Boudjemai Miloud Conférence d’Histoire 30 avril 04
Dissertation
(Diètes des provinces) et en monopolise le pouvoir électif. Se sentant seule légitime, elle
maintient avec vigueur le suffrage censitaire ce qui permet aux Magyars de disposer de 60%
des votes, et d’éloigner les masses. Les peuples de Transleithanie ne peuvent donc pas
accéder à la politique. Le Compromis devant être renégocié tous les dix ans, les Hongrois
détiennent en outre une possibilité de chantage continu contre l’Empereur : la survie de
l’Empire passe par le maintien du Compromis, ce qui lui interdit d’intervenir en faveur des
nationalités plus lésées de Transleithanie.
Le Compromis n’accorde aucun droit politique aux différentes nationalités qui se
sentent opprimées et exigeront leur « libération » comme nous le verrons plus loin. Mais si
l’absence de droit constitue un mur de la prison austro-hongroise, la langue et le problème de
l’histoire en constituent un autre.
B) Le problème de la langue et de la légitimité historique : certains peuples
sont véritablement emprisonnés.
En Autriche-Hongrie, la langue prend une importance démesurée. Si les textes
autorisent l’usage de la langue d’origine, dans la pratique, les langues magyare, mais surtout
allemande s’imposent comme langue d’administration, de politique, de commerce, de science.
L’armée est celle du souverain, pas de l’Etat, la langue de commandement reste par
conséquent l’allemand, même si le serment personnel fait à l’Empereur lors de l’engagement
dans l’armée peut être prononcé en douze langues. Dans les écoles, le problème est le même.
Ce problème de langue s’accroît du fait que l’allemand est la seule langue de communication
entre les différentes nationalités ce qui permet son développement au dépens des autres.En
définitive, l’égalité des langues se réduit au départ au domaine des tribunaux et des
administrations locales. Le Parti pangermaniste (Alldeutsche) prône même l’allemand comme
seule langue officielle de la double monarchie. Seules quelques nationalités verront leur
langue officialisée, et uniquement en Cisleithanie.
En Transleithanie, malgré l’égalité constitutionnelle des nationalités, une tendance
intolérante s’impose, qui leur interdit l’usage de leur propre langue. Des nationalités, dites
« inférieures », les Slovaques et les Roumains, sont contraintes à la magyarisation forcée au
nom des droits de la supériorité culturelle magyare. En 1897, le Comte Albert Apponyi
déclare au politologue français Charles Benoist : « Je dis qu’il ne saurait y avoir à l’intérieur de l’Etat
hongrois ni nationalités, ni droit des nationalités. Il n’y a qu’une nationalité : tout ce qui est en Hongrie est
hongrois. Je dis donc, je dis bien : comme citoyen hongrois, si les Roumains, si les Slovaques s’estiment lésés,
qu’ils se plaignent ; s’ils désirent une plus grande liberté, qu’ils la demandent. Nous verrons ce que nous
pourront faire ; mais une nationalité croate, ou roumaine, ou slovaque, nous n’en connaissons pas, jamais nous
n’en reconnaîtrons. » Dans les villages slovaques, les paysans sont soumis au contrôle de
l’instituteur hongrois, du cabaretier hongrois, du gendarme hongrois et du curé sous contrôle
de la hiérarchie hongroise. Dès 1867, les lycées en langues slovaque ou roumaine sont
supprimés. En 1879, la loi introduit le hongrois comme langue obligatoire dans les écoles
normales des nationalités. Nul ne peut par conséquent faire ses études sans adopter la langue
hongroise. Les intellectuels deviennent des magyaron, faux hongrois rejetés par leur
nationalité. La nationalité magyare à cette période est d’ailleurs ouverte : quiconque veut en
adopter la langue et la culture est accueilli sans qu’on s’interroge sur son origine : c’est en
réalité la porte ouverte vers la prison puisque la légitimité historique des peuples n’est pas
reconnue.
Les populations se germanisent, se magyarisent, voire se polonisent, pour les Ruthènes
de Galicie. Dans toute l’Autriche-Hongrie, les peuples, par l’impossibilité de la pratique de
leur langue, sont enfermés dans une prison car ils n’ont pas la liberté de mener une existence
nationale. Des associations, en Transleithanie, travaillent à la magyarisation, soutenue par les
autorités. En 1878, le code pénal prévoit même des peines contre ceux qui s’y opposent et en