Tabeaud, juin 2006
Le réchauffement contemporain entre certitude, controverse et doute
Du cyclone Katrina, aux tempêtes de 1999 en Europe, tout événement météorologique rare est
désormais rattaché au changement « global » : mieux, il en serait la preuve. Le changement
climatique souvent présenté comme une certitude est pourtant encore objet de controverse. Certains
spécialistes refusent l’alarmisme associé au réchauffement, d’autres contestent les résultats des
modèles, les sceptiques se font peu entendre, leurs propos sont parfois caricaturés. Or, « le doute est
le premier pas vers la science ou la vérité ; celui qui ne discute rien ne s'assure de rien ; celui qui ne
doute de rien ne découvre rien (D. Diderot, l'Encyclopédie). Tentons donc de résumer les positions
des sceptiques, nombreux dans la communauté des géographes, à laquelle j’appartiens.
I. Une question centrale : la température de l’atmosphère planétaire
1) La mesure et la remontée du temps
La météorologie scientifique a émergé, il y a trois siècles avec l’invention du thermomètre. Travailler
sur la température à l’échelle des milliers d’années suppose donc de reconstituer les températures de
lieux précis, variés, afin d’en déduire une moyenne planétaire.
Pour remonter le temps au-delà des enregistrements des appareils de mesure, on utilise des traces
dans les solides : les sédiments, les formes de relief hérités, les cernes annuels de bois, les gaz
prisonniers des glaces, la densité des squelettes d’animaux ou leur richesse en isotopes. Ces
indicateurs permettent de reconstituer l’environnement dans lequel ils se sont formés. Les
connaissances sur la radioactivité appliquée à des constituants comme le C14, K40, Ar40, C137, O18,
permettent même de les dater. A l’échelle des temps historiques, les températures sont reconstituées
à partir des sources indirectes : biomarqueurs, documents écrits, peintures, gravures, etc. Mais les
traces sont spatialisées (échelle de la parcelle) et territorialisées (rôle des acteurs). De plus, les
marqueurs biologiques ne répondent au changement climatique qu’avec un décalage, fonction de leur
mobilité propre, de leur mode de reproduction, etc. Seule la succession de toutes les saisons
météorologiques permet de définir un climat. Les informations les plus fréquentes portent seulement
sur une saison, ou même un événement exceptionnel. Dans les archives par exemple, plus que l’aléa,
c’est le risque qui est mentionné. Or la vulnérabilité d’une société change d’un lieu à un autre, d’une
époque à une autre. Beaucoup d’indices localisés concordants sont nécessaires pour approcher une
ambiance climatique dépassant l’échelle locale et il est indéniable que l’imprécision croît lorsque l’on
remonte dans le passé.
Les premiers thermomètres commencent à se diffuser au 17e s, un réseau européen est constitué en
1780 mais au milieu du 19e siècle, par exemple, le réseau français ne compte encore que 24 stations.
C’est avec les progrès de l’aviation militaire puis civile que les stations se multiplient sur les aéroports.
Aujourd’hui il en existe huit fois plus. Mais le réseau n’est pas aussi dense dans certains pays pauvres
ou faiblement peuplés. Par ailleurs, près des 3/4 de la planète sont recouverts d’océans, où les
bouées fixes sont rares, les mesures par les bateaux marchands sont localisées sur les routes
maritimes. Les images satellitales, apparues vers 1960, apportent un complément appréciable mais
ne permettent pas un travail sur la durée. Il n’existe donc que quelques longues séries remontant loin
dans le passé (Padoue, Paris, …). De plus elles posent un problème quant à leur environnement. A la
fin du 19e siècle, elles étaient encore entourées d’espaces non bâtis. Les températures relevées
étaient très peu influencées par l’îlot de chaleur urbain, alors qu’aujourd’hui elles sont au cœur des
agglomérations. A Paris Montsouris, si les maximales sont stables, les minimales montrent une
augmentation continue. Celle-ci atteint même +1,1 °C si on compare les moyennes 1931-60 et 1971-
2000. L’écart centre-périphérie est de 1 à 2°C en moyenne. Pour l’IPCC
(2001), la contribution de
l'effet des multiples îlots de chaleur urbain à l’augmentation planétaire est faible, de l’ordre de 0,05°C.
Pourtant il est indéniable qu’à partir de la fin du Petit Âge de Glace (PAG), depuis le milieu du 19e s
l’étalement urbain n’a fait qu’amplifier la hausse thermique. La place de l’urbanisation dans la hausse
générale est sans doute minimisée.
IPCC : Intergovernmental Panel on Climate Change