Philosophie – Mme Duprey Cours d’introduction Introduction : Extraits de textes sur la philosophie D’où provient la philosophie ? « C’est, en effet, l’étonnement qui poussa, comme aujourd’hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques. Au début, leur étonnement porta sur les difficultés qui se présentaient les premières à l’esprit ; puis, s’avançant ainsi peu à peu, ils étendirent leur exploration à des problèmes plus importants, tels que les phénomènes de la lune, ceux du soleil et des Etoiles, enfin la genèse de l’univers. Or, apercevoir une difficulté et s’étonner, c’est reconnaître sa propre ignorance. » Aristote, Métaphysique A1 « Un signe admirable du fait que l'homme trouve en soi la source de la réflexion philosophique, ce sont les questions des enfants. On entend souvent de leur bouche, des paroles, dont le sens plonge directement dans les profondeurs philosophiques...ils ont souvent une sorte de génie qui se perd quand ils deviennent adultes. » Jaspers, Introduction à la philosophie2 « Excepté l'homme, aucun être ne s'étonne de sa propre existence ; c'est pour tous une chose si naturelle, qu'ils ne la remarquent même pas. (...) avoir l'esprit philosophique, c'est être capable de s'étonner des événements habituels et des choses de tous les jours, de se poser comme sujet d'étude ce qu'il y a de plus général et de plus ordinaire ; tandis que l'étonnement du savant ne se produit qu'à propos de phénomènes rares et choisis. » A. Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, (suppl. au livre Ier, c. 17, "Sur le besoin métaphysique de l'humanité").3 Questions : - Si l’on se réfère à ces différents extraits, d’où provient au départ la réflexion philosophique ? Quel rapport a-t-elle avec l’attitude de l’enfant ? La philosophie : une activité puérile et ridicule ? « La philosophie, Socrate, n’est sans doute pas sans charme, si l’on s’y livre avec modération dans la jeunesse ; mais si l’on s’y attarde au-delà d’une juste mesure, c’est une calamité. (…) L’homme mûr qui continue à philosopher fait une chose ridicule, Socrate, et pour ma part, j’éprouve à l’égard de ces gens là le même sentiment qu’à l’égard d’un homme fait qui bégaie et qui joue comme un enfant. Quand je vois un enfant qui bégaie et qui joue, c’est de son âge, j’en suis ravi, je trouve cela charmant (…). Un homme fait qui bégaie et qui joue est ridicule » Platon, discours de Calliclès dans Gorgias 484c- 485e4 Aristote = philosophe de l’Antiquité grecque, IVème siècle av. JC. Karl Jaspers = philosophe et psychiatre allemand du XXème siècle. 3 Arthur Schopenhauer = philosophe allemand du XIXème siècle. 4 Platon = philosophe de l’Antiquité grecque, IVème siècle av. JC. La plupart de ses œuvres philosophiques sont des dialogues. 1 2 1 Philosophie – Mme Duprey Cours d’introduction « Il [Thalès] observait les astres et, comme il avait les yeux au ciel, il tomba dans un puit. Une servante de Thrace5, fine et spirituelle, le railla dit-on, en disant qu’il s’évertuait à savoir ce qui se passait dans le ciel, et qu’il ne prenait pas garde à ce qui se passait devant lui et à ses pieds. La même plaisanterie s’applique à tous ceux qui passent leur vie à philosopher. Dans toutes circonstances, le vulgaire se moque du philosophe, qui tantôt lui parait dédaigneux, tantôt ignorant de ce qui est à ses pieds et embarrassé sur toutes choses » Platon, Théétète, 174a-175 c Questions : D’après ces deux extraits, pourquoi la philosophie apparaît-elle à certains comme une activité vaine et ridicule ? Distinguez deux éléments de réponse. Qu’est-ce qui fait la valeur de la philosophie ? « La valeur de la philosophie doit en réalité surtout résider dans son caractère incertain même. Celui qui n'a aucune philosophie traverse l'existence, prisonnier de préjugés dérivés du sens commun, des croyances habituelles à son temps ou à son pays et de convictions qui ont grandi en lui sans la coopération ni le consentement de la Raison. Pour un tel individu, le monde tend à devenir (…) évident6 ; les objets ordinaires ne font pas naître de questions (…). Dès que nous commençons à penser conformément à la philosophie, au contraire, nous voyons que même les choses les plus ordinaires de la vie quotidienne posent des problèmes auxquels on ne trouve que des réponses très incomplètes. La philosophie, bien qu'elle ne soit pas en mesure de nous donner avec certitude la réponse aux doutes qui nous assiègent, peut tout de même suggérer des possibilités qui élargissent le champ de notre pensée et délivre celle-ci de la tyrannie de l'habitude. Tout en ébranlant notre certitude concernant la nature de ce qui nous entoure (…) ; elle fait disparaître le dogmatisme 7 quelque peu arrogant de ceux qui n'ont jamais parcouru la région du doute libérateur, et elle garde intact notre sentiment d'émerveillement en nous faisant voir les choses familières sous un aspect nouveau. » B. Russell8, Problèmes de philosophie. Questions : 1) Selon les premières lignes du texte qu’est-ce qui caractérise une existence dénuée de philosophie ? Pourquoi utiliser, ligne 2, le terme de « prisonnier » ? 2) Quelle transformation la philosophie entraîne-t-elle dans notre rapport au monde qui nous entoure ? 3) La philosophie a-t-elle pour mission, d’après l’auteur, d’apporter des réponses définitives à toutes nos questions ? Que peut-elle alors nous apporter ? Thrace = région aujourd’hui partagée entre la Grèce, la Bulgarie et la Turquie. « Évident » ici = qui ne soulève aucune question, qui ne déclenche aucune interrogation. 7 « Dogmatisme » = attitude de celui qui est certain de détenir la vérité et qui ne veut pas remettre en question ses certitudes, ni se confronter à d’autres points de vue que le sien. 8 Bertrand Russel = philosophe, mathématicien et logicien du XXème siècle. 5 6 2 Philosophie – Mme Duprey Cours d’introduction 3