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DOCUMENTS COMPLEMENTAIRES : CRITIQUES SUR LES MISES EN SCENE DU MALADE IMAGINAIRE.
TEXTE 1 / Le Malade imaginaire : Magic Molière MARION THÉBAUD
Créée en 1993, la compagnie La Nuit surprise par le jour tient du collectif. Metteur en scène, acteurs, musicien, techniciens, dramaturge,
administrateur sont rassemblés sous une même bannière, être ludique et créatif. Ils s'attaquent au Malade imaginaire en jouant
l'intégralité du texte, c'est-à-dire en respectant les intermèdes et le prologue rarement interprétés. Leur audace est récompensée. Voilà un
spectacle inventif qui rappelle les bons moments du Magic Circus de la grande époque relevé d'un soupçon de brutalité ironique inspirée
des créateurs allemands, et la présence dans le public de Matthias Langhoff, apparemment comblé, en dit long sur cette empathie. Pas de
décors spectaculaires ni de costumes d'époque, mais des praticables, estrades, rideaux qui coulissent à tout-va et délimitent des espaces
où le texte de Molière explose de tout son éclat subversif. Les intermèdes sont tout spécialement réussis, grâce à la présence de Yann-Joël
Collin, un Polichinelle de belle facture, drôle, touchant, pauvre diable à qui on donne la bastonnade sans raison. Tout au long du spectacle,
on retrouvera Polichinelle et loin de brouiller le sens, il l'éclaire, donnant à entendre un texte qui tient de l'agit-prop. Public et acteurs
confondus participent à cette folie théâtrale où chacun « se donne la comédie les uns aux autres ». Jusqu'à la petite Louison qui est choisie
parmi les jeunes spectatrices et dialogue avec une sorte de lapin de conte de fées, idée absolument neuve, jamais gratuite, mais qui sert la
pièce. Des idées originales, il y en a à la pelle, et elles culminent au dernier intermède, la fameuse cérémonie Argan est intronisé
médecin. Dans un latin de cuisine irrésistible - « Grandes doctores de la doctrina du prozac et de l'arnica... » - rythmé par un choeur en
délire que rejoint le public au son de « Vivat, vivat, vivat... », le spectacle s'achève comme un concert de rock. C'est même bonheur et
frénésie.
Spectacle en tournée : à Maubeuge du 13 au 16 décembre, à Montpellier du 10 au 13 janvier, à Strasbourg du 17 janvier au 3 vrier, à
Dijon du 7 au 10 février. Rés. : 01 47 00 00 74.
TEXTE 2 / Le Malade imaginaire : une pilule, une petit granule... Anne-Marie Cloutier
À l'occasion de sa mise en scène de Georges Dandin, en 1962, Jean Gascon, cofondateur du Théâtre
du Nouveau Monde, écrivait: «Rien n'est plus exigeant qu'un texte de Molière. Il nous vole
littéralement des livres de chair (...) C'est la contrepartie de l'immense allégresse qu'il nous procure.
(...) Nous l'avons joué, nous le jouons et nous le jouerons», prédisait-il.
Quelque quarante ans plus tard, le TNM met Molière à l'affiche pour la 33e fois et Le Malade
imaginaire pour la troisième. Guy Hoffmann fut le premier Argan, en 1956; Edgar Fruitier lui succède
en 1973 et Raymond Bouchard, en 1988. Cette saison, sous l'égide de Carl Béchard à la mise en scène,
Alain Zouvi prend le relais. Pour le comédien, l'entreprise est chargée de sens.
«Molière m'a mené au théâtre, dit-il. D'abord, j'ai souvent vu mon père (Jacques Zouvi) le jouer. Et
quand j'étais plus jeune, j'avais une vision très romantique du métier d'acteur et je me «promettais»
de mourir sur scène en jouant Le Malade imaginaire... J'avais oublié ce souvenir jusqu'à ce que Carl
m'appelle pour me proposer le rôle.»
Il s'y attaque par étapes. D'abord, en apprenant son texte seul, pendant des mois. Puis, aidé du
metteur en scène, il travaille son rôle par couches successives. «On découvrait presque à chaque
scène une facette nouvelle du personnage. Et quelle langue magnifique!»
Pour pallier son trac, il pense le moins possible aux attentes que peut créer la dernière pièce de
Molière (il mourra quelques heures après la quatrième représentation, en 1673) et se concentre sur
Argan. «Je le vois comme un amalgame des personnages principaux de Molière. Il y a de L'Avare en
lui, du Misanthrope. Un peu, aussi, du Bourgeois gentilhomme
Parfois, au-delà du Malade..., c'est Molière qui rattrape l'acteur. «En répétition, récemment, les comédiens (une quinzaine, dont Pascale
Montpetit, Gérard Poirier, Patrice Coquereau, Pierre Chagnon et Monique Spaziani) et les musiciens étaient tous sur scène. J'ai pensé à
Molière, malade, jouant Argan, entouré de comédiens amis. L'émotion m'a complètement envahi.»
Un propos toujours actuel
Mais revenons en 2006. Au Québec et ailleurs, le propos de la pièce a de troublantes résonances. Le malade, c'est nous. «Argan est veuf,
malade de la mort de sa première femme. Par son hypocondrie, il nous dit: aimez-moi, occupez-vous de moi. Il teste l'amour de ses
proches- sa femme actuelle, sa fille, Toinette- et s'expose à de grandes déceptions. Cette solitude-là, cette quête d'amour, nous sont
familières, à notre époque...»
Et, du clystère au scanner, la critique de la médecine conserve sa pertinence. «Plus que jamais, dit Carl Béchard, nous baignons dans une
société microbophobe et «remèdophile»... On occulte la mort, vieillir nous terrifie. Les compagnies pharmaceutiques fabriquent de
nouveaux médicaments pour créer de nouveaux besoins. Les Oméga-3, les antioxydants. Du jour au lendemain, il nous les faut. Molière
critique les médecins, la loi et, aussi, le pouvoir que donne aux médecins leur jargon - et derrière lequel ils s'abritent.»
Cofondateur du Théâtre Ubu, le metteur en scène s'est d'emblée senti chez lui; en Argan, monomaniaque tyrannique, il a vu un aïeul
lointain d'Ubu. En Toinette, il a retrouvé un peu de la mère Ubu. Et entre cette comédie de Molière et l'humour absurde de Jarry, la filiation
est claire à ses yeux.
Des intermèdes chantés
Sur un autre plan, le côté «composite» du Malade..., la «délinquance» de sa construction le séduisent. «D'abord le prologue, puis un
monologue, des scènes courtes, des lazzi.... Sans oublier les intermèdes. C'est formidable, ce choc des contraires!»
Ces intermèdes, chantés et dansés, rares sont les productions contemporaines qui nous les proposent. Carl Béchard y tenait. Les enlever
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aurait atténué l'effet collage de la pièce. Et nous aurait privé de beaux moments. «Celui dans lequel chante Polichinelle, vieillissant, est un
très bel hommage à la commedia dell' arte
À force d'y réfléchir, on en oublierait presque que Le Malade... est une comédie! «Je ne veux pas lui enlever son âpreté, mais je n'ai pas
choisi, non plus, de l'accentuer, comme on a parfois tendance à le faire, pour Molière, en ce moment...» Ici, on viserait plutôt le vent de
folie.
«Argan, conclut Alain Zouvi, est un personnage dramatique de l'intérieur. Il peut aussi être très touchant. Mais plus il est joué avec
sincérité, plus il devient ridicule et plus il fait rire.»
TEXTE 3 / Le Soleil se Lève à l'Est : Un goût particulier pour Molière et le classique ?
Jean-Marie Leroy : J'aime le théâtre de Molière, oui. J'aime beaucoup d'autres auteurs aussi, vous savez ! Et qui ne sont pas tous morts !
Ce qui me gêne, c'est qu'aujourd'hui quand vous montez un ... « classique », vous devez souvent vous justifier de n'avoir pas monun
contemporain ! J'ai même lu des propos terribles sur les metteurs en scène qui faisaient ce choix. Et bien j'aime aussi Molière parce que je
partage son aversion des extrémismes, et je ne me sens pas alors vieux de trois cents ans. J'aime son rapport à la mort qu'on trouve dans
toutes ses pièces, sa vision de la condition de la femme, ses répliques - qui sont quasiment des commentaires irrésistibles !
J'aime surtout beaucoup travailler sur ses mécanismes, sur ses scènes « improvisées », et celles que l'on sent énormément travaillées.
J'aime travailler sur le langage du XVIIème et essayer de le transposer à aujourd'hui. Il en est de même pour le comique. Même si vous ne
voulez pas « moderniser », le public d'aujourd'hui le fait de lui-même. Dans « le Malade imaginaire » (extrait vidéo en ligne à l’adresse
suivante : http://www.solest.com/index.php?id=722), le public du XXème rit de l'absurdité des remèdes qu'on prescrit à Argan. (« Combien
de grains de sel faut-il mettre dans un oeuf ? » Demande Argan. « Six, huit, dix. Par les nombres pairs » répond son médecin).
Au XVIIème, il riait de ce que Molière osait critiquer, car ces remèdes étaient inscrits dans les règles des médecins. Dans cette situation, le
comique identique à ces deux siècles est celui que dégage le malade qui ne peut s'empêcher de parler de traitement alors que le climat
est tout autre. Accompagner cette modernité, sans tomber dans l'adaptation excessive, me plaît. J'utilise aussi beaucoup les images et les
mouvements scéniques pour cela.» ?
http://www.solest.com/index.php?id=721Jean-Marie Leroy: Cette chaise, qui représente aussi la chambre de ce malade
halluciné, est un objet à sa démesure. Les différents niveaux de jeu visualisent - souvent d'une façon très drôle - le tempérament et la
relation des personnages. Imaginer qu'il ait aussi l'angoisse de tomber de sa chaise démontrait que dans un esprit troublé toute angoisse
est réelle, parce qu'excessive. Et cet aspect irraisonné est comique..
Jean-Marie Leroy: Le malade imaginaire est une comédie-ballet, mais les intermèdes de Molière étant très éloignés de l'intrigue, j'ai choisi
de les en rapprocher ; d'où des scènes entièrement visuelles présentant les visions du malade.étant son testament?
Jean-Marie Leroy: Une dernière pièce est toujours un peu un testament. On est obligé d'y penser... Molière est très malade, c'est vrai,
mais un malade sur une scène comique devient toujours imaginaire. C'est avant tout une grande comédie neuve, pleine de fraîcheur ; une
aventure riche en événements, aux situations souvent extravagantes : Argan est un homme qui menace de ne plus être malade !, bien
réelle !
Jean-Marie Leroy: Il est face à ses maladies imaginaires, face à sa « maladie des médecins », face à sa fille Angélique qui veut épouser un
homme pour elle et non un médecin pour lui, et face à Toinette qui cherche à résoudre ce problème, à sa manière ! Toinette, c'est la vie, la
liberté, le remède miracle ! Argan, lui, tant qu'il est malade, il est vivant ! Cette confrontation est savoureuse. La relation Argan-Toinette
est extrêmement burlesque, et dans les dialogues, et dans les mouvements.Argan est-il fou ?
Jean-Marie Leroy: Je dirais que l'angoisse le fait tomber dans la « folie douce ». C'est un personnage dont la complexité est comique et où
l'on retrouve des réactions de dévot halluciné, de bourgeois qui se croit gentilhomme, d'homme qui se pique d'être savant.On peut dire
que Toinette est une impertinente !
Jean-Marie Leroy: C'est une impertinente parce qu'elle est contre le bon sens absurde d'un malade imaginaire. Elle a cette familiarité
qu'avaient certaines servantes de l'époque bien ancrées dans les familles, mais avec l'exagération que lui donne Molière pour sa comédie.
C'est un personnage qui tient à la fois de la commedia dell'arte et de la comédie.
Jean-Marie Leroy: Je n'ai rien inventé : vers la fin de la pièce, Toinette décide de se changer en médecin pour essayer de ramener Argan à
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la raison au cours d'une angoissante consultation. Et le malade hallucine : ce « beau jeune médecin de quatre-vingt-dix ans » ressemble fort
à Toinette ! Malgré la ressemblance, il y croit : parce qu'il veut croire à la venue d'un nouveau médecin. Partant de là, j'ai créé par des
hallucinations les désirs et les craintes, les envies et les angoisses, les rêves et les cauchemars de ce malade imaginaire.
Jean-Marie Leroy: J'aime que la musique soit très présente. Ici, elle rythme la progression des événements, et intègre les hallucinations à
l'action. Le tango répétitif permet à certaines situations comiques d'atteindre le burlesque.
TEXTE 4 / NOTE DE MISE EN SCENE Evelyne Charnay
La vie ou la mort, la maladie ou la musique ?
Devant cette œuvre à l'image de la vie elle-même, où le drame et la farce se côtoient allègrement, où la comédie intervient dans la
comédie, le théâtre dans le théâtre, le metteur en scène doit s'effacer modestement derrière l'efficacité des dialogues, respecter
scrupuleusement le déroulement de l'intrigue. Il doit cependant faire preuve d'imagination dans les intermèdes, sans obligation de les
reproduire dans leur totalité, ne possédant pas les moyens des troupes du roi soleil.
La musique de Charpentier se prête, par sa pompe, à un hommage dansé à Louis XIV. Celui-ci, fondateur de l'académie de la danse,
âgé alors de tente-cinq ans, danseur virile de haut niveau, cultive à sa cour, par ses prestations personnelles, son image de monarque
incontournable, et rayonne en 1673 bien au delà de l'Europe.
L'ouverture " endiablée " du compositeur pourrait intervenir ensuite à la fin du monologue de la scène 1, illustrant un rêve d'Argan
sous l'effet des drogues prescrites par M. Purgon, rêve chorégraphié avec fumigènes, d'abord agréable et sécurisant tournant au
cauchemar, les gentils médecins devenant bourreaux.
Quant à Polichinelle avec les archers, la bastonnade qui en résulte rappelle étrangement les combats de capoiera des quartiers
pauvres du Brésil dont la technique et le rythme s'accorderai très bien à certains accents de bataille de Charpentier.
Un plateau sobre facilitant le passage des scènes de comédie aux intermèdes, éventuellement agrémenté d'un cyclorama, des
pendrillons assurant les entrées et sorties de manière classique, quelques sièges, des costumes situant l'action au XVIIème siècle,
point n'est besoin de " revisiter " la pièce ! L'intrigue et la satire de Molière, par son éloignement dans le temps, ne paraît alors que
plus lisible, l'homme ne discernant jamais très bien ce qu'il a continuellement sous les yeux.
TEXTE 5 / A propos de «Le Malade imaginaire» Avis de cecylia
« C’est une comédie crépusculaire, teintée d’amertume et de mélancolie ». Telle est la lecture de Claude Stratz dans sa décevante mise en
scène du Malade imaginaire l’évocation de la souffrance et de la mort occultent le comique pétillant de la pièce. Le vide d’une villa
vénitienne abandonnée et éteinte aux murs blanchis à la chaux sert dès le lever de rideau une vision tragique inspirée de la fin de vie de
Molière. Eclipse quasi totale du comique au profit d’un tragique déplacé parce que central dans l’élaboration de la mise en scène : quand
bien même l’auteur se serait voulu tragédien au début de sa carrière, la force de son texte repose sur le comique qui ne laisse transparaître
le tragique qu’en filigrane. Le choix de souligner la dimension tragique au détriment du comique pourtant si brillant de la pièce rend la mise
en scène incomplète. Par delà la mise en scène, et parce qu’il est inhérent au texte, le comique affleure malgré tout à quelques reprises,
dans les très bons jeux d’Argan (Alain Pralon) et des irrésistibles Diafoirius père et fils (Christian Blanc et Nicolas Lormau) ; les intermèdes
rythment la représentation d’une légèreté bienvenue. Mais une pénible Angélique (Julie Sicard) qui s’égosille du début à la fin sans aucune
nuance de ton et un Cléante (Loïc Corbery) qui couronne la pièce, pour le plus grand plaisir de tout l’essaim d’écoliers présent dans la salle,
d’un « Ouais Monsieur... ! » digne du 9-3 laissent un goût amer.
Document complémentaire Pascal, Pensées, « Du divertissement »
" Quand je m'y suis mis quelquefois, à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s'exposent, dans la
cour, dans la guerre, d'où naissent tant de querelles, de passions, d'entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j'ai découvert que tout
le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre.
Un homme qui a assez de bien pour vivre, s'il savait demeurer chez soi avec plaisir, n'en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d'une
place. On n'achètera une charge à l'armée si cher, que parce qu'on trouverait insupportable de ne bouger de la ville; et on ne recherche les
conversations et les divertissements des jeux que parce qu'on ne peut demeurer chez soi avec plaisir.
Mais quand j'ai pensé de plus près, et qu'après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j'ai voulu en découvrir la raison, j'ai trouvé qu'il
y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous
consoler, lorsque nous y pensons de près.
Quelque condition qu'on se figure, si l'on assemble tous les biens qui peuvent nous appartenir, la royauté est le plus beau poste du monde,
et cependant qu'on s'en imagine, accompagné de toutes les satisfactions qui peuvent le toucher. S'il est sans divertissement, et qu'on le
laisse considérer et faire réflexion sur ce qu'il est, cette félicité languissante ne le soutiendra point, il tombera par nécessité dans les vues
qui le menacent, des révoltes qui peuvent arriver, et enfin de la mort et des maladies qui sont inévitables ; de sorte que, s'il est sans ce
qu'on appelle divertissement, le voilà malheureux et plus malheureux que le moindre de ses sujets, qui joue et se divertit. "
Séquence 2. Le Malade imaginaire, Molière 1e S1
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