pourtant, cr n’est pas une unité minimale de la langue car on peut appliquer le test de la commutation à un fragment de cr, à c ou r . Ainsi brique et crique permettent d’opposer b et c. Mais on ne peut analyser plus avant b ou 4 c, qui sont donc des unités minimales ( des phonèmes, unités phonologiques ayant une valeur distinctive). Par ce moyen, on veut établir un inventaire des unités distinctives de la langue, en les répartissant selon leurs niveaux. Le concept de « chaîne parlée » a l’inconvénient de donner l’impression que les éléments de la langue sont tous sur le même plan, alors qu’en réalité la langue se présente comme une hiérarchie de constituants situés à des niveaux d’analyse différents. A. Martinet (Eléments de linguistique générale) distingue des unités de la première articulation du langage, les monèmes, qui sont des unités biplanes ( signes linguistiques minimaux) et les unités de la deuxième articulation, les phonèmes (unités appartenant au plan phonique, dépourvues de sens mais ayant une valeur distinctive, comme p et b). L’analyse distributionnelle, méthode apparue vers 1930 aux USA, sous l’impulsion de L. Bloomfield, visait à établir les classes distributionnelles, formées d’éléments qui peuvent apparaître dans les mèmes environnements syntaxiques. L’analyse distributionnelle vise précisément à définir les unités linguistiques par les restrictions combinatoires. Sur cette base, on peut dégager des classes d’éléments. Par exemple, on s’est aperçu que cheval, père, fauteuil, salon,etc. sont commutables (peuvent se substituer les uns aux autres) dans un grand nombre de contextes. On les a regroupés dans la même classe paradigmatique, la classe des noms. . De même, dans un contexte comme # _ petit panier est posé sur la table # (le signe – représente la classe d’éléments dont on veut établir la distribution) on peut faire commuter le, mon, ce, chaque, etc., qui constituent la classe distributionnelle dite la classe des déterminants. Ces classes ne sont pas définies en fonction de la signification des éléments qui les composent, mais sur le critère formel des possibilités distributionnelles communes1. . Pour ce qui est des relations distributionnelles entre deux unités de la langue, plusieurs cas sont à considérer : - si deux unités ont les mèmes contextes, c’est-à-dire qu’elles peuvent commuter partout l’une avec l’autre, on dit qu’elles ont la même distribution et font partie de la même classe distributionnelle. Les unités linguistiques qui apparaissent dans les mêmes environnements sont en distribution contrastive. - si deux unités n’ont aucun contexte commun, elles sont en distribution complémentaire. C’est le cas de la classe du déterminant et du nom, qui figurent nécessairement l’un à la suite de l’autre, et non à la même place dans la chaîne parlée. - deux unités peuvent avoir des distributions en intersection (les deux unités figurent dans des contextes communs mais il existe des environnements où seul un des deux peut apparaître) ou des distributions incluses (une des deux unités figure dans tous les contextes où peut figurer l’autre unité, mais elle a aussi encore d’autres contextes qui lui sont spécifiques). Par exemple, la distribution de grièvement est incluse dans celle de gravement, car on peut dire :Il est gravement (ou grièvement) blessé, mais uniquement Il est gravement malade. 1 On appelle distribution la somme de tous les environnements dans lesquels peut figurer un élément de la langue. Par environnement ou contexte on comprend les éléments de la langue qui peuvent figurer avec un élément donné, qui lui sont contigus 5 Les éléments qui ont des contextes d’occurrences communes, mais aussi des contextes d’occurrences différentes, sont en distribution défective. Entre le concept d’opposition et celui de distribution existe une relation indissoluble1. Pour que deux unités linguistiques puissent s’opposer sur l’axe paradigmatique (des substitutions), il faut qu’elles aient une équivalence distributionnelle au moins partielle, c’est-à-dire qu’elles puissent figurer dans plusieurs contextes communs. S’il arrive que deux unités soient équivalentes du point de vue distributionnel, sans être en opposition, on parle de variation libre. Par exemple, dans l’énoncé : Paul a été à Paris. est allé a été et est allé sont en variation libre. Prenons un autre cas, celui du r français « roulé » et du r grasseyé, dont la réalisation n’est en rien conditionnée par le contexte, mais dépend de l’histoire individuelle du locuteur. Ce sont des variantes du même phonème r.En ce qui concerne l’élément (d’habitude, un phonème, unité phonologique à valeur distinctive) qui ne peut se rencontrer dans un contexte donné, on dit qu’il connaît une restriction de distribution. L’Analyse en constituants immédiats (ACI). C’est une méthode structurale introduite par les distributionnalistes américains. Elle permet de considérer la phrase comme une hiérarchie de niveaux et un système de dépendances syntaxiques entre diverses catégories, que l’analyse met en lumière. Le but de l’A.C.I. est de décomposer toutes les phrases jusqu’aux unités minimales de signification (unités biplanes) en dégageant des hiérarchies d’éléments emboîtés les uns dans les autres. On offre ainsi une description structurale de chaque phrase, avec l’indication de la catégorie à laquelle appartient chaque constituant (nom, verbe, adjectif, morphème de flexion, etc) et des relations existant entre ces catégories. L’A.C.I. range dans une même classe distributionnelle les unités pouvant figurer dans les mêmes environnements. Ces substitutions sur l’axe paradigmatique servent à identifier les équivalences syntaxiques qui ne doivent modifier le statut syntaxique du contexte. Par exemple, si dans l’énoncé Les fleurs rouges me plaisent on remplace rouge par rangées dans le vase en crystal on obtient aussi une phrase grammaticale ayant une structure syntaxique semblable. Analyser un groupement syntaxique en ses « constituants immédiats » c’est montrer quels sont les constituants de niveau immédiatement inférieur dont il est fait, ces constituants étant eux-mêmes passibles d’une nouvelle analyse jusqu’à l’ultime niveau des unités ayant une signification, celui des morphèmes. 1 Deux sons qui se trouvent en rapport de commutation doivent avoir au moins un trait distinctif, qui réalise une opposition au niveau hiérarchique supérieur. Par exemple, la sonorité dans le cas des consonnes [p] (sourd) et [b] (sonore) distingue les mots poire et boire. Même s’ils forment une paire homorganique, étant les deux explosifs et bilabiales, la différence de sonorité réalise le rapport de commutation entre [p] et [b]. La méthode de la distribution, similaire à la commutation autant du point de vur de la procédure structurale que de celui de son évolution en linguistique, a été introduite par les descriptivistes en phonétique, mais ultérieurement elle s’est vite imposée dans l’analyse de tous les autres niveaux de la langue. La distribution d’une unité linguistique représente la totalité des environnements linguistiques (contextes) où elle peut apparaître. 6 Dans l’A.C.I. on étudie les structures syntaxiues « canoniques », formées d’un SN (syntagme nominal) et d’un SV (syntagme verbal)1. Le cadre de l’analyse est toujours la phrase (P). Premièrement, on dégage les deux constituants immédiats de la phrase, qui sont nommés syntagme nominal sujet (SN1) et syntagme verbal. Comment doiton découper la phrase Un oiseau rouge vole dans le jardin, pour dégager des groupes cohérents syntaxiquement ? En principe, si plusieurs coupes sont possibles, on préfère celle qui permet le plus grand nombre de substitutions. Donc, la coupe Un oiseau rouge / vole dans le jardin doit être préférée à celles entre Un oiseau rouge vole / dans le jardin ou Un oiseau rouge vole dans / le jardin car on peut substituer un papillon à oiseau, joliment colorié à rouge, se pose à vole, sur un arbre à dans le jardin. On met entre parenthèses les séquences qui constituent des expansions de l’énoncé et le reste constitue le noyau de la phrase : Un oiseau (rouge) vole (dans le jardin).Entre les éléments de chaque syntagme il y a des relations de dépendance. On dit que deux éléments A et B se trouvent en relation de dépendance si , dans le contexte X_Y on pet avoir la suite XABY ou XAY mais non pas XBY : l’élément rouge est dépendant de oiseau, car il ne peut pas apparaître seul dans le même contexte. On appelle l’élément obligatoire d’un syntagme « centre » ou « tête » et les éléments dépendants une « expansion ». Le centre d’un syntagme nominal est un nom, tandis que le centre d’un syntagme verbal est un verbe. Le syntagme nominal français est composé de deux éléments, dont la présence est nécessaire : le déterminant et le nom. La classe des déterminants est la classe des éléments placés à gauche du nom, qui s’accordent avec lui et qui ont pour fonction de l’actualiser dans le discours. Ce sont les articles, les adjectifs possessifs et démonstratifs, les indéfinis. À ces deux constituants obligatoires s’ajoute un constituant facultatif, nommé modifieur (MOD.) représenté par les adjectifs qualificatifs (un chat gris, un athlète souple), par les relatives (le livre que j’ai lu), par certains syntagmes prépositionnels (SP) tels le livre de mon ami, la femme aux yeux bleus. Ces trois types de constructions dépendantes de Det-N peuvent commuter dans le même environnement : qui habite Paris Un ami sympathique m’a dit… de mon frère L’Adjectif lui-même peut être la tête d’un groupe syntaxique, appelé syntagme adjectival (SA) et avoir des expansions : un garçon très poli, un garçon épris d’une jeune fille, un garçon plus intelligent que ses collègues, etc. Le syntagme verbal a comme noyau un verbe. Le verbe peut figurer seul ou avoir des expansions de divers types (SN ou SP) selon les verbes : L’enfant dort (SN+ (V)), La femme épluche la pomme (SN+(V+SN)), La petite fille pense à sa poupéee(SN+(V+SP)). En général, on dit que le SN peut avoir la même structure interne quelle que soit sa position dans la phrase. Il existe un deuxième type de SV, formé d’un verbe copule (êêtre, sembler, paraître) suivi d’un SN, d’un SA ou d’un SP : Pierre est gentil / mécanicien / sur le stade. 1 un syntagme est une suite de morphèmes liés entre eux par des relations de dépendance et formant ainsi une unité syntaxique. 7 Le syntagme adjoint ou circonstanciel. Le syntagme adjoint (SAdj) a deux caractéristiques, il est mobile et facultatif. Une phrase reste bien formée lorsque le SAdj a commuté avec Ø, c’est-à-dire a été supprimé. Ainsi dans l’énoncé Jean se promène dans le parc le groupe dans le parc peut être supprimé, opération qui n’est pas possible avec Jean va (est) à Paris, où à Paris n’est pas un syntagme adjoint, mais il appartient au SV(on ne peut pas dire *Jean va ou * Jean est). Le critère de la mobilité permet de distinguer syntaxiquement la séquence toute la journée de la séquence toute la presse dans l’énoncé Il a lu toute la journé ou Toute la journée il a lu de l’énoncé Il a lu toute la presse où le déplacement est impossible avec toute la presse. L’A.C.I. permet de dégager et de représenter une hiérarchie des constituants sous une forme graphique. Le SN, SV, SAdj sont les constituants immédiats de P et se trouvent au même niveau d’analyse. De même, Det et N sont les C.I. de SN et sont situés au même niveau d’analyse que (V+SN) qui sont les C.I. du SV. Pour représenter graphiquement cette succession de niveaux hiérarchisés, plusieurs types de schémas ont été éprouvés (parenthèses, « boîtes »), mais on a opté pour les graphes arborescents appelés arbres. Chaque constituant est rattaché par une branche à l’élément dont il est le constituant. La phrase et ses trois constituants peut être représentée par un diagramme à trois branches : P SN SV SAdj Cette première couche de constituants est analysée à son tour, et ainsi de suite. Un exemple comme: La mère appelle l’enfant pour le déjeuner aura une description présentée dans le schéma qui suit : On appelle nœud tout symbole d’où partent des branches : P, SN, SV, SAdj sont des nœuds qui portent une étiquette, le symbole d’une catégorie syntaxique : nom, verbe, déterminant. Les symboles représentent des classes distributionnelles. L’arbre fournit des informations sur les niveaux hiérarchisés de l’analyse, sur les catégories auxquelles appartiennent les divers composants de la phrase (mère= nom, appelle= verbe) mais aussi une représentation des fonctions syntaxiques occupées par ces éléments : l’enfant apparaît comme un COD du verbe, grâce à sa position à droite du verbe, La mère est le sujet, car ce syntagme occupe une position à gauche du SV prédicat. La même fonction peut être assumée par diverses catégories : le sujet grammatical peut être exprimé par un nom commun, un nom propre, une phrase subordonnée sujet, un verbe à l’infinitif. 8 P SN Det SV N V SN Det la SAdj Prep N mère appelle le enfant SN Det pour le N déjeuner La phrase Les enfants ont regardé les fleurs du balcon présente une homonymie de construction, car elle est ambiguë du point de vue syntaxique. Elle peut recevoir deux descriptions structurales, représentées par des arbres différents : I-ère interprétation : c’est du balcon que les enfants ont regardé les fleurs P SN SV Det N V des enfants SAdj SN ont regardé les fleurs Prep de SN le balcon II_ème interpretation: les fleurs sont sur le balcon P SN Det SV N V Det SN N Mod Prep les enfants ont regardé 9 les fleurs de SN le balcon QUESTIONNAIRE 1. Quelles sont les méthodes d’analyse structurale ? Décrivez-les. 2. Quel est le spécifique de l’analyse en constituants immédiats ? 3. Que savez-vous sur le distributionnalisme ? 4. Analysez, d’après l »ACI, la phrase ambiguë Jean regarde les fleurs du balcon. 5. Réécrivez les symboles : SN, SV, GAdv, SPrép. 10 2. TEMA : LE MOT dans la langue et dans le discours Le structuralisme linguistique, dont l’initiateur a été Ferdinand de Saussure, est une conception révolutionnaire de la langue issue d’un renouvellement méthodologique. L’objet de la linguistique est, pour le structuralisme, l’étude, interne et synchronique, de la langue comme système de signes. Un principe fondamental du structuralisme est que la langue est un système de signes constituant un tout unitaire dont chaque élément est défini par l’ensemble des relations qu’il entretient avec les autres membres du système. Toute modification d’un élément désorganise et modifie l’ensemble. Le caractère systématique de la langue, fondé sur un jeu d’oppositions fonctionnelles, se retrouve au niveau de chacun de ses sous-composants : système phonologique, système syntaxique, système lexical. Les éléments de chaque soussystème se présupposent réciproquement. Les voyelles antérieures présupposent l’existence des voyelles postérieures, les consonnes sonores, celle des consonnes sourdes (en phonologie) ; le pluriel présuppose le singulier, le passé est en corrélation avec le présent et le futur (en morphosyntaxe). L’identification et l’analyse des unités discrètes de chaque sous-système de la langue (phonème en phonologie, morphème en morphologie, lexème en lexique) s’effectue sur les deux axes qui définissent les relations possibles entre les unités : - sur l’axe paradigmatique on établit les rapports entre une unité et toutes celles qui pourraient la remplacer dans un environnement (contexte) donné. Le remplacement d’une unité par une autre unité s’appelle substitution ou commutation. Un paradigme est un ensemble d’unités pouvant commuter avec une unité linguistique donnée, c’est-à-dire pouvant figurer dans le même contexte, en s’excluant mutuellement. Les rapports paradigmatiques sont des rapports d’oppositio, d’exclusion, des ubstitution (in absentia). - - sur l’axe syntagmatique, celui de la chaîne parlée, axe des combinaisons entre les unités. Sur cet axe, la valeur d’un élément est due aux rapports de contraste, de combinaison ou encore in praesentia qu’il entretient avec les autres éléments qui suivent ou qui précède. Par exemple, au niveau morphématique ( celui des unités douées de signification), dans le syntagme la petite fille, l’adjectif petite est en relation syntagmatique avec l’article la et le nom fille. Les agencement d’unités dans la chaîne sont soumis aux règles de bonne formation que l’on désigne sous le nom de structure. Saussure nomme syntagme toute combinaison de deux ou plusieurs unités linguistiques co-présentes, qui se suivent l’une l’autre et qui forment une unité minimale à la phrase. La phrase est considérée l’unité fondamentale dans les analyses des transformationnalistes et des générativistes, et non pas le mot. Vu toutes ces considérations, il est bien difficile de dire ce que c’est le mot. Le mot se trouve à la croisée des deux axes de la langue : l’axe syntagmatique, où s’établissent des relations entre termes co-occurrents (il concerne par là toutes les recherches de la grammaire structurale en morphologie, morphosyntaxe, syntaxe) 11 et l’axe paradigmatique, celui où s’établissent des relations entre termes substituables ( il renvoie par là aux questions touchant le lexique et le vocabulaire). Il reste tout de même une réalité psychologique, solidement encré dans la conscience linguistique des locuteurs. Le mot est une unité fonctionnelle de la langue, pouvant figurer dans le discourstexte. Il inclut, dans sa forme orale ou écrite, certains éléments appartenant au domaine de la grammaire (les marques de la flexion, qui servent à l’expression des rapports syntagmatiques entre les mots) ainsi qu’une partie porteuse de sens, de même que les éléments de la dérivation et de la composition. Dans l’analyse de type structural (saussurienne, distributionnaliste) une unité linguistique n’apparaît donnée d’avance : il faut l’identifier, la délimiter par des méthodes scientifiques. Le caractère vague et complexe du mot interdit de retenir cette notion comme un concept opératoire en linguistique structurale, mais cet élément est essentiel au sentiment linguistique des locuteurs. Les limites phoniques et graphiques du mot sont difficiles à établir. Pour rendre compte du fonctionnement et de la structure véritable de la langue, la linguistique structurale a défini l’unité minimale de signification : le morphème dans la tradition du distributionnalisme américain ou le monème dans la terminologie d’A. Martinet. Le morphème ou monème est le signe linguistique minimal. Le mot : problèmes de segmentation du mot Comme le dit Martinet (Eléments de linguistique générale), le mot, qu’il appelle syntagme autonome (B. Pottier l’appelle lexie) est comparable à un « écran » derrière lequel se cachent les traits réellement fondamentaux du langage humain. Entre le mot et le monème, plusieurs rapports sont possibles : - le monème est équivalent au mot, dans le cas des mots « simples » : travail, calcul constituent chacun un seul monème ; - le mot comprend plusieurs monèmes (travaill-ons, calcul-ateur) - plusieurs mots ne forment qu’un monème, ayant un sens unique et un seul référent : arc-en-ciel, au fur et à mesure. Les monèmes se divisent eux-mêmes en deux catégories : les monèmes grammaticaux (appelés dans la tradition américaine morphèmes) et les monèmes lexicaux ou lexèmes, porteurs de sens lexical ou référentiel. Un morphème peut être un mot ( l’article le, le pronom je) ou seulement une partie de mot ( -ait dans je regard-ais) Cette division entre morphèmes et lexèmes est opératoire, car elle permet d’expliquer le fonctionnement de la langue (point de vue lexical et point de vue grammatical), qui resterait incompréhensible si l’on s’en tenait aux divisions en mots de la phrase. La segmentation de la chaîne parlée se heurte souvent à des difficultés considérables : il arrive qu’on ne puisse pas identifier « physiquement » les monèmes au sein du mot. Il est ainsi impossible de segmenter le terme chevaux en un terme cheval et un morphème qui marque le pluriel. Pour pallier à cette difficulté, certains linguistes ont introduit la distinction entre morphème et morphe. Dans cette optique, le morphème cesse d’être un segment physiquement repérable dans le mot pour devenir un constituant grammatical abstrait. On dit alors que dans chevaux il y a deux 12 morphèmes : cheval+ pluriel (Martinet parle dans ce cas de monème amalgamé). Le nom de morphe désigne les morphèmes sous leur aspect concret, physique. Dans l’exemple donné, un seul morphe, chevaux, exprime deux morphèmes, « cheval « et « pluriel ».Cette optique permet de trouver une solution aux différentes réalisations du même morphème : ainsi /aller/ est-il réalisé en français par des allomorphes (formes différentes) : all-, v-, i- (nous allons, je vais, nous irons). Souvent, le lexème base de la dérivation peut avoir une forme un peu différente de celle du mot de dictionnaire: construc-tion (vb. construire), institu-teur (vb. instruire), malé-dic-tion (vb. maudire),etc. Dans les composés savants, appelés recomposés, on observe un phénomène semblable de variation morphophonétique des lexèmes-bases latins ou grecs: lexico-log-ie (gr. Lexis, « mot » et logos , « discours, science »). On peut se demander alors s’il y a des critères formels d’identification du mot construit (dérivé ou composé). Les linguistes ont proposé plusieurs tests : 1. Le critère de l’inséparabilité des éléments. Le mot ou unité lexicale se caractérise par une forte cohésion interne entre ses éléments. A.Martinet reconnaît comme « mots » (lexies) deux types de structures : un syntagme autonome caractérisé par l’inséparabilité de ses composants ( du type pomme de terre, assistante sociale) et les ensembles de monèmes caractérisés par une grande diversité (les termes dérivés, du type alignement, soudeur, introuvable). L. Bloomfield définit le mot comme « forme libre minimale », c’est-à-dire comme forme qui « peut être émise seule mais qui est indécomposable en éléments qui puissent (tous) être émis seuls avec un sens ». Par exemple, calculateur est un mot, car si on peut émettre calcul seul, on ne peut faire de même avec –ateur. Cette définition ne couvre pas les mots grammaticaux, comme l’article le ou la préposition avec. 2. L’ordre rigide des éléments . Dans les langues flexionnelles, comme le latin et le français, les morphèmes s’unissent dans un mot en respectant des règles strictes de combinaison. Un préfixe précède toujours un lexème, tandis qu’un suffixe le suit. Les marques de la flexion (en genre, en nombre, les terminaisons des verbes) sont les derniers éléments d’un mot. 3. Les unités lexicales échappent à l’analyse syntaxique. Théoriquement, seuls les syntagmes libres, énoncés en technique du discours, peuvent être analysés en termes de structure (syntaxe de la phrase). Les éléments constitutifs des segments figés, appelés « discours répété » par E. Coseriu, ne se soumettent pas à ce type d’analyse, parce qu’ils ne sont pas commutables, et constituent des blocs lexicaux qui, eux, participent de la technique du discours à condition d’être examinés globalement. Si on veut les faire commuter avec un autre mot (synonyme ou antonyme), la substitution se fait en bloc : pomme de terre / navet/ radis / légume ; prendre la porte / sortir. Bien souvent, le sens des locutions, des expressions verbales et des proverbes devient opaque à l’analyse de chaque élément constitutif, car le sens global, figuré (le plus souvent métaphorique) ne résulte plus de la somme des sens de tous les composants : pomme de terre, baisser pavillon, la nuit tous les chats sont gris. 13 Critères d’identification et de délimitation des mots L’identification et la délimitation des mots dans la chaîne parlée se heurte à plusieurs difficultés. Plusieurs critères permettent aux linguistes d’identifier les mots. I. le critère phonique n’offre pas des repères trop sûrs. En principe, la position de l’accent d’intensité est sur la dernière voyelle prononcée. Mais l’existence du groupe rythmique, qui donne une prononciation liée aux mots d’un syntagme, fait difficile l’application de ce critère. De même, l’existence des phénomènes tels la liaison ou l’élision rend encore plus difficile la délimitation des mots sonores. Un critère plus sûr est le critère syntactico-sémantique. II. Le critère syntactico - sémantique A. Les unités morphologiquement complexes et graphiquement simples Un mot n'est pas toujours simple. Des termes comme maisonnette, beauté, dizaine (dixième), repasser ont le même droit à l'inventaire dressé par un dictionnaire que maison, beau, dix, passer. Ces mots dérivés, issus d'un processus dérivationnel, sont formés d'au moins deux composants: 1. une partie qui sert de support de la signification (du sens référentiel), appelé sémantème ou lexème, dont la présence indique qu'il s'agit d'un mot à sens plein. 2. un ou plusieurs morphèmes (affixes). Les affixes comprennent d'une part les flexions (classes fermées et homogènes, se présentant dans les langues indoeuropéennes sous la forme de désinences verbales ou de marques nominales du genre et du nombre), et d'autre part les préfixes et des suffixes, qui aident à la formation de nouveaux mots. Les préfixes et les suffixes ne peuvent pas actualiser le mot dans le discours, mais ils déterminent le choix des actualisateurs discursifs qui permettent au mot de recevoir une certaine fonction syntaxique. Par exemple, le suffixe de verbalisation - er attaché à concert donne à celui-ci la possibilité de fonctionner en tant que verbe–concerter et de recevoir les désinences verbales de temps, de mode et de personne ou la marque nominale du pluriel (nous nous concerterons). Le suffixe-tion accorde à un verbe comme inspecter le statut de substantif du genre feminin, inspection, qui peut recevoir la marque du pluriel et l’article. 14 Le lexème n'a d'existence réelle qu'à l'intérieur d'une famille de dérivés (famille de mots) qui ont en commun une certaine valeur sémantique (enfant, enfantin, enfantillage, enfanter) ou à l'intériéur de la déclinaison ou de la conjugaison d'un verbe (chante, chantons, chantais). Il se peut que le lexème ait perdu sa motivation sémantique, il n'a plus de sens pour le locuteur par lui-même, mais seulement dans un dérivé (mot morphologiquement complexe et sémantiquement simple) ; par exemple animer (formé du lat. anima „souffle“ , qui a perdu son sens pour le locuteur français actuel) est lié à animateur, animation ; animal est lié à l'adjectif animalier et au verbe animaliser. Entre animer et animal le locuteur de nos jours ne perçoit plus aucune liaison sémantique, ce qui le détermine à interpréter ces mots comme des termes simples et qui n’appartiennent pas à la même famille. Dans un terme forgé comme l'adverbe anticonstitutionnellement, on distingue: un lexème primaire constitu(tion), "ensemble des lois fondamentales d'un Etat"; 3 morphèmes : anti-, qui exprime l'idée de négation ou d'opposition; -el, "conforme à " et-ment-"de façon". Le terme tout entier est paraphrasable par le syntagme „de façon non conforme aux lois fondamentales de l'Etat“, possibilité qui met en évidence la liaison étroite qui existe entre la syntaxe et la formation des mots. La répartition des mots en mots simples (couteau, dix, beau), mots construits ou complexes (dizaine, beauté, pomme de terre) et mots fléchis (donnerons) met ou évidence la fait qui la lexicologie est l'étude des mots simples et des mots construits et non pas des formes morphologiques. Mais un mot flexionnel, comme le verbe français, constitue-t-il un seul mot ou autant de mots qu'il comporte de formes diverses? À cette question, J. Picoche (1992 : 15) répond: „Nous croyons sans inconvénient de considérer le verbe, global et abstrait, comme un mot et de parler, quand on veut mettre en valeur sa diversité morphologique, de formes de ce mot". Les formes donne, donnerons représentent le même verbe donner. La tradition impose d'employer le concept de radical ou base à la place de lexème, quand on se place dans une perspective morphologique dans l'analyse des mots fléchis. Le terme racine est reservé à la perspective diachronique, aux reconstitutions de formes 15 présupposées avoir eu une existence historique, pour expliquer les rapports formels qui existent entre de nombreux mots indo-européens. Par exemple, les noms de parenté ont une origine latine commune en français comme en roumain: lat.filius> fr. fils, roum. fiu ; lat. mater>fr. mère, roum. mamă. B. Les unités graphiquement complexes à signifié unique Il y a des cas où les lexèmes s'associent dans une unité de fonctionnement stable, enregistrée par la langue: pomme de terre, assistante sociale, fer à repasser. On les appelle traditionnellement mots composés, quand ils ont le statut grammatical de substantif ou d'adjectif, et locution, lorsqu'il s'agit d'une association stable de deux ou plusieurs adverbes, prépositions ou conjonctions ; plusieurs éléments nominaux groupés autour d'un verbe – pivot forment une expression ou locution verbale, dont le sens n’est pas prédictible à partir du sens des composants: faire noir, baisser pavillon, avoir peur . Le mot composé est une association stable en langue, destinée à exprimer un concept unique, quoique complexe. Il est interprété comme le signifiant d'un seul concept et non comme l'association d'un déterminé et d'un déterminant, interprétation propre au syntagme libre, de discours (du type le cahier marron, un ciel de glace) et dont la construction formelle peut être absolument identique. Dès 1960, A.J. Greimas remarque que la „praxis historique de la langue déborde largement les cadres majeurs syntaxiques du mot en créant des unités lexicales de type différent" (in Cahiers de lexicologie, 1960, p.50). Il les appelle du nom lexie, déjà employé par B. Pottier dans une acception différente(v. supra, 2.0). Les plus importants tests qui permettent d'indentifier les lexies sont la commutation (la substitution) en bloc avec une unité simple, la fréquence (les nombreux emplois discursifs de ce groupement de mots) et l'inséparabilité des composants. Le critère de la commutation ou de la substitution permet à une unité complexe lexicalisée d'être sentie comme un mot unique et d'entrer dans un réseau d'oppositions avec des unités simple, d'où elle tire sa valeur: Prenez la porte! peut être remplacé par le synonyme 16 Sortez/ et s'oppose à Restez! ; la pomme de terre s’oppose à poireau, radis ou à tout autre nom de légume. La commutation terme à terme n'est pas possible dans le cas des syntagmes lexicalisés. Là où on peut l’appliquer tout de même, c'est que le degré de cohésion entre les termes n'est pas trop grand, comme dans: chemise de nuit, (mais aussi chemise de jour, robe de nuit). En échange, ici joue le critère de l'inséparabilité: on ne peut pas dire: *chemise blanche de nuit mais chemise de nuit blanche. Par son statut lexical, pomme de terre (mot composé), est différent de pomme de terre glaise, où on distingue trois mots– pomme, de, terre glaise–, qui se trouvent dans-une association libre et pour lesquels la commutation terme à terme reste possible: L'enfant a modelé une pomme de terre glaise/une poire en plâtre. Au critère de l'inséparabilité et de la commutation globale s'ajoutent des critères secondaires, comme : l'impossibilité de coordoner ou de reprendre un seul des éléments du composé–le composé ne peut avoir une forme elliptique : *un chemin de fer et de terre, *je préfère le chemin de fer à la route, le chemin étant moins fatigant sont des énoncés fautifs, agrammaticaux . « Le fait qu'un groupe de mots soit ou non lexicalisé n'est pas toujours incontestable, l'unité lexicale complexe n'a rien de son aspect formel qui la distingue d'un syntagme libre, les critères ne sont pas toujours convergents et peuvent laisser place à diverses interprétations », affirme J. Picoche( 1977, p.16). Elle exemplifie avec la locution faire peur, commutable en bloc avec effrayer , mais dont les composants sont séparables: faire une peur bleue, cela me fait très peur, faire une peur affreuse et pour lesquels la coordination reste possible: faire peur et plaisir à la fois. Ainsi va-t-on décider du statut adéquat de l'unité complexe en fonction du contexte syntaxique et sémantique. Le plus souvent, dans les unités complexes parfaitement lexicalisées, les termes composants ont perdu leur valeur sémantique indépendante au profit d'un sens nouveau, unitaire: eau de Cologne n'est pas de l'eau et n'a plus de rapport avec la ville de Cologne. Le meilleur critère d'identification de l'unité complexe reste donc de nature sémantique et dépend beaucoup de l'expérience et des connaissances professionnelles du locuteur. Pour le spécialiste, les groupes aiguille aimantée, bacille de Koch sont indécomposables, dénotant une classe d'instruments ou de bacilles, tandis que pour le locuteur habituel et même pour le lexicologue, ces associations peuvent apparaître 17 comme des syntagmes libres, de discours. Il y a une différence formelle entre les mots composés proprement dits, comme gratteciel, coupe-papier, chien-loup, écrits avec trait d'union dans les dictionnaires, et des associations plus nouvelles comme assistante sociale, chemise de nuit, fer à repasser, etc. E. Benveniste (Forme nouvelle de la composition nominale, in PLG, II,1966) appelle ces dernières synapsies et les considère spécifiques pour les vocabulaires techniques. Nous allons y revenir à l'occasion de la composition comme procédé d'enrichissement néologique, non sans rappeler les caractéristiques de ce type d'unités syntagmatiques, selon Benveniste: la nature syntaxique (et non morphologique) de la liaison entre les deux composants ; l'emploi des joncteurs à et de pour manifester cette liaison; l'ordre déterminé + déterminant des membres et la possibilité du choix libre de tout substantif et adjectif comme constituant de ces unités ; les possibilités de nouvelles déterminations supplémentaires des deux termes mis en relation, comme : oiseau métallique (un des noms primitifs de l’avion)→ oiseau métallique à ailes battantes ; moteur à réaction→ moteur à réaction en quatre temps, etc. III. Le critère graphique Pour un typographe, un mot est une suite de signes typographiques délimitée par deux blancs typographiques. Dans la graphie des mots français, c'est l'élément de convention qui prédomine : gendarme constitue un seul mot, quoiqu'il fût à l'origine un composé ; arc-en-ciel, mot composé, a une forme semi-conjointe, tandis que le composé pomme de terre a une forme disjointe. Les préfixes connaissent une graphie aussi variable que les composés. Il semble que le degré de soudure graphique est en liaison directe avec l'usage du terme et son ancienneté en langue. Les synapsies, qui sont des formations nouvelles ayant un joncteur (une préposition) qui lie les deux lexèmes composants, s'écrivent sans trait d'union: rat de bibliothèque, eau de Cologne, moteur à réaction, assistante sociale. Ainsi, les limites graphiques des mots ne correspondent pas aux limites orales ; mieux encore, mots graphiques et mots phoniques ne coïncident pas avec les unités de la langue et ne donnent pas une juste idée de sa structure véritable.La linguistique structurale s’est essayée à définir l’unité de base de la langue : le morphème dans la tradition américaine ou le monème dans la terminologie de Martinet. Le problème du mot 18 doit être situé par rapport à notre connaissance de cette unité minimale de signification. Arbitraire et motivation du signe lexical Entre le signifiant d'un terme (la suite de phonèmes) et le concept qu'il évoque (le Sé), il n'existe aucune relation naturelle et motivée, quoique leur présence soit indispensable et nécessaire pour que le signe existe, telles les deux faces d'une feuille de papier, le recto et le verso (cf. F. de Saussure, Cours de linguistique générale). Le signifié (Sé) et le signifiant (Sa) sont les éléments constitutifs inséparables du signe linguistique. Saussure a mis en évidence le fait que n’importe quel signifiant pourrait correspondre à n’importe quel signifié. Donc, il faut comprendre que le qualificatif d’"arbitraire" ne s'applique guère à la liaison, nécessaire et constitutive, qui unit le Sé au Sa, mais au fait que telle forme sonore spécifiée du Sa n'a aucun rapport naturel (extralinguistique) avec le concept qu'elle exprime. Chaque langue dispose de son propre signifiant pour désigner le même référent, exemple : fr. PAIN, angl. BREAD, all. BROT, russe XЛEБ. Cette thèse fondamentale de l'arbitraire du signe doit être nuancée par l'observation du phénomène appelé motivation, qui revêt plusieurs aspects. 1. Du point de vue diachronique, tout signe apparaît comme motivé par rapport à un mot d’origine, dont il provient. Il s'agit de l'étymologie, qui permet d'établir l'histoire des signifiants et des signifiés, considérés isolément ou en système. L'histoire des signifiants, mieux connue que celle des signifiés grâce au travail érudit mené par les linguistes depuis deux siècles, permet de retrouver l'ancêtre de presque tout mot français actuel. Celui-ci est motivé du point de vue génétique par rapport à son étymon. Le terme fr. père s'explique par le terme latin pater, maison par le latin mansio, mansionem, de manere, « rester » (qui a remplacé en bas latin casa, devenue la préposition chez). Bien souvent, le mot a subi en dehors d’une modification phonétique, une alteration de son contenu sémantique: viande - lat. pop. "vivenda, de vivere, „ vivre", signifiait, avant le XVI-ème siècle, „aliment dont se nourrit l'homme“ ; le sens moderne est celui de „ chair des mammifères et des oiseaux que l'homme emploie pour sa nourriture “, plus particulièrement, „chair des animaux de boucherie“; avec une nuance péjorative, il peut signifier „chair de l'homme, corps“. 19 2. La motivation phonétique s’applique aux seules formations dont le signifiant a une relation extralinguistique avec le signifié–les onomatopées, les interjections et les cas d’expressivité phonétique, qui se trouvent aussi bien dans le langage des enfants (ludique) que dans les tours poétiques des grands poètes. Les interjections et les onomatopées sont les signes linguistiques les moins abstraits, étant des représentations directes de la réalité et, semble-t-il, les plus anciens en langue .Exemples : chuchoter, clapotis, bouf ! (chute d’un corps) aïe !(douleur physique), frou-frou (bruit d’un tissu), etc. Ch. Bally parle d'une «motivation par le signifiant » et F. de Saussure de «motivation absolue ». Il s’agit des interjections et des onomatopées, du symbolisme phonétique, de l'intonation, de l'accentuation expressive. C'est la question de l'expresivité des sons du langage. C'est un fait reconnu que des onomatopées sont propres à chaque langue et incompréhensibles pour les étrangers, tant elles sont intégrées au système phonologique spécifique à chaque langue. Le coq français chante cocorico, celui anglais cook-adoodle-doo, celui allemand kikiriki. Chez les poètes, le symbolisme phonétique résulte de certains sons, dont l'emploi répété suggère certains sentiments et sensations. Voilà un exemple de symbolisme phonétique chez Racine : Songe, songe, Céphise /À cette nuit cruelle / Qui fut pour tout un peuple / Une nuit éternelle.(Andromaque). 3. La motivation dérivationnelle. Elle représente le type de motivation relative le plus important et le plus courant. Un mot construit est lié, par la forme et par le sens, au mot dont il est issu, de même qu’aux autres mots formés à partir du même terme. La motivation peut être réalisée par la dérivation et par les figures sémantiques à la fois. Un verbe comme enraciner est motivé par dérivation (racine, déraciner) et par figure sémantique en même temps (au figuré). En classe de langue, l’apprentissage du lexique doit s’appuyer sur ce type de motivation. La motivation dérivationnelle a un caractère pratique et fonctionnel, elle est la prise de conscience des montages, des modèles, que possède le locuteur pour varier et assouplir son expression. Elle est explicite: chaque segment du signifiant apporte de nouvelles déterminations catégorielles aux traits sémiques du signifié: - eur, -ateur, attaché à une base, lui donne le sens de «instrument 20 de l'action». Elle doit avoir la priorité dans l'enseignement, à la différence des recherches étymologiques qui ont un caractère culturel, érudit, dont on peut se passer dans l'apprentisage d'une langue étrangère. On considère comme motivé tout mot qui se rapporte à d'autres termes dans la langue. Ainsi, les mots écrire, écriture, écrivain sont motivés par rapport les uns aux autres et par rapport au lexème écriv-. 4. La motivation sémantique. Les sens originels de beaucoup de mots se sont restreints ou se sont élargis par des procédés sémantiques connus. Un mot employé au sens figuré est motivé par rapport à un autre mot, par exemple colombe est motivé par rapport à femme aimée, nommé terme propre. Les mots qui peuvent acquérir contextuellement des sens figurés sont appelés métasémèmes et appartiennent aux catégories grammaticales suivantes: substantif, verbe, adjectif, adverbe. On emploie métaphoriquement, dans le langage quotidien, pour réaliser des effets expressifs, des noms de métaux (or, argent—une voix d’or), de fleurs (les roses de ses joues, sa blancheur de lys), d'oiseaux (un regard d’aigle, gai comme un pinçon) d'animaux (c’est un ours mal léché, un vrai renard), des verbes comme fleurir, glacer, des adjectifs comme doux (regard doux), aigre (voix aigre), etc. Ces déterminations associatives expressives se réalisent dans le langage quotidien ou dans les textes poétiques. Dans les vocabulaires de spécialité, elles possèdent une fonction purement dénominative, pour désigner certains objets (nom d'outils: queue-derenard, pied-de-biche, noms de plantes: gueule-de-lion, belle-de-nuit, noms d'animaux: cheval marin, demoiselle) là où les termes propres manquent. Elles s’appellent catachrèses. La motivation permet de faire l'économie de définitions. Le contexte, joint à l'étymologie, suffit pour l'intelligibilité du terme dérivé. Les seuls signes qui sont purement arbitraires sur le plan synchronique sont les mots les plus fréquents de forme simple (les mots-outils grammaticaux, comme les pronoms, les prépositions, les conjonctions) qui n’ont pas de fonction référentielle, et les emprunts à d’autres langues, qui sont isolés en français. Ainsi, l'introduction de mots étrangers trop nombreux risque-t-elle d'augmenter considérablement le nombre des 21 vocables plus ou moins isolés, considère A. Sauvageot (Français écrit, français parlé, 1962.), car ils ne se rapportent à aucun autre mot français et ils sont immotivés pour le locuteur français. Dérivation et composition Comme le genre et le nombre, les phénomènes de dérivation et de composition affectent les catégories majeures de la phrase. Il est rare qu’à un nom ou adjectif corresponde un seul monème : timbre-poste, signe unique, est constitué de deux unités(lexèmes), autonomes par ailleurs, douées d’un signifiant et d’un signifié (phénomène de composition),tandis qu’inutile est constitué de deux monèmes (in- et utile) dont l’un est un affixe et l’autre un monème radical (phénomène de dérivation et d’affixation). On appelle souvent parasynthétiques les mots qui contiennent un préfixe et un suffixe indissociables : par exemple, revitaliser,, puisque ni *revital ni *vitaliser ne sont attestés dans la langue. Toute unité lexicale est soit un monème radical (non analysable plus avant), soit un terme composé, soit un terme affixé (dérivé). A. L’Affixation (ou dérivation) Commençons par définir les notions de terme de base et de monème (ou morphème) radical. Un monème radical est une unité à laquelle on ne peut rien enlever par commutation (ex. fleur, rouge, table). Un terme de base est toute unité à laquelle est adjoint un affixe. ; ce peut être donc un monème radical ou un dérivé (fleur comme variable sont termes de base par rapport à fleuriste et invariable). A la différence des monèmes radicaux, les mots affixés ou composés ne sont pas totalement immotivés, puisque leur forme obéit partiellement à une motivation intralinguistique : si fleuriste désigne un marchand de fleurs, c’est à cause du sens de ses éléments constitutifs. On ne considère un élément comme affixe que s’il permet de constituer des oppositions ou des commutations. De ce fait, seule la synchronie sera pertinente pour le repérage des morphèmes radicaux. Ainsi remuer sera considéré comme un morphème radical même si l’étymologie montre qu’il dérive de muer par préfixation. En effet, outre leur différence de fréquence, les signifiés de muer et remuer sont maintenant trop distants pour permettre d’analyser en deux monèmes remuer (chose possible avec dé-faire). La distinction préfixe /suffixe repose théoriquement sur la seule position de ces éléments par rapport au terme de base : les préfixes sont placés avant, les suffixes après. Mais il faut ajouter que les préfixes ne changent jamais la catégorie syntaxique du terme de base, alors que la plupart des suffixes le font (bleu est un adjectif et bleuir est un verbe, tandis que avis et préavis sont des substantifs). Si la grande majorité des suffixes sont dépendants du terme de base et ne sauraient en être 22 dissociés, un grand nombre de préfixes sont susceptibles d’un autre fonctionnement : sur est à la fois préfixe (surestimer) et préposition (sur la table), de même que sous, entre, etc. La distinction entre morphes (unités de surface) et morphèmes (unités abstraites) est importante en matière d’affixation. En effet, il est fréquent que la préfixation et la suffixation amènent des modifications phonétiques dans le terme de base ou dans l’affixe. Ce phénomène est rendu encore plus patent en français du fait de l’existence d’affixations savantes, fondées sur la nature de l’étymon latin ; ainsi concevoir a donné conception, par référence au mot latin conceptio ; le nom dérivé du verbe maudire est malédiction. Il arrive aussi qu’il existe deux dérivés suffixaux, l’un savant, l’autre populaire (légal/loyal). De même, le morphème préfixe in- se réalise sous la forme de divers allomorphes (il-, ir-, im-) selon la consonne initiale du terme de base : illetré est constitué de deux morphes il+ lettré, qui correspondent à deux morphèmes : in+lettré. La préfixation A la différence des suffixes, beaucoup de préfixes sont polyvalents, c’est-à-dire qu’ils servent indistinctement à former noms, verbes, adjectifs. (surproduction, surestimer, surabondant). Cela n’exclut pas toutefois une certaine spécialisation : ainsi anti- et pro-, parmi bien d’autres, sont plutôt réservés aux noms et aux adjectifs ;quand aux préfixes verbaux, les plus utilisés sont les micro-systèmes dé-/re(gonfler/dégonfler/regonfler) et en-/dé-(emménager/déménager). Il n’est pas facile d’énumérer les préfixes et de les classer :les grammaires traditionnelles se fondainet sur l’étymologie pour les reconnaître et distinguaient préfixes d’origine grecque et d’origine latine. Dans une perspective structurale, il convient de ne retenir que ceux qui sont suffisamment productifs en français contemporain. De même, on fait souvent une distinction entre préfixes savants (provenant du grec ou du latin) et préfixes populaires. Anti-, qui est d’origine savante, est plus disponible pour les locuteurs que contre-, qui est populaire. Actuellement, on assiste à une pénétration massive dans la langue usuelle de préfixes savants, du fait de l’importance croissante des techniques, des débats d’idées, de la publicité ; c’est ainsi qu’ archi-, extra-, ultra- ont perdu leur caractère spécialisé, tout en continuant de fonctionner par ailleurs dans les vocabulaires techniques. On pourrait établir une répartition intéressante des préfixes en tenant compte de leur productivité et de leur « perceptibilité » par les locuteurs : - préfixes perceptibles et productifs (anti-, re-, re-,etc) - préfixes perceptibles mais peu productifs (outre, mé-, etc) -préfixes perçus par la seule analyse diachronique et non productifs(tres- dans tressaillir, ad- dans advenir, ab- dans abhorrrer,etc). Ce phénomène de perception est lié au degré d’acculturation des locuteurs. Il faut tenir compte enfin de l’usure des préfixes : re- dans remplir ou rentrer a progressivement perdu de sa signification, d’où les formes parlées rerentrer. De toute façon, il est impossible d’étudier les préfixes un à un ; il faut étudier les commutations qu’ils rendent possibles, les concurrences éventuelles (dia- et trans-, par exemple), les micro-systèmes de préfixes (sur- et sous- s’opposent, comme pré- et 23 post-, etc), les contraintes dans leur usage liées aux situations de communication et aux registres de langue, ainsi qu’aux types de discours. La suffixation La plupart des suffixes, sauf ceux qui ont une valeur diminutive ou péjorative (maison, nommaisonnette,nom ; rêver,verbe rêvasser, verbe) servent à faire passer un mot d’une catégorie syntaxique à une autre : manger (verbe) mangeur (nom), « celui qui mange ». Leur nombre est très variable selon les linguistes : d’une cinquantaine à cent cinquante ! Alors que certains répertorient en synchronie tous les suffixes attestés par commutation, d’autres ne retiennent que ceux qui sont encore productifs. La productivité des suffixes. Pour être productif, c’est-à-dire disponible pour les énoncés toujours nouveaux des locuteurs, un suffixe doit être perçu comme tel, nettement distinct des termes de base auxquels il est adjoint,et ces termes doivent être en assez grand nombre et assez fréquemment utilisés pour rendre possibles de nouvelles suffixations. Un tel suffixe productif est –iste pour la formation des noms de professions ou d’adeptes d’une doctrine. Il a supplanté –aire, un suffixe de sens identique. Si le suffixe se soude progressivement au terme de base, la commutation devient difficile, et si le mot disparaît, la vitalité du suffixe s’en trouve affaiblie. La récession d’un suffixe est souvent favorisée par l’apparition ou l’expansion d’autres : ainsi –on, -ard, -oir(e) qui servaient à nommer les instruments ont été concurrencés par –eur/-euse, liés au développement du machinisme. Ce phénomène est donc dépendant de l’évolution sociale. On constate de même la récession des suffixes diminutifs ; cette fois, l’explication est d’ordre linguistique, à savoir la tendance à antéposer des adjectifs comme petit ou des préfixes comme mini-. Un suffixe devenu peu productif peut prendre de nouvelles valeurs (archaïsante, littéraire, péjorative) et fonctionner dans des discours définis (poésie, publicité,etc) ou des situations d’échanges linguistiques particulières (conversation snob, propos amoureux, etc). Il se peut également qu’un suffixe devenu disponible change d’aire d’emploi et retrouve une nouvelle productivité : ainsi –on est redevenu productif dans le domaine de la physique nucléaire (proton, neutron, positron,etc. ) et –ence dans certains vocabulaires scientifiques (sénescence, arborescence). Il faut enfin faire la part de l’influence des langues étrangères, très grande depuis que les sociétés vivent de moins en moins en vase clos : ainsi l’anglais –er a une influence sur les noms d’agent ou d’instrument, de même qu’-ing sur les noms d’activité, du fait de la pénétration du « franglais ». Les dérivés suffixaux renforcent et affinent la variété des usages sémantiques des lexèmes : un passant et un passeur correspondent à des emplois bien distincts de passer. De même, passage et passation relèvent l’un du lexique usuel, l’autre du discours juridico-politique et possèdent des sens très éloignés. La suffixation n’a donc rien d’un procédé purement mécanique d’enrichissement du stock lexical ; elle informe dans le détail les réseaux du lexique. C’est d’ailleurs là un trait du français que tout dérivé tende à entrer dans le dictionnaire et possède une aire d’usage très spécifique. Il faut encore une fois donner au concept saussurien de valeur sa pleine efficience et inscrire les suffixes dans des systèmes d’oppositions qui tiennent compte de la diversité des facteurs linguistiques et sociolinguistiques, indissolublement liés. 24 Le classement des suffixes. On classe les suffixes en fonction de deux critères étroitement associés : la catégorie syntaxique dans laquelle entre le terme suffixé (suffixes nominaux, adjectivaux, verbaux, etc) et leur sens. Suffixes nominaux - De noms d’action ou de résultat d’action (la plupart issus de verbes) : -age (élevage), -tion (création), -ment (alourdissement) etc. - de noms d’agents : issus de verbes ,comme –ant (commerçant),-eur (travailleur) ; issus de noms :-iste (téléphoniste)etc. - de noms d’instruments : -eur/-euse (décapsuleur, moissonneuse), -oir/-oire (séchoir, passoire) - de noms de lieu d’activité : -erie (droguerie), -oi r(lavoir) etc. - de noms d’état ou de qualité (souvent issus d’adjectifs) :-isme (féminisme), -ité (salubrité), -erie (sauvagerie), etc - de noms d’origine : -ain (Lorrain), -ais(Landais) etc - de noms de mesure ou à valeur collective : -ée (bouchée), -aie (chênaie),etc. - diminutifs ou péjoratifs ; diminutifs :-eau (chevreau), -et (livret),etc ;péjoratifs :ard (soûlard), -asse(vinasse), etc. - de lexiques techniques et scientifiques : en médecine, par exemple :-ose (« affection non inflamatoire » : scoliose), -ite (« affection inflammatoire » :névrite),etc. Parmi les noms d’action, les suffixes les plus fréquents sont –age, -ment, -tion, mais seul ce dernier est en pleine expansion. Cette concurrence peut devenir complémentarité :-age se spécialise en particulier dans les opérations concrètes et techniques(affichage) et –ment dans les termes abstraits désignant le résultat de l’action (achèvement). Le suffixe –tion comme la double suffixation –isation sont très productifs dans le vocabulaire abstrait (politique, philosophique, etc : colonisation, idéation). Si –euse a tendance à désigner des machines (sulfateuse), le masculin –eur est plutôt réservé aux agents humains. Le suffixe anglais –er, de plus en plus productif (bulldozer), est assimilé à –eur . -isme est le plus productif des suffixes de qualité grâce au couple –isme/-iste qui permet d’opposer doctrines et opinions à ceux qui en sont partisans (socialisme / socialiste). Si –ité recule depuis le XIXe siècle devant –isme, il reste productif dans les lexiques abstraits spécialisés (transitivité). Suffixes adjectivaux _Adjectifs issus de verbes : ils équivalent à une proposition contenant ce verbe : ce sont surtout les trois suffixes –able, -ible, -uble (descriptible, mangeable, dissoluble) signifiant « qui peut être » ou plus rarement « qui peut faire l’action de « (secourable) ; mais aussi –ant (étonnant), -eur (charmeur), »qui fait l’action de ». -Adjectifs issus de noms :-ique (démocratique) ; -el / -al (originel/ original) ;-aire (polaire),etc. -Adjectifs issus d’adjectifs : diminutifs et péjoratifs :-ard (faiblard),-âtre (bleuâtre),etc. 25 Suffixes adverbiaux Le seul productif en français contemporain est-ment, qui s’ajoute à un terme de base adjectival (adroit adroitement) Suffixes verbaux -Verbes issus d’adjectifs : -er (calmer) ;-iser (scolariser),etc - Verbes issus de noms : -er (grouper) ;-ifier (momifier), etc -Verbes issus de verbes : valeurs diminutive, péjorative, fréquentative : -ailler (criailler), -ouiller (mâchouiller), etc. La composition Un mot composé est un segment du discours qui se comporte syntaxiquement comme un mot simple, mais susceptible d’être analysé en plusieurs unités significatives pouvant fonctionner ailleurs comme unités autonomes. La préfixation, par certaines propriétés, ressemble à la composition et s’oppose avec cette dernière à la suffixation. En effet, si les suffixes sont des morphèmes sans autonomie qui marquent surtout la catégorie syntaxique des termes de base (nom, verbe, adjectif, adverbe) et leur genre, en revanche beaucoup de préfixes (non savants) peuvent fonctionner comme unités autonomes (comme prépositions et adverbes surtout) et n’ont que peu d’ incidence sur la catégorie syntaxique du terme de base et pas du tout sur son genre. Toute composition suppose une relation syntaxique régulière entre les éléments ainsi associés. Les mots composés sont formés soit de monèmes français, soit de monèmes grecs ou latins (composition savante). Entre les deux types il y a une identité de structure sémantico-syntaxique, mais l’ordre séquentiel est différent : les composés français respectent l’ordre progressif de la syntaxe française (déterminé+déterminant), tandis que dans les composés savants on observe un ordre inverse, spécifique à la topique des langues savantes. A comparer deux mots synonymiques, mais formés de constituants de nature différente : tue-insectes et insecticide. Dans insecticide, l’élément –cide, à l’origine un verbe latin (caedere, « tuer »)n’est plus une unité autonome en français, tandis qu’insectes a été modifié en insecti. De telles formations s’appellent recomposés. Les mots composés français. Les linguistes les ont dénommés différemment: synapsies (E. Benveniste), lexies complexes (B. Pottier), synthèmes (A. Martinet) ou paralexèmes. Nous préférons le terme consacré par la grammaire traditionnelle : mot composé. Mais comment reconnaître un terme composé ? En principe, ce qui le distingue d’une suite quelconque de mots (ce qui différencie, par exemple, chemin de fer et chemin de cailloux) c’est sa cohésion interne. Malheureusement, des critères traditionnels comme les règles d’accord, la présence ou l’absence d’un trait d’union ou la coalescence des constituants s’avèrent insuffisants. L’accord des mots composés est une source constante de décisions souvent arbitraires des grammairiens et de doutes pour les usagers : faut-il dire, d’après le sens, des timbres-poste ou des timbres-postes ? La grammaire traditionnelle distingue des gardes-malades (où garde est censé être un nom) et des garde-robes (où garde 26 est censé être un verbe). D’autre part, L’Académie française distribue d’une façon assez aléatoire les traits d’union : pourquoi eau-de-vie, avec trait d’union, et pomme de terre sans trait d’union ? Ces questions ont été abordées dans la réforme de l’orthographe de 1990. Les tests les plus objectifs, qui évaluent le degré de cohésion interne d’une séquence mettent en évidence le fait que les constituants d’un mot composé ne peuvent subir les mêmes modifications et expansions que s’ils étaient libres. Évoquons quelques –uns de ces tests: impossibilité d’insertion (*pomme grise de terre), commutation terme à terme impossible (pomme de terre / *de bois), coordination impossible (* pomme de terre et d’eau), reprise partielle (Je vois une pomme de terre. Cette pomme…). En observant les mots composés, on se rend compte qu’il existe une gradation continue qui va des groupes les plus figés (gentilhommes) aux groupes en voie de figement (produit d’entretien). A force d’un usage fréquent, certaines suites de monèmes se soudent progressivement, et ceci dans tous les types de discours : politique (la lutte des classes), économique (l’indice des prix), technique (une scie à métaux, un moteur en quatre temps). Le mot dans le discours. Les études lexicologiques plus récentes se sont orientées vers la prise en compte des contextes de toute unité lexicale, dépassant le cadre strict de l’analyse structurale proposée par Saussure. Celui-ci avait limité ses recherches au seul domaine de la langue, opposé à celui de la parole1. Le morphème lexical (lexème) possède une signification abstraite, ne concernant aucune situation particulière d’énonciation, aucun locuteur concret. 1 On oppose le lexique, vu comme l‘ensemble des lexèmes d’une communauté parlante, composant de la langue, aux vocabulaires, vus comme réalisations concrètes du lexique par un locuteur donné dans une situation d’énonciation particulière(ils appartiennent à la parole). On parle ainsi du vocabulaire politique, médical ou du vocabulaire d’un auteur préféré, de l’argot des écoliers, etc. Le mot prend sens par les autres mots qui l’ entourent et qui déterminent l’actualisation d’une de ses acceptions en langue au sein d’un énoncé donné. Au niveau du discours se manifeste toute l’épaisseur sémantique des mots. Au sens premier du mot (sens dénotatif), reçu par tous les locuteurs qui forment une communauté linguistique, s’ajoute ou se substituent dans le temps des acceptions particulières à un individu ou à un groupe (sens connotatif). Dans le vocabulaire de chaque locuteur il y a ainsi un coefficient d’expériences personnelles subjectives1. Les mots reçoivent des connotations socio-politiques et culturelles qui peuvent multiplier leurs sens. Par exemples, collaborateur a deux sens différents, dont le deuxième est péjoratif, dans les énoncés suivants : Le chercheur remercie tous ses collaborateurs. Jean fut un collaborateur notoire (entre 1940-1944, partisan de la politique de coopération avec l’occupant allemand) Les études de lexicologie actuelles cherchent à dégager des textes littéraires, politiques, religieux etc. les mots thèmes et les mots-clés. Le mot thème est un mot très fréquent dans le vocabulaire d’un locuteur ou d’un groupe de locuteurs. Le motclé est un mot dont la fréquence dans un corpus (ensemble de textes soumis à l’analyse) présente un écart significatif avec sa fréquence jugée « normale » par 27 rapport à une norme. On peut étudier aussi, avec la méthode de la statistique lexicale, les environnements privilégiés de certains mots dans un corpus (leurs co-occurrences), ce qui permet la construction de « réseaux », instrument privilégié des comparaisons entre les corpus. On a dressé des index avec les mots-clé de l’œuvre de certains auteurs classiques. L’analyse des mots « en discours », faite dans le cadre de la « grammaire des textes » met en évidence les variations de sens dues aux contextes et aux emplois différents. La lexicologie et la sémantique historique entreprennent des recherches sur l’évolution sémantique des termes, sous l’influence des causes sociales. ( G. Matoré, La méthode en lexicologie). QUESTIONNAIRE 1.Qu’est-ce qu’un monème ? 2.Donnez une définition du mot . 3.Définissez le lexème, le morphème, le morphe. Exemplifiez ! 4. Quels sont les tests qui permettent d’identifier le mot composé ? Comment a –t-il été nommé par divers chercheurs ? 5.Enumérez les critères d’identification et de délimitation du mot. 6. Qu’est-ce qu’un affixe ? un préfixe ? un suffixe ? 7. Présentez le procédé de la dérivation. Donnez un classement des préfixes et des suffixes. 8.Présentez le procédé de la composition. 9. Présentez la problématique de l’arbitraire du signe lexical. 28 3.TEMA : La Sémantique du mot. La sémantique lexicale s’intéresse à la signification du mot (les acceptions du mot en langue) par un travail de définition (les dictionnaires) et par l’étude des relations sémantiques internes (les différentes significations d’un mot : monosémie et polysémie) et des relations externes (l’étude des relations sémantiques entre des mots différents : synonymie, antonymie, homonymie). Pour cette entreprise, la sémantique lexicale emploie des méthodes structuralistes, comme l’analyse sémique, la théorie des champs sémantiques, la sémantique du prototype. Plus récemment, des études cognitives et pragmatiques ont apporté des perspectives novatrices dans l’éclaircissement de la problématique complexe du sens. Chaque morphème de la langue représente un signe linguistique, caractérisé par l’union indissoluble ewt nécessaire d’un signifiant (substance matérielle du mot, phonique ou graphique) et d’un signifié (une signification), corrélative de l’arbitraire du signe (il n’y a pas une motivation naturelle dans l’association de tel signifiant avec tel signifié). On représente en général le signe linguistique à l’aide d’un triangle, dit triangle sémiotique : signifié Signe signifiant…………………………….référent On entend par référent ce à quoi renvoie le signe, une entité qui appartient à l’univers non linguistique : objets pysiques perceptibles mais aussi créés par la médiation d’un discours comme amitié, amour, socialisation. La relation entre signifiant et référent est en pointillés pour souligner que l’appel au référent passe le plus souvent par le signifié, à l’exception de quelques catégories de mots, comme celle des noms propres, des mots tabous, des onomatopées,etc. On nomme signification la relation entre signifiant et signifié (qui est arbitraire, mais nécessaire pour que le signe existe) et on parle de référence (que certains nomme dénotation) pour indiquer la relation entre signe et référent. Le signifié (dit aussi sens) est constitué des traits distnctifs s�mantiques qui, dans une langue donné, caractérisent un certain signe linguistique par rapport aux autres ; c’est l’ensemble des critères qu’a retenus une langue pour permettre de repérer le référent correspondant à un signe. La glossématique de L. Hjelmslev, école structuraliste formalisante, conçoit le signe comme l’unité d’un contenu (le signifié saussurien) et d’une expression (le signifiant saussurien). Chacun de ces deux aspects renferme une forme et une substance. Le signe linguistique revêt la configuration suivante : 29 Substance Contenu Forme } SIGNE (selon L. Hjelmslev) Forme Expression Substance La substance du contenu est le continuum amorphe et compact dans lequel les langues établissent des frontières (soit le sens de « bois »). La forme du contenu, arbitraire du point de vue du sens, n’est explicable que par la fonction sémiotique dont elle est la manifestation solidaire (soit, dans notre cas, l’unité lexicale bois par rapport à forêt). La substance de l’expression est le domaine acousticophysiologique amorphe, le continuum acoustico-physiologique non divisé, mais divisible. La forme de l’expression est la configuration précise des phonèmes (dont le nombre varie selon les langues) dans une langue donnée (dans notre cas, l’enchaînement des phonèmes /b,w,a/). Signification lexicale et grammaticale. Depuis longtemps, on fait la distinction entre mots « outils » (articles, prépositions, verbes auxiliaires, morphémes grammaticaux, affixes de dérivation) et mots « pleins » comme table, rouge, vérité. Aujourd’hui, on parle plutôt de morphèmes grammaticaux et de morphèmes lexicaux (lexèmes). Ces deux catégories de signes ont des statuts différents. On oppose le caractère fini, « fermé » des classes paradigmatiques de morphèmes grammaticaux au caractère « ouvert » des classes de lexèmes. Les signifiés des lexèmes évoluent dans le temps et leur nombre considérable fait que chaque locuteur n’en maîtrise qu’une partie. En revanche, les morphèmes sont très stables, peu nombreux et maîtrisés par tous les locuteurs. En fait, cette distinction n’est pas toujours si nette ; c’est ainsi que aller, qui appartient primitivement à la classe ouverte des verbes, tend à devenir en français contemporain, quand il précède un infinitif, un vrai auxiliaire du futur : il va manger. Tout lexème possède, en outre d’un sens référenciel, un « sens grammatical », dans la mesure où ils sont des noms, des adjectifs qualificatifs ,des verbes. B. Pottier a ainsi proposé de faire la distinction entre substance du signifié (le sens lexical) et forme du signifié (la signification grammaticale). Il existe des mots qui, par conversion syntaxique, peuvent changer leur forme du signifié : Marie a mangé des marrons (substantif). Ce chapeau marron lui va très bien (adjectif). L’analyse sémique. Cette méthode, proposée par B. Pottier et A.J. Greimas, est empruntée à la phonologie, où chaque phonème présente des traits distinctifs, qui le rend différent des autres phonèmes, sur une base de comparaison commune. (p et b sont différent par le trait « sonorité » qui caractérise seulement b, toutes les deux étant des consonnes occlusives bilabiales). On appelle sème l’équivalent en lexicologie du trait distinctif phonologique. Dans l’analyse de la substance du signifié, le terme sémème (équivalent donc du phonème) désigne alors l’ensemble des sèmes 30 caractérisant une unité lexicale (son sens) et le terme archisémème est employé pour désigner l’ensemble des sèmes communs à plusieurs sémèmes. Par exemple, « objet pour s’asseoir » est l’archisémème de fauteuil, chaise, tabouret, canapé, pouf, causeuse,bergère, chaise longue).L’archisémème n’est pas toujours lexicalisé, ce qui fait un point de divergence entre les langues (le français possède le mot siège, qui n’a pas d’équivalent en roumain). Les archisémèmes permettent l’organisations de plusieurs unités lexicales en champs sémantiques onomasiologiques. Dans l’analyse sémique, on part du postulat que le sens d’un lexème est décomposable en traits de signification qui se retrouvent dans tout le lexique, c’est-àdire que les divers lexèmes du lexique combinent différemment les mêmes atomes de signification. Mais l’analyse en traits définitoires diffère selon les organisations conceptuelles concurrentes d’un même domaine d’expérience : le point de vue du spécialiste est différent de celui du locuteur « moyen ».Un exemple : Analyse selon le point de vue du géographe Cours d’eau fleuve rivière ruisseau + + + De petite taille Se jetant dans la mer + + ~ Se jetant dans un autre cours d’eau + ~ Analyse selon le point de vue du locuteur courant Cours d’eau fleuve rivière ruisseau + + + De petite taille + De taille moyenne + - De grande taille + - ‘ L’archilexème (le lexème correspondant à l’archisémème) est substituable à tous les lexèmes dont il est l’archilexème quand le contexte n’exige pas que le locuteur fournisse plus de précisions sémantiques qu’il est nécessaire. Limites de l’analyse sémique. Elle présuppose un référent stable, indépendant du fonctionnement linguistique des mots et un locuteur « idéal » déterminant les lexèmes composant un champ et leurs traits distinctifs comme des données a priori.De toute façon, l’analyse sémique ne doit pas être coupée de l’analyse distributionnelle si elle veut rester objective.On ne peut dissocier un signifié des possibilités combinatoires du signe respectif. Une perspective à la fois syntaxique et sociolinguistique doit doubler l’analyse sémique. Située en dehors de l’univers du discours, donc de 31 l’histoire et de la société, la sémantique structurale court toujours le risque d’être seulement une linguistique des lexèmes. La théorie des champs sémantiques. La notion de champ a été introduite en linguistique par l’allemand Jost Trier, dans les années 1930. Pour lui, chaque langue dispose de termes pour couvrir tous les référents possibles, c’est pourquoi il compare la langue à un filet ou une mosaïque, dont les pièces recouvre toute la réalité extralinguistique, sans se chevaucher. C’est une conception mécaniciste de la langue, qui n’est pas nomenclature, mais structure, supposant une hiérarchie entre les concepts. La lexicologie structurale a développé les implications du concept saussurien de valeur. La valeur d’un mot est donnée par la différence existant entre ce mot et les autres mots de la langue avec lesquels il entretient des relations sur l’axe paradigmatique et sur l’axe syntagmatique. Un champ sémantique est dégagé à l’aide des deux procédures d’analyse sémantique déjà mentionnées, à savoir l’analyse distributionnelle et l’analyse sémique. Il existe plusieurs types de champs, selon que le découpage des mots se fonde sur le référent ou sur des critères linguistiques. Cette distinction renvoie à l’opposition traditionnelle entre démarche onomasiologique et démarche sémasiologique. Par la démarche onomasiologique on identifie les signes linguistiques qui font référence à un certain domaine d’expérience.(le mobilier, les couleurs, les sentiments, l’art, etc). La démarche sémasiologique étudie les signes comme unités du système linguistique. Un champ onomasiologique présente les caractéristiques suivantes : a) les unités qui le composent recouvrent un domaine conceptuel dans lequel le signifié de chaque mot est limité par celui de toutes les autres ; b)ces unités appartiennent à la même catégorie syntaxique (nom, verbe, adjectif,etc) et sont substituables sur l’axe paradigmatique ;c) leur valeur se définit par les oppositions entre les éléments du champ. Voilà quelques exemples de champs onomasiologiques : pleurer, gémir, se plaindre (verbes exprimant une émotion négative, la tristesse); noble, racé, distingué (adjectifs exprimant une qualité morale); aquarelle, eau forte, lavis(noms employés dans les arts plastiques). Les champs onomasiologiques sont différents d’une langue à l’autre, car chaque langue opère un découpage spécifique des concepts ; Saussure exemplifiait avec le mot anglais sheep, qui n’a pas la même valeur que celle du mot français mouton, puisque sheep signifie seulement le mouton sur pieds, s’opposant au terme mutton (« viande du mouton »). Le terme français recouvre les deux signifiés. Il existe aussi des champs associatifs, fondés sur les associations des mots autour de termes privilégies, mais les considérations proprement linguistiques y sont très réduites et la démarche y est difficilement rigoureuse. Ces travaux ont de l’importance surtout en psycholinguistique (tests d’association) et en pédagogie des langues, où le vocabulaire est enseigné sur des associations thématiques (la poste : timbre-poste, envoyer, colis, poster, enveloppe, lettre, etc). Le champ sémasiologique se fonde sur une similarité formelle. On parle de champ dérivationnel quand on étudie les mots formés par les procédés dérivationnels ; la suffixation et la préfixation (enseigner, enseignant, enseignement, préenseignement, etc). La démarche est synchronique et descriptive. Ce qui frappe dans l’emploi d’un dérivé, c’est le fait qu’il suggère 32 d’autres mots ayant un mode de formation semblable. Comme l’observe P. Guiraud dans Structures étymologiques du lexique français : « Le lexicologue (ou le sujet parlant) qui analyse danseur, le réfère à une série chanteur, penseur, laveur, c’est-à-dire à un paradigme d’où il tire sa signification. Car, disons-le en passant, un tel mot est construit moins par l’adjonction du suffixe que par analogie avec une série de formes qui lui servent de modèles ». C’est pourquoi on considère qu’un affixe (préfixe ou suffixe) constitue un macrosigne, car son macro-signifiant et son macro-signifié sont communs à un ensemble de signes (paradigme morpho-lexical). Un mot dérivé comprend un invariant commun (l’affixe) et une variable différentielle (le lexème base de la dérivation). Dans l’exemple donné, -eur est l’invariant (il dénomme des agents humains) et chant-, pens-,lav- sont les variables). On utilise le terme famille de mots lorsqu’on étudie en diachronie l’ensemble des mots provenant d’un même étymon ; par exemple, le mot latin schola est à la source d’école, écolier, scolaire, scolastique,etc. Les champs affixaux sont formés de lexèmes construits à l’aide d’un affixe (préfixe ou suffixe) identique. On peut identifier ainsi les mots suffixés par – isme, les mots préfixés par auto-, etc. Les champs syntactico-sémantiques regroupent les verbes présentant certaines caractéristiques syntaxiques communes. Souvent, il y a certaines correspondances entre les propriétés syntaxiques des verbes et leur sens. Par exemple, les « verbes de mouvement » (aller, partir, venir, courir, entrer, tomber,etc) partagent la particularité d’être intransitifs et de pouvoir être suivis d’un infinitif : Mon frère va / part/ court/ chercher le médecin. La sémantique du prototype s’efforce de résoudre certaines difficultés liées à la décomposition en sèmes. La philosophie et la logique postulent qu’il existe des frontières nettes entre les catégories, chaque ensemble d’objets qui appartiennent à la même catégorie possèdant les mêmes traits définitoires, assimilés aux conditions nécessaires et suffisantes de la logique classique. Mais on a observé que certains membres d’une catégorie ne partagent pas toutes les traits définitoires pour cette catégorie, par exemple il y a des oiseaux qui ne volent pas (l’autruche, le pingouin). Des recherches en psychologie ont révélé que les membres d’une communauté ont des représentations d’une certaine catégorie par le meilleur exemplaire de la catégorie, appelé prototype. Ainsi, le prototype de l’oiseau serait le moineau, plutôt que le pingouin ou l’oie. Le moineau sera considéré comme centre de la catégorie, dont les autres espèces d’oiseaux seraient plus ou moins éloignées. Les marges des catégories conceptuelles deviennent ainsi floues, laissant la place au graduel. Un autre mérite de cette conception est d’avoir dégagé trois niveaux d’abstraction , les termes les plus usuels appartenant au niveau basique : 33 Niveau supraordonné oiseau animal (mammifère) Niveau basique pigeon chien Niveau subordonné pigeon voyageur boxer Le nom du prototype ne coïncide pas toujours avec le terme de base. QUESTIONNAIRE 1.Quel est l’objet de la sémantique lexicale ? 2 Décrivez le signe linguistique. 3.Qu’est-ce que le sens lexical ? et le sens grammatical ? 4. Qu’est-ce qu’on comprend par « mots pleins » ? et par « mots vides » ? 5.Présentez la méthode de l’analyse sémique. 6. Donnez une typologie des champs. 7. Présentez brièvement la sémantique du prototype. 34 4. TEMA : Les relations sémantiques On a vu que l’analyse du sens d’un mot doit prendre en compte les rapports sémantiques que celui-ci entretient avec d’autres mots du système sur l’axe paradigmatique (des substitutions). Il existe des mots qui peuvent apparaître dans les mêmes contextes que le mot analysé (les synonymes , les antonymes, l’hyperonyme). Il s’agit là de relations sémantiques externes au mot. Mais il y a aussi le cas de l’homonymie et de la polysémie, qui concerne la sémantique interne du mot. On considère qu’il y a homonymie quand deux signes ont le même signifiant. On ne doit pas confondre homophones et homographes. Sont homophones deux signes dont le signifiant phonique est identique, comme lutte et luth, tous deux prononcés [lyt] ou verre, vers, ver, vert . Sont homographes deux signes ayant la même forme graphique, comme (nous) portions et (les) portions. Mais le plus souvent, les homographes sont aussi des homophones, comme (la) porte et ( il) porte. On distingue traditionnellement deux types d’homonymie, en fonction de leur origine : l’homonymie provenant d’un accident phonétique. L’homonymie de sain, saint et sein est le résultat de l’évolution phonétique de leurs étymons latins (les mots auxquels ils remontent), qui étaient trois signes distincts :saint provient de sanctus, sain de sanus, sein de sinus. S’il y a risque de confusion entre ces homonymes, on dit qu’il y a alors conflit homonymique et les locuteurs peuvent être conduits à recourir à un nouveau signe pour remplacer un des deux termes.. En fait, les lexèmes homonymes ne se gênent que s’ils appartiennent à la même catégorie grammaticale (noms, verbes, adjectifs) et risquent de se trouver dans les mêmes contextes. L’homonymie due à l’éclatement d’un signe polysémique. Une unité polysémique a plusieurs sens, ou acceptions en langue. La difficulté consiste à définir des critères rigoureux permettant de savoir si l’on a affaire à différentes acceptions d’une même unité polysémique, ou à des homonymes. En principes, deux homonymes ont des signifiés parfaitement disjoints, alors que les acceptions d’un terme polysémique sont en intersection sémantique. Il s’agit là du choix des lexicographes (auteurs de dictionnaires), qui est souvent discutable. Par exemple, guide1= »ouvrage à consulter » et guide2= »individu qui conduit la visite d’un lieu »sont traités comme des sens différents du teme polysémique guide par les auteurs du Lexis et comme homonymes dans Le Dictionnaire du français contemporain (DFC). Les verbes voler1 (intransitif) = « se maintenir dans l’air » et voler2 (transitif)= « s’approprier les biens d’autrui » sont considérés des homonymes, en 35 dépit de leur origine commune (lat. volare), ayant des régimes syntaxiques différents et aucune parenté sémantique dans la langue contemporaine. La polysémie Aucune langue ne possède un nombre suffisant de mots pour exprimer tous les concepts. Le principe d’économie, qui préside à l’acte de communication, conduit l’émetteur à employer un nombre limité n’unités linguistiques, mais qu’il charge de significations multiples. Cela explique la tendance à la polysémisation des mots les plus courants, les plus usuels. Peu de mots sont monosémiques dans la langue commune. Seulement les vocabulaires scientifiques et techniques, qui cherchent à éviter toute équivoque, ont créé des signes monosémiques, soit en spécialisant des termes du vocabulaire courant (force en physique, espérance en théorie des probabilités), soit en créant des mots nouveaux à l’aide des langues classiques, le latin et le grec ( ophtalmologie, exogamie, télégraphe, etc). Des mots comme faire, chose, machin, truc sont très polysémiques, leur définition par extension étant fort longue et ouverte (elle consiste à énumérer tous les contextes dans lesquels on peut utiliser les mots considérés) , tandis que leur définition par intension ou compréhension est très pauvre (elle consiste à énumérer leurs traits distinctifs). En échange, un mot comme le verbe scier, qui n’ est pas polysémique, a une extension faible (il s’emploie dans un nombre réduit de contextes, ses distributions sont pauvres), mais une compréhension grande (il possède un riche ensemble de sèmes spécifiques). La polysémie n’existe qu’au niveau du lexique, les dictionnaires offrant une description complète de toutes les acceptions qu’un mot possède en langue. Mais au niveau discursif, on parle de réduction de la polysémie, par le fait que le contexte donné sélecte seulement une des acceptions, qui devient le sens du mot en contexte. Comparez les sens différents du verbe faire dans les contextes suivants : 1. Cet été, il a fait l’Italie. (synonyme : visiter) 2. Jean a fait des erreurs dans sa copie.(syn. commettre) 3. Mon grand-père a fait une maison imposante dans sa ville natale.(syn. construire) 4. Le vent a fait des dégâts importants. (syn. provoquer) 5. Le savant fait des recherches sur les maladies cardio-vasculaires. (Syn. effectuer) 6. On m’a fait des reproches d’être trop paresseux. (syn. adresser) 7. Mon oncle fait le métier de boulanger. (syn. exercer) 8. Le commissaire a fait une enquête rigoureuse. (syn. entreprendre) 9. Marie a fait des excuses à son amie Yvonne.(syn. adresser) 10. Mon cousin a fait des dettes importantes.(syn. contracter) De tels verbes, ayant un sens vague et des emplois multiples, s’appellent des verbes passe-partout, tels : dire, faire, voir, il y a, se trouver, mettre,etc. Si on veut exprimer d’une façon plus précise un certain sens, il est bon de préférer à la place de ces verbes leurs synonymes de sens plus précis, mais d’un emploi plus restreint. La polysémie est un phénomène qui ne gêne pas le fonctionnement normal de la langue. Elle peut provoquer la séparation d’un mot en deux homonymes, si les acceptions deviennent trop éloignées l’une de l’autre, les sémèmes correspondants n’ayant plus de sèmes en commun (ils ne sont plus en intersection). Pour la classe des verbes , un des critères les plus importants qui décident de leur traitement en homonymes est l’écart 36 syntaxique de la construction généralement admise : Le cambrioleur vole les bijoux (transitif) / L’oiseau vole à une grande hauteur (intransitif). Les relations sémantiques externes concernent deux unités linguistiques différentes de la langue. La synonymie se définit comme une identité de signifiés entre deux signes linguistiques différents. Elle est considérée le pendant de l’homonymie. Elle est une modalité indispensable de la communication linguistique, car elle permet une expression plus riche, plus nuancée au niveau du choix que le locuteur peut opérer sur l’axe paradigmatique des unités commutables dans les mêmes contextes. La synonymie absolue est plutôt rare, car il y a peu de mots, dans la langue commune, de sens absolument identique : cependant-pourtant-tout-de-même ; l’ouest-l’occident ; semi-voyelle-semiconsonne ; oculiste-ophtalmologiste. Les termes substituables sont surtout des parasynonymes . Le problème de la synonymie est directement lié à celui du statut socio-culturel des lexèmes ; bide (argot) et ventre (courant) ne sont pas substituables sans incidence sur le sens du message, de même que voiture et bagnole. Ils s’appellent synonymes de niveaux ou de registre de langue. Il est aussi lié à la situation de communication (ainsi dans le contexte de la course automobile, les bolides el les formules 1 peuvent être synonymes, mais non dans d’autres contextes).Il y a aussi la synonymie diachronique, lorsqu’ à un terme moderne correspond un terme ressenti comme vieilli ( monsieur se repose / monsieur se délasse) ou même un archaïsme (chef est-il le synonyme de tête ?) L’emploi des synonymes dépend aussi du type de discours (énergie et force sont souvent synonymes dans la langue courante, mais jamais dans les sciences physiques). Il y a aussi les tabous, mots que le consensus social recommande de ne pas utiliser en raison d’une identification du nom à la chose dénotée, qui est dangereuse ou déplaisante.On emploie à leur place des euphémismes, mots ou expressions destinés à atténuer l’effet désagréable : waters, petit coin, w.-c. pour closet, décéder, passer dans l’autre monde pour mourir, le Malin pour le Diable, etc. Beaucop de synonymes sont des innensifs : content / ravi, étonner / stupéfier, fatigué / épuisé, etc. En outre, des contraintes sociolinguistiques ou rhétoriques imposent l’emploi des synonymes pour éviter les répétitions des mêmes mots dans un seul texte. La synonymie est un phénomène utile, mais limité au choix lexical ; son correspondant au niveau plus complexe de la phrase est la paraphrase. On peut avoir des doutes sur des termes dont on dispose qui semblent être synonymes. Alors on procède à l’analyse distributionnelle qui permet la levée de synonymie. Par exemple, les adjectifs vide et désert, apparement de sens voisin, ne sont substituables que dans un nombre limité de contextes : Un village Une rue vide Un couloir désert (e) Mais certains contextes sont résérvés à l’adjectif vide : Une tête Une boîte Un paquet vide 37 On dit, dans ce cas, que la distribution de désert est incluse dans celle de vide. Si l’on considère la paire d’adjectifs vif / animé, on observe qu’ils ont des contextes communs : un débat, un match vif ou animé, mais chacun d’eux a aussi des contextes spécifiques, d’où l’autre est exclu : Une douleur une rue Un homme vif(ve) un marché animé/ *vif Un esprit Dans ce cas, on dit que les deux termes sont en distribution défective, car ils ont des contextes communs, mais aussi des contextes spécifiques. Il s’agit là d’un cas d’intersection distributionnelle. L’Antonymie . Les mots de sens contraire sont dits antonymes. On doit faire la distinction entre l’antonymie stricte, la complémentarité et le sens réciproque. Sont considérés complémentaires deux lexèmes tels que la négation de l’un implique l’affirmation de l’autre : »si x n’est pas mâle, alors x est femelle « ; » si x n’est pas mort, alors x est vivant ». Sont considérés réciproques des couples de lexèmes auxquels on peut appliquer le test de la permutation : acheter / vendre, donner / recevoir, mari /femme, etc Pierre est le mari de Marcelle / Marcelle est la femme de Pierre. Le garçon blond donne une fleur à Marie. / Marie reçoit une fleur du garçon blond. L’antonymie stricte est liée à la gradation, c’est-à-dire à une comparaison entre deux lexèmes situés sur une même échelle : ainsi l’opposition grand / petit est située sur l’axe de la « taille ».La négation de l’un des deux termes n’implique pas l’affirmation de l’autre : « x n’est pas grand » n’implique pas « x est petit ».Si en général les termes sont polaires, il existe tout de même quelques cas de termes intermédiaires, comme tiède, dans le triplet chaud/ tiède/ froid. L’antonymie existe dans toutes les classes de mots : substantifs (grandeur / petitesse, calme / tumulte), verbes (entrer / sortir, dormir / se réveiller), adjectifs (beau / laid, intelligent / sot), adverbes (lentement /rapidement, vite). On peut dépasser l’antonymie, en préférant l’un des termes dans certains contextes, le terme employé étant considéré dès lors comme non marqué. Ainsi on dit : la grandeur d’une chambre est de 16 m2 , même si la chambre est petite.C’est un cas de neutralisation de l’antonymie. L’Hypéronymie / hyponymie.On peut définir un mot de deux manières : -par compréhension, qui consiste à énumérer les traits distinctifs qui énumères les propriétés de l’objet désigné. Ainsi chat sera décrit , dans la taxinomie scientifique, comme /mammifère/ +/carnivore/+/ félidé/ ; - par extension. Ce type de définition consiste à énumérer tous les termes qui appartiennent à un ensemble. Ainsi, le mot arbre est défini par : chêne, tilleul, peuplier, hêtre,saule,etc. Pour les adjectifs, la définition consiste à énumérer tous les noms qui peuvent être suivis de l’adjectif en question. Le Dictionnaire de Littré propose pour vert : qui est de la couleur de l’herbe et des feuilles des arbres. Comparons maintenant un verbe comme faire à un verbe comme scier. Le premier possède un signifié pouvant s’appliquer à un nombre considérable de situations, ainsi sa 38 définition par extension sera-t-elle extrêmement longue et restera ouverte (on dit récemment :J’ai fait l’Italie cet été). Inversement, sa définition par compréhension réunira peu de traits caractéristiques. Quant au verbe scier, il est un lexème dont l’extension est faible (il a peu de contextes) mais sa compréhension est grande On dit qu’un terme A est l’hypéronyme d’un autre terme B , lorsque son sémème est inclus dans le sens de B (sa compréhension est plus petite). En échange, A possède une extension plus grande que B (il s’emploie dans un nombre plus grand de contextes, sa distribution est plus riche). B a une intension ou compréhension plus grande, son sémème contient un nombre plus grand de sèmes définitoires. B est nommé l’hyponyme de A. L’hyponymie est le reflet linguistique du concept logique d’inclusion. C’est la relation d’implication unilatérale ou asymétrique entre les sens de deux ou plusieurs unités lexicales. Ainsi, le sens des lexèmes écarlate, cramoisi et vermillon est inclus dans celui de rouge. On dira donc que l’énoncé X est écarlate implique X est rouge, alors que l’implication inverse ne s’applique pas. De même, l’hyponymie explique le rapport d’inclusion unilatérale entre les lexèmes bâtiment, auberge, bastide, bastidon, bicoque, hôtel, mas, d’une part et le lexème maison, de l’autre. L’inclusion est unilatérale dans le sens que le terme sous-ordonné (soit, par exemple, auberge) implique le terme sur-ordonné (maison) et non inversement. Ce rapport d’inclusion d’un lexème spécifique dans un lexème général a été formalisé par certains sémanticiens à l’aide de la logique des classes : la classe des référents du lexème fleur est plus grande que celle des référents du lexème tulipe, par exemple. Le lexique d’une langue naturelle est organisé en catégories conceptuelles entre lesquelles s’établissent des rapports hiérarchiques. Autour d’un terme plus général, que la logique classique appelle « genre proche », se trouvent des termes subordonnés, nommés hyponymes. Deux hyponymes co-présents, situés sur le même niveau d’abstraction, s’appellent co-hyponymes. Deux exemples : fleur lys rose œillet oiseau marguerite lilas pigeon moineau alouette rossignol Une telle organisation en catégories empiriques ne coïncident pas avec les taxinomies scientifiques. L’analyse textuelle a démontré que les hypéronymes peuvent s’employer à la place de leurs hyponymes, dans un texte, pour obtenir certains effets stylistiques, dans le phénomène de l’anaphore : Le chien furieux aboyait à gueule déployée. L’animal avait senti la bête qui approchait. 39 QUESTIONNAIRE 1.Présentez la relation d’homonymie. Exemplifiez. 2. Présentez la relation de polysémie. Donnez des exemples en contextes. 3.Présentez la relation d’antonymie. Donnez des exemples. 4. Présentez la relation d’hypéronymie /hyponymie. Exemplifiez. 5.Expliquez pourquoi l’extension d’un hypéronyme est plus grande que celle de ses hyponymes. 40 5.TEMA : L’Isotopie textuelle La notion d’isotopie a été introduite en linguistique par A. J. Greimas (Sémantique structurale). Pour lui, l’isotopie linguistique désigne tout d’abord toute répétition significative d’unités linguistiques,quelle que soit la nature de ces unités (phonèmes, morphèmes, graphèmes, etc). La notion sert à évoquer d’une part l’identité et la similarité, d’autre part l’appartenance à un champ ou à un lieu (en grec isos signifie « égal » et topos « lieu, place »). Par exemple, dans la phrase Les enfants courent la redondance (la répétition) des morphèmes de pluriel dans chacun des constituants de cet énoncé constitue une isotopie morphologique. Mais Greimas s’est attaché à développer une théorie de l’isotopie sémantique. Dans cette perspective, la notion désigne la récurrence d’un sème ou d’un groupe de sèmes dans un énoncé ou dans un ensemble d’énoncés (un texte).On a vu, lors de notre présentation de la sémantique du mot, que l’analyse sémique (ou componentielle), méthode de la sémantique structurale, avait nommésème la plus petite unité de signification identifiée par l’analyse de la substance sémantique d’un morphème. N’étant pas susceptible d’une réalisation indépendante, le sème est toujours réalisé à l’intérieur d’un signifié, appelé sémème. Les sèmes peuvent être dénotatifs ou inhérents, quand ils relèvent du système linguistique et contribuent de manière stable à la définition du mot. L’analyse sémique distingue deux types de sèmes dénotatifs : les sèmes génériques, qui renvoient à des catégories générales communes à plusieurs ensembles lexicaux, et qui jouent souvent un rôle syntaxique, comme /animé/, /non animé/, /humain/ /non humain/, /concret/ /non concret/,/comptable/, /non comptable/ et les sèmes spécifiques, qui permettent de distinguer des sémèmes proches. Par exemple, les sèmes génériques du mot chien sont /non humain/, / animé/, /mâle/. Ils forment le classème de son sémème. Pour chienne, le classème (l’ensemble des sèmes génériques d’un sémème) est / non humain/, / animé/, /non mâle/. Les sèmes peuvent être aussi connotatifs ou afférents, c’est-à-dire ils peuvent relever de normes sociales ou individuelles, sans perdre pour autant leur valeur distinctive. Ainsi dans bagnole, le sème connotatif qui le fait distinct du mot voiture est /vulgarité/, qui s’ajoute au sème dénotatif /véhicule/. Ce sème connotatif est actualisé dans tous les contextes, ce qui maintient sa valeur distinctive et confirme son identité sémique. Dans la série orange, pêche, pomme, les sèmes /avec noyau/, /peau comestible/, par exemple, sont des sèmes spécifiques , car ils permettent d’établir une distinction entre ces trois sémèmes voisins. On appelle sémantème l’ensemble des sèmes spécifiques d’un sémème. Revenant à la notion d’isotopie, elle est la cohésion sémique de l’énoncé. Les structuralistes, dont surtout B. Pottier, avaient remarqué qu’il existe entre les constituants d’une séquence, d’une phrase, d’un discours, des compatibilités 41 sémantiques, destinées à mettre en lumière la cohésion syntagmatique de ce discours ou énoncé. Les génératistes parlent, à ce sujet, de traits inhérents (les sèmes spécifiques), de traits contextuels et de règles de restriction sélective, qui régissent les possibilités contextuelles d’occurrence des éléments qui se partagent des marques sémiques communes. Par exemple, le verbe manger exigera la présence d’un sujet marqué par le sème /animé/ et d’un objet ayant le trait /comestible/, comme dans l’énoncé Les enfants mangent des pommes.. Des énoncés comme :les crayons mangent la montagne ou les enfants mangent des rideaux sont aberrants, du fait même du non-respect de ces compatibilités sémiques combinatoires, par l’abolition des traits contextuels du verbe manger, qui devraient se retrouver dans le classème des noms avec lesquels il est compatible. L’isotopie sert à préciser le sens d’un mot en contexte, par la réduction de la polysémie. Un mot polysémique comme acte précise son sens par ses environnements syntagmatiques : une pièce en quatre actes, l’acte de décès, les actes d’un congrès, etc. Voilà comment A. J. Greimas définit l’isotopie : » Par isotopie nous entendons un ensemble redondant de catégories sémantiques qui rend possible la lecture uniforme du récit, telle qu’elle résulte des lectures partielles des énoncés et de la résolution de leurs ambiguïtés qui est guidée par la recherche de la lecture unique » (Du sens. Essais sémantiques). Selon Fr. Rastier, l’isotopie est la redondance d’unités linguistiques, manifestes ou non, du plan de l’expression ou du plan du contenu. Il existe plusieurs types d’isotopies. Fr. Rastier postule l’existence de deux grands types d’isotopies ; les isotopies de l’expression et isotopies du contenu.. Les isotopies de l’expression jouent sur la forme sonore des mots, surtout en poésie (rimes, allitérations,etc). Les isotopies du contenu se laissent répartir-toujours selon Fr. Rastier-en isotopies classématiques et isotopies sémiologiques. Les isotopies classématiques sont des isotopies sémantiques assurées par les classèmes ou restrictions sélectives, qui intéressent en tout premier lieu le niveau syntagmatique du langage.. Ainsi, par exemple, c’est une sélection sémique qui permettra de préciser le sens du mot polysémique la cuisinière : le contexte la cuisinière est enrhumée est porteur du sème générique /animé/, alors que le contexte la cuisinière est émaillée impose le sème / non animé/. Ces isotopies classématiques sont, par excellence, des isotopies dénotatives, assurant la cohérence significative d’une lexie, d’un syntagme, d’une phrase, d’un texte. Instrument métalinguistique, elle permet au sémanticien de déceler les différents sens contextuels d’une unité lexicale. Les isotopies sémiologiques structurent des unités discursives supérieures à la phrase. Par ces isotopies, la sémantique sort des limites de la phrase pour atteindre à l’univers du texte littéraire, du récit. Elle devient sémiologie. L’anthropologie et la mythologie structurales conçues par Cl. Lévi-Strauss, la théorie du récit, de même que le langage poétique ne sauraient être envisagés hors du champ d’action des isotopies sémiologiques. L’opposition générale nature~culture qui soustend toute l’anthropologie structurale constitue à elle-seule une isotopie sémiologique.Généralement, le fonctionnement d’un code sémiotique repose sur le concept d’isotopie. A. J. Greimas précise que le code est une structure formelle constituée d’un petit nombre de catégories sémiques dont la combinatoire est susceptible, en produisant des sémèmes, de rendre compte de l’ensemble des 42 contenus investis faisant partie de la dimension choisie de l’univers mythologique. Une telle analyse structurale des contes fantastiques populaires russes a été entreprise par Propp, qui a identifié les unités élémentaires de l’univers mythologique traditionnel (V.Propp, Morphologie du conte fantastique, 1928). Les isotopies sémiologiques se laissent diviser en isotopies sémémiques ou horizontales et en isotopies métaphoriques ou verticales. Poser le problème des isotopies sémémiques (horizontales) revient à définir un champ sémémique, ensemble des sémèmes appartenant à une sphère notionnelle unique. Un même texte peut manifester plusieurs isotopies sémémiques enchevêtrées. Un tel texte s’appelle poly-isotopique.. Les textes poly-isotopiques sont porteurs de plusieurs isotopies ; isotopies de contenu seulement ou isotopies d’expression et de contenu à la fois. La « technique du discours » ne produit presque jamais un message homogène. Nous distinguerons quatre types de variation pouvant rompre l’homogénéité du texte dans le domaine lexical : les interférences diachroniques, dues à la coexistence de termes issus de systèmes lexicaux appartenant à des époques différentes (ex. chef / tête). Les interférences diatopiques, issues de la combinaison de termes dont les aires géographiques d’utilisation ne sont pas les mêmes (recteur en Bretagne / curé dans le reste du pays). Les interférences diastratiques où intervient la perception contrastée de données lexicologiques à valeur socioculturelle, appartenant à un certain niveau ou registre de langue (nez / pif dans la langue populaire, par exemple). Les interférences sociolectales, qui, à l’intérieur d’une même « strate »,caractérisent des sous-codes institutionnalisés tels que le »style juridique »(ex. legs / héritage Toutes ces interférences produisent un « « effet d’évocation », que les auteurs de textes littéraires, surtout poétiques, nhésitent pas d’utiliser. Pourtant, plus intéressantes sont les isotopies métaphoriques ou verticales, qui jouent sur des sèmes connotatifs. Les images poétiques, telles la métaphore, la comparaison, la synesthésie, le symbole, relèvent de l’isotopie connotative. Traditionnellement, la métaphore est décrite comme la substitution d’un mot-objet d’une comparaison par le mot-image, sans aucun recours à un terme introducteur. La métaphore est fondé sur l’existence d’une propriété commune à deux référents, ce qui s’exprime, au niveau sémantique, par des sèmes communs à deux sémèmes différents ; la partie commune de leur intersection sémémique (I) fonde la métaphore, c’est-à-dire le remplacement d’un signe par un autre signe qui appartient à un champ sémantique distinct, sur la base d’une similitude. Par la métaphorisation l’élément commun -tertium comparationis-qui n’est pas directement exprimé, permet d’attribuer au lexème A toutes les propriétés de B, et inversement, ce qui permet de remplacer A par B. On fait une distinction classique entre la comparaison, où l’élément commun est d’habitude exprimé et il a un mot de comparaison, comme, tel,etc (ses yeux sont bleus comme de la faïence), la métaphore in præsentia, dans laquelle A et B sont co-présents( la faïence de ses yeux) et la métaphore in absentia, où seulement un des termes est présent (colombe pour la femme aimée).Des exemples de métaphores appartenant au langage courant, tels gestes avortés, style haché, rires brisés, témoignent d’un langage connotatif, où les transgressions des classèmes des 43 participes passés adjectivaux prouvent l’existence de l’unité sémique présente à l’intérieur de chacune de ces séquences. La métaphore est paraphrasable par des expressions « normales » qui la font disparaître. On peut paraphraser gestes avortés par « gestes arrêtés », style haché par « style formé de phrases brèves, disparates », rires brisés aurait comme paraphrase « rires brusquement interrompus ». Si les isotopies classématiques sont explicites, les isotopies métaphoriques, propres aux textes poétiques, se cachent dans l’implicite de la signification textuelle. QUESTIONNAIRE 1.Qu’est-ce qu’on comprend par sèmes génériques (classèmes) ? 2. Expliquez comment le phénomène d’isotopie permet la réduction de la polysémie d’un mot contextuel. 3 Donnez une définition de l’isotopie. 4. Donnez une typologie des isotopies. Parlez-en ! 5. Qu’est-ce qu’un texte poly-isotopique ? Exemplifiez, si possible. Nous avons proposé ici des idées et des théories de base dans la lexicologie et la sémantique moderne, d’inspiration structurale et post-structurale, sans avoir la prétention d’épuiser les thèmes que nous avons choisis. Il reste à chaque étudiant d’enrichir ses connaissances en matière par des lectures des ouvrages proposés dans la bibliographie ou d’autres sources. 44