(Voir Histoire philosophique du genre humain, Antoine Fabre

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L’HOMME ET LES ÉTOILES
C’est un magnifique poème qui évoque des noms d’étoiles ; et je me souviens
que François me répétait souvent : « Il faut que tu t’occupes des étoiles »...
Alors, on peut tout de suite lui demander ce qu’était pour lui une étoile… Dans
une conférence à Prades en avril 1983 intitulée Le Roi Salomon, François
précisait : « De même que la Sagesse dans sa puissance infinie a créé l’univers
bulle avec ses milliards de galaxies, à l’intérieur de cet univers bulle, il y a
l’Intelligence qui elle, a créé notre système solaire. Maintenant il y a aussi le
mot « étoile » qui peut être interprété malgré tout, parce qu'on peut également
dire que les étoiles représentent les idées et nous aurions alors peut-être une
nouvelle vision du monde
1
».
Et pour avoir une petite idée de ce que sont les étoiles, écoutons Victor Hugo
dans la Légende des Siècles :
Millions, millions, et millions d’étoiles !
Je suis, dans l’ombre affreuse et sous les sacrés voiles,
La splendide forêt des constellations.
C’est moi qui suis l’amas des yeux et des rayons,
L’épaisseur inouïe et morne des lumières.
Encor tout débordant des effluves premières,
Mon éclatant abîme est votre source à tous.
Ô les astres d’en bas, je suis si loin de vous
Que mon vaste archipel de splendeurs immobiles,
Que mon tas de soleils n’est, pour vos yeux débiles,
Au fond du ciel, désert lugubre où meurt le bruit,
Qu’un peu de cendre rouge éparse dans la nuit !
Mais, ô globes rampants et lourds, quelle épouvante
Pour qui pénétrerait dans ma lueur vivante,
Pour qui verrait de près mon nuage vermeil !
Chaque point est un astre et chaque astre un soleil.
Autant d’astres, autant d’immensités étranges,
Diverses, s’approchant des démons ou des anges,
Dont les planètes font autant de nations ;
Un groupe d’univers, en proie aux passions,
Tourne autour de chacun de mes soleils de flammes ;
Dans chaque humanité sont des cœurs et des âmes,
Miroirs profonds ouverts à l’œil universel,
Dans chaque cœur l’amour, dans chaque âme le ciel !
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Conférence de François Brousse, Salomon, Prades, 18 avril 1983.
2
Victor Hugo, La Légende des siècles, XXVIII Abîme (Ed. R. Laffont, Paris 1985)
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Albert Schweitzer, célèbre médecin de la ville gabonaise de Lambaréné disait :
« L'idéal est pour nous ce qu'est une étoile pour le marin. Il ne peut être atteint
mais il demeure un guide
3
». Donc, comme tous les marins, et ce, depuis les
humanités les plus anciennes et les plus éloignées dans le temps, je regarde le
ciel et ses étoiles ; comme tous les hommes, je vois de loin ma véritable patrie
que j’espère regagner un jour et, comme hélas peu d’hommes, je m’intéresse à
celle-ci. Si aujourd’hui, le matérialisme tente de faire oublier qu’il existe autre
chose que nos deux pieds sur cette terre, je veux vous dire qu’il n’en fut pas
ainsi dans les temps les plus reculés. Tels des témoins inébranlables de ces âges
oubliés, des mégalithes et toutes sortes de pierres levées sont encore présents sur
notre planète pour qui sait les chercher et les interpréter ; ils sont le reflet d’une
cosmogonie triomphante, rappelant constamment à l’homme ses origines
célestes, cosmogonie qui portait le doux nom d’astronomie. Et même si ce mot
a, de nos jours, perdu ses véritables lettres de noblesse en ne s’intéressant plus
qu’à la composition chimique des étoiles, il était autrefois le nom de la plus
ancienne des sciences humaines pour laquelle l’engouement et l’admiration
n’est plus à démontrer. Il ne s’agissait même plus d’ailleurs d’une simple
admiration, il s’agissait d’une dévotion et d’une certitude quasi religieuse dans
l’idée de leur appartenance stellaire. Et derrière les mythes, les légendes et les
traditions, se cache une ancienne réalité. Prenons quelques exemples : les
Tibétains et les Hindous affirment que l’univers est le père de la race terrestre ;
les habitants des Nouvelles Hébrides disent que la première race d’hommes était
faite des descendants des fils du ciel ; les Indiens d’Amérique expliquent qu’ils
sont les descendants des oiseaux de tonnerre ; les Incas disent descendre des Fils
du Soleil ; les habitants de l’Île de Pâques font remonter leurs origines aux
hommes volants ; les Hindous croient descendre d’Indra, roi des dieux et
Seigneur du Ciel dans la mythologie védique de l'Inde ancienne, qui parcoure le
ciel dans un navire de feu qu’ils nomment vimana ; les Mayas seraient, d’après
eux, les enfants des Pléiades, ce petit amas d’étoiles dans la constellation du
Taureau ; dans les mers du Sud, les habitants disent qu’ils descendent du dieu
Tangaloa, tombé du ciel dans un gigantesque œuf étincelant, etc… Toutes les
peuplades anciennes placent donc leurs origines dans le ciel étoilé. Pas étonnant
alors d’inscrire l’astronomie au sommet des sciences, l’astronomie, la plus
ancienne des sciences humaines. Ceci dit, à quoi correspond-elle ? Le mot
astronomie vient du grec Astronomia - astron et nomos - qui signifie loi des
astres, loi interprétée par les savants des choses du ciel, c’est-à-dire les
Horoscopoï ou prêtres-astrologues car, à ces époques reculées, on ne faisait pas
de différence entre l’astronomie et l’astrologie comme on le fait actuellement.
Certaines civilisations parmi les plus anciennes, comme celles que je vous citais
tout-à-l’heure, connaissaient déjà depuis fort longtemps le caractère périodique
3
Albert Schweitzer (1875-1965), citation.
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des équinoxes et des solstices et construisaient leur système de constellations en
les basant sur leur mythologie et leur culture.
Avant tout, qu’est-ce qu’une constellation ? C’est un groupe d'étoiles dont les
emplacements sur la sphère céleste sont suffisamment voisins pour que les
anciennes civilisations aient relié ces étoiles par des lignes imaginaires, traçant
ainsi un schéma que l'on pourrait qualifier d'images théosophiques. Après avoir
été nommées, ces images deviennent, en quelque sorte, un condensé d'univers
inscrit dans l'espace, n'appartenant à aucune époque particulière et se jouant des
continents et des cultures ; elles sont contemporaines de ce qu'elles explicitent,
donc éternelles. Ces images théosophiques sont la figure représentative qui aide
à l'éclosion d'un monde, car si elles sont le reflet de l'intuition des grands
hommes, elles disent aussi comment le monde s'est érigé et comment chacun,
depuis le fond des âges, a participé à son élaboration depuis l'origine. Elles sont
enfin une ouverture infinie de l'espace mental ainsi qu’un extraordinaire
instrument de connaissance. Mr de Buffon, naturaliste bien connu, disait ceci :
« Tout s'opère, parce qu'à force de temps, tout se rencontre, et que dans la libre
étendue des espaces et dans la succession continue du mouvement, toute matière
est remuée, tout forme donnée, toute figure imprimée ; ainsi, tout se rapproche
ou s'éloigne, tout s'unit ou se fuit, tout se combine ou s'oppose, tout se produit
ou se détruit par des forces relatives ou contraires, qui seules sont constantes,
et, se balançant sans se nuire, animent l'univers et en font un théâtre de scènes
toujours nouvelles et d'objets sans cesse renaissants
4
».
Maintenant, que signifie cette géométrie qui forme la constellation ? Et surtout,
d’où vient cette science ? Voilà une question à laquelle il est extrêmement
difficile de répondre. Écoutons ce qu’en dit Raimonde Reznikov, auteur
spécialisé dans le celtisme : « S’il existe un mystère qui ne sera probablement
jamais éclairci, c’est bien celui de l’origine des constellations célestes. En effet,
les noms et les légendes attribués aux divers groupes stellaires et à chacune des
étoiles, remontent à un passé si lointain qu’il devient impossible d’en discerner
la source. Seule une tradition unique à l’échelle mondiale semble capable
d’expliquer la raison d’étranges parentés d’inspiration rencontrées chez des
peuples très éloignés les uns des autres, et de cultures totalement différentes.
5
»
On peut donc dire avec certitude que toutes les cosmogonies existantes - et aussi
loin que nos yeux puissent observer le passé - semblent issues d’une même
source, étoile géante au firmament des dieux. Que pouvait bien dire cette
source ? Probablement ceci : l’homme, par ses erreurs et ses imperfections, est
tombé dans l’incarnation de la matière. Il doit en prendre conscience et
retourner aux étoiles, sa demeure authentique. Mais comme il n’a pas la
4
Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788), citation.
5
Raimonde Reznikov, Les Celtes et le druidisme, Éditions Dangles, St Jean de Braye 1995.
4
possibilité de retourner aux étoiles à volonté, il met les étoiles sur terre en
souvenir de celles-ci. Comment ? En plaçant stratégiquement des jalons, des
repères, des inscriptions non déchiffrées, des rébus qui n’ont pas d’âge et pour le
moins, incompréhensibles. Il y a six ou sept mille ans, ces pratiques,
vraisemblablement à caractère religieux, étaient courantes ; aujourd’hui, elles
ont complètement disparu de la mémoire des hommes. Les derniers à s’être
préoccupés de cette nécessité étaient les constructeurs de cathédrales qui
jalonnèrent le Moyen-âge. Grâce aux bribes éparses de l’ancien secret, ils
disposèrent ces monuments à des endroits extrêmement précis qui mettent en
communication la terre et le ciel. Mais depuis eux, plus rien... Pourtant, en juillet
1798, un petit général débarque avec armes et bagages en Égypte pour l’arracher
aux mains des Anglais. L’effet est inattendu ; voilà que se réveille de son
sommeil de plusieurs milliers d’années un pays qui, depuis la plus haute
antiquité, mettait toujours le ciel sur la terre. Et ce réveil allait provoquer, en
cette fin de millénaire, le plus fantastique retour de l’homme sur son passé. Mais
avant dexpliquer cette « égyptomanie » insistante et chronique, il nous faut
quelque peu dépeindre l’astronomie.
Sœur jumelle de l’astrologie, elle doit son essor à celui des mathématiques
depuis l'Antiquité grecque, et à l'invention d'instruments d'observation,
notamment par les Arabes à la période médiévale, instruments perfectionnés par
Galilée au début du XVIIème siècle. Si l'astronomie n’avait jamais été
précédemment dissociée de l'astrologie, les deux disciplines étant par définition
conçues comme un tout, le Siècle des Lumières provoqua la distinction entre la
raison et la foi, et par même, la scission entre ces deux disciplines, à tel point
qu’aujourd’hui, au XXIème siècle, astrologie et astronomie sont devenues deux
sœurs ennemies, l’une, péjorativement taxée de scientisme, l’autre, accusée de
sorcellerie…
Comment pouvait être conçue l’astronomie par les hommes qui vécurent
plusieurs millénaires avant J.C. ? De l’époque du Paléolithique, période que l’on
peut voir se terminer aux alentours de l’an 12000 avant J.C., il n'existe que peu
d’informations directes ou écrites, à part l’existence de rares objets qui, peut-
être, témoigneraient de l'observation des astres, hypothèses bien évidemment
non vérifiées. Par exemple, Chantal Jègues-Wolkiewiez, chercheuse
indépendante, considère même que les peintures des grottes du sud de la France
pourraient être des cartographies stellaires. Pour elle, la scène du Puits de la
Grotte de Lascaux, datée d’il y a environ 17.000 ans, supposerait des connais-
sances astronomiques : elle croit en effet y reconnaître quelques constellations,
notamment une représentation des Pléiades et de la constellation du Taureau. La
signification profonde de ces cartographies est encore aujourd’hui mal connue ;
elle pourrait être d'ordre religieux ou calendaire, voire les deux à la fois. Mais
5
même s’il y a peu d'indices archéologiques, cela ne signifie pas que l'observation
du ciel ne jouait aucun rôle chez les hommes de la préhistoire.
À l’époque du Néolithique, donc à partir de l’année 12000 avant J.C., les
sources commencent à se multiplier, bien que leur interprétation soit encore
délicate. La confection de calendriers, qui témoignent de connaissances
évidentes du fonctionnement céleste, constituait un outil de vie essentiel. On
attachait ainsi aux causes possibles des phénomènes célestes une interprétation
le plus souvent religieuse. D'innombrables sépultures de cette époque sont
orientées vers une direction particulière du ciel, car il ne fait aucun doute que,
pour l’homme des premiers âges, il se rendait à sa mort vers l’étoile principale
scintillant dans cette direction.
Parmi les vestiges qui nous sont parvenus de cette période, on peut reconnaître
les grands cercles mégalithiques dont les plus connus sont Nabta Playa situé au
sud de l’Égypte non loin d’Abou Simbel et datant des environs de 4000 à 4500
avant J.C., ou Stonehenge dans le Wiltshire en Grande-Bretagne, mis en place
peut-être entre 1500 et 2500 avant J.C. Leur fonction consistait vraisem-
blablement à observer les étoiles et à inscrire dans la pierre le repérage rituel
d'alignements solaires ou lunaires, au moment du lever et du coucher de ces
astres, à différentes époques de l'année. Camille Flammarion par exemple, et
bien d'autres avant et après lui, parlera au sujet des cercles mégalithiques de
monuments à vocation astronomique et d'observatoires de pierre. D’ailleurs,
signalons que dans les années 1970 est apparue l’archéoastronomie, nouvelle
discipline qui se consacre à l'étude de ce genre d'édifices et à leur signification
astronomique.
Il est maintenant un endroit où ces vestiges probablement très anciens font
couler beaucoup d’encre ; faisons pour cela un bond au dessus de l’Océan
Atlantique, et rendons-nous en Amérique du Sud afin de voir si, là aussi,
l’homme était un adorateur fervent des étoiles. Henri Stierlin, un auteur
spécialisé dans la matière, nous en parle : « Au Pérou, sur une terre aride, non
loin de l’Océan Pacifique, les archéologues ont découvert en 1939 l’un des
témoignages les plus déroutants de l’activité des peuples précolombiens : sur un
site de plusieurs dizaines de kilomètres carrés, en pleine région désertique, sont
réunis d’étranges signes dessinés sur le sol à une échelle immense, colossale,
grandiose. Des figures d’animaux, des motifs géométriques, de vastes aires
dégagées, limitées par des bordures rectilignes, formant de gigantesques
trapèzes, et enfin, des lignes qui s’étirent tout droit à travers le paysage désolé
du piedmont caillouteux constituent le rébus le plus embarrassant de
l’archéologie des cinq continents. Tout est pour faire naître le mystère. Les
questions se pressent : De quand datent ces dessins démesurés qui montrent,
pour un observateur volant dans le ciel, d’énormes oiseaux, un singe, un
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