Danton / Robespierre

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SANGIORGIO Léa
L3 Histoire
UE : Mini-mémoire.
Danton et Robespierre pendant la Révolution française.
Danton
Auteur : Ecole française du XVIIIème.
Source : http://www.droitspartages.net/affiche_notice.php?docid=387
Robespierre
Auteur : Joseph BOZE.
Image conservée à Versailles.
Source : http://www.droitspartages.net/affiche_notice.php?docid=373
Sommaire.
INTRODUCTION ……………………………………………………………………….. p 3
Problématique …………………………………………………………………………….. p 4
PREMIERE PARTIE : Deux hommes à la fois proches et opposés : de leurs origines
sociales et à leurs débuts dans la révolutions. ………………………………………….. p 5
1. Robespierre. ……………………………………………………………………………. p 5
2. Danton. ………………………………………………………………………………… p 6
3. Leurs actions durant la fin de l’Ancien Régime. ………………………………………. p 7
DEUXIEME PARTIE : L’évolution des deux hommes suivant les évènements : deux
manières de penser et vivre les moments de la Révolution. …………………………… p 9
1. La monarchie constitutionnelle. ………………………………………………………... p 9
2. La Convention. …………………………………………………………………………. p 14
3. La Terreur. ……………………………………………………………………………... p 19
TROISIEME PARTIE : Une fin analogue, uniquement dans les faits. …………….... p 21
1. La chute de Danton. ……………………………………………………………………. p 21
2. La chute de Robespierre. ….………………………………………………………….... p 23
3. La postérité des deux hommes. ……………………………………………………….... p 27
CONCLUSION ………………………………………………………………………….. p 30
BIBLIOGRAPHIE ……………………………………………………………………… p 31
ANNEXES : chronologie sommaire ...............………………………………………….. p 32
2
INTRODUCTION
Aujourd’hui, dans la Révolution française, des personnages historiques tels Danton et
Robespierre nous apparaissent comme évidents. Pourtant l’histoire a tardé à les réhabiliter, et
l’historien n’a pas toujours regardé l’un ou l’autre d’un même œil, soit critique ou alors
rempli d’admiration.
En effet, c’est après la Révolution française, que Robespierre est sorti de l’image du
dictateur, alors que Danton a immédiatement été reconnu Homme de la Révolution, grâce aux
passions qui se sont rapidement déchaînées autour de lui, lors de la révision de son procès, en
faveur de son idéologie et de sa politique. Dès lors, les militants dantonistes on fait du
plaidoyer posthume Danton un réquisitoire contre ceux qui l’avaient condamné, c’est à dire
Saint-Just et Robespierre. C’est ainsi qu’un parallèle entre les deux hommes a commencé à
être mené : en opposant la vertu (Robespierre) au vice (Danton), l’incorruptibilité à la
vénalité, le labeur à l’indolence, la foi au cynisme, jusqu’à attribuer la vertu et la moralité à
Robespierre, et priver Danton de qualités.
En ce qui concerne Danton, les républicains dantonistes lui collaient une étiquette
d’opportuniste, bien que la majorité des républicains l’eussent choisi, dont Michelet et
Auguste Comte. En effet, Michelet a fait de Danton, et non de Robespierre un héros
profondément humain dont la générosité rachetait ses faiblesses. Par ailleurs, Aulard
appréhende Danton comme la figure majeure de la Révolution, en voyant Gambetta comme
l’incarnation de Danton, puis, revient sur cette idée, avec l’école positiviste. De plus, avec la
mise en avant de Robespierre par son élève Mathiez, fervent défenseur de Robespierre, et
notamment fondateur de la Société des études robespierristes et des Annales révolutionnaires,
il défend de nouveau Robespierre. Danton a surtout fait l’objet d’études dans les années 1920,
avec quelques petits sursauts déjà autour du centenaire, puis dans les années 1900 et dans les
années 1930. Quant à Robespierre il n’était pas beaucoup en vue avant le XXème siècle, car
jusque dans les années 1900 il était considéré, au même titre que Marat, comme un
représentant du jacobinisme radical, et donc n’intéressait que les républicains de gauche
partisans d’une politique insurrectionnelle. Cependant, depuis il a attiré plus d’attention
qu’aucun autre leader de la Révolution. L’intérêt pour ces deux hommes de la Révolution
française a connu une période de pointe dans les années 1930 du Front Populaire, et dans les
années 1960 et 1970 avec l’école révisionniste -incarnée par Furet, Gueniffrey et Ozouf-, qui
voulait mettre fin aux interprétations d’imprégnation socialiste et marxiste dans les travaux
historiques. En effet, Michelet était républicain, Mathiez socialiste, et Aulard radicalsocialiste, mais ils se trouvaient dans un siècle encore marqué par les révolutions. Notons
également que de nombreuses études sur ces deux hommes au XXème siècle, ont été
empreintes de marxisme, ceci est notamment lié à la présence du socialisme et du
communisme dans nos sociétés, ainsi que la forte résonnance de la Révolution russe. Enfin,
aujourd’hui, la Révolution française intéresse lus les chercheurs anglo-saxons et moins les
chercheurs français. Ainsi, aujourd’hui une étude sur Danton et Robespierre ne peut-être
uniquement comparative mais doit marquer l’opposition entre eux afin de noter leur évolution
idéologique et politique à travers les évènements communs qu’ils traversent, sans pour autant
les percevoir et les interpréter de la même manière
En effet c’est tout un contexte qui explique la Révolution française. Les origines de la
Révolution sont, avant tout, économiques et sociales. Elles sont économiques car liées à la
croissance démographique forte à laquelle l’agriculture ne peut répondre, créant une hausse
des prix du pain et une baisse des salaires. De plus, s’ajoute une série de crises tels qu’en
1775 avec une série de mauvaises récoltes, en 1780 une pénurie de foin provoquant un déclin
des bovins, et en 1788 de mauvaises récoltes créées des hausses de prix jamais atteintes. Il y a
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donc des famines et des disettes qui accentuent plus encore l’écart social, basé sur la
tripartition qui apparaît alors archaïque. En effet, il y a deux ordres privilégiés qui ne paient
pas ou peu d’impôt : les nobles qui sont les plus riches et qui paient le moins d’impôts et de
taxes, et le clergé qui fait le don gratuit. Enfin le Tiers-Etat, composé des plus pauvres de la
société, mais également de grands bourgeois proches de la noblesse, sont le plus touchés par
les impôts et les taxes. Il s’agit donc d’une crise également sociale.
Enfin, face à ces inégalités la contestation grandit, et donc le 8 août 1788 la convocation
des Etats-Généraux est annoncée pour le 1er mai 1789. C’est donc une grande nouvelle, car les
Etats-Généraux n’avaient pas été réunis depuis plus d’un siècle et demi, depuis le début du
règne de Louis XIII. Puis, en janvier 1789 l’abbé Sieyès publie une brochure intitulée Qu’estce que le Tiers-Etat ?, qui met à bas les différences sociales et définit une place au peuple. De
janvier à mai 1789, c’est une période marquée par de nombreux troubles et révoltes à Paris et
dans les provinces, alors qu’au même moment, de mars à mai ce sont les élections des EtatsGénéraux. Le 5 mai 1789 c’est l’ouverture royale des Etats-Généraux tant attendus, qui tourne
au fiasco puisque le 17 juin, les députés du Tiers-Etat se proclament l’Assemblée Nationale,
suivi du serment du jeu de paume, qui aboutit le 9 juillet au transfert de l’Assemblée
Nationale au titre d’Assemblée Nationale Constituante, c'est-à-dire sur une base
constitutionnelle. C’est un tournant, marqué peu après par la prise de la Bastille, qui du reste
est devenue un symbole de la Révolution française, qui se poursuit par la grande peur, qui
aboutit dans la nuit du 4 août 1789 à l’abolition des privilèges et droits féodaux, c’est donc la
fin de l’Ancien Régime et l’avènement de la monarchie constitutionnelle.
A cela, s’ajoute le 26 août l’adoption par l’assemblée de la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen. Le 14 juillet 1790, on fête le 14 juillet, comme la fête des Fédérés à
Paris. Malgré quelques troubles, et notamment la Constitution Civile du Clergé qui remet en
cause la religion catholique, et veut se détacher de la papauté, ce n’est que le 20 juin 1791 que
s’opère un tournant, avec la fuite du roi interrompue à Varennes, qui dès lors créée des
scissions dans l’opinion, et aboutit à la fusillade au Champ de Mars à Paris le 17 juillet 1791
après que les citoyens aient réclamé la déchéance du roi. Pourtant cet épisode n’empêche pas
la contestation contre la royauté, et le 10 août 1792 éclate une émeute des Sans-culottes qui
envahit les Tuileries, emprisonne le roi et marque dès lors la fin de la monarchie. Le 21
septembre 1792, c’est alors l’avènement de la République, suivi en décembre par le procès du
roi, aboutissant à l’exécution du roi le 21 janvier 1793. En février 1793, des révoltes en
Vendée, et des émeutes à Paris, font que Danton en appel à la Terreur en mars, et demande
l’instauration d’un Tribunal Révolutionnaire, qui est complété par les comités de surveillance
révolutionnaire, et par la création du Comité de Salut Public. Tout ceci afin de contrer les
périls intérieurs et extérieurs. Suivent, les journées parisiennes du 31 mai au 2 juin 1793, qui
marquent par la chute du groupe politique de la Gironde, et le début de la dictature de salut
public. Le 27 juillet 1793 Robespierre entre au Comité de salut public et dès lors marque son
passage et l’histoire de la Révolution. Puis en octobre suivant la Terreur est mise à l’ordre du
jour, marquant également la lutte des montagnards face à l’opposition radicale et modérée.
Robespierre rend la chute de Danton effective le 5 avril 1794, mais marque également le
début de sa propre chute… le 26 juillet 1794.
Robespierre est né à Arras le 6 mai 1958, et mort 28 juillet 1794, d’une famille de
tradition roturière, devient un avocat très rapidement reconnu, puis députés du Tiers-Etat aux
Etats-Généraux, où il se tourner vers le Club Breton qui devient le Club Jacobin. Danton, lui
est né le 26 octobre 1759 à Arcis sur Aube, et mort le 5 avril 1794 à Paris, il est issu d’une
famille plus aisée que Robespierre dont le père avait des fonctions de procureur et huissier
royal. Il fréquente le même collège que Robespierre, et comme lui devient avocat. Il fréquente
au début de la Révolution le club des Cordeliers, mais rapidement se tourner vers le
jacobinisme. Ainsi de quelle manière ces deux hommes ont-ils fait la Révolution ? Qu’est ce
qui les unit et qu’est-ce qui les désunit ?
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I.
Deux hommes à la fois proches et opposés : de leurs origines sociales et à leurs
débuts dans la révolutions.
Avant d’aller plus loin dans notre analyse, voici une présentation des deux personnages
que nous allons traiter dans notre sujet. Pour l’ordre de présentation, Robespierre apparaît le
premier car il est né avant Danton.
A. Robespierre.
Son père est avocat à Arras, sa mère est fille d’un brasseur arrageois. Maximilien de
Robespierre, n’est pas d’une famille noble, mais d’une tradition roturière. Robespierre naît le
6 mai 1758. Orphelin en 1777, il est recueilli ainsi que ses frères et sœurs, par son grand-père
maternel et des tantes. Il se sent, dès lors une responsabilité familiale, se traduisant -selon ses
proches-, par un gravité précoce et un goût pour la solitude. Il entre au collège d’Arras en
1765, où il se distingue rapidement par sa passion du travail. Ainsi en 1769, l’évêque d’Arras
lui accorde une bourse afin de poursuivre ses études au collège Louis-le-Grand, avec autant de
sérieux et de passion. Il ne se lie avec personne de son collège et fréquente les mêmes bancs
que Camille Desmoulins et Fréron. C’est durant sa formation universitaire qu’il s’intéresse à
l’histoire antique et à la philosophie de Rousseau notamment dont il ne se détournera pas. Son
séjour au collège Louis-le-Grand l'avait ouvert à la philosophie des Lumières, détaché du
catholicisme et engagé sur les traces de Rousseau avec une ferveur de disciple admiratif. Il est
fort probable que Robespierre a rencontré Rousseau en 1778, peu avant la mort du
philosophe.
En 1781, il achève ses études de droit, et reçoit de l’administration du collège 600 livres
de gratification pour le féliciter de ses bonnes études, qu’il reverse comme bourse à son frère
Augustin, afin qu’il puisse terminer sa formation universitaire à Paris. N’ayant aucune
relation et aucun réseau à Paris, il retourne à Arras et devient avocat au Conseil provincial
d’Artois le 8 novembre 1781, et plaide sa première cause en janvier suivant. Ses débuts sont
encourageants, c’est ainsi qu’il est appelé le 9 mars 1782 à cumuler en plus de la fonction
d’avocat, la fonction du juge de prévôté épiscopale d’Arras. Durant sept ans sa vie, il vit à
l’abri du besoin. Il produit également de nombreux travaux littéraires qui lui permettent d’être
élu membre de l’Académie d’Arras en novembre 1783, et répond de nombreux concours
académiques (Metz en 1784, Amiens 1785) Il est enfin élu directeur le 4 février 1786.
Mais ce qui le fait connaître ce sont deux affaires :
- l’affaire dite du « paratonnerre de Saint-Omer », qu’il remporte.
- l’affaire Deteuf : c’est une affaire qui oppose l’abbaye des Bénédictins d’Anchin à
Robespierre. En effet un des moines de l’abbaye, Dom Brogniart connu dans la région
pour ses mœurs débauchées, accuse François Deteuf d’avoir commis un vol.
Robespierre obtient d’abord l’annulation de l’accusation, et engage une procédure de
dommages et intérêts contre l’abbaye tout entière coupable d’avoir sous son toit un
moine débauché. Le grand prieur d’Anchin met fin à l’affaire par dédommagement.
Avec cette seconde affaire, Robespierre se fait connaître par la divulgation d’un mémoire,
avant même le procès, qui fait non seulement appel à l’opinion publique, mais plus encore,
réclame des lois et l’égalité devant la loi, tout en accusant le religieux de mœurs douteuses.
Dès lors, l’ensemble de la profession judiciaire se méfie de lui, et ses idées commencent à
inquiéter. Robespierre met beaucoup de cœur à défendre des clients les plus pauvres et les
plus miséreux face à « l’oppresseur ». Ceci explique pourquoi en 1788 il défend le même
nombre de cause qu’en 1782, alors que chez ses confrères les nombres ont doublés voire
triplés. Par ailleurs, il est mis à l’index en 1788, par la commission de juristes qui étudiait des
modifications à apporter à la Coutume général de la province. Ce qui explique pourquoi cette
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année là, il défend le même nombre de causes qu’en 1782, alors que chez ses confrères elles
ont doublé voire triplé.
En juillet 1788, Robespierre s’exprime lorsque le Conseil d’Etat sollicite l’opinion de
« tous les savants et personnes instruites » à donner leur avis sur la question des EtatsGénéraux. Ainsi en août 1788 les Etats Généraux sont annoncés et appelés pour le 1er mai
1789. Le 23 mars 1789, Robespierre est parmi les douze représentants élus pour participer à
l’assemblée général du Tiers de l’Artois. Il est alors chargé de rédiger les cahiers de doléances
de la corporation des savetiers mineurs d’Arras, où il s’acquitte de cette tâche, en y insérant
des idées contestatrices de procédés inhumains qui avilissent le peuple méprisé par les
gouvernants, niant le bonheur social. Le 29 mars, lors de la réunion générale pour la
rédaction d’un cahier commun de doléances, il provoque scandale sur scandale, notamment
pour que ce soit les communes qui nomment leurs officiers municipaux afin de rendre droit au
peuple opprimé. Cela apparaît en effet comme un scandale, puisque c’était du même coup
accuser les représentants présents comme des oppresseurs du peuple. Il appelait également à
l’indemnisation des artisans, qui perdent des journées de travail en participant aux travaux de
l’assemblée. Quelques jours plus tard, l’assemblée souhaite adresser des remerciements aux
nobles qui annonçaient la renonciation de privilèges, Robespierre exhorte alors le peuple de
remercier du don qu’elle fait à ce dernier, de biens ou privilèges qui lui appartient justement.
Robespierre indigne ses confrères, mais sa popularité s’accroît, puisqu’en effet les discours
concret de Robespierre sont toujours à portée de main de l’auditeur, et sa position défensive
pour le petit peuple l’explique également. Enfin, le 26 avril 1789, il est élu député du TiersEtat d’Artois aux Etat-Généraux.
B. Danton.
Son père appartient à la magistrature d’Arcis sur Aube avec les fonctions de procureur et
huissier royal, sa mère est fille d’un maître charpentier. Tout comme Robespierre, Danton
n’est pas noble, mais il est issu d’une famille plus aisée. Georges Jacques Danton, naît le 26
octobre 1759 à Arcis sur Aube, et est le cinquième de sept enfants. Petit il se fait attaquer par
un taureau, à deux reprises, qui lui déforme le visage à vie.
Ceci ne l’empêche pas de préférer vagabonder avec d’autres enfants désintéressés de l’école
d’Arcis. En 1772, à 13 ans, Danton quitte l’école et la régence latine d’Arcis, et est admis au
petit séminaire de Troyes. Après 1775 il intègre le collège des Oratoriens, une congrégation
de réguliers qui s’était fait connaître par son fondateur, proche des Descartes, dont l’Eglise
avait condamné ses idées discriminantes envers le trône et l’autel. De plus, l’ordre s’est
également fait connaître par leur position jansénisme, qui a provoqué une sorte de fronde
religieuse et politique durant ce XVIIIème siècle, constituant les origines religieuses de la
Révolution française. Ainsi Danton était à l’école de la démocratie, comme le souligne H.
Wendel dans son ouvrage Danton (WENDEL Hermann, Danton, Paris : Payot, 1978.). Par
ailleurs Danton étudie chez les oratoriens de nombreuses matières : le latin, le grec, le français
et l’histoire, pour les matières classiques ; mais également : les mathématiques, la physique
expérimentale, la cosmographie, la mécanique et l’anatomie. Enfin, au terme de chaque année
une pièce de théâtre était jouée, contribuant à la culture des élèves, mais également à l’art du
langage. A l’école comme au collège, Danton ne manifeste pas de zèle particulier, mais
préfère prendre part aux activités physiques tels que les concours de natation, pourtant
interdits par le collège.
La préoccupation au sein de la famille, concerne alors son avenir. Son oncle présente son
activité ecclésiale sous un beau jour, mais Danton refuse l’état ecclésiastique tout comme le
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commerce. Il se décide à se rendre à la capitale, et se tourne alors vers l’activité juridique. Il
se rend chez un certain maître Vinot, procureur au parlement, où il se fait remarquer par son
écriture. Mais Danton n’est pas venu pour être un simple copiste mais bien pour faire carrière.
Il devient alors le plus jeune membre de la basoche, une corporation d’étudiants en droit qui a
sa propre juridiction. Cette corporation étudiante était connue pour être indisciplinée et se
faire entendre. A ce moment même il est également clerc du procureur
En 1784, Danton effectue un court séjour à la faculté de droit de Reims, reconnue pour sa
facilité à délivrer des licences, et regagne Paris en tant qu’avocat stagiaire. Sa première
affaire, est un succès, mais non retentissante et sans grande prétention d’un berger contre son
seigneur, même si c’était une affaire en or pour tout avocat éclairé. Il recevait peu d’argent
par manque d’affaire, et avait donc une vie de magistrat pauvre. Le manque d’affaires lui
permet de continuer sa formation intellectuelle, et de disposer de temps pour lire et méditer
les volumes de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, où il a probablement puisé des
pensées frondeuses. Il fréquente au à cette époque, une taverne où il rencontre sa future
femme Gabrielle Charpentier.
En 1787, la dot liée à son mariage avec la fille Charpentier, et les emprunts auprès de sa
famille en Champagne, lui permettent d’acheter l’office d’avocat ès Conseils du roi, et
transforme son nom en particule nobiliaire : d’Anton. Danton reçoit de plus en plus d’affaires,
non pas en raison de sa particule, mais parce qu’avec le temps, il sait se montrer un avocat
habile et prend de front les difficultés dans ses affaires. Par ailleurs, plus le nombre d’affaires
s’accroît, plus Danton voit l’Etat et la société en profondeur. Enfin, s’il n’est pas présent à la
veille de la réunion des Etats-Généraux, et son nom encore inconnu, c’est en raison du décès
de son fils âgé d’un an, le 26 avril 1789. Danton attend, dès lors, son heure de gloire.
C. Leurs rôles durant la fin de l’Ancien Régime.
Comme nous l’avons vu précédemment, Robespierre est donc aux avants postes durant les
Etats-Généraux, grâce à son élection au poste députés du Tiers-Etat. Danton, lui, est en
période de retraite familiale après la mort de son fils, mais reste attentif et attend patiemment
son heure bien qu’il n’ait pu participer aux Etats généraux, au serment du jeu de paumes ou la
dénomination du Tiers Etat en Assemblée Nationale
Son moment arrive le 12 juillet 1789, lorsque Paris apprend que le roi à relevé Necker -qui
a convoqué les Etats-Généraux- de ses fonctions de ministre et renvoyé tous les libéraux qui
l’entouraient. Il appelle alors des traditionalistes pour diriger le nouveau ministère… et donc
permettre un retour à l’Ancien Régime. En effet, cette nouvelle créée une effervescence, et
dès lors on craint des arrestations des meneurs du Tiers-Etat, la peur d’un complot général
contre le petit peuple se répand également, et c’est aussi le moment de l’apogée du prix du
pain. Tout le petit peuple décide alors de se réunir chez le Duc d’Orléans qui est un libéral,
devenant dès lors un lieu politique et plus encore, le centre nerveux. Il suffit d’une étincelle
pour amorcer un mouvement populaire. Celui-ci se déclenche lorsque le petit peuple
transporte le buste de Necker au Louvre, et qui se retrouvent alors chargés par l’armée. Le
mouvement s’amplifie, brûle les barrières de l’octroi les 12 et 13 juillet, ouvre les prisons, et
se dote le 13 juillet d’une nouvelle municipalité, et créent une Commune. Cette Commune
crée également une milice révolutionnaire qui prend le nom de Garde Nationale, composée de
trente mille hommes, mais qui possède trop peu d’armes. Au même moment, le 13 juillet,
Danton est aux Cordeliers juché sur une table, et appelle ses auditeurs à prendre les armes. En
revanche le 14 juillet personne ne le voit lors de la prise de la Bastille. Il réapparaît les 15 et
16 juillet à la tête d’une milice bourgeoise se son district et marche vers la Bastille inoffensive
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depuis la veille, pour arrêter un gouverneur fayettiste, qu’ils relâchent rapidement. Danton se
trouve alors une qualité qui aura son rôle pendant toute la Révolution : son talent oratoire. En
effet le 13 juillet il fait partie de ces hommes qui ont soulevé le peuple, aboutissant à la prise
de la Bastille. Cet évènement marque également un point notable dans les actions
révolutionnaires de Danton : son absence lors des mouvements insurrectionnels, comme lors
de la prise de la Bastille. Nous redévelopperons tout particulièrement ces absences, dans la
seconde partie.
Pendant la période allant des Etats-Généraux, à la prise de la Bastille, Robespierre
apprend son métier de parlementaire, où il n’intervient pas beaucoup et pas longtemps. Le 20
juin 1789 en sa qualité de député, il prête le serment du jeu de paume. Puis, le 9 juillet, il est
choisi avec vingt-trois autres députés pour former la délégation chargée de demander au roi le
retrait des troupes étrangères autour de Paris. Pendant la prise de la Bastille, il est absent des
mouvements populaires, tout comme l’ensemble des députés qui étaient alors à Versailles,
dans l’exercice de leurs fonctions. Le 17 juillet 1789, il est à nouveau choisi pour composer
l’escorte du roi lors de sa visite à Paris. A cette époque là, Robespierre n’a pas encore de
fermeté et d’assise politique, il n’est encore qu’un député comme les autres, ni plus ferme ni
moins clairvoyant que les autres. Pari ailleurs, depuis son arrivée à ce jour, il s’est surtout
attaché à nouer et renouer des liens ses relations, dont Necker ou Mirabeau, qu’il rejettera
pourtant peu après. Robespierre rejette déjà avec mépris les personnes compromises ou
défaites de moralité. En effet, il fait partie de ces hommes qui font de leur vie un exemple de
vertu, avec respectabilité et l’absence de spontanéité, sans aucun désordre dans la tenue et les
sentiments, et sans indécence et exhibition qu’il avait en horreur. (Pierre GUENIFFREY
« Robespierre », in FURET François, OZOUF Mona, Dictionnaire critique de la Révolution
française, Flammarion, 1992.) En revanche, parmi ses collègues avec qui il se sent le plus
proche ce sont les députés du Tiers-Etat de Bretagne, qui regroupe le Club Breton, qui
deviendra quelques mois plus tard le club des Jacobins. Dans son idée de faire des journalistes
des personnes importantes dans les assemblées et dans l’opinion il renoue avec Camille
Desmoulins, qui avait fréquenté les mêmes bancs d’école. Après le 14 juillet 1789, les
évènements vont pousser Robespierre à changer d’attitude, et à devenir la « sentinelle du
peuple », car il s’aperçoit du complot aristocratique qui n’a pas capitulé avec l’insurrection
parisienne, qui pour saboter l’entreprise révolutionnaire en appelle à l’étranger. Enfin, avec la
jacquerie parisienne fin juillet, il s’aperçoit que nombre de députés bourgeois du Tiers-Etat
tentent d’étouffer toute possibilité d’un nouveau mouvement révolutionnaire, et cela même au
prix d’une contre-révolution. Robespierre adopte alors une position toute particulière qu’il ne
délaissera jamais : la légitimité de la nation fondée sur les insurrections du peuple, qui
consiste à défendre le peuple face au despotisme et la tyrannie. En effet le 20 juillet, il répond
à la motion permettant aux forces armées de faire la répression des mouvements populaires :
« Qu’est-il donc arrivé de cette émeute de Paris ? La liberté publique, peu de sang répandu,
quelques têtes abattues sans doute, mais des têtes coupables… Eh ! messieurs, c’est à cette
émeute que la Nation doit sa liberté… Et qui nous dit qu’on ne ferait pas de nouvelles
tentatives ? Cette motion capable d’éteindre jusqu’à l’amour de la liberté, tendrait à livrer la
nation au despotisme. » (cité dans MASSIN Jean, Robespierre, Aix en Provence : Alinéa,
1988.)
Dès lors, chaque fois qu’un mouvement populaire est accusé de rébellion, il est sur la
brèche, même si cela est sans succès, puisque ses interventions échouent souvent. Il se
retrouve de plus en plus à part de ses collègues, mais sa popularité grandit dans l’opinion
publique, grâce à ses discours et interventions, qui sont relayés et commentés avec faveur
dans la presse révolutionnaire. Par ailleurs, ses collègues députés défavorables, ou plutôt
effrayés par les mouvements populaires, ont été obligés de baisser leurs attaques dans la nuit
du 4 août avec l’abolition des privilèges et des droits féodaux. Cela constitue une première
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victoire révolutionnaire, et un tournant dans l’histoire, en raison du passage de l’Ancien
Régime vers la monarchie constitutionnelle.
De plus Robespierre commence à se faire connaître, et Danton à se découvrir des qualités
d’orateur et de meneur. En revanche si les évènements sont identiques, les interprétations de
chacun des deux hommes, et leurs pensées évoluent au fil du temps et de l’Histoire. C’est
donc ce que nous allons aborder à présent, dans une seconde partie :
II.
L’évolution des deux hommes suivant les évènements : deux manières de
penser et vivre les moments la Révolution.
A. La Monarchie Constitutionnelle.
Dans ses discours prononcés à la Constituante ou aux Jacobins de 1789 à 1791,
Robespierre défend les droits naturels et civiques des citoyens, à partir de principes empruntés
à la philosophie des Lumières et tout particulièrement à Rousseau. Il puise ses idées : Du
contrat social de 1762, et du Discours sur les origines et les fondements de l’inégalité parmi
les hommes de 1755. Robespierre, s’exprime au travers ses discours en tant que député à la
Constituante, mais également en tant qu’intellectuel. Pourtant ses discours ne retiennent pas
toujours l’attention, et très rapidement suscites réticences et protestations d’une partie de
l’Assemblée, pour qui ses propositions apparaissent comme choquantes et inopportunes. En
fait, au travers ses discours à l’Assemblée, il s’adresse essentiellement au public populaire des
tribunes, à la presse qui lui est favorable, et aux clubs. Quant à ses opinions, elles s’appuient
sur les démonstrations d’un juriste qui répugne à l’illégalité si les moyens constitutionnels lui
paraissent et apparaissent capables de concrétiser ses projets politiques.
Le début de la monarchie constitutionnelle :
Le début de la Monarchie constitutionnelle est marqué le 26 août 1789 par le vote de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. C’est une avancée historique, puisque le
peuple bénéficie et obtient des droits, par rapport à une monarchie jusque là inégalitaire. C’est
une avancée, à laquelle Robespierre aspirait dès la veille de la Révolution comme nous
l’avons vu en première partie.
Cette monarchie est une monarchie parlementaire basée sur la séparation des pouvoirs,
puisée dans L’esprit des lois de Montesquieu. Le pouvoir royal n’a entre ses mains que le
pouvoir exécutif, le législatif étant laissé à la Constituante. Cependant le roi nomme les
principaux ministres -responsables devant le roi-, et dispose d’un droit de veto -suspensif pour
quatre ans- sur les lois. Le roi ne règne que par la loi et doit alors prêter serment à la
Constitution, et toute rupture avec ce serment annonce alors son détrônement. C’est un pacte
social à l’anglaise. A cela s’ajoute l’élaboration d’une Constitution par l’Assemblée Nationale
créée le 7 juillet 1789 et qui porte le nom de Constituante, qui n’est achevée que le 3
septembre 1791. La lenteur de l’élaboration de cette Constitution est dûe au fait que ce n’est
pas un texte voté en une seule fois, mais c’est en réalité une série de lois votées qui sont mises
en corpus.
Pourtant, rapidement, des émeutes populaires éclatent les 5 et 6 octobre 1789, lorsque le
roi menace de sanctionner les Droits de l’homme et du citoyen. Ces émeutes obligent le roi et
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l’Assemblée à se déplacer de Paris à Versailles. Ces émeutes sont appelées par les clubs,
notamment le club des Cordeliers où Danton s’affiche avec fougue. En effet, il est présent la
veille pour la rédaction de l’affiche des Cordeliers appelant à l’insurrection, mais disparaît
durant les émeutes et ne réapparaît qu’après.
Un autre moment important émerge avec la fusillade au Champ de Mars à Paris. En effet,
le 17 juillet 1791 se déroule le massacre, de citoyens qui avaient signé une pétition demandant
la déchéance du roi après l’échec de fuite à Varennes en juin 1791. Ce massacre est exécuté
par la garde nationale dirigée par La Fayette. Danton est encore absent durant cette
insurrection, estimant plus prudent de se retirer pour ne réapparaître qu’après les événements,
alors que la veille il apportait le texte demandant l’abdication du roi à l’Assemblée.
Quant à Robespierre qui n’était pas présent lors du massacre, il défendait les droits des
masses populaires à l’Assemblée, tout en dénonçant la peur des députés constituants face à
violence insurrectionnelle, et leur volonté d’arrêter le processus révolutionnaire.
Donc Danton comme Robespierre sont absents des évènements, mais se servent tout de
même des évènements populaire pour appuyer leurs visions et volontés révolutionnaires.
Ainsi en décembre 1791, Danton est nommé substitut de la Commune, et devient le tribun le
plus célèbre du club des Cordeliers, et même s’il est individualiste sans tempérament
d’anarchiste, il donnait une impression physique et orale de puissance dont il savait jouer et
utiliser.
D’avril à juin 1792 diverses crises de subsistance émergent et aboutissent à l’émeute du
20 juin 1792. C’est une émeute populaire des Sans-culottes qui se solde par un échec.
Pourtant, suite à cet évènement, les déclarations de Robespierre aux Jacobins, et son adresse
au fédérés, les 9 et 11 juillet 1792, montrent qu’il opte nettement pour la déchéance du roi et
pour l’action populaire, contrairement à la majorité des Girondins de la Législative qui
proclame la « patrie en danger ». Pour illustrer sa position, il dit le 9 juillet : « en considérant
la marche et le système de ceux qui nous gouvernent, en fixant mon opinion sur les
fonctionnaires publics élus par le peuple, j’ai été tenté de dire : la liberté est perdue. J’ai
ensuite jeté les yeux sur le peuple, sur l’armée, et j’ai dit : la liberté est sauvée ». (cité dans
Michèle ANSART-DOURLEN, dans son ouvrage L’action politique des personnalités et
l’idéologie jacobine. Rationalisme et passions révolutionnaires.) En fait Robespierre perçoit
la force de la révolte populaire contre la royauté, accusée à juste titre de faire double jeu et de
trahison, et critique également la ‘mollesse’ de la Législative. (selon Michèle ANSARTDOURLEN, dans son ouvrage L’action politique des personnalités et l’idéologie jacobine.
Rationalisme et passions révolutionnaires.) Ainsi pour accuser l’inertie, il souligne la
difficulté de la Législative à s’opposer au veto du roi, et présente le potentiel despotique d’une
telle assemblée qui peut être aussi nocive qu’un seul despote. De plus, toujours selon Michèle
ANSART-DOURLEN, dans son même ouvrage, cette dénonciation de l’immobilisme des
députés de la Législative paraît alors être englobée dans une réflexion théorique sur les
notions de souveraineté et de volonté générale. Par ailleurs, ce discours est important, car il
exprime la méfiance à l’égard d’un pouvoir représentatif, dont Robespierre a mesuré les
compromissions et l’impuissance. En effet, les compromissions étaient devenues évidentes,
notamment lorsqu’une majorité avait refusé de sanctionner La Fayette, malgré les menaces
qu’il avait proférées contre le peuple et les clubs. Enfin, la critique mettait également en garde
contre un glissement despotique au nom d’un « ordre » qui pouvait être établi par un général
prestigieux, comme La Fayette a en effet voulu l’incarner.
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Le tournant de l’insurrection du 10 août :
L’insurrection du 10 août 1792 trouve des origines dans la déclaration de « patrie en
danger », suivie du manifeste de Brunswick du 25 juillet, qui somme les français de ne pas
toucher au roi ou bien Paris sera un ‘tombeau’. Enfin, le 29 juillet, Robespierre demande
l’instauration d’une République, et critique la démocratie parlementaire représentative.
Ainsi le 9 août les sections se mettent en place pour préparer l’insurrection du 10 août, où
la foule envahit et renverse la municipalité, puis se rue aux Tuileries où la garde suisse est
massacrée. La famille royale réussit à s’enfuir et après avoir atteint l’Assemblée, se fait
emprisonner par cette dernière. C’est un coup d’Etat populaire, le roi est suspendu et
emprisonné, c’est la fin de la monarchie libérale, et le début de la première Terreur.
Comme à son habitude Danton est absent le 10 août, mais avant l’insurrection il donne la
ligne de conduite que les fédérés doivent suivre, et fait voter la déclaration pour l’égalité, très
marquée par une demande de fin de distinction entre les citoyens actifs et passifs. Lorsqu’il
réapparaît, il est ministre de la justice et s’appuie sur sa réputation d’homme du 10 août, alors
qu’il n’était pas présent sauf aux yeux des députés girondins. Comme le rappelle Mona
OZOUF dans le Dictionnaire critique de la Révolution française : « Danton a arrangé et
préparé des journées qu’il n’a pas faites. En revanche ce sont ces journées qui le font. » Ainsi
il a l’image de l’homme politique d’actions révolutionnaires, sans être au cœur des actions
qu’ils suscite. De plus, ses bonnes relations avec la Commune insurrectionnelle participent de
sa réputation d’homme d’actions révolutionnaires. Enfin, tous s’accordent à dire que le 10
août marque une fracture dans la vie de Danton, car cet évènement le fait glisser de meneur de
quartier à un réel chef de la Révolution. Ceci parce qu’il s’est comporté en homme d’Etat, en
sachant assumer tous les risques après le 10 août, et soutenant l’action de la Commune
révolutionnaire constituée le 10 août.
En tant que ministre de la Justice, Danton veut la restauration de la justice, pour cela il fait
renvoyer tous les commissaires du roi et les accusateurs publics. Ceci au nom d’un ministère
public assumant le régime de la liberté et de l’égalité. En fait, Danton se sentait alors comme
l’incarnation du 10 août au sein de l’exécutif provisoire, et chargé de pouvoir. Il se sentait
également ministre du peuple et ministre révolutionnaire, où il triomphait d’avoir reçu sa
charge au milieu de l’insurrection par laquelle les citoyens avaient battu le despotisme.
Danton est à la fois Jacobin et plutôt de courant Girondin, et avait l’esprit du peuple. Ainsi
certaine de ses idées et prises de positions paraissent à contre courant de l’ensemble des
girondins, mais dans la droite ligne du jacobinisme.
Lorsque Robespierre demande l’instauration d’une République, « sa vision idéaliste
n’annulait pas son réalisme et sa conscience que le peuple auquel il s’adressait n’était pas une
entité abstraite, mais une avant-garde combative. » (Michèle ANSART-DOURLEN, L’action
politique des personnalités et l’idéologie jacobine. Rationalisme et passions
révolutionnaires.) Dès lors le peuple désigne le peuple insurgé, et non plus l’ensemble de la
nation. Ainsi pour légitimer l’insurrection et permettre l’émergence de nouvelles valeurs,
fallait-il faire des insurgés des modèles, et les inscrire dans la mémoire collective par leurs
actes héroïques sauveurs de la nation. Désormais, Robespierre apparaît comme le porte parole
de la violence fondatrice de la République. De plus, la volonté de Robespierre de théoriser et
de légaliser l’action révolutionnaire se trouve progressivement mêlée à la nécessité de justifier
la violence. Il tentera alors toujours, et ce jusqu’à la fin, de rationaliser l’action
révolutionnaire. Cependant, Robespierre a une grande méfiance à l’égard d’une insurrection
non organisée, qui pourrait aboutir à l’impossibilité des révolutionnaires de dominer une
situation mouvante. Pour lui l’insurrection organisée est consciente de ses buts, et n’est pas
excitée par quelques hommes virulents, et le peuple insurgé est conscient de ‘soi’ et de sa
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force. Ainsi, en insistant sur le caractère maîtrisé et organisé de la révolte, Robespierre
légitimait l’insurrection et la République qui en résulte. Mais cette rationalisation de la
violence révolutionnaire de Robespierre, explique également ses réticences face aux émeutes
sans finalités des Enragés en 1793. Après cette insurrection, il est partagé entre la conviction
que le sort de la révolution se joue dans les masses populaires et la volonté du législateur qu’il est- de dessiner un projet nouveau et démystificateur. (Michèle ANSART-DOURLEN,
idem.) Par ailleurs, « la volonté générale ne se confond [alors] plus comme en 1789 avec celle
d’une union fictive entre les différents courants politiques, [notamment] entre les modérés et
les partisans de la violence. » Ce tournant politique et idéologique annonce l’arrivée d’un chef
révolutionnaire, porte-parole de la Commune, et d’une rupture entre les deux forces de
l’Assemblée.
Pourtant même si Robespierre, a exhorté les fédérés, s’est employé à légitimer l’élection
d’une nouvelle Assemblée et la révolte contre les autorités constituées, il n’a pas directement
participé à l’insurrection du 10 août. Mais l’insurrection le conduit à s’interroger sur la notion
de pouvoir, et lui permet alors d’affirmer la nécessité d’un contrôle des représentants du
peuple par le peuple. Ainsi il propose que des Assemblées primaires puissent juger de la
conduite de leurs représentants, et qu’elles puissent même les révoquer s’ils ont abusés de leur
confiance. C’était donc légitimer la surveillance exercée sur les députés, par le public installé
dans les tribunes des Assemblées, depuis les Etats Généraux. Ce qui lui permit d’envisager
plus tard un processus normal de vote à haute voix, comme ce fut le cas dans la préparation de
l’élection de la Convention, et qui aura pour conséquence l’élimination des modérés.
A partir du 10 août 1792, Robespierre est délégué de sa section au Conseil Général de la
Commune, où il devient l’un des principaux porte-parole. L’Assemblée décide alors de
neutraliser le pouvoir de la Commune, par la décision de renouveler le Directoire du
Département de Paris. En contre partie, dans le souci d’élaborer un sens des évènements,
contre les Girondins qui voulaient limiter les conséquences politiques de l’insurrection, il
affirme avec force que la légitimité de la Convention est fondée sur l’insurrection même. Dès
lors, pour donner l’avertissement, et effrayer les députés, il s’arme de discours clairs tels que
« le peuple se repose, mais ne dort pas ». Ainsi, s’il le faut le peuple peut reprendre les armes
pour détruire le lien entre le peuple et la souveraineté incarnée par l’Assemblée. Robespierre
dénonce également les lois non adaptée à la situation révolutionnaire (donc par défninition
exceptionnelle), et ainsi se construit le discours sur les lois et droits du peuple que
Robespierre, va par la suite développer en tant que membre du Comité de Salut Public.
L’insurrection signe le début de l’opposition entre la Montagne et la Gironde car celle-ci
appartient à une bourgeoisie intellectuelle ou aisée qui n’est pas disposée à conclure une
alliance avec les classes plus défavorisées. Cette lutte se confirmera lors de la condamnation
du roi. Ainsi, l’insurrection du 10 août instaure et projette un nouvel horizon politique :
aucune clémence et aucun retour en arrière, et une démystification du roi jusque là considéré
comme un personnage sacré, investi d’une puissance donnée par Dieu. Ce n’est qu’un
moment annonciateur de nouveaux combats, dont :
L’annonce de la fin de la monarchie constitutionnelle :
L’insurrection du 10 août permet la naissance de la Commune, qui remplace la
municipalité tombée pendant l’insurrection. La commune a le roi sous sa protection, et la
main mise sur les 48 sections parisiennes, et dirige également les comités de surveillance.
C’est le moment de la première Terreur.
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Peu après, le 30 août c’est la chute de Longwy, et Verdun est assiégée, ouvrant la route de
Paris aux ennemis. La Commune prend alors des mesures rapides comme l’enrôlement de
volontaires, fait entreprendre des travaux de terrassement pour construire un camp retranché
aux portes de Paris, et décide de la perquisition et l’arrestation de suspects. Pour contrer les
décisions de la Commune, l’Assemblée prononce la dissolution de la Commune représentante
de la démocratie directe, et exige de nouvelles élections. Cette hostilité de l’Assemblée à
l’égard de la Commune naît du fait de son efficacité et de sa maîtrise des évènements par des
mandataires inconnus issus du peuple. Leur confiance et leur hardiesse ne pouvaient, dès lors,
qu’humilier les députés. D’où les calomnies, via les libelles lancés par les Girondins contre
l’insurrection du 10 août, qui a cependant détruit leur reste de pouvoir -faible et indécis.
Ainsi, se creuse un écart entre l’Assemblée désireuse d’en finir avec la révolution, et les
forces populaires. Rapidement l’Assemblée est envahie et les principaux députés de droite
s’enfuient. Donc fin août est organisée une nouvelle élection de l’Assemblée, au suffrage
universel masculin.
Malgré toutes ces avancées révolutionnaires concernant le politique, les armées de la
coalition se rapprochent dangereusement de Paris, et la théorie du double complot intérieur et
extérieur se ranime. Danton use alors de son autorité pour empêcher la fuite du gouvernement
demandée par les girondins, lorsque les armées étrangères se rapprochent de Paris, en donnant
une impulsion décisive à la lutte contre les puissances extérieures par sa célèbre apostrophe
du 2 septembre 92, alors qu’on s’attendait à la chute de Verdun : « le tocsin qui sonne va se
propager dans toute la France. Ce n’est point un signal d’alarme, c’est la charge sur les
ennemis de la patrie. Pour les vaincre, Messieurs, il nous faut de l’audace, encore de l’audace,
toujours de l’audace, et la France est sauvée ! » (Extrait des Discours à l’Assemblée
législative, 2 septembre 1792.) Mais cette harangue annonce également des mesures
terroristes, avec la Liberté ou la mort, c’est à dire que quiconque refuse de se servir de sa
personne ou de remettre les armes, il doit être puni de mort. Danton exige également en
complet accord avec la Commune, de nommer des commissaires pour communiquer avec les
provinces, d’arrêter les traîtres. Pour cela il ordonne des perquisitions et visites domiciliaires
dans tout Paris. Il joue également un double jeu en rassurant la Législative que l’égalité ne
portera pas sur les biens, mais uniquement sur le bonheur et les droits. Ainsi « la justice du
peuple s’arrêtera lorsque la justice des tribunaux sera effective » (Michèle ANSARTDOURLEN, L’action politique des personnalités et l’idéologie jacobine. Rationalisme et
passions révolutionnaires.), comme ce fut le cas lors de la création du tribunal extraordinaire
pour juger les fidèles de la royauté qui avait lutté contre les insurgés pendant l’insurrection du
10 août. Il a donc la figure de l’agitateur, mais également du politique adroit et modéré. Car il
fallait stimuler l’énergie populaire, et en même temps trouver des compromis, et rassurer les
institutions légales.
Pourtant, par l’obsession du double complot intérieur et extérieur, on pense que les
prisonniers sont contre-révolutionnaires et de fait qu’ils vont se révolter. A cela s’ajoute les
défaites militaires, qui font naître le besoin de boucs émissaires et la déshumanisation de
l’ennemi. Ainsi, du 2 au 6 septembre se déroulent les massacres de septembre. Or les deux
tiers des prisonniers massacrés après des simulacres de procès, étaient des prisonniers de droit
commun. Les émeutiers sont les mêmes que les insurgés du 10 août. Sans les approuver,
Danton et Robespierre se sont gardés d’empêcher ou de condamner ces massacres, car ils
pensaient qu’il était vain et inutile de s’opposer à un mouvement violent, mais populaire, qui
marque le début d’un nouveau régime :
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B. La Convention.
Après les massacres de septembre se déroule l’élection de la Convention au suffrage
universel masculin, mais c’est dans un tel climat de terreur qu’il y a un fort taux d’abstention,
avec seulement 10 à 20% de votants -les plus extrémistes- qui se présentent. L’Assemblée ne
change pas beaucoup de sociologie avec toujours de nombreux bourgeois de la bourgeoisie
urbaine et de justice notamment, quelques nobles et ecclésiastiques, et seulement deux
ouvriers. Enfin, le renouvellement n’est pas entier, car la moitié des élus ont déjà eu une
charge à la Législative ou à la Constituante, et les montagnards sont les plus nombreux et sont
menés par Robespierre, Danton et Marat.
Ce n’est que le 20 septembre 1792 que le calme revient, lors de la victoire de Valmy,
c'est-à-dire la première victoire de l’armée révolutionnaire menée par Dumouriez et
Kellermann. Le même jour la République est proclamée après l’abolition de la royauté, et le
lendemain le principe de la République est voté et adopté par l’Assemblée, marquant
également la fin de la première Terreur. C’est alors la fin de la monarchie constitutionnelle, et
l’avènement de la République que Robespierre appelait depuis juillet. Sous ce nouveau
régime Danton est en charge au ministère de la justice, ceci notamment parce que les
circonstances réclament un homme qui par son ascendant peut contenir les forces populaires
d’une révolution qu’il faut contrôler. En effet, il fallait savoir canaliser les mouvements
populaires, parvenir à les contrôler, quand ils menaçaient les autorités révolutionnaires. Ainsi,
il explique à la Convention le 27 mars suivant « si vous n’en surveillez la fournaise, vous
serez tous brûlés », (cité dans l’ouvrage de Michèle ANSART-DOURLEN, L’action politique
des personnalités et l’idéologie jacobine. Rationalisme et passions révolutionnaires.) que
surveiller le mouvement populaire est quelque chose d’important, et même crucial.
Mais rapidement les girondins attaquent violemment Marat, Danton et Robespierre d’être
les meneurs et les représentants de l’anarchie dont la Commune a été le moteur. Ces trois
hommes sont accusés et diffamés, dans les journaux girondins, de vouloir exercer une
dictature. Ils sont également accusés, sinon d’avoir été les instigateurs, du moins les soutiens
des auteurs des massacres de septembre, alors que ni la Législative ni les ministres ne s’y sont
vraiment opposés. Notons également que, c’est sous les huées et les interruptions que
Robespierre doit s’exprimer à la Convention. Le 24 septembre, est le moment de l’annonce
d’une lutte violente, et pas seulement verbalement, par les girondins qui réclament des
échafauds contre ceux qui ont provoqué les crimes. Les girondins sont, en effet conscient du
talent oratoire de ces trois hommes, et redoutaient le renouvellement d’émeutes et l’emprise
des sans-culottes par la Commune. Ainsi les historiens et politologues s’interrogent quant à
l’origine des Girondins dans la Terreur, suite à cette lutte qu’ils ont lancés. Et qui va s’animer
plus encore au travers :
Le procès du roi qui marque un tournant dans la République :
Malgré l’opposition grandissante entre la Montagne et la Gironde, le 6 novembre une
victoire contre la coalition, marque une nouvelle fois le succès républicain et révolutionnaire :
la victoire de Jemmapes. Malgré cette victoire, débute le 11 décembre 1792 le procès du roi,
dans la droite lignée de la pensée de Robespierre et de Saint-Just, qui est de démystifier le
pouvoir et la personne royale. Pour cela il lui faut un procès, de premier homme du royaume.
Ainsi il est donc nécessaire de définir à quel titre le roi allait être jugé. Pour cela
Robespierre et Saint-Just ont tenté d’effacer la personne privée du roi, et les affects qu’elle
pouvait susciter. Pour Saint Just, la nature même de la royauté est un crime contre le genre
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humain sans même évoquer la trahison avérée du Roi. Selon Robespierre, cela allait donc bien
au-delà de l’aimer ou de le haïr. Sa cause était donc toute jugée au nom d’une nation qui
souhaite fonder une République. Pourtant, il apparaît paradoxal que Robespierre si soucieux
de la légalité et hostile à la peine de mort, ait voulu éviter à un procès légal pour le roi. En
fait, cela est rendu possible par le rejet du principe même de la royauté, ce qui rend logique la
condamnation du roi sans besoin de procès. Ainsi, pour Robespierre : « la peine de mort, en
général, est un crime et par cette raison seule, d’après les principes indestructibles de la
nature, elle ne peut être justifiée que dans le cas où elle est nécessaire à la sûreté des individus
ou du corps social ». (Cité dans l’ouvrage de Michèle ANSART-DOURLEN, L’action
politique des personnalités et l’idéologie jacobine. Rationalisme et passions
révolutionnaires.) Pour appuyer ses idées, Robespierre a une argumentation pragmatique, où
faire le procès du roi c’est supposer qu’il puisse être innocent aussi bien que coupable, et donc
admettre implicitement que les actions révolutionnaires pouvait être identifiée à une révolte
concertée. Affirmer ceci, revenait à affirmer que « si Louis est innocent tous les défendeurs de
la liberté deviennent calomniateurs ». (Cité dans l’ouvrage de Michèle ANSART-DOURLEN,
idem.) Mais surtout, pour lui invoquer l’inviolabilité du roi affirmée dans la Constitution de
1791, était devenu un argument devenu caduc dans un contexte historique radicalement
différent. Donc supposer possible l’innocence du roi, c’est nier les preuves de sa trahison déjà
annoncée par le manifeste de Brunswick fin juillet, et confirmée sur papier dans une armoire
secrète aux Tuileries.
De cette façon, pour Robespierre et Saint-just, demander la peine de mort contre le roi a la
signification d’une mesure exceptionnelle destinée à affirmer le caractère sacré de la
République. Mais par l’appel au peuple lancé par les girondins, les montagnards se retrouvent
en difficulté alors qu’ils veulent être la volonté populaire même. Robespierre dénonce par là
une manœuvre girondine qui, par cet appel au peuple, espère remporter une victoire politique
sur les montagnards, et en même temps tente de réveiller de la compassion pour le roi. Cela
ne signifie pas que les girondins étaient tous royalistes ou anti-républicain, c’est seulement
qu’ils n’arrivaient pas à se positionner clairement, c'est-à-dire à se demander s’il fallait
ménager les royalistes ou soutenir les sans-culottes. Ce n’était donc pas une question de
manque de rigueur ou d’une absence de pensée, mais c’était surtout le pressentiment d’un
tournant dictatorial du nouveau pouvoir s’il était laissé aux montagnards, car ils étaient
déterminés à consolider et prolonger le projet révolutionnaire. La condamnation du roi
représentait alors pour les girondins une défaite politique. A noter tout de même, que certains
royalistes prennent conscience que leurs attitudes favorisent l’affaiblissement de l’élan
révolutionnaire.
Quant à Danton, il a été prouvé qu’il a sauvé plusieurs proscrits après la chute de la
royauté. Mais lors du procès du roi il est en mission en Belgique, sans que cela ne l’empêche
de voter la mort du roi, bien qu’il ait eu le projet d’épargner le roi. En effet, les historiens
Lefebvre et Mathiez ont donné des preuves de corruption dont il aurait été l’objet, afin
d’éviter la peine de mort au roi. Par cet épisode, Danton apparaît déjà comme l’homme de
compromis, qui n’est pas habité par la haine envers ses ennemis. Ceci expliquant en parti son
surnom d’ « Indulgent » ou de « modéré ».
Le procès du roi a donc constitué un enjeu majeur d’ordre politique et symbolique.
Notamment, dans le parcours de Robespierre, où cela constitue un tournant politique qui
prolongeait ses positions manifestes après la chute de la royauté. En effet, il s’est affirmé
comme un homme d’Etat et s’est libéré des scrupules légalistes qu’il manifestait encore avant
l’insurrection d’août : « Il n’y a pas de procès à faire ; Louis n’est point un accusé, vous n’êtes
point des juges. Vous n’êtes, nous ne pouvez être que des hommes d’Etat, et les représentants
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de la nation. ». (Cité dans l’ouvrage de Michèle ANSART-DOURLEN, L’action politique des
personnalités et l’idéologie jacobine. Rationalisme et passions révolutionnaires.) Ainsi le 28
décembre 1792, Robespierre défend les droits d’une minorité révolutionnaire, selon ses
termes : « je ne connais point ici de minorité ni de majorité. La majorité est celle des bons
citoyens ; elle n’est point permanente, parce qu’elle n’appartient à aucun parti ; elle se
renouvelle à chaque délibération libre, parce qu’elle appartient à la cause publique et à
l’éternelle raison… La minorité a partout un droit éternel, celui de faire entendre la voix de la
vérité, ou de ce qu’elle regarde comme telle ». (Cité dans l’ouvrage de Michèle ANSARTDOURLEN, idem.) Mais ce discours crée l’indignation chez les girondins, car cette
affirmation révèle des doutes concernant la capacité de jugement de l’ensemble du peuple, en
affirmant qu’une minorité a le droit d’imposer sa loi, si elle représente en elle-même la raison
et la justice. Robespierre par là même, annonce le nouveau cours qu’allait prendre la
révolution. En fait, il modifie son discours selon ses idées de nécessité face au tournant que
peut prendre cet épisode du procès. En effet, il était conscient qu’un appel au suffrage
universel sur la question pouvait alors désunir la république, même si par la même cette idée
se confrontait à son idéal égalitaire -possible- par ce suffrage universel masculin. Mais pour
lui si l’insurrection du 10 août est redevable des Fédérés des provinces et aux sections
parisiennes, il suppose que les partisans de la royauté dans les provinces secondés par les
prêtres royalistes sont assez forts pour s’opposer à la condamnation du roi. Cet appel au
peuple est perçu comme le témoignage du désir des girondins de sauver le roi en suscitant un
mouvement qui pourrait être favorable à ce dernier, mais convoquer l’ensemble du peuple
pour décider de son sort représentait un risque de prolongation dangereuse du procès voire
conduire à une guerre civile et créer enfin le légende du roi martyr. Mais en fait, cet appel est
surtout une manœuvre girondine dilatoire, destinée à différer la décision, à occulter des
mémoires l’insurrection du 10 août et la victoire du peuple.
Le 14 janvier 1793, c’est alors la mise en délibération du jugement du roi, et ce que
redoutait également Robespierre, c’était un verdict de clémence par cet appel au peuple des
girondins, car cet appel faisait du roi un citoyen, et aurait donc pu favoriser une identification
mystifiante entre chaque citoyen et le monarque, d’où la nécessité de le traiter en ennemi.
Pour cela il faut donc affirmer au peuple qu’il n’a plus besoin d’idole. Le 20 janvier, le sort du
roi se fait par vote où 360 votent contre le régicide, et 361 pour. La voie ayant fait pencher le
verdict, c’est la voie du duc d’Orléans le cousin du roi. Le roi est donc exécuté le lendemain,
le 21 janvier 1793.
Avec la chute de la royauté naît la lutte entre différentes factions (terme péjoratif pour les
révolutionnaires), et les attaques personnelles vont imprégner le débat politique. Mais en plus
d’avoir accentué la lutte entre les groupes politiques, cela a contribué à révéler les projets et
les personnalités des acteurs politiques. Même si les hostilités sont motivées par l’instabilité
de la situation à la fin de 1792, c’est surtout qu’entre girondins et montagnards il s’agit dans
le débat du procès du roi d’une lutte décisive pour le pouvoir. Ainsi l’intensité de ces
affrontements, annonce la violence terroriste. Donc en condamnant à mort le roi, les
montagnards et Robespierre s’engagent dans une lutte à outrance contre les royalistes et les
coalitions des armées étrangères, et en même temps ils acceptent une lutte sans compromis
avec les girondins. Robespierre était conscient de l’enjeu politique et historique qu’allait
marquer de cette condamnation à mort, en étant un point de non retour, condamnant alors la
Révolution à aller plus loin, pour éviter la restauration et dans ce cas-là être condamné.
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La victoire républicaine face à la modération girondine :
Cependant l’exécution de Louis XVI, c’est aussi annoncer la menace de souverains
étrangers. Et en effet, une coalition européenne menée par l’Angleterre et regroupe
l’ensemble des pays monarchiques de l’espace européen à l’exclusion de la Suisse, la
Scandinavie et la Turquie, se forme. Ainsi, le 23 février, une levée en masse est lancée pour
réunir 300 000 hommes. Mais le 18 mars, Dumouriez subit sa première défaite, et est alors
relevé de ses fonctions par la Convention. Il décide alors de passer à l’ennemi, et fait arrêter
les commissaires de la Convention et le ministre de la Guerre Beurnonville qu’il livre aux
autrichiens. Après avoir vainement tenté d’entraîner ses soldats dans les camps de l’ennemi, il
part se réfugier parmi les autrichiens le 4 avril. Dumouriez était un girondin, et sa trahison
discrédite alors son parti.
Cet épisode est marquant, car Danton a été un des rares à défendre Dumouriez dans sa
campagne de Belgique alors même que celui-ci proférait des menaces envers la Convention.
Ainsi Danton lui-même, accompagné d’un certain Delacroix sont allés en Belgique afin de
dissuader et raisonner Dumouriez. Cependant, c’est un échec puisque Dumouriez se retranche
dans le camp ennemi. Malgré cet épisode la popularité de Danton n’aurait été que peu affecté,
selon Mona OZOUF dans le Dictionnaire critique de la Révolution française. Pourtant, il est
rapidement accusé de collusion avec Dumouriez, par les girondins. Ces attaques ont eu pour
conséquence, de servir la Montagne puisque dès lors Danton exprime la même voix que les
montagnards, et participera à la chute de la Gironde, alors que pendant quelques temps il
voulu la conciliation des deux factions.
Par ailleurs en mars 1793 éclate la guerre de Vendée, une guerre intérieure perçue comme
contre-révolutionnaire. A cela s’ajoute la guerre extérieure, qui ne rend pas paradoxal
l’attitude de Danton le 10 mars, lorsqu’il en appel à la Terreur, et souhaite la création d’un
Tribunal Révolutionnaire. En effet, il est nécessaire de canaliser les énergie, et la Terreur
semble alors le meilleur moyen, car pour un régime transitoire -qu’est la jeune République-, il
faut une dictature transitoire. Selon l’argument des positivistes, repris par Mona OZOUF dans
le Dictionnaire critique de la Révolution française : Danton a compris « le caractère
transitoire de la situation sociale », et plaide pour l’exceptionnalité des circonstances
révolutionnaires, et définit la Révolution par l’exceptionnelle. Ainsi, à une Révolution
exceptionnelle il faut des moyens exceptionnels, et pour cela il appuie le discours de
Robespierre pour un gouvernement fort. C’est un moment fort, puisque les deux hommes
s’accordent dans leurs pensées.
Pour appuyer ces mesures exceptionnelles Danton demande la création d’un tribunal
Révolutionnaire, qui est créé le 6 avril, suivie le lendemain de la Création du Comité de Salut
Public. Ce tribunal a pour fonction de surveiller l’action du conseil exécutif, mais en aucun
cas de se substituer à lui, et il doit également juger les crimes contre-révolutionnaires, mais
juge sans jurés, sans appel et la sentence appliquée dans les vingt quatre heure. C’est donc une
justice d’exception, dans un contexte d’exception. Suit la création des Comités de surveillance
révolutionnaire, le 21 mars 1793, dont le but est d’observer et dresser des listes de suspects
contre-révolutionnaires, et enfin le 5 avril c’est la création du Comité de Salut Public. Ce
Comité a pour but de défendre la République contre les attaques intérieures et extérieures.
C’est en fait l’organe exécutif provisoire qui remplace l’ancien Comité de défense générale.
Le pouvoir exécutif de ce nouveau Comité est entier et secret. Les girondins crient à la
dictature, alors que neuf des douze membres sont issu du centre, et seuls Danton et Delacroix
représentent la Montagne. Notons, tout de même que les pouvoirs de ce Comité de Salut
public, devaient être confirmés tous les mois par la Convention. Enfin, ce tournant de la
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République s’explique, par les pensées de Robespierre qui disait qu’on ne dirigeait pas une
nation en période de révolution comme en temps de paix, et les périls intérieurs et extérieurs
expliquaient bien ce renforcement nécessaire. Mais ces mesures ont surtout exacerbées la lutte
entre la faction girondine et montagnarde, et en effet dès lors une lutte pour le pouvoir sans
partage s’engage.
Les girondins sont rapidement attaqués, car ils ont méconnu la signification politique et
historique de l’insurrection du 10 août, faisant de Marat, Danton et Robespierre des boucs
émissaires. Ainsi la Gironde détestait un peu Danton, mais détestait et craignait beaucoup plus
Robespierre qui ne jugeait pas la Révolution terminée tant que les droits de l’homme ne serait
pas intégralement réalisé dans le concret, et qui était prêt à tout –même la Terreur- pour y
parvenir. Robespierre est considéré dans le camp des violents, des anarchistes, qui font fi de la
légalité, et qui soutient le désordre populaire. Pour répondre à cela, Robespierre n’utilise pas
les attaques personnelles mais une dénonciation d’indulgence molle des girondins, mêlée de
peur, d’hésitations et de réticences à nettement s’engager. En fait, il prend de la hauteur
comme un homme d’Etat qui veut évaluer objectivement les rapports de force. De plus ses
adversaires sont effrayés par ses dénonciations démystificatrices, qui pourtant ne dénoncent
pas par des noms. En effet il dénonçait publiquement des faits sans jamais nommer, mais les
personnes visées prise de peur se dénonçaient d’elles-mêmes. La force de Robespierre était
également tirée de cette façon de dénoncer ses adversaires.
Quant aux girondins, ils marquent leur attaque par l’arrestation de Marat au club des
Jacobins, le 12 avril 1793. Il est traduit en justice, mais acquitté. Ainsi pour répondre aux
persécutions faites en la personne de Marat, les Sans-culottes parisiens décident d’envahir la
Convention le 31 mai, pour demander l’arrestation des girondins et faire un coup d’Etat. Cela
se solde par un échec et le 2 juin, ils retentent le coup de force, mais cette fois-ci avec le
soutien des 48 sections parisiennes et la garde nationale. Ce sont donc 80 000 hommes qui
vont entourer la Convention avec cent cinquante canons, et ils somment alors les députés de
livrer les girondins en otage. La plupart des députés sauf Robespierre et Marat, se lèvent pour
protester et lorsqu’ils sortent ils entendent l’ordre de tenir les canons prêts à tirer. Les députés
terrorisés reviennent alors à l’intérieur et n’ose aucune action, ce qui permet l’arrestation de
vingt-neuf girondins. C’est donc un coup d’Etat populaire, réussi par une révolte du peuple
contre la représentation nationale. Dès lors, Robespierre et Marat défendent ce coup d’Etat
avec l’idée de démocratie populaire. Par ailleurs l’épuration de l’Assemblé fait qu’il n’y a
plus d’opposition, ce qui permet l’instauration de la dictature de Salut Public, qui permettra
par la suite l’avènement de la seconde Terreur. Mais après la chute girondine le 2 juin 93, la
France est en situation de guerre civile avec la révolte des vendéens d’un côté, et les girondins
rentrés dans leurs départements qui entretiennent la rébellion contre les autorités de Paris.
Cet épisode marqué par l’avènement de la dictature de Salut public, est à nuancer en ce
qui concerne l’attitude de Robespierre. En effet, même s’il est engagé depuis des mois dans
un affrontement violent avec les girondins, il n’a pas participé directement au mouvement qui
a provoqué leur chute. C’est le groupement de l’Evêché dont la composition reste incertaine,
avec l’appui de sections parisiennes comme les Enragés, et Marat qui en ont été les
instigateurs. La prudence de Robespierre à cette période, peut témoigner de son souci de
légalisme, de ses réticences à attaquer la souveraineté nationale de front. En même temps la
légitimation de la Convention s’affirmait avec l’adoption d’une Constitution qu’il a inspirée,
l’une des plus démocratiques que l’on ait conçue, mais dont la situation de guerre civile et
étrangère rendait irréalisable. En effet, pour Robespierre : aucune loi prédéterminée ne peut
guider un projet de rupture radicale avec le passé et d’ouverture vers un avenir toujours
incertain. Il fallait donc une Constitution mais la suspendre car inadéquate à la situation et au
tournant républicain exceptionnel. Enfin, tout ceci annonçait surtout :
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C. La Terreur.
Avant tout, la Terreur est un principe hérité de la République Romaine, et les hommes qui
menaient cette politique étaient appelés les Terroristes. Cette deuxième Terreur, à un but
précis : sauver la République face aux périls intérieurs et extérieurs très présents en 1793.
Après l’avènement de la dictature de salut public, c’est donc au nom du Comité de salut
Public que Robespierre expose ses positions politiques devant la Convention. Mais il
s’adresse aussi à l’ensemble du peuple afin de faire renaître l’enthousiasme qui tendait alors à
s’émousser. Robespierre a donc des discours d’homme de pouvoir, et d’un démocrate qui veut
convaincre. Il veut donc convaincre, argumenter, démontrer que la dictature ne devait être
qu’une phase de transition. Ainsi se déploient deux formes d’exercice du pouvoir : faire
respecter les lois d’une part, et d’autre part un pouvoir d’essence révolutionnaire qui inaugure
de nouvelles formes de gouvernement, dans une lutte encore inachevée contre l’Ancien
Régime. Il veut alors remporter l’adhésion et convaincre en élaborant une signification de la
république, fondée sur une nouvelle légitimité et en démontrant que le gouvernement
révolutionnaire n’est pas un accident imposé par les circonstances, mais le donner à voir en
quelque chose de rationnel et surtout de nécessaire. De plus, Robespierre veut maîtriser la
poussée populaire et mobiliser son énergie. D’inspiration rousseauiste, la tentative de
combattre les forces contre révolutionnaires intérieures et extérieures par la vertu patriotique,
exige alors la cohésion et l’unité du Comité de salut public. Pour cela il faut s’associer à des
forces populaires via les sections parisiennes, les comités révolutionnaires, et l’armée
révolutionnaire. Cette cohésion devait alors se réaliser en utilisant la Terreur, contre les
factions qui remettaient en cause la légitimité du Comité.
La Terreur est demandée par Danton en mars 1793, mais elle n’est mise à l’ordre du jour
qu’en octobre 1793, et est l’aboutissement d’un contexte politique difficile et particulier. En
effet, la dictature est donc amorcée suite aux journées parisiennes et la chute de la Gironde.
Ainsi la plupart des girondins se retirent dans leurs départements, et sont alors instigateurs de
mouvements et révoltes qui se traduit en fin juin début juillet 1793 par une insurrection
fédéraliste dans environ soixante départements. Le 10 juillet le Comité de salut public est
renouvelé, et Danton s’en retrouve exclu… mais cette exclusion est un choix de Danton, en
effet comme le dit Mona OZOUF dans le Dictionnaire critique de la Révolution française,
« Danton, usé par les défaites de l’été 1793, attaqué par Marat qui parti en guerre contre le
« comité de perte publique », demanda à la Convention de l’écarter, le 10 juillet. Réélu,
malgré lui, le 6 septembre, il refuse. » Le 13 juillet c’est l’assassinat de Marat « l’ami du
peuple » par Charlotte Corday et les « ennemis du peuple », et qui fait renaître un sentiment
de méchants royalistes contre la nation. En fait, c’est surtout un évènement qui rend compte
que les périls intérieurs existent encore.
Enfin le 24 juillet Robespierre entre au Comité de salut public, où il permet le centralisme
jacobins, c’est le seul moment où Robespierre n’est plus un homme de l’ombre. Pourtant, loin
de la légende de Robespierre homme politique tout puissant, il faut nuancer puisqu’il n’était
qu’un membre du comité de salut public dont le pouvoir pouvait être à tout instant remis en
cause par un vote de la Convention.
Les 4 et 5 septembre, éclatent les journées révolutionnaires parisiennes liées aux
difficultés économiques, à la montée des prix, et aux défaites militaires. Le peuple envahit
alors la Convention, et Chaumette le procureur de la Commune demande que la Terreur soit
mise à l’ordre du jour. Ainsi sous la pression de la Commune dominée par les hébertistes et
des sections parisiennes, sont votés des décrets comme la loi des suspects qui exige
l’arrestation des suspects, la formation d’une armée révolutionnaire, et la fixation d’un
maximum des prix. Et ce ne sont ni Robespierre, ni le Comité de Salut Public, qui ont
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proclamé ouvertement la Terreur, mais bien les représentants de la Commune, alors porte
parole des revendications de la base populaire, le 5 septembre 1793. Dès lors la Constitution
est suspendue parce que le gouvernement est révolutionnaire jusqu’à la paix.
Le Comité de Salut Public entre alors dans la voie de la Terreur légale, et dès septembre
alors que Danton refuse la place qui lui est offerte, les dantonistes attaquent le dirigisme
économique, et le remplacement des notables par des sans-culottes au ministère de la guerre et
de l’armée. Robespierre tente alors de dominer la lutte entre les « modérés » (les dantonistes)
et les hébertistes influents la Commune de Paris, et les sans-culottes. En homme d’Etat
Robespierre va assumer son rôle de défenseur de Comité, attaqué par ces deux factions. Ainsi
le 25 septembre 93, il défend les mesures adoptées et le poids des responsabilités du Comité,
en ces mots : « On nous accuse de ne rien faire. Mais a-t-on réfléchi à notre position ? Onze
armées à diriger, le poids de l’Europe entière à porter, partout des traîtres à démasquer, des
émissaires soudoyés par l’or des puissances étrangères à déjouer, des administrateurs infidèles
à surveiller, à poursuivre… tous les tyrans à combattre, tous les conspirateurs à intimider ».
(Cité dans l’ouvrage de Michèle ANSART-DOURLEN, L’action politique des personnalités
et l’idéologie jacobine. Rationalisme et passions révolutionnaires.) Concluant par un appel à
l’unité « croyez vous que sans unité d’action, sans secret dans les opérations, sans la certitude
de trouver un appui dans la Convention, le gouvernement puisse triompher de tant d’obstacles
et tant d’ennemis ? » (Cité dans l’ouvrage de Michèle ANSART-DOURLEN, idem.)
Quelques mois après l’avènement de la Terreur, et les critiques et accusations despotisme
dont Desmoulins s’était fait porte parole dans ces attaques contre le Comité, Robespierre
dénonce le 25 décembre 1793 la guerre de ruse et de corruption, s’en prenant aux
compromissions et corruptions qui visaient tout particulièrement les dantonistes et quelques
hébertistes. Cette dénonciation intervient au moment de l’affaire de la Compagnie des Indes,
où Fabre d’Eglantine, un proche de Danton, avait falsifié le décret relatif aux conditions de
liquidation de la compagnie, mais également les compromissions de certains dantonistes et
Hébert lui-même avec des banquiers étrangers expliquant dès lors leur enrichissement
personnel. En fait Robespierre était « écoeuré » des mœurs des dirigeants qui l’entouraient, et
donc choisi d’enrayer la corruption. Cet écoeurement, traduit également la méconnaissance de
Robespierre de la montée d’une nouvelle classe sociale dont le but était de profiter des
changements sociaux et économiques, qui provoque une inversion du processus
révolutionnaire dont fut victime Robespierre lui-même, car trop idéaliste et utopique. Ainsi il
ne voyait pas cette nouvelle forme de pouvoirs hostiles à tout projet rationnel d’émancipation.
Durant cette période qui s’étend de la mise en place de la Terreur à cette condamnation
des hébertistes et dantonistes, Danton s’est retiré en octobre à Arcis sur Aube, où dès lors ses
ennemis cherchent à le discréditer en l’accusant de compromis avec Dumouriez, d’avoir reçu
de l’argent d’affaires occultes (comme la Compagnie des Indes), d’avoir bénéficier de fonds
lors de son ministère en 1792, d’avoir des rentes par sa charge d’avocat ès Conseils du roi,
préparer une émigration en Suisse, avoir voulu être régent de Louis XVII, et surtout de
vouloir modérer la Terreur. Il revient en novembre, car ses amis Fabre d’Eglantine et Camille
Desmoulins sont arrêtés et en attente d’un jugement. Il revient essentiellement pour demander
que ses amis soient jugés par le peuple et la Convention, et non pas arbitrairement comme le
veut la politique de Terreur. Aussi, à son retour Hébert l’invite à s’exprimer devant les
Jacobins au sujet de ces accusations. Mais Danton est une nouvelle fois attaqué et accusé de
modération de la Terreur qu’il avait contribué à mettre en place, et du mouvement populaire.
Robespierre décide stratégiquement de le défendre, puisque rapidement Danton va s’engager
aux côtés de ce premier dans la lutte contre Hébert et les hébertistes. En effet, les hébertiste
représentant l’extrême gauche, que Danton perçoit comme trop violents et trop virulents.
Cette lutte contre les hébertistes est, à nouveau, un moment où Danton appuie les idées de
20
Robespierre. Par ailleurs, en les excluant de la majorité ne laissaient-ils pas plus de places aux
modérés ? Cela ne pouvait-il pas, également, être perçu comme une modération de la part de
Danton ? La chute des hébertistes est effective le 24 mars 1794, mais annonce néanmoins la
chute de Danton comme nous allons le voir dans la dernière partie.
Concernant l’accusation de modération des dantonistes il est vrai qu’ils souhaitaient la fin
de la Terreur, mais leur modération traduisait également leur scepticisme, et la conviction non
avouée qu’il fallait aussi mettre un terme à un courant politique trop favorable aux
revendications populaires, et trop menaçant pour les possédants et les corrompus. Et pour
Robespierre les protestations contre la Terreur ne pouvait émané que d’hommes sceptiques et
indifférents ou de corrompus. Mais la volonté moralisatrice de Robespierre n’a pas été la
seule cause de la condamnation des factions rivales. En effet, les luttes internes pour le
pouvoir, les incohérences politiques des dantonistes, la démagogie terroriste de hébertistes,
ont contribué à provoquer la chute des chefs hébertistes et dantonistes. La chute des chefs
hébertistes a alors créé le désarroi parmi les sans-culottes, et ce qui est la cause essentielle de
la scission entre le Comité de salut public et sa base populaire. Et la méfiance du pouvoir
envers la volonté populaire de démocratie direct (dans les sections et comités populaire), s’est
achevée par des mesures restrictives et répressive contre ces organes de la représentation
populaire. Ainsi, Robespierre et les membres du Comité de Salut Public, ont assumé les
responsabilités d’une politique autoritaire et même souvent violente, car il était nécessaire
d’affirmer le despotisme de la liberté contre la tyrannie. C’était au nom des droits des peuples,
qui pour rester libre devait être protéger par un pouvoir s’avouant terroriste contre la
corruption et le cynisme des dirigeants comme Hébert et Danton.
Pour conclure sur cette partie on soulignera que Robespierre « voit son idéalisme évoluer
au fil du temps, ainsi à la philosophie des droits de l’homme, d’une révolution qui s’était
achevée avec la Constituante, par l’instauration d’une monarchie constitutionnelle, va se
substituer une idéologie incluant la nécessité de la violence, pour aboutir à la Terreur d’Etat
institué en 1793. » (ANSART-DOURLEN Michèle, L’action politique des personnalités et
l’idéologie jacobine. Rationalisme et passions révolutionnaires.)
III.
Une fin analogue, uniquement dans les faits.
Comme nous avons commencé à traiter la chute de Danton dans la partie précédente, mais
de manière sommaire, nous allons dans cette partie analyser la fin de Danton comme un
évènement important, dans lequel Robespierre ne laisse rien au hasard. Par ailleurs, la fin de
Danton marque l’amorce de la chute de Robespierre, c’est donc une partie consacrée à leur
chute et leur fin analogue dans les faits, mais pas dans le fond. Abordons à présent :
A. La chute de Danton.
Nous allons dans cette partie revenir plus en détail sur la chute de Danton. En effet il était
accusé de nombreux maux, mais pour se défendre des entretiens furent oragnisé entre
Robespierre et Danton, dont le dernier fut marquant, puisque les témoins virent Robespierre
en sortir rempli de raideur et de froideur, lequel notait « les efforts impuissants et ridicules
que fit Danton pour pleurer chez moi ».
21
Robespierre rejetait la lâcheté et la mollesse de Danton qui commençait par un éclat de
tonnerre et finissait par des propositions de paix. Or l’accusation de mollesse est
probablement injustifiée comme le souligne Mona Ozouf (dans l’article « Danton », in
Dictionnaire critique de la Révolution française.), car il a créée le Tribunal révolutionnaire, il
avait le sang de septembre sur les mains même si ce n’était pas réel car n’a pas été présent lors
des mouvements mais il les a assumé et revendiqué, mais surtout il était pour la théorie
montagnarde de la Terreur et économique afin d’être « terribles pour éviter au peuple de
l’être ». (cité dans l’article « Danton », in Dictionnaire critique de la Révolution française.)
En fait il était nécessaire pour Robespierre d’avoir un acte d’accusation de modération envers
Danton, puisque la modération avait eu raison des girondins, et que c’était alors en
inadéquation avec la politique de Terreur que Danton avait pourtant contribué à mettre en
place.
Quant à l’accusation de lâcheté elle pouvait puiser ses fondements dans les absences de
Danton aux évènements populaires et révolutionnaire, mais également dans son refus de la
charge qui lui était offerte au Comité de salut public, et enfin la lâcheté d’en appeler à la
Terreur pour ensuite vouloir sa fin. Peut-être Robespierre voyait en Danton, la lâcheté de ne
pas voir plus loin la Terreur pour servir la République ? Robespierre notait également la
construction du discours de Danton et le critiquait de la manière suivante : « Il commençait
par un éclat de tonnerre et finissait par des propositions de paix » (cité dans MASSIN Jean,
Robespierre, Aix en Provence : Alinéa, 1988.) En effet Mona Ozouf (dans l’article
« Danton », in Dictionnaire critique de la Révolution française.), souligne également les
discours en « deux pas » de Danton, notamment lorsqu’il demande à ce que la Convention se
purge il ajoute qu’il faut que ce soit déchirement, ou bien lorsqu’il demande à tous ceux qui
n’ont pas voté la mort du roi d’avouer qu’ils sont lâches. Dans ces exemples cela montre que
Danton à la force oratoire, mais manque d’action ou de conviction, expliquant et accentuant
dès lors ces absences lors des évènements cruciaux. C’est tout cela que Robespierre critique et
rejette dans Danton, son manque d’ambition à long terme, car il est vrai que Danton s’est
illustré en homme de circonstance mais pas en homme dont les actions et pensées étaient
dirigées dans le temps. Ainsi Robespierre le condamnait d’avoir laissé tomber Marat (mais
lui-même n’avait pas non plus pris position particulière), puis Camille Desmoulins alors qu’il
le soutenait lui et son Vieux Cordeliers. Desmoulins condamnait Robespierre mais sans jamais
demander la tête de celui-ci à l’inverse de l’ensemble de ses adversaires, mais il était
considéré comme l’un des leurs par les contre-révolutionnaires. Mais épargner Desmoulins
pour Robespierre c’était approuver les derniers numéros particulièrement virulents du Vieux
Cordeliers.
Revenons à Danton qui ne craint pourtant pas Robespierre, car comme le dit Condorcet
« Danton a cette qualité si précieuse que n’ont jamais les hommes ordinaires : il ne hait ou ne
craint ni les lumières ni les talents ni la vertu », auquel Mona Ozouf (dans l’article
« Danton », in Dictionnaire critique de la Révolution française.) ajoute que « chez Danton il y
a une dualité vécue, mais la pensée explicite que les hommes ont le droit d’être double et que
les penchants privés des personnes peuvent échapper à la tyrannie des personnages publics ».
C’est ainsi défendre les idées exposées publiquement et les idées personnelles et intimes de
Danton, face à Robespierre qui faisait l’assimilation du privé au public, expliquant de fait que
sa vie publique soit également sa vie privée. Mais les jeux sont faits, et dans la nuit du 9 au 10
germinal (31 mars - 1er avril), les Comités de salut public et de sûreté générale se réunissent et
décident l’arrestation de Danton, Delacroix, Desmoulins, et Philippeaux, et pour prouver leur
culpabilité c’est Saint-Just qui est chargé de rédiger le rapport à porter devant la Convention.
Au départ, les accusés devaient être présents lors de la lecture de ce rapport selon Saint-Just et
Robespierre afin de respecter la légalité ; mais par crainte que leur talent oratoire (et tout
particulièrement de Danton) ne renverse la Convention en leur cause et emporte la décision, le
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reste des commissaires souhaitent qu’ils en soient exclus. Robespierre et Saint-Just par soucis
de règle collective s’inclinent. Dans la nuit du 10 au 11 germinale (1er – 2 avril), Danton et ses
amis sont arrêtés, et la Convention l’apprend le matin du 11. Un député dénommé Legendre
se fait alors porte-parole des Indulgents, en demandant à ce que les accusés puissent venir se
défendre à la barre. Robespierre répond par un long discours dont voici un extrait « Il s’agit
de savoir aujourd’hui si quelques hommes doivent l’emporter sur la patrie … il s’agit
aujourd’hui de savoir si l’intérêt de quelques hypocrites ambitieux doit l’emporter sur l’intérêt
du peuple français… […] Nous verrons dans ce jour si la Convention saura briser une
prétendue idole pourrie depuis longtemps, ou si sa chute écrasera la Convention et le peuple
français !... En quoi Danton est-il supérieur à ses collègues ? […] En quoi est-il supérieur à
ses concitoyens ? Est-ce parce que quelques individus trompés, et d’autres qui ne l’étaient
pas, se sont groupés autour de lui pour marcher à sa suite à la fortune et au pouvoir ? […] Et
moi aussi j’ai été ami de Pétion : dès qu’il s’est démasqué, je l’ai abandonné. J’ai aussi eu des
liaisons avec Roland : il a trahi et je l’ai dénoncé. Danton veut prendre leur place, et il n’est
plus qu’à mes yeux un ennemi de la patrie. » (cité dans MASSIN Jean, Robespierre, Aix en
Provence : Alinéa, 1988.) On voit bien que Robespierre accuse Robespierre de modération par
la trahison et la contre-révolution, mais également la corruption et des vues économiques et
sociales, et que dès lors Robespierre défend les intérêts de la nation et surtout la liberté. Après
cette intervention l’opinion de Legendre ne trouve plus aucun défenseur, car Robespierre
même s’il a mis du temps à se résoudre à la chute de Danton et des dantonistes, une fois sa
décision prise c’est lui qui prend part à l’action, de manière claire et radicale comme le
montre son discours à la Convention.
Les têtes de Danton et ses amis tombent le 16 germinal (5 avril), où Danton aurait dit au
bourreau « montre ma tête, elle en vaut la peine », car il était probablement conscient que ses
actions et sa fin allaient marquer un tournant dans la politique et la Révolution. Notons
également, que dès lors l’impression que Robespierre est alors le seul maître possible de la
France grandit, et maintenant que les sans-culottes n’ont plus de chefs, que les dangers contrerévolutionnaires des Indulgents sont écartés, les non corrompus de la Montagne jettent alors
un regard d’interrogations hostiles à Robespierre, qui annonce le 9 thermidor. En effet quel
cours allait désormais prendre la révolution ? Puisque sans opposition et une croissance de
l’influence de Robespierre, qu’allait-il se passer ?
Robespierre aurait pu affirmer un pouvoir personnel, à partir du moment où l’opposition
n’existait plus. Or la chute de Danton annonce sa propre chute.
B. La chute de Robespierre.
Peu avant la chute des Indulgents, Robespierre prend le soin d’épurer Indulgents et
Cordeliers des pratiques politiques en renouvelant les charges qu’il remet entre les mains de
Jacobins. Le but était également de réduire les sections populaires parisiennes, et de les
écarter de l’exercice du pouvoir. Le 16 avril, la Convention adopte une série de décrets après
l’analyse d’un rapport de Saint-Just, dont est issu la suppression des tribunaux
révolutionnaires provinciaux le 8 mai, afin de tout centraliser autour du Tribunal
révolutionnaire parisien. Le Comité de sûreté générale était quant à lui supplanté par le
Comité de salut public, lui donnant alors l’habilitation à rechercher des conjurés et à les
traduire devant le Tribunal révolutionnaire, et obtient l’exclusivité de la surveillance des
fonctionnaires et la création de fait d’un bureau de police générale sous son autorité. La
centralité et l’extension des missions du Comité de salut public, marquaient donc un tournant.
23
C’était également annoncer un renforcement de la répression, et donc changer le caractère
de la Terreur qui jusque là s’appuyait sur un élan populaire et contre le complot contrerévolutionnaire. Désormais, elle apparaît comme le moyen de faire exécuter des ordres du
pouvoir central et éliminer les forces et mouvements anarchiques. Le Terreur délaisse pour
l’heure les origines populaires, pour désormais maintenir quelques hommes au pouvoir, par la
centralisation du comité de salut public. Pourtant durant cette période de la chute dantonistes
au 8 mai, Robespierre n’intervient que très peu et à l’exclusivité du Comité de salut public. Le
8 mai il annonce la nécessité que la moral soit le pilier unitaire de la société civile, et c’était
alors annoncer la religion civile qui avait pour but d’unir et maintenir un unique parti de bons
contre les méchants, et cela au-delà des clivages sociaux. En fait, la coalition lui échappe, et
pour la contrer il en appelle à l’unité, qu’il veut rendre effective le 9 juin 1794, avec la Fête
nationale en l’honneur de l’Être suprême. Cette fête est un grand succès car a suscité une
participation réelle des foules et un enthousiasme particulier, car Robespierre annonçait alors
la fin de la lutte sociale, avec en contrepartie la vertu, Dieu et l’unité. Dans l’intimité de
Robespierre, cette fête de l’Être suprême c’était atteindre un des buts qu’il s’était fixé avec la
Révolution, et droite lignée de ses idées imprégnées des Lumières : célébrer la bonté de la
nature au milieu d’un peuple enfin libre. Mais c’était également aiguiser les attaques des
députés athés.
Pourtant dès le 23 mai, une tentative d’assassinant avait était dirigée vers Robespierre,
suivie d’une autre tentative le lendemain. Mais Robespierre bien que conscient que ces
tentatives visait par là à désorganiser et à paralyser le gouvernement révolutionnaire au
moment où le gouvernement redoublait d’énergie pour assurer la victoire militaire décisive
dans les guerres à l’Est du pays. C’était également montrer que les mouvements contrerévolutionnaires sont encore présents. En revanche, rapidement après la mort de Danton,
quelques députés rédigent contre Robespierre un acte d’accusation et prévoit sa mort à la
Convention, pour son symbolisme. Mais Robespierre est mis au courant, demandant alors non
pas qu’ils soient menés à l’échafaud mais que la Convention soit épurée. Dans cette
opposition au sein du gouvernement, se trouvent aussi des dantonistes du Comité de sûreté
général qui critiquent la fête de l’Être suprême car ils sont athées alors qu’ils jugeaient
positive la campagne de déchristianisation, critiquent l’exécution des hébertistes avec lesquels
ils avaient de la sympathie, et enfin critiquent le Comité de salut public de s’être abrogé des
parts de pouvoirs qui revenaient au Comité de sûreté générale, et de fait critiquent également
la création du bureau de police générale.
Cependant il est clair que Robespierre n’avait pas les moyens matériels, ni le désir
d’établir une dictature personnelle, et c’est une ‘dictature d’opinion’ qu’il a surtout suscité,
car son prestige faisait qu’il éclipsait le prestige de ses collègues. Selon Jean MASSIN (dans
son ouvrage : Robespierre, Aix en Provence : Alinéa, 1988.), la dictature d’opinion est
probablement la plus mal vécue, la plus humiliante pour ses égaux, car elle réside dans la
seule supériorité de la valeur personnelle d’un homme. Et déjà durant la période floréal et
prairial (du 20 avril au 18 juin), des oppositions se manifestent même si elles restent timides.
Ainsi le 20 avril le Billaud-Varenne accuse Robespierre d’être le tyran Périclès. Carnot
ensuite traite Saint-Just et Robespierre de dictateurs ridicules. Mais malgré ces accusations et
oppositions, Robespierre pense qu’il est nécessaire qu’il y ait une entente entre tous les
courants politiques et idéologiques dans l’ensemble des organes de gouvernement. Pour cela il
utilise l’argument de la contre-révolution qui vise Robespierre mais aussi des députés comme
Collot d’Herbois qui a été également pris pour cible. Il est donc nécessaire que la Montagne
reste patriote pour abattre cet ennemi commun. Ce n’est que plus tard, le 10 juin (22 prairial),
que Robespierre en refusant toute conciliation avec les différents courants pour que le Comité
de salut public passe d’une hostilité restreinte à un combat sans merci. En effet, cette date
marque le début de la Grande Terreur, instituée par la loi dite du 22 prairial, qui n’est autre
24
que la loi des suspects. Cette loi définit alors les suspects (les défaitistes, les corrompus, les
accapareurs…), que l’on peut juger sur simple dénonciation, avec un passage immédiat
devant la justice où il n’y a plus d’instruction, plus d’avocat ni de défense, et uniquement la
condamnation à mort comme peine. C’était alors un moyen exceptionnel, qui servait surtout
de mettre à bas les oppositions et les querelles personnelles… mais loi à laquelle Robespierre
n’adhérait pas car c’était une loi qui lui apparaissait comme draconienne et inutile, car ne
visait que quelques hommes de l’opposition qui critiquaient la Terreur et Robespierre. Mais
ayant été écrite et adoptée par l’ensemble du Comité de salut public, il se doit de respecter les
décisions collectives.
En fait cette loi, a surtout montré selon Jean MASSIN (dans son ouvrage : Robespierre,
Aix en Provence : Alinéa, 1988.),, que la dictature terroriste n’était plus une émanation
populaire, et donc ils devaient se munir d’un instrument judiciaire aveugle et inefficace, parce
que le reflux des sans-culottes les avait laissés eux-mêmes privées de leur force. Cette loi n’a
cependant provoqué aucun soulèvement en France ni au Comité de salut public ; sauf le
Comité de sûreté générale parce qu’il n’a pas été consulté pour l’élaboration de cette loi, et
plus encore à la Convention car cette loi laissait planer des menaces au-dessus des députés.
Aussitôt Robespierre demande à ce qu’une séance soit ouverte et la loi soit votée à
l’unanimité, mais dans son discours il ajoute « je ferais d’ailleurs observer que depuis
longtemps la Convention nationale discute et décrète sur le champ, parce que depuis
longtemps elle n’est plus asservie à l’empire des factions ». Cette phrase crée alors une vive
tension à la Convention qui s’estime attaquée et non respectée, car elle se sent estimée comme
chambre d’enregistrement des décisions du Comité de salut public, mais se soumet et vite en
quelque minute l’approbation, et ceci probablement grâce au prestige encore respecté de
Robespierre.
Par ailleurs, une intervention de Robespierre lui-même a suffit à le désarmer. En effet, le
12 juin, un certain Couthon attaque le comité de salut public et ses prérogatives, à laquelle
attaque il répond que « la Convention, la Montagne, le Comité, c’est la même chose ! Tout
représentant du peuple qui aime sincèrement la liberté, tout représentant du peuple qui est
déterminé à mourir pour la patrie est de la Montagne… la Montagne n’est autre chose que les
hauteurs du patriotisme ; un Montagnard n’est autre chose qu’un patriote pur, raisonnable et
sublime ». C’était avouer que lui-même, ses amis, le Comité tout entier, ne représentaient plus
rien qu’eux-mêmes. Cet aveux allait marquer et précipiter, le passage des bourgeois
montagnards et des montagnards qui désapprouvaient la politique économique et sociale
promise, vers le centre. De plus ce même jour, Robespierre fidèle à ses habitudes accuse
vaguement des Conventionnels sans jamais les nommer, au moment même où justement tous
les conventionnels se sentent menacés, par cette loi des suspects, le contexte du vote, et la
main mise progressive de Robespierre sur les décisions gouvernementales. Suite à ces deux
interventions Robespierre sent les hostilités l’attirer vers sa fin, il décide donc de se retirer de
la barre de la Convention jusqu’au 8 thermidor (26 juillet). Pendant cette période d’absence à
la Convention, Robespierre se retrouve du 26 au 30 juin en altercation avec ses collègues du
Comité de salut public, notamment lorsque Robespierre accuse d’escroquerie le Comité
révolutionnaire de la section de l’Indivisibilité, représentant les derniers Cordeliers. De plus
Robespierre conclu à leur culpabilité alors qu’il est à la tête du bureau de police général le
temps de l’absence de Saint-Just, et certains de ses collègues l’accuse alors d’être un tyran. Le
30 juin Robespierre quitte le Comité et n’y reviendra plus, et durant sa retraite pense qu’il
peut s’expliquer à la Convention, afin que son absence permette à la Convention d’expulser
les corrompus, de mettre au pas le Comité de sûreté générale, et qu’au besoin elle renouvelle
le Comité de salut public. En revanche, il ne semble pas avoir prévu que cette absence serve
ses adversaires, puisqu’en effet les contacts entre les conventionnels se (re)nouent et une
propagande intense se met en place, où l’on rejette sur Robespierre toutes les conséquences de
25
la Terreur et notamment les guillotines qui marchent à ne plus s’arrêter. Pour y répondre
Robespierre tient deux séances au club des Jacobins, les 21, 22 et 26 messidor, où il fait le
discours des bons contre les méchants, et l’apologie de la liberté.
Comme le dit Jean MASSIN (dans son ouvrage : Robespierre, Aix en Provence : Alinéa,
1988.) : « Si Robespierre a espéré embarrasser par sa retraite ses ennemis, il ne s’est trompé
qu’à moitié. Les Indulgents et les proconsuls du genre Fouché n’hésitent pas à préparer sa
chute. Les membres des deux Comités sont plus perplexes, car ils sentent bien que la situation
ne peut durer et ils redoutent une explication au grand jour. La rumeur d’une mésentente au
sein du gouvernement se répand déjà dans tout le pays, et ils reçoivent l’écho de remous
défavorables qu’elle provoque. Impossible de laisser une personnalité aussi puissante que
Robespierre devenir à son tour le centre d’opposition. Et si on l’élimine brutalement de la
scène politique, il est à craindre que le régime ne survive pas à la brutalité de l’ébranlement. »
Ainsi autour du 18 et 19 juillet, les deux Comités tentent une réconciliation avec les antirobespierristes. Mais les Indulgents intensifient la propagande, afin de favoriser une contrerévolution afin de renverser le Gouvernement révolutionnaire. Pour y répondre la Convention
et les Jacobins dénoncent la manœuvre des Indulgents, et le gouvernement et la Commune
enrayent alors le processus contre-révolutionnaire. Le 5 thermidor (24 juillet), l’ensemble de
la Convention et des Comités se réconcilient, mais Robespierre ne considère rien de réglé, de
ces députés qui l’ont calomnié et qui se sont ensuite rallié, dont il ne peut croire leur sincérité.
Par ailleurs, malgré cette réconciliation, des Conventionnels ont des comportements étranges,
comme Carnot qui dégarnit Paris de sans-culottes armés et cinq canons, ou d’autres qui
rendent visites à 73 prisonniers girondins… Mais Robespierre s’enferme dans le silence
jusqu’au 8 thermidor, où il attaque et accuse, mais sans aucune mise en accusation, car il ne
parle plus comme un homme au gouvernement, mais un homme du peuple, ainsi il s’explique
et revendique notamment sa responsabilité dans la Terreur. Sauf qu’à trop accuser, et à
attaquer de toutes parts, il sent que c’est perdu d’avance, car la Révolution de le porte plus.
Ainsi le lendemain, le 9 thermidor an II, alors que Saint-Just doit intervenir à la barre,
l’opposition met en place une tactique pour empêcher Robespierre, ses partisans et la
Montagne de s’exprimer. Saint-Just arrive à la barre mais ne lit pas son rapport, mais fait un
éloge à Robespierre et accuse ouvertement trois députés (Billaud, Collot d’Herbois et Carnot),
et termine par une proposition de conciliation et refuse toute mise en accusation. Mais ce que
Saint-Just ne perçoit pas, c’est qu’il est encore le seul à croire à une conciliation. Il n’a pas
encore fini, que Billaud et Varennes surgissent à tour de rôle à la barre pour accuser
Robespierre préparer un complot, de vouloir les pleins pouvoirs, de nier la souveraineté
populaire, et devenir un roi et un tyran. Robespierre veut répondre mais toutes ses tentatives
échouent, par la stratégie des conventionnels insurgés qui était de faire du bruit incessant afin
de ne pas laisser s’exprimer Robespierre, ni même un de ses partisans. En effet, ils étaient
conscience que la parole de Robespierre pouvait être une arme redoutable, par laquelle il avait
plusieurs fois montré qu’il s’était imposé. Cela fonctionne, et lorsque Barère monte à la
tribune il prononce un décret au nom du Comité de salut public : l’arrestation de Maximilien
Robespierre, Augustin Robespierre, Louis Antoine Saint-Just, Georges Couthon, Philippe
Lebas. Ce décret est adopté à l’unanimité et les accusés emmenés dans différentes prisons.
Hanriot, l’ancien chef de la garde nationale décide de libérer Robespierre avec trois milles
sans-culottes, mais c’est un échec, notamment parce que le mouvement sans-culottes n’a pas
eu lieu, car Robespierre a décapité leur leader Hébert. Robespierre tente alors de se suicider,
car il ne veut pas tomber vivant aux mains de ses ennemis, mais il ne parvient pas à ses fins,
et se casse la mâchoire. Il est alors soigné afin d’être vivant pour monter à l’échafaud. Ainsi le
27 juillet ils sont 22 à être amenés à l’échafaud dont Robespierre. Il est tué le dernier pour
voir ses partisans mourir, dont son frère, mais ne dira rien sur l’échafaud.
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Avec la mort de Robespierre, c’est la fin de la Terreur, mais l’avènement quelques jours
plus tard d’un régime plus violent : la Convention Thermidorienne. Par ailleurs, par les
circonstances de la chute de Robespierre, c’était un coup d’Etat des députés de la Convention,
qui par leurs cris et leur refus de donner la parole aux accusés, se conduisent comme des
tyrans. En effet, de cette manière il les empêche de se défendre, mais plus encore ils les
mettent hors la loi donc excluent toute voie légaliste. Cela à l’image de Robespierre dans la
chute des Girondins, et des dantonistes.
La fin de Danton et de Robespierre est donc similaire, par la mort à l’échafaud. De plus
ces deux exécutions marquent un tournant dans la Révolution, puisque la mort de Danton
annonce une dictature puisque l’opposition est largement effacée, mais plus encore la mort de
Robespierre représente un tournant d’autant plus significatif que c’est la fin de la Terreur, et
l’avènement d’un régime basé sur le coup d’Etat, et bien plus encore sur une certaine raideur
politique et idéologique. Pourtant, la stratégie pour faire tomber l’un comme l’autre est
similaire : priver les accusés de défense pour les empêcher que leur force de la parole ne leur
soit favorable, mais également mettre les accusés hors la loi pour éviter de respecter les cadres
légaux et ainsi les condamner, même à tort ou sur des actes d’accusations non fondée.
Après leurs morts à la fois similaires, mais chargées de significations et symbolismes
différents, quelle a été la postérité de ces deux hommes ?
C. La postérité des deux hommes.
Si Robespierre a eu pendant longtemps l’étiquette de tyran ou de dictateur, notamment
pendant le XIXème siècle, c’est probablement le fruit d’idées faites sur lui par des personnes
qui ont vécu la Révolution et qui ont vécu la période d’ascension et la chute de Robespierre.
Et notamment ses opposants, qui ont eu un rôle après sa chute ou qui ont tout simplement fait
perdurer ce mythe jusqu’à ce que des historiens détachés de cette période portent un œil
nouveau.
L’image principale qui résulte de Danton, c’est son ascendant qui était dû à la simplicité de
son langage, n’excluant par ailleurs pas l’outrance, mais sachant entraîner l’enthousiasme et
les passions populaires. Il était également proche du peuple par sa physionomie, par son style
simple et direct, et par son absence de rhétorique. Il se décrivait lui-même comme ayant été
doué par la nature « des formes athlétiques et de la physionomie âpre de la liberté ». (Cité
dans WENDEL Hermann, Danton, Paris : Payot, 1978.) Il était conscient de sa force, et enclin
à mépriser ses ennemis que plutôt que de les haïr, et se proclamait exempt de la haine. Ce qui
explique dès lors que malgré sa chute annoncée, et les menaces, Danton n’a jamais reculé ou
tenté de fuir son destin, car comme il le disait « on n’emporte pas la partie à la pointe de ses
souliers ». Par ailleurs, c’est son langage et sa rhétorique qui lui valent sa popularité car il
parlait le langage du petit peuple et le défendait de cette manière. Pourtant, Danton a été, et
cela a été prouvé, corrompu par les forces ennemies de la révolution tel qu’à l’occasion du
procès du roi, où il devait sauver la tête du roi. Par ailleurs, on ne saurait mieux expliquer son
enrichissement, que par sa charge d’avocat ès Conseils du roi, ces corruptions prouvées, mais
également probablement en ayant utilisé les caisses du gouvernement lors de son ministère de
Justice. En fait, Danton pensait que l’argent pouvait également servir les causes de la
république. Notons également que pour lui la corruption ne lui paraissait pas comme un tare,
mais comme un moyen de pression politique, comme il le dit le 2 septembre 93 : « avec de
l’or on vaincra l’insurrection lyonnaise ».
27
C’est donc en grand orateur, mais aussi épris de vénalité qui fait la personne publique et la
personne privée de Danton. Mais cette vénalité, contrairement à ce qu’ont souvent véhiculé
les robespierristes n’a en aucun cas affecté sa politique intérieure ou extérieure. En effet, il
avait des convictions, même s’ils les adressaient avec maladresse comme on l’a vu, avec d’un
côté l’audace et de l’autre la modération, tant dans ses actions que ses discours. Ce versant de
sa personnalité a également été exploité par ses opposants montagnards et robespierristes,
puisqu’il fut accusé de modération et d’Indulgence, mais également d’opportuniste.
S’il est apparu comme un héros révolutionnaire, c’est aussi en fonction de ses ambiguïtés,
de l’image énergique qu’il a laissée, mais aussi la figure d’une personnalité « tolérante ». La
« tolérance » symbolisant alors la réconciliation entre la force révolutionnaire et l’humanisme,
qui aurait du pour beaucoup devenir l’emblème de la Révolution. Son talent d’orateur
vigoureux, qui ignorait la haine, aurait été étranger à la violence terroriste.
Danton a été l’objet de quelques études historiques surtout par des historiens socialistes et
républicains tels que Michelet et Aulard, qui réhabilitaient l’image de Danton comme un
héros de la Révolution, face à un robespierrisme qui dénuait Danton de toute qualité positive.
Mais, la période où Danton fut l’objet d’attentions particulières c’est dans les années 1900 –
1930. Ainsi, les historiens les plus reconnus ayant travaillé sur ce personnage, sont : Michelet,
Aulard, Lefebvre, et plus tardivement Hermann Wendel reconnu par Pierre Caron. Depuis peu
d’ouvrages font de Danton l’objet d’études complètes, en effet depuis Hermann Wendel dans
les années 1930, Danton n’apparaît dans l’histoire marxiste de la révolution surtout dans le
Dictionnaire historique de la Révolution française d’Albert Soboul, puis dans les années 1970
dans le Dictionnaire critique de la Révolution française, de Mona Ozouf et François Furet au
travers leurs visions révisionnistes de l’Histoire de la Révolution française. L’image de
Danton n’apparaît plus négative lorsque les pères fondateurs de la IIIème République en ont
fait l’image emblématique de la République et la Révolution conciliée.
Enfin Danton « a été admiré par des adeptes de la non violence et des sceptiques, qui voyaient
en lui un « héros » et un « anti héros », un personnage en qui tout homme mesuré de « bon
sens » pouvait se reconnaître. Mais il a été aussi le personnage symbolisant ce que le mémoire
révolutionnaire aurait désirer refouler, une figure du scepticisme, voire de l’indifférence
idéologique et du cynisme. » (cité dans Michèle ANSART-DOURLEN, dans son ouvrage
L’action politique des personnalités et l’idéologie jacobine. Rationalisme et passions
révolutionnaires.) Ainsi, aujourd’hui Danton a l’image d’un homme resté pendant toute la
révolution sur une base empirique, au-delà des principes, ce qui en a fait sa force puis ensuite
sa faiblesse. Puisqu’en effet sa faiblesse a été de ne pas avoir eu de politique à long terme, et
d’être resté sceptique à la morale.
Enfin, une fois que l’image Robespierre est sortie de l’image du dictateur, il a été l’objet de
nombreuses études. Dès lors, son image a été celle d’un personnage historique éminent :
orateur de talent mais uniquement au travers de discours très travaillés, car il ne laissait
aucune place à la spontanéité qui selon lui n’était pas une vertu, mais surtout il a donné
l’image d’une homme politique qui a construit sa politique et son idéologie sur les Lumières
et tout particulièrement Rousseau qui l’a inspiré, quant à l’idée de souveraineté populaire et
récuser toute forme de représentativité. Ainsi Jaurès a écrit qu’il « portait en lui une seule
idée : la nation est souveraine ; mais cette idée unique, il la suivait sans défaillance, sans
conséquence jusqu’en ses conséquences extrêmes » (cité dans MOURRE Michel,
Dictionnaire encyclopédique d’Histoire, Paris : Bordas, 1978.), et en effet c’est cette idée qui
a porté toute la politique que Robespierre a inspiré et mise en place lors de le Révolution, et
les conséquences extrêmes s’en trouvent dans la Terreur, et la fin de celle-ci par l’épuration
de toute opposition à la nation et souveraineté populaire. Malgré cette interprétation de Jaurès,
très emprunte de républicanisme et de sympathie, Furet n’en remet pas en cause cette
prééminence de fait, et affirme que « lui seul a mythiquement réconcilié la démocratie directe
28
et le principe représentatif […] Il est le peuple dans les sections, le peuple aux jacobins, le
peuple dans la représentation nationale » (cité dans Dico des œuvres pô) Il est vrai que
Robespierre a eut l’image de la passion du devoir jusqu’à l’acceptation de la fatalité, mais
plus encore la conscience de l’honneur. Homme de gouvernement il eut le sens de la pérennité
de la nation et le sens de l’Etat, comme probablement personne d’autre. Il n’a jamais rien
conçu de grand sans y associer le peuple ordinaire dans son dessein. (Soboul dico de la révo)
Pourtant Guennifrey (dans l’article « Robespierre », in Dictionnaire critique de la
Révolution française.), le peint comme un homme aux aspiration populaire qui se présentait
avec la perruque poudrée et la cravate à la Convention, alors que le reste arborée le bonnet
phrygien. Mais Gueniffrey outre cette anecdote, montre que Robespierre a eu tenue une ligne
politique raisonnée, éclairée de Lumière, inspirée par la vertu, la raison et la vérité. Pour lui la
République, était le modèle de vertu, de raison et de vérité face à tout autre forme de pouvoir
qui pouvait être despotique. En effet malgré ses débuts auprès du roi et l’expérience de la
monarchie constitutionnelle il apparaît rapidement à Robespierre, que la monarchie et la
représentativité parlementaire ne correspond absolument pas à la démocratie directe et à la
souveraineté populaire. C’est pour cela qu’il mène la République jusque dans ses excès, pour
que la raison, la vertu et la vérité triomphe, mais également pour que les acquis ne soient pas
perdus par une restauration et donc un retour en arrière. Cela est probablement du à sa
formation d’homme de loi, qui le faisait aller au bout de ses idées qu’il défendait avec ardeur,
et qui utilisait le plus possible des moyens légaux pour y parvenir. Ses idées et ses actions font
que Robespierre porte déjà pendant la Révolution le nom de « l’incorruptible », qui a fait de
sa vie la Révolution.
Comme le dit Michèle ANSART-DOURLEN dans son ouvrage L’action politique des
personnalités et l’idéologie jacobine. Rationalisme et passions révolutionnaires, pour
lui « aucune loi prédéterminée ne peut guider un projet de rupture radicale avec le passé et
d’ouverture vers un avenir toujours incertain. Ainsi le tempérament révolutionnaire est
énergie, passion et refus de la fatalité. » Robespierre a été rapidement l’objet d’études, avec
dès les lendemains de la Révolution des hommes qui étudiait da dictature, ou d’autres qui
voulaient en faire leur héros. Il a surtout était étudié, par les hommes de la République,
comme Jaurès, Mathiez… mais également Aulard qui ne l’appréciait guère, mais qui le
reconnaît grand tacticien. Dans les années 1920-1930 il est l’objet d’études biographiques,
d’auteurs comme Walter ou Massin qui ont été reconnu, et qui servent aujourd’hui encore les
études d’historiens. Puis comme Danton, il a été délaissé comme objet d’étude à part entière,
et n’apparaît que dans des dictionnaires, comme celui d’Albert Soboul Dictionnaire
historique de la Révolution française avec sa vision et son interprétation marxiste, puis dans
les années 1970 dans le Dictionnaire critique de la Révolution française de François Furet et
Mona Ozouf avec une vision révisionniste.
Enfin la comparaison entre Robespierre et Danton a été très vive au XIXème, car c’était le
siècle des Révolution, et siècle lui-même hérité de la Révolution française, de fait chaque
courant politique de gauche a voulu faire de Danton ou de Robespierre le héros de la
Révolution française qu’il fallait suivre et idolâtrer.
29
Conclusion
Pour conclure, ce qui a principalement uni Danton et Robespierre ce sont les évènements,
mais ils ont été profondément désuni quant à l’interprétation qu’ils s’en faisaient, et de fait
leur manière de voir la Révolution et l’évolution de celle-ci. Ainsi à la vision à long terme de
Robespierre, s’oppose la vision circonstancielle de Danton. C’est également leur
comportements privés et publics qui fait également diverger ces deux hommes : puisqu’à l’un
s’opposait la vertu, la raison et la vérité qui se traduisait par un effort constant de faire de sa
vie la Révolution au nom du peuple et de défendre la République même au prix de sa mort ;
s’opposant alors à l’autre qui faisaient de sa vision circonstancielle une différence entre ses
idées et ses actions, entre sa vie privée et sa vie publique. L’un était vertueux propre de toute
corruption et compromission, l’autre vénale faisait de l’Indulgence et la modération son image
accompagnée de corruption et compromission prouvée. Pourtant ces deux hommes tant
opposé ou unis qu’ils soient suivant certains évènements, et l’image noire qu’on leur donne,
tous deux n’ont pas été présent lors des insurrections populaire qu’ils ont parfois préparé,
mais ce sont fait une réputation et un nom, de ces évènements justement populaires, tout deux
ont également approuvé et voté la mort du roi et donc la fin de la monarchie pour une
République. Cette république ils l’ont défendu avec ferveur, ou avec modération jusque dans
ses excès de Terreur que Danton a appelé, et Robespierre a mis en place, contrôlé et justifié.
Ce qui les a également uni c’est la force de leurs paroles, par laquelle ils ont prouvé qu’elle
pouvait avoir une force et une influence incommensurable, tant du côté du peuple que du côté
des aristocrates. Pourtant, leur talent oratoire se distinguait par de longs discours très travaillé
pour Robespierre, et des discours spontané et du langage du peuple pour Danton. Par ailleurs,
pour Mona OZOUF (dans l’article « Danton », in Dictionnaire critique de la Révolution
française.), Danton annonçait déjà que la postérité s’étonnerait du pouvoir de la parole, en
étant une « commotion générale », et une « fièvre nationale » instantanément féconde.
Enfin, ces deux hommes ce sont parfois entendu sur des idées, mais ce sont beaucoup
confrontés sur les application et sur le fond. Ce qui fait leur force c’est leurs divergences et
leurs convergences dans leurs rôles durant la Révolution, mais également dans leurs manières
de la penser.
Et si la fin de la République se termine par la mort de Robespierre, c’est bien qu’il
avait un rôle dans son fonctionnement, et Robespierre déjà annonçait que « la démocratie périt
par deux excès, l’aristocratie de ceux qui gouverne, ou le mépris du peuple pour les autorités
qu’il a lui-même établies »… (Extrait des Œuvres de Robespierre.) la République est tombée
en même temps que la tête de Robespierre, donc par le gouvernement. Mais cette République,
et cette révolution, ont permis l’établissement de nombreux régimes politiques qui ont
aboutis à la République dans laquelle Danton et Robespierre ont eu un rôle. Ainsi aujourd’hui
l’étude de Danton et Robespierre, n’est plus là pour comparer le mal au bien, mais bien les
convergences et les divergences en matière d’idéologie, d’actions et que qualités personnelle.
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Bibliographie.

Outils de travail :
Grand Larousse Universel, Paris : Larousse, 1994.
FURET François, OZOUF Mona, Dictionnaire critique de la Révolution française,
Flammarion, 1992.
MOURRE Michel, Dictionnaire encyclopédique d’Histoire, Paris : Bordas, 1978.

Ouvrages généraux :
ANSART-DOURLEN Michèle, L’action politique des personnalités et l’idéologie jacobine.
Rationalisme et passions révolutionnaires. Paris : L’Harmattan, 1998.
GUENIFFREY Patrice. « Robespierre », in FURET François, OZOUF Mona, Dictionnaire
critique de la Révolution française, Flammarion, 1992.
J. HOBSBAWN Eric, Aux armes historiens. Deux siècles d’histoire de la Révolution
française. Traduit par LOUVRIER Julien, Paris : La Découverte, 2007.
JAUME Lucien. « Robespierre », in CHATELET François, DUHAMEL Olivier, PISIER
Evelyne, Dictionnaire des œuvres politiques, Paris : PUF, 1995. 3ème édition.
MAZAURIC Claude. « Robespierre », in SOBOUL Albert, Dictionnaire historique de la
Révolution française, Paris : PUF, DL 2004.
OZOUF Mona. « Danton », in FURET François, OZOUF Mona, Dictionnaire critique de la
Révolution française, Flammarion, 1992.
WOLIKOW C. « Danton», in SOBOUL Albert, Dictionnaire historique de la Révolution
française, Paris : PUF, DL 2004.

Ouvrages spécialisé :
WENDEL Hermann, Danton, Paris : Payot, 1978.
MASSIN Jean, Robespierre, Aix en Provence : Alinéa, 1988.

Ressources numériques :
« Robespierre » et « Danton », in Encyclopédie Universaelis [En ligne]. [Consulté le 18 mai
2008] Disponible sur :
http://www.universalis-edu.com/
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Annexes
Chronologie sommaire :
Fin de l’Ancien régime :
8 août 1788 : convocation des Etats-Généraux pour le 1er mai 1789.
Janvier 1789 : brochure de Sieyès : « qu’est ce que le Tiers-état ? »
Janvier – mai 1789 : multiples troubles et révoltes à Paris et dans les provinces.
Mars – avril 1789 : élections de 1315 députés aux Etats-Généraux = 331 clergé, 311 noblesse,
654 Tiers-état.
5 mai 1789 : ouverture des Etats-Généraux.
17 juin 1789 : les députés du Tiers se proclament Assemblée Nationale.
14 juillet 1789 : prise de la Bastille
4 août 1789 : abolition des privilèges et droits féodaux.
Monarchie constitutionnelle :
26 août 1789 : déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
5 et 6 octobre 1789 : émeutes populaires où le roi et l’Assemblée doivent aller à Versailles.
12 juillet 1790 : vote de la Constitution Civile du Clergé, le catholicisme n’est plus religion
d’Etat.
10 mars – 13 avril 1791 : le pape condamne la Constitution Civile du Clergé.
20 juin 1791 : fuite du roi interrompue à Varennes.
16 juillet 1791 : scission dans le club des Jacobins, création notamment des Feuillants.
17 juillet 1791 : fusillade au Champ de Mars à Paris.
27 août 1791 : déclaration de Pillnitz, où les puissances européennes menacent la révolution.
3 – 15 septembre 1791 : achèvement et divulgation de la première Constitution.
20 avril 1792 : la France déclare la guerre à l’Autriche.
20 juin 1792 : émeute populaire des sans-culottes, et les Tuileries sont envahies mais échec.
25 juillet 1792 : manifeste de Brunswick qui exacerbe le mouvement populaire, et conduit au :
10 août 1792 : insurrection populaire, et prise des Tuileries, où le roi est suspendu et
emprisonné, c’est la fin de la monarchie libérale, et le début de la Terreur.
2 – 6 septembre 1792 : les massacres de septembre, et l’élection d’une Convention au suffrage
universel masculin.
20 septembre 1792 : victoire militaire de Valmy met fin à la première Terreur.
21 septembre 1792 : la Ière République est proclamée après l’abolition de la royauté.
La Convention :
21 septembre 1792 : première séance à la Convention.
11 décembre 1792 : début du procès de Louis XVI.
14 janvier 1793 : mise en délibération du jugement du roi.
21 janvier 1793 : exécution du roi.
24 février 1793 : levée de 300 000 hommes pour répondre à la coalition étrangère.
25 – 26 février 1793 : pillage des épiceries à Paris.
10 mars 1793 : Danton appelle à la Terreur, et création du Tribunal Révolutionnaire.
21 mars 1793 : création des Comités de surveillance révolutionnaire.
5 avril 1793 : création du Comité de salut public, suivie de la trahison de Dumouriez, et
affrontement entre les girondins et les montagnards.
32
31 mai – 2 juin 1793 : les journées parisiennes, et chute de la Gironde. Début de la dictature
de salut public. C’est le début de la deuxième Terreur.
La Terreur :
Fin juin – juillet 1793 : insurrection fédéraliste dans environ 60 départements
24 juin 1793 : vote de la Constitution de 1793.
10 juillet 1793 : renouvellement du comité de salut public, où Danton y est écarté par choix
personnel.
13 juillet 1793 assassinat de Marat.
24 juillet 1793 : entrée de Robespierre au Comité de salut public.
4 – 5 septembre 1793 : journées révolutionnaires parisiennes.
Octobre 1793 : la Terreur est mise à l’ordre du jour par Chaumette, suspendant la Constitution
parce que le gouvernement est révolutionnaire jusqu’à la paix.
25 décembre 1793 : Robespierre condamne hébertistes et dantonistes.
24 mars 1794 : chute des hébertistes.
30 mars 1794 : les dantonistes sont arrêtés.
2 – 5 avril 1794 : procès des dantonistes, et le 5 exécution de Danton.
8 mai 1794 : suppression des tribunaux révolutionnaires de province.
10 juin 1794 : la grande Terreur est mise en place.
26 juillet 1794 : chute de Robespierre.
27 juillet 1794 : exécution de Robespierre, fin de la grande Terreur.
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