Entretien du 16 octobre 2011 - synergie Un réseau de Bénévoles

Entretien avec le Père Marc Robin, aumônier de l’hôpital de la Chartreuse.
- Quelle est l’origine des aumôneries dans les hôpitaux psychiatriques ?
A partir de la loi de1905 concernant la séparation de l’Eglise et de l’Etat. L’Etat français a toujours eu souci
de toutes les dimensions de la personne humaine, en particulier dans la pratique de la religion ; et, à partir
de ce souci-là, il a été mis en place une présence, malgré la séparation de l’Eglise et de l’Etat, de
représentants des différentes religions dans les établissements où les citoyens étaient enfermés. Par
exemple les prisons, par exemple aussi à l’Armée, pour la pratique du culte, mot important dans cette loi,
et bien sûr dans les hôpitaux où les patients sont soumis à l’autorité civile préfectorale.
Depuis cette époque là, il y a une présence cultuelle au travers de prêtres, d’aumôniers, et à partir de 1985
dans l’Eglise de France sont intervenus aussi des laïcs qui ont mission de leur Evêque (puisqu’ils sont
nommés par lui) ; ils font fonction d’aumôniers, et ces personnes, que ce soient les aumôniers laïcs ou les
aumôniers prêtres, avec la lettre de mission de leur Evêque, sont reconnus par l’administration civile ; si
c’est un poste salarié, il a un salaire comme tous les aumôniers officiels, si ce sont des laïcs ils sont
bénévoles, mais reconnus officiellement comme aumôniers et inclus dans le personnel de l’établissement.
- Est-ce que le Directeur ou le Préfet a son mot à dire dans les nominations ?
Toute autorité a le droit de dire qu’elle n’accepte pas telle ou telle candidature en fonction du CV qui aura
été présenté. Les autorités civiles ne ferment pas les yeux sur les propositions, il existe un échange.
- Donc il y a un aumônier laïc ou prêtre ?
A la Chartreuse, j’ai connu Monseigneur de COSSEBRISSAC, ensuite le Père MARCHAND, le Père ANTOINE,
Sœur Marielle. Et après moi, si on ne trouve pas un prêtre, l’Evêque de Dijon peut nommer quelqu’un de
compétent, le former, etc. et ce pourrait être un laïc.
- Cette présence de l’aumônier, comment est-elle perçueparle personnel, d’abord, et surtout par
les malades ?
Pour moi à la Chartreuse, je dépends directement de l’administration, comme les assistantes sociales,
comme les professionnels d’art thérapie, etc. nous sommes ce qu’on appelle des personnels
« transversaux », c'est-à-dire que nous passons partout mais nous sommes tout de même soumis à un
cadre. Je dépends directement de la Direction.
- Comment se fait le contact avec les malades ?
Le contact s’établit en fonction, pour moi, de l’esprit de la loi de 1901, le premier objectif étant le culte. J’ai
la chance à la Chartreuse d’avoir un lieu cultuel dont je suis l’affectataire officiel, et mon premier objectif
est que, dans cet espace il y ait de l’accueil et la possibilité de prières, et effectivement la Chapelle de la
Chartreuse est réputée pour être ouverte toute la journée, les patients y passent ; cet espace de prières,
avec le comité culturel, est devenu aussi un espace culturel. Y sont organisées des expressions théâtrales,
ou bien de textes, de musique, qui peuvent être thérapeutiques, au service des patients. Pour moi l’idée a
été de faire que cette Chapelle vive, même dans l’état elle se trouve, mais on a tous un espoir qu’elle
soit restaurée et repeinte.
Au niveau des malades, je vais partout j’ai l’autorisation de passer, en fonction des demandes des
patients, quel que soit le culte ; je suis en effet référent s’il s’agit de mettre en lien avec le Rabbin dans la
religion juive, ou de la religion de l’Islam avec les Imams, j’ai de bons contacts avec le responsable du culte
musulman sur la région, Mr QUERCRI, ça se passe bien, et pourtant les relations, à la base, ne sont pas
évidentes ; et la Chartreuse aussi a, dans son histoire personnelle de maison, des habitudes, il faut donc
être très discret, respecté, etc.
Je réponds donc à toutes demandes et également je passe dans les unités pour dire bonjour.
- Quand un malade arrive à la Chartreuse est-il informé qu’il existe un aumônier référent ?
Oui, sur les livrets d’information des différentes unités que nous avons à l’accueil, en face de votre
permanence d’ailleurs, il y a cette indication que le patient et sa famille peuvent être en lien avec
l’aumônier référent.
- Les familles viennent-elles consulter aussi ?
Les familles peuvent me demander, ou bien viennent me voir, comme tous les personnels. La spécificité en
France, et j’ai toujours connu cela aussi dans les aumôneries d’autres institutions hospitalières, de
l’aumônerie catholique, c’est qu’elle est ouverte, non seulement aux patients, qui sont bien entendu les
principaux intéressés, mais elle est aussi à l’écoute des soignants ainsi qu’à l’écoute des familles. Par
exemple, une pharmacienne m’a demandé hier si on pouvait baptiser dans la chapelle de la Chartreuse, ce
qui laisse à penser que la psychiatrie fait moins peur qu’avant.
- Compte tenu des pathologies, y-a-t-il des approches spécifiques ?
Forcément, on est devant le service et l’écoute de la personne en général, et j’aime beaucoup la distinction
du corps infirmier qui spécifie le physique, le physiologique, le psychique, le relationnel et puis le spirituel.
Le spirituel c’est ce qui donne justement un sens à toute la personne.
Dans cette dimension spirituelle, en France on a eu du mal à mettre ça sur pied, mais depuis les années
1980 les soins palliatifs sont arrivés du Nord et du Canada, on a bien différencié le religieux et le
spirituel.
Le religieux, c’est cette invitation adressée à tout humain d’une puissance transcendantale ou autre, qui
donne un plus dans sa vie spirituelle, qui est pour moi le corps profond du sens de l’humain. Mais ce qu’il
faut bien redire, et pour moi c’est très important, avec mes collègues de l’aumônerie et également les
patients qui le savent, avant d’être prêtre je suis un homme, les dames de l’aumônerie avant d’être des
mères de famille sont des femmes, donc êtres humains masculins et féminins, et les patients sont déjà des
êtres humains avant que de vouloir pratiquer tel ou tel culte, telle ou telle religion.
- Ressent-on des approches spirituelles spécifiques ? Peut-on donner un sens à la maladie
psychique sur le plan spirituel ?
Comme toutes maladies, les pathologies psychiatriques demandent beaucoup d’attention, beaucoup
d’écoute ; il faut essentiellement inviter la personne à croire en elle, à avoir de la confiance en elle, surtout
si l’origine de la famille est difficile, conflictuelle, s’il y a eu dans tout le circuit de l’être humain des
souffrances, des conflits, des rejets. Ma première démarche c’est en accueillant, (et moi j’accueille tout le
monde, même des gens qui ont des poussées de violence, des pulsions), de leur faire prendre conscience
qu’ils sont avant tout des êtres humains uniques, pour permettre à la personne, malgré ses pathologies, ses
difficultés, ses fragilités, de reprendre confiance en elle, en particulier chez les déprimés. Et de là, malgré
les diminutions ils peuvent réaliser quelque chose, donner du sens à partir du négatif, de tout ce qui est
source d’exclusion, de problèmes, de souffrances. A travers tout cela notre présence chrétienne, notre
présence religieuse, pas seulement catholique, fait prendre conscience à la personne que tout ce qu’elle vit
a du sens, donc essaie de l’aider à trouver le sens de sa propre maladie, ce qui n’est pas facile.
PAUL RICOEUR A DIT QU IL EST DANS LA GRANDEUR DE L HOMME DE TROUVER UN SENS A SA VIE. Ceci
est valable pour tout homme. même malade. Dans l’univers des pathologies psychiatriques on ne peut pas
jouer, on est dans la réalité humaine, on ne peut pas raconter des mensonges à la personne.
- Parlez-nous du pèlerinage à Lourdes.
En 2009 et cette année, nous avons fait un pèlerinage à Lourdes avec le diocèse. Le point de départ était de
répondre aux besoins religieux d’une personne. Personnellement j’ai des malades chroniques, des patients
au long cours qui sont là tous les dimanches, et certains qu’il faut aller aider à sortir de leur unité. Ces gens
là viennent à la messe régulièrement et c’est pourquoi on leur a proposé une pratique qui est de toutes les
religions : le pèlerinage. Les directeurs successifs de la Chartreuse ont accepté, certains personnels par
contre ne comprennent pas qu’un séjour thérapeutique clinique se retrouve dans un pèlerinage catholique.
Cela leur semble déplacé par rapport à la laïcité pure et dure de notre pays de France.
Les gens sont contents et heureux, ils vivent quelque chose de grand et, malgré leurs pathologies
d’autisme, de schizophrénie, ou autres, ils n’ont pas peur de la foule. Ils sont bien au milieu de la foule, et
pourtant ça n’a rien à voir avec un petit groupe de copains partis à Lourdes !
- Quels sont les projets pour la chapelle ?
Notre Association des amis de la Chapelle de la Chartreuse existe depuis 5 ans. Nous donnons 4 concerts
par an, il y a des conférences, et il y a aussi dans cet espace les liens avec le comité culturel pour d’autres
activités, par exemple a eu lieu un concert de deux musiciens sud-américains, du Pérou précisément. La
Chapelle participe aux festivités des journées du patrimoine, des journées de la musique, c’est donc un
espace qui vit. La messe le dimanche, d’autres offices, quelquefois des célébrations d’obsèques ou quand la
personne n’a plus de famille et que la curatelle me dit de célébrer avec des amis. C’est un lieu qui reste à
dimension familiale.
Le projet, c’est l’espoir que cette année sortira le projet de restauration, de nettoyage, de reconstruction,
en commençant par le clocher, puis le toit, ensuite l’intérieur de la Chapelle puisqu’on ne peut rien toucher
pour le moment, la chapelle étant classée monument historique, et enfin le portail qui sera restauré, au
même titre que le Puits de Moïse, de même structure, du même auteur.
Merci Père ROBIN
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