Boudjemai Miloud Conférence d’Histoire 30 avril 04
Dissertation
L’Autriche-Hongrie :
Prison des peuples ?
« Nous Slaves, nous accueillerons le dualisme avec une douleur sincère, mais sans crainte. Nous avons existé
avant l’Autriche, nous existerons encore après elle. »
Palacky, chef du parti national tchèque,
L’idée de l’Etat Autrichien, 1865
Cette phrase de Palacky, chef du parti national tchèque résume à elle seule le problème
des identités nationales au sein de l’Empire austro-hongrois. L’Empire austro-hongrois naît le
1er février 1867, avec la signature d’un Compromis. Celui-ci met en place deux Etats
souverains, l’Autriche et la Hongrie, ayant leur Constitution propre, leur administration,
réunis au sein d’une monarchie unique avec un empereur d’Autriche qui est couronné roi de
Hongrie. Le Compromis remet donc à égalité le royaume de Hongrie avec l’Autriche (c’est le
sens du mot Ausgleich, nom allemand du compromis qui implique une égalisation). Les deux
entités conservent leur propre exécutif mais certaines compétences sont partagées (diplomatie,
défense et finances) et une harmonisation est faite en matière de douanes et de transports pour
conserver à l’économie un marché unique. La ligne de partage est fixée sur la rivière de la
Leitha. La Cisleithanie (la Cisleithanie, à l’ouest de la Leitha, ne s’appelle pas encore
l’Autriche, bien que l’adjectif « autrichien » existe déjà. La Cisleithanie est aussi appelée
« Pays et Royaume représentés au Reichsrath », c'est-à-dire au Parlement de Vienne)
comptera en 1880 près de 22 millions d’habitants, dont 37% d’Allemands qui cohabitent avec
des Italiens, des Tchèques, des Polonais dans dix-sept « Pays de la Couronne ». La
Transleithanie, royaume de Hongrie, compte en 1880 16 millions d’habitants dont 42% de
Magyars vivant avec des Roumains, des Tchèques et des Slaves du Sud. Les divers peuples se
répartissent dans les provinces de façon plus ou moins homogène. Les différents peuples, dont
nous parlerons en terme de nationalités, qui cohabitent dans l’empire austro-hongrois
jouissent-ils de la même autonomie, des mêmes libertés politiques, économiques, culturelles,
ou au contraire sont-ils comme enfermés dans cette nouvelle entité dualiste, privés de tout
droit d’expression ? Faut-il voir dans l’Autriche-Hongrie une prison des peuples ?
L’expression prison des peuples est employée traditionnellement pour parler de l'Empire
russe, au caractère multinational mais dominé par l'ethnie russe pourtant minoritaire et la
religion orthodoxe (comme l'Autriche, dominé par les Germains et le catholicisme). Il faut
donc voir comment une mosaïque multinationale peut persister dans le contexte de la fin du
XIXeme siècle et début du XXeme. Les autorités austro-hongroises vont-elles parvenir à gérer la
question des nationalités entre l'instauration de la Double monarchie et la dissolution de
l'Empire ? La signature du Compromis laisse de relatives libertés aux différents peuples, mais
elle ressemble dans la pratique à un refus de reconnaître le droit des nationalités autres que les
Allemands et les Hongrois. Les peuples tchèques, slovaques, roumains, subissent
involontairement l’enfermement dans une nouvelle entité dualiste. Néanmoins, le manque de
droit, ou l’ « excès » de droit vont contribuer à l’accélération des revendications nationales, à
la violence et au terrorisme, réponse à l’enfermement sous autorité impériale. °
I) Les Constitutions des deux entités permettent de relatives libertés.
Avant de commencer, notons qu’aucun peuple n’est appelé « minorité ». C’est le
terme de « nationalité » qui les désigne. On parle d’ailleurs de « question des nationalités »
(Nationalitätenfrage). D’autre part, les droits du souverain sont toujours limités par ceux de
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ses peuples. C’est ainsi qu’il s’adresse à eux lors des circonstances les plus graves, par
exemple lorsque éclate en juillet 1914 la guerre avec la Serbie dans son message « A mes
peuples » (An meine Völker). Les peuples n’étaient jamais sans droit. Ils pouvaient se
réclamer de droits historiques et de privilèges anciens. Le Compromis de 1867 qui mêlent tant
de nationalités dans un même Empire le fait de façon autoritaire mais ne supprime pas toutes
les libertés des peuples.
A) Des libertés en théorie communes à tous les peuples.
Avec la formation de l’Autriche-Hongrie, tous les peuples accèdent à une
infrastructure plus moderne. Le commerce est stimulé par la disparition des douanes
intérieures, ce qui permet à tous de faire des échanges, même si les plus riches en tirent le plus
grand avantage. La concurrence nouvelle est le signe d’une relative liberté. D’autre part, les
moyens de transport se développent, reliant les peuples entre eux et désenclavant certaines
régions grâce à des percées des Chemins de fer dans les montagnes. Mais les libertés
accordées sont aussi de nature constitutionnelle.
La Constitution autrichienne de décembre 1867 accorde des droits collectifs égaux aux
peuples de la Monarchie. Mais les juristes préfèrent accorder ces droits aux groupes ethniques
(Volksstämme). Il est écrit dans la Constitution de Cisleithanie, article 19 : « Tous les peuples de
l’Etat sont égaux en droit et chaque peuple possède un droit inviolable à conserver et à cultiver sa nationalité et
sa langue ». En Hongrie, la loi XXIV des nationalités votée par le Parlement de Budapest en
décembre 1868, proclame les mêmes droits. Certains dirigeants ont en effet tiré les leçons du
passé Lorsque les révolutionnaires hongrois, en 1849, rejettent le droit des nationalités, les
Croates, soutenus par les Serbes de Croatie, prennent les armes pour défendre leur droit. Les
hommes politiques comme Eötvös ou Deak veulent éviter qu’une telle situation ne
recommence. Ils veulent reconnaître le droit des nationalités pour s’en faire des alliés.La
langue sert d’instrument de base aux recensements -et non la nationalité qui n’existe pas
encore en tant que concept juridique. En 1880, pour le recensement, chaque citoyen habitant
en Autriche doit indiquer librement la langue usuelle (Umgangsprache), celle dont il se sert
dans sa vie sociale et professionnelle. Les citoyens habitants en Hongrie doivent indiquer, en
revanche, leur langue maternelle, ce qui n’a rien à voir car il s’agit d’une langue qu’on ne
choisit pas. Il n’en demeure pas moins que les peuples ont le droit, théoriquement, de parler la
langue de leur nationalité. En réalité, le droit de parler sa langue ne sera respecter qu’en
Cisleithanie, et très partiellement ou tardivement.
En Cisleithanie, les peuples ont des droits politiques. Après 1867 en Bohême et en
Moravie, ils peuvent par exemple participer à la multiplication des associations. En 1870, les
associations rassemblent 40% de la population autrichienne. Toutes les activités économique,
sociale, culturelle, prennent alors une coloration nationale.Les peuples ont aussi le droit de
créer des associations non politiques. Ainsi, nous le verrons plus loin, seront créés des
associations sportives. Les peuples jouissent donc, au moins en théorie du droit de s’exprimer
sans renier ni leur nationalité, ni leur loyalisme envers l’Empereur. Certains peuples vont
d’ailleurs largement utiliser ce droit.
B) Quelques peuples dans une « prison dorée ».
L’Autriche-Hongrie n’a pas d’histoire commune et unificatrice, ce qui donne libre
champ à toutes les propagandes nationales. Certaines nationalités en profitent pour exalter
leur héros historiques : Jan Hus, le grand réformateur du XVIe siècle pour les Tchèques,
Mathias Corvin, le défenseur contre les Turcs, ou Louis Kossuth, le révolutionnaire de 1848
pour les Hongrois, par exemple. Cela contribue en partie à la création, dès avant 1867, de
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patriotismes locaux qui permettent de rassembler les nationalités dominantes. Cela est vrai
uniquement pour les peuples qui ont déjà une histoire et qui vont pouvoir s’appuyer dessus
pour asseoir leur légitimité. Ces peuples vont bénéficier d’une situation particulièrement
favorable, en particulier en Cisleithanie. Les Polonais, les Tchèques, les Italiens ou encore les
Croates dans une certaine mesure, ayant des droits historiques, jouissent de libertés plus
importantes que d’autres nationalités.
Si les Polonais n’ont pas pu acquérir de droit d’Etat, le Reichsrath de 1868 promulgue
une « résolution galicienne » qui met sur pied une administration séparée avec un vice-roi
responsable devant la Diète et l’autonomie pour les affaires intérieures de la Province. En
1869, Vienne impose le polonais comme langue administrative ; en 1870, elle créée à
Cracovie une Académie des sciences et installe un Polonais comme ministre sans portefeuille
pour la Galicie. Les Diètes des différentes régions représentent les couches supérieures de la
population. Les Ruthènes étant exclus du droit de vote, les Polonais possèdent donc la
majorité des sièges et l’appui du « club polonais » s’avère indispensable au Reichsrath. Ils
fournissent d’ailleurs plusieurs ministres et Premiers Ministres aux gouvernements de Vienne,
tels Potocki (1870-1871) ou Badeni(1895-1906). Des institutions spécifiques sont créées : une
Banque provinciale polonaise en 1883 par exemple. Les grands propriétaires polonais
assujettissent la masse paysanne Ruthène, leur enlevant toute possibilité d’action.
De leur côté, si les Tchèques sont exclus de la vie politique depuis le refus de
l’Empereur de signer les dix-huit articles fondamentaux qui aurait donné à la province le
même statut que la Hongrie, ils gagnent peu à peu en autonomie. La Bohême et la Moravie se
couvrent, nous l’avons vu, d’un réseau d’associations, auquel se greffe le parti national
tchèque. En 1884, la chambre de commerce de Prague, dominé par les Allemands, passe sous
contrôle tchèque. Ils veloppent leurs propres caisses d’épargne et un réseau de caisses
mutuelles qui collectent l’épargne populaire. A partir de 1890, Prague est le centre financier
des pays slaves de la Monarchie. Ils participent aussi activement à la vie culturelle, même s’il
faut attendre 1882 pour voir la création d’une Université tchèque indépendante. En 1881 est
inauguré le Théâtre National Tchèque. Une école nationale tchèque de musique est créée,
auréolée du prestige de Smetana et Dvorak, compositeurs tchèques, et organise des concerts
populaires et de l’orchestre philharmonique. Les arts plastiques et l’architecture exaltent les
héros tchèques. La langue tchèque est rendue obligatoire dans l’administration de Bohême en
1901.
Les Italiens eux aussi bénéficient d’avantages incontestables : taux d’analphabétisme
faible, prospérité économique, forte assimilation de leur langue.
Enfin, en Transleithanie, la Croatie est la seule à conserver quelques droits spécifiques.
Son statut est défini dans le compromis hungaro croate de 1868 (la Nagodba). Elle a un
Parlement (Sabor) qui envoie trente-neuf députés au Parlement de Budapest. Trois
départements autonomes sont placés sous l’autorités d’un gouverneur : l’intérieur, les cultes et
l’instruction, la justice. En réalité, la province qui se voit reconnaître quelques droits
historiques a promis en échange sa soumission à Budapest. Seul 2% des hommes ont le droit
de vote, 8% après la réforme de 1910. En fait, ce n’est qu’en Cisleithanie que certains peuples
peuvent réellement s’émanciper.
Entre l’adhésion au principe dynastique et l’attachement de chacun à son groupe
ethnique, il semble au départ y avoir une place pour une action libre des citoyens en faveur de
leur nationalité. Ce système fonctionne dans la partie autrichienne, moins dans le royaume de
Hongrie rapidement s’affirme une tendance largement intolérante. Dans la partie
autrichienne, certains peuples réussissent à se forger une prison dorée. Pourquoi « prison »,
puisqu’ils bénéficient de droits importants ? Tout simplement parce que si le niveau des droits
constitutionnels permet aux partis nationalistes de développer leur activité, le système
parlementaire à tous les niveaux, des Diètes auxquelles ils peuvent participer au Reichsrath où
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ils sont sous représentés, assure une efficace régulation. Et les revendications nationales
demeurent stériles pendant un certains temps. Quoiqu’il en soit, seuls une minorité de peuples
sont enfermés dans une prison dorée. Les autres peuples subissent une « incarcération » plus
dure et contraignantes.
II) Le Compromis fait de l’Autriche-Hongrie une prison pour les
peuples minoritaires.
Comme nous le disions dans l’introduction, le compromis rassemble une Autriche
libérale et centralisée, une Hongrie conservatrice appuyée sur des droits historiques, seule à
bénéficier d’une autonomie complète ou d’un « droit d’Etat » avec sa Constitution propre et
son exécutif -gouvernement responsable hongrois présidé d’abord par Andrassy- et une
multitude d’autres peuples dont le droit d’Etat n’est pas reconnu. Allemands et Magyars sont
nettement majoritaires et revendiquent leur supériorité. Les conditions même du Compromis,
mais aussi sa mise en application, vont se révéler être les bases d’une prison pour ces peuples
reniés.
A) Les conditions du Compromis : une prison pour les peuples minoritaires.
Le Compromis met en place une double centralisation. Les Parlements hongrois et
autrichiens élisent des délégations qui se réunissent chaque année dans l’une ou l’autre
capitale pour ratifier le budget commun et approuver des politiques communes. Pour les
peuples slaves de la monarchie, cette entente entre les Allemands et les Magyars impliquent
qu’ils perdent l’espoir de réaliser l’idée de l’austro slavisme de 1848, un Empire qui donnerait
à ses populations slaves la place que méritent leur nombre et la reconnaissance de leur
loyalisme envers l’Empereur. Les slaves à cette époque forment un groupe ethnique de
l’Europe centrale et orientale et de l’Asie septentrionale (Sibérie). Dès le XVIème Siècles, ils
peuplent l’Autriche (Bohème, Slovaquie, Slovénie, Croatie) et l’Empire Ottoman (Bulgarie,
Macédoine, Bosnie, Serbie). Seuls les slaves de Russie et de Pologne demeurent indépendants
Il faut souligner ici que François-Joseph pouvait choisir en 1867 comme alternative à l’unité
le déralisme ou le dualisme. Or, il choisit le dualisme. La première formule aurait associé
toutes les nationalités en conservant un exécutif unique, mais elle fut rejetée par les Hongrois
comme insuffisante pour eux. La seconde scellait la fin de l’Empire unitaire, satisfaisant les
Hongrois mais lésant les autres nationalités. L’alternative choisie permettait en fait de
satisfaire la forte majorité hongroise et donc à l’Autriche de tenir son rang de grande
puissance dans le concert européen.
L’administration elle est au service de l’Empereur et de sa Maison. Les gouverneurs
des provinces, les Statthalter, sont, au sens ancien du terme, des lieutenants du souverain.
C’est surtout vrai en Autriche, car dans la partie hongroise, l’administration locale et
régionale repose entre les mains de la noblesse qui monopolise ces fonctions électives (le
peuple au sens « masse populaire », au sens de classe, est donc lui aussi d’une certaine façon
emprisonné…). La Constitution hongroise n’offre le droit de vote qu’à 6% de la population.
En Transleithanie, le Compromis inaugure d’autant plus une prison qu’il confère aux
dirigeants magyars une position ambiguë. Vis-à-vis de l’Empereur de l’Autriche, ils ont des
réactions de susceptibilité exacerbée d’une nation à peine émancipée, et font constamment
pression, au nom des droits historiques réels ou plus souvent inventés pour augmenter leur
part de pouvoirs dans le dualisme, mais vis-à-vis de leurs population non magyares, ils jouent
une autre carte, celle des droits de la nation dominante d’opposer ses propres conceptions. La
noblesse magyare, soit 6% de la population du royaume, est bien implantée dans les comitats
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(Diètes des provinces) et en monopolise le pouvoir électif. Se sentant seule légitime, elle
maintient avec vigueur le suffrage censitaire ce qui permet aux Magyars de disposer de 60%
des votes, et d’éloigner les masses. Les peuples de Transleithanie ne peuvent donc pas
accéder à la politique. Le Compromis devant être renégocié tous les dix ans, les Hongrois
détiennent en outre une possibilité de chantage continu contre l’Empereur : la survie de
l’Empire passe par le maintien du Compromis, ce qui lui interdit d’intervenir en faveur des
nationalités plus lésées de Transleithanie.
Le Compromis n’accorde aucun droit politique aux différentes nationalités qui se
sentent opprimées et exigeront leur « libération » comme nous le verrons plus loin. Mais si
l’absence de droit constitue un mur de la prison austro-hongroise, la langue et le problème de
l’histoire en constituent un autre.
B) Le problème de la langue et de la légitimité historique : certains peuples
sont véritablement emprisonnés.
En Autriche-Hongrie, la langue prend une importance démesurée. Si les textes
autorisent l’usage de la langue d’origine, dans la pratique, les langues magyare, mais surtout
allemande s’imposent comme langue d’administration, de politique, de commerce, de science.
L’armée est celle du souverain, pas de l’Etat, la langue de commandement reste par
conséquent l’allemand, même si le serment personnel fait à l’Empereur lors de l’engagement
dans l’armée peut être prononcé en douze langues. Dans les écoles, le problème est le même.
Ce problème de langue s’accroît du fait que l’allemand est la seule langue de communication
entre les différentes nationalités ce qui permet son développement au dépens des autres.En
définitive, l’égalité des langues se réduit au départ au domaine des tribunaux et des
administrations locales. Le Parti pangermaniste (Alldeutsche) prône même l’allemand comme
seule langue officielle de la double monarchie. Seules quelques nationalités verront leur
langue officialisée, et uniquement en Cisleithanie.
En Transleithanie, malgré l’égalité constitutionnelle des nationalités, une tendance
intolérante s’impose, qui leur interdit l’usage de leur propre langue. Des nationalités, dites
« inférieures », les Slovaques et les Roumains, sont contraintes à la magyarisation forcée au
nom des droits de la supériorité culturelle magyare. En 1897, le Comte Albert Apponyi
déclare au politologue français Charles Benoist : « Je dis qu’il ne saurait y avoir à l’intérieur de l’Etat
hongrois ni nationalités, ni droit des nationalités. Il n’y a qu’une nationalité : tout ce qui est en Hongrie est
hongrois. Je dis donc, je dis bien : comme citoyen hongrois, si les Roumains, si les Slovaques s’estiment lésés,
qu’ils se plaignent ; s’ils désirent une plus grande liberté, qu’ils la demandent. Nous verrons ce que nous
pourront faire ; mais une nationalité croate, ou roumaine, ou slovaque, nous n’en connaissons pas, jamais nous
n’en reconnaîtrons. » Dans les villages slovaques, les paysans sont soumis au contrôle de
l’instituteur hongrois, du cabaretier hongrois, du gendarme hongrois et du curé sous contrôle
de la hiérarchie hongroise. Dès 1867, les lycées en langues slovaque ou roumaine sont
supprimés. En 1879, la loi introduit le hongrois comme langue obligatoire dans les écoles
normales des nationalités. Nul ne peut par conséquent faire ses études sans adopter la langue
hongroise. Les intellectuels deviennent des magyaron, faux hongrois rejetés par leur
nationalité. La nationalité magyare à cette période est d’ailleurs ouverte : quiconque veut en
adopter la langue et la culture est accueilli sans qu’on s’interroge sur son origine : c’est en
réalité la porte ouverte vers la prison puisque la légitimité historique des peuples n’est pas
reconnue.
Les populations se germanisent, se magyarisent, voire se polonisent, pour les Ruthènes
de Galicie. Dans toute l’Autriche-Hongrie, les peuples, par l’impossibilité de la pratique de
leur langue, sont enfermés dans une prison car ils n’ont pas la liberde mener une existence
nationale. Des associations, en Transleithanie, travaillent à la magyarisation, soutenue par les
autorités. En 1878, le code nal prévoit même des peines contre ceux qui s’y opposent et en
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