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EAF : série L, session de juin 2009
CORRIGE ELABORE PAR LA COMMISSION D’ENTENTE
DE L’ACADEMIE D’AIX- MARSEILLE
REMARQUES GENERALES
Orthographe et langue :
Une orthographe incorrecte sera pénalisée à hauteur de 2 points.
Si la copie manifeste également une syntaxe et un lexique défaillants au point d’altérer
l’intelligibilité de certains passages, elle pourra être globalement sanctionnée de 4 points.
Ce barème s’applique à l’ensemble de la copie.
Si une pénalisation s’impose, elle sera mentionnée sur la copie.
Notation : Les correcteurs sont invités à utiliser toute l’échelle des notes et n’hésiteront
pas, pour les copies jugées excellentes aussi bien pour leur contenu que pour la qualité
de leur expression, à aller jusqu’à 18 ou 19.
I. QUESTION : 4 points
Après avoir lu attentivement les textes du corpus, vous répondrez d’abord à la question
suivante : quelle question essentielle ces textes posent-ils sur le jeu des acteurs ?
Eléments de corrigé :
Les quatre textes posent la question des relations acteur-personnage dans le cadre du jeu
théâtral. Trois d’entre eux (textes A, B, C) présentent les acteurs dans une situation de
répétition, le dernier (texte D) correspond à une représentation, avec la présence d’un public
et d’un souffleur. Le titre de deux pièces fait explicitement référence au travail de l’acteur
(L’Impromptu de Versailles et La répétition ou l’Amour puni) et les trois textes (texte A, B et
C) renvoient explicitement au thème du théâtre dans le théâtre, puisque les acteurs jouent des
rôles d’autres personnages (allusions à d’autres pièces de Molière, au personnage d’Adrien ou
à des types de personnages comme la soubrette).
a) Tous les textes mettent l’accent sur le travail de l’acteur, qui doit jouer un rôle et
représenter un personnage. Emploi du lexique de la représentation, du jeu (texte A
« feindre » « se transformer » ; textes A et B « imiter », « représenter » « faire »,
« grimaces », « personnage » ; textes A, B, C « rôle », « caractère », « jeu » ou « jouer », ou
emploi du nom du personnage joué « Adrien » texte A, « Othello » et autres personnages
shakespeariens dans texte D). Les commentaires des personnages sur leur jeu renforcent
l’idée de distanciation par rapport à ce qu’ils sont : texte A : dialogue distancié « si ton dieu
veut ta mort », texte B « ce rôle de façonnière », texte C « vous veniez de dire que nous
n’étions pas nous », texte D opposition entre le personnage d’Othello « un fou sanguinaire »
et l’acteur Kean « notre grand Kean ».
b) Mais les difficultés de l’acteur à maintenir cette distanciation sont mises en évidence
par les contaminations, les glissements qui s’opèrent entre l’acteur et le personnage d’une
façon explicite dans trois des textes ( textes A, C, et D) et d’une façon implicite dans le texte
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B. On voit apparaître des verbes d’état (« devenir », « se transformer » texte A) ; on assiste à
des glissements dans les pronoms personnels (« elle-je » texte C) ; la confusion est totale dans
le texte D : déstabilisé par son histoire d’amour personnelle, Kean se débarrasse de son
personnage d’Othello pour redevenir Kean (il enlève son maquillage pour redevenir l’homme
qu’il est). Mais en poussant le paradoxe jusqu’au bout, il crée le personnage de Kean, c'est-à-
dire qu’il fait de son personnage d’acteur un vrai rôle théâtral.
c) Dans tous les textes et notamment ceux qui comportent la présence d’un metteur en
scène (textes B et C) on peut voir un jeu plus subtil entre le personnage et l’acteur. Molière
semble dire que Melle de Croisy s’acquittera bien de son rôle parce que son personnage lui
ressemble. C’est aussi le cas du Comte « Quand j’ai distribué la pièce, j’ai très bien su ce que
je faisais ». Par ailleurs, la didascalie de la ligne 7 du texte C laisse entendre que Lucile est
amoureuse du Comte.
Consignes de correction
On n’attendra pas une présentation préalable des textes déconnectée de la question posée :
donner une réponse à une question ne signifie pas rédiger une mini-dissertation.
On accordera 2 points aux copies qui auront perçu que dans les textes la distanciation de
l’acteur par rapport à son personnage est essentielle dans le jeu de l’acteur et qui l’auront
justifié par des références précises aux textes.
On accordera 4 points à ceux qui auront également perçu que dans les textes il peut y avoir
confusion entre l’acteur et le personnage, et qui l’auront justifié par des références précises
aux textes.
On valorisera les copies qui présentent des confrontations systématiques.
On pénalisera - la paraphrase des textes
- les contresens
- les références à d’autres pièces
- l’absence totale de confrontation entre les textes
II. COMMENTAIRE : 16 points
Vous commenterez le texte de Sartre (texte D), à partir de la didascalie qui s’ouvre par « Les
sifflets redoublent » ( ligne 11)
Eléments de corri
I. La rupture du code théâtral : le refus de jouer
La scène marque une rupture : tous les éléments du code théâtral sont modifiés (il n’y a plus
d’illusion théâtrale) :
1. L’échange avec le public :
- L’adresse au public : « mesdames, messieurs »
- le référent du pronom personnel de la première personne change : « Je » ne désigne
plus le personnage, mais l’acteur (« si vous me permettez une question »)
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- glissement progressif vers une familiarité inattendue : de « quel honneur » à « gueule
d’assassins », en passant par « mais dites donc »
- adresse du lord à l’acteur : « Cabotin ! »
2. Intrusion de son histoire personnelle :
- adresse au Lord, allusion au duel refusé, à l’anecdote (jalousie) : l’investissement
personnel est marqué par l’interjection, les modalités exclamative et interrogative, le
déplacement signalé par la didascalie (ligne 25 : «Qui parle ? Eh !mais c’est Mewill !
(Il s’approche de la loge) » )
- installation d’une chronologie extérieure au spectacle lui-même (« j’ai flanché tout à
l’heure »)
- allusion à son passé d’enfant saltimbanque (« c’est vous qui avez pris un enfant pour
en faire un monstre »)
3. Kean arrache son masque
- au sens propre : « Il tire un mouchoir de sa poche et se frotte le visage. Des traces
livides apparaissent »
- « oui, voilà l’homme »
- la rupture est aussi nette dans le niveau de langue adopté : passage de la politesse
initiale (« Mesdames, messieurs, si vous me permettez… ») à des tournures triviales et
agressives je vous vois ces gueules d’assassins », « si tu ne fermes pas ta grande
gueule »)
4. Eclairage jeté sur les coulisses
- intervention du souffleur Salomon
- intervention du machiniste
II. Mais ce refus de jouer devient représentation
Le spectacle est dans la salle.
1. le public devient un nouveau protagoniste de l’action
- le public conçu comme une unité : le public est le plus souvent un collectif, un corps
unique, rassemblé (« vous jetiez des bouquets sur la scène », « si vous m’aviez aimé »,
« c’est vous qui l’avez tué »)
- mise en place d’un couple conflictuel dont la relation est avant tout affective : un jeu
de séduction j’avais fini par croire que vous m’aimiez », « si vous m’aviez aimé »,
« « pour vous plaire »), mais aussi une relation ambivalente (provocation : « tous
contre moi ! Quel honneur ! », « taisez-vous donc, assassins, c’est vous qui l’avez
tué ! » …)
- l’emprise sur le public persiste cependant : d’abord par la gestuelle ( parallélisme des
didascalies : » Il fait un pas Les sifflets cessent », « Il fait le geste Le public se
tait », souligné par l’asyndète, qui marque l’immédiateté de la réaction du public.)
- le public acquiert les caractères d’un personnage : versatilité, inhumanité, double jeu
les sifflets redoublent » / « vous jetiez des bouquets sur la scène », « Ce sont vos
vrais visages ? »)
- Kean fait de son altercation avec Mewill un jeu de scène, l’intégrant à cette
représentation qu’il improvise
2. une sortie théâtrale
- solennité de la sortie : « il s’en va, à pas lents, dans le silence », marquée par le rythme
ternaire, associée à l’immobilité des autres personnages (« sur scène tous les
personnages sont figés de stupeur »)
- retour de la formule rituelle, répétée : « Rideau, rideau ! »
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- didascalie finale qui fait, a posteriori, de l’intervention de Kean une représentation
- retour de l’ordre : le théâtre se réapproprie cette séquence de vie extérieure en
invoquant une raison médicale : « Kean vient d’être pris d’un accès de folie »
- retour à l’éloge hyperbolique : « soleil de l’Angleterre », gradation : « le célèbre,
l’illustre, le sublime »
Conclusion : il serait intéressant de souligner que ce texte est aussi une réflexion sur les
statuts de l’acteur, du personnage, du public, du théâtre même. Kean croit encore, dans cette
mise à nu pathétique, savoir qui il est. Mais cet « homme » n’est rien sans le masque, le geste
n’a en rien libéré, et Kean va, plus avant dans le discours, se reconnaître un « monstre » ;
pour, on l’a vu, n’être plus personne.
Consignes de correction
Remarques générales : On attendra un commentaire organisé, présentant un plan structuré, des
références précises au texte et l’analyse de quelques procédés de style.
On accordera la moyenne aux copies qui auront travaillé sur la confusion acteur-personnage
(point 2 de la première partie), et mis en évidence le rôle des spectateurs (point 1 de la
deuxième partie)
On valorisera :
- les efforts d’élaboration d’un plan qui ne suit pas la structure du texte
- la mise en évidence du fait que le refus de jouer devient un prétexte à une représentation, et
que l’acteur crée le personnage de Kean (« un acteur en train de jouer Kean dans le rôle
d’Othello »)
- les développements qui font apparaître une réflexion sur les liens entre personnage et acteur,
acteur et public, théâtre et réalité
On pénalisera :
- la paraphrase, le simple montage de citations, une analyse juxtalinéaire
- l’absence d’introduction et de conclusion
- l’absence de références au texte
- l’absence d’étude de procédés de style
- les contresens sur le texte
III. DISSERTATION : 16 points
On emploie parfois l’expression « créer un personnage » au sujet d’un acteur qui endosse
le rôle pour la première fois. Selon vous, peut-on dire que c’est l’acteur qui crée le
personnage ? Vous répondrez en faisant référence aux textes du corpus, aux œuvres que
vous avez vues ou lues, ainsi qu’à celles étudiées en classe.
Eléments de corrigé
Introduction : une pièce de théâtre ne prend tout son sens que lors de la représentation. La
première est souvent déterminante et son succès repose sur les épaules des acteurs.
Peut-on pour autant dire que l’acteur crée le personnage ? Quelle est sa part de
responsabilité ?
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Nous étudierons d’abord quelle part de création est la sienne, mais aussi comment le texte et
la représentation créent le personnage. N’y a-t-il pas, enfin, interaction entre l’acteur et son
personnage, l’un influençant l’autre ?
Plan proposé
Ière partie : L’acteur apporte une part de création
IIème partie : Texte et représentation créent le personnage
IIIème partie : Interactions entre personnage et acteur
I- L’acteur apporte une part de création
De façon inconsciente et consciente, l’acteur va incarner un personnage fictif avec sa propre
singularité.
a) Importance d’un physique, d’une voix, d’une diction, d’une présence sur scène :
Que l’on pense, par exemple, à G. Depardieu dans Cyrano de Bergerac, I. Huppert dans
Médée, L. Jouvet dans Knock ; il faut un physique de l’emploi pour jouer les grands
rôles (Dom Juan) ou les rôles comiques (L’Avare) …
b) Sensibilité et caractère :
Le corpus offre cette réplique « en la donnant sincère, vous avez eu l’air abominablement
faux. C’était parfait » - Anouilh, ligne 25 - doc C) La jeune comédienne Hortensia comme
le personnage qu’elle incarne paraît hypocrite lorsqu’elle dit préférer la simplicité. De
même Kean projette sa propre jalousie sur le personnage qu’il joue (0thello) : doc D.
c) Vision personnelle du personnage à jouer :
Un acteur n’est pas un simple exécutant mais il développe un aspect du personnage,
s’interrogeant sur le rôle qu’il joue. C’est ainsi que chaque interprétation est une nouvelle
œuvre.
Dans Rotrou, Genest est un acteur païen jouant le rôle d’un futur martyr ; il découvre qu’il
a de la sympathie pour son personnage (vers 23-24) ; il va nécessairement le jouer en
montrant sa sympathie ; doc A.
II- Texte et représentation créent le personnage
L’acteur n’est pas seul dans une pièce ; le texte lui-même, le metteur en scène, le public lui
imposent leurs contraintes.
a) Le texte est le résultat de l’intention d’un auteur dont l’acteur ne peut pas totalement
s’affranchir. On citera dans le corpus Kean qui, lorsqu’il s’écarte du texte, est sifflé (ligne
11- doc D) ; les nombreuses didascalies des pièces de Beckett enferment l’acteur dans une
succession précise de gestes ; les nombreux changements de registre dans Ruy Blas ont
même pour effet d’obliger l’acteur à respecter le texte ; le renversement des rôles dans
L’île aux esclaves de Marivaux fait partie d’une réflexion quasi politique.
b) Les partis pris de mise en scène fournissent un cadre au comédien qu’il ne peut ignorer.
Molière dans L’Impromptu de Versailles donne des injonctions précises à ses
comédiens (lignes 15, 21-22 doc B) ; cf. représentations vues en classe (par exemple P.
Chéreau Phèdre, A. Vitez Le Misanthrope…) ; L. Jouvet et A. Mnouchkine ont théorisé
l’importance de la vision du metteur en scène dans le sens de la pièce.
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