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- Doc A : Comment prendre en compte l’amélioration de la qualité ?
On se souvient peut-être de la récente polémique à propos de l’affaiblissement relatif de la position
économique française au sein de l’Union européenne : entre 1992 et 1999, sa position relative, mesurée à
partir du PIB par habitant, était passée de la troisième à la douzième place. Jusqu’à ce que l’on découvre que
cela était dû à une erreur dans le calcul de l’évolution des prix des logements. L’exemple américain est aussi
instructif. Entre 1998 et 1999, les Etats-Unis se sont enrichis de plus de 800 milliards de dollars. Sans rien faire.
Une commission sénatoriale américaine (la commission Boskin) avait en effet estimé que les données de
comptabilité nationale sous-estimaient les gains de qualité effectués par les producteurs et que c’était donc à
tort que certaines hausses de prix avaient été comptabilisées comme de l’inflation, au lieu de l’être comme
des améliorations de produits. Or ces dernières font partie du PIB « en volume », car elles sont considérées
comme un enrichissement effectif. LA révision de la comptabilité nationale qui s’en est suivie a donc majoré la
croissance (en volume ou réelle) du PIB des Etats-Unis de près de 0,5% par an entre 1983 et 1997 : soit, en
cumul, 10% de croissance en plus. Du coup, l’écart de croissance constaté entre les Etats-Unis et l’Union
européenne au cours de cette période, qui était de quinze points au détriment des quinze, s’est creusé et est
passé à vingt-cinq points. Une performance médiocre, mais explicable (l’unification allemande, la préparation
de la monnaie unique, l’absence de contrainte extérieure pour les Etats-Unis), s’est transformée en gouffre,
et, pour les libéraux, est devenue la preuve irréfutable de la supériorité du modèle américain.
Denis Clerc, Alternatives économiques, Hors Série n°54, octobre 2002
Questions :
1) En quoi une variation de prix modifie-t-elle l’estimation du PIB en volume, et donc la mesure de la
croissance ? (-> cf TD volume/valeur)
2) La hausse des prix porte-t-elle toujours sur des produits identiques ?
3) Dans le cas américain, pourquoi la prise en compte de l’amélioration de la qualité des produits a-t-
elle conduit à réviser la mesure du PIB en volume ?
4) Ces erreurs (corrigées ou non) sont-elles anodines ?
Doc B : L’augmentation du PIB n’est pas toujours synonyme de bien-être
Venons-en aux principaux arguments et exemples permettant de mieux saisir à quel point les notions de PIB et
de croissance économique sont éloignées des idées de bien-être et de développement.
On ne déduit pas les dégâts du modèle actuel de croissance. Une société où il y a beaucoup d’accidents de la
route, qui vont exiger des soins médicaux, des réparations de véhicules, des services d’urgence, etc., aura
tendance, toutes choses égales par ailleurs, à avoir un PIB plus gros qu’une société où les gens conduisent
prudemment. Plus précisément, elle aura tendance à orienter une plus grande partie de ses ressources
économiques et de ses activités vers la réparation des dégâts, sans progression globale du bien-être, plutôt que
vers la production de bien-être supplémentaire.[…]
On ne compte pas des contributions positives essentielles au bien-être. Si, pour atteindre des taux de
croissance élevés, on contraint ou on incite les gens à travailler de plus en plus, et à avoir moins de loisirs et
de temps libre, ce phénomène ne sera vu que sous l’angle du progrès du PIB, car le PIB e considère pas que la
progression du temps libre est une richesse digne d’être comptée. Nous n’avons pas pris cet exemple au
hasard : aux Etats-Unis, depuis 1980, le temps de travail annuel moyen par personne a progressé de
l’équivalent de cinq semaines de travail par an (204 heures), contrairement à ce qui s’est passé dans presque
tous les pays européens. On a là un bel exemple d’une contribution essentielle au bien-être, le temps libre, qui
n’apparaît pas dans les comptes de la richesse.[…]
Le PIB s’intéresse aux outputs, non aux outcomes. On sait bien que le « beaucoup-avoir » n’est pas le bien-
être. Ce dernier peut être approché selon deux grandes dimensions. La première est celle du bien-être
subjectif, évalué sur la base d’enquêtes d’opinion ou de satisfaction […]. L’autre approche du bien-être est
celle du « bien-être objectif », sur la base de critères multiples comme la bonne santé et l’espérance de vie,
l’accès à l’éducation et la maîtrise des connaissances, la sécurité économique, la prévalence de la pauvreté et
des inégalités, les conditions de logement et de travail, etc.
Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice, Les nouveaux indicateurs de richesse, coll.
Repères, La Découverte, 2005.
Questions :
1) Donnez d’autres exemples de dégâts occasionnés par la production et qui ne sont pas pris en compte
dans le calcul de la croissance.
2) Les activités domestiques ou bénévoles sont-elles comptabilisées dans le PIB ? Pourquoi ?
3) Expliquez la phrase soulignée.
Doc C : Croissance pour qui ?
A côté de la question « croissance de quoi », il y a la question « croissance pour qui ? », c'est-à-dire la question
des inégalités. Or une même croissance de 2 ou de 3 % par an pendant des années peut, selon les cas,
s’accompagner d’un creusement ou d’une réduction des inégalités sociales. Ces phénomènes ne sont pas
comptés dans la conception dominante de la richesse. Est-ce normal ? Est-il indifférent à notre bien-être de
vivre dans une société où coexistent une masse de pauvres et une poignée de très riches ? Est-ce qu’un euro ou
un dollar de croissance en plus dans la poche d’un pauvre ne produit pas plus de bien-être que la même somme
dans le portefeuille d’un riche ? C’est pourtant l’hypothèse de ceux qui assimilent PIB, richesse et progrès. Et à
nouveau, s’il est vrai qu’aucun comptable national ne défend une telle assimilation, il est clair qu’elle est