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IMAGERIE PAR RESONANCE MAGNETIQUE
Cours de CHOUAIB KHRIBECH
1. PREAMBULE
La résonance magnétique nucléaire est une technique en développement depuis une cinquantaine d'années. Le phénomène
physique a été conceptualisé en 1946 par BLOCH et PURCELL, parallèlement. Ils ont obtenu le prix Nobel en 1952. Cette
technique a été largement utilisée par les chimistes, puis les biologistes.
Les premiers développements en imagerie datent des années 1973. Les premières images chez l'homme ont été réalisées en
1979. Aujourd'hui, après 15 ans d'évolution, l'IRM est devenue une technique majeure de l'imagerie médicale moderne.
Potentiellement, elle est appelée encore à des développements importants; en dehors de l'image morphologique avec sa
sensibilité diagnostique démontrée, l'IRM permet aujourd'hui d'autres approches : angiographiques, métaboliques
(spectrométrie 1H et spectrométrie phosphore), et fonctionnelles (perfusion tissulaire, volume sanguin cérébral), approches
qui ne seront pas traitées dans le cadre de ce cours.
Quelques rappels nécessaires sur le magnétisme et la matière.
1.1. Champ magnétique et courant électrique
C'est une propriété physique de l'espace créée par des charges en mouvement, quelles que soient ces charges et quel que soit
ce mouvement. Deux cas particuliers nous intéressent ici : celui du "solenoïde" (bobine), dans lequel on fait passer un
courant, et celui de la spire unique ou boucle de courant qui peut correspondre au mouvement d'une particule chargée sur
elle-même.
- Un courant alternatif dans une bobine crée un champ magnétique oscillant, à la même fréquence que le courant qui lui
donne naissance. Ce champ magnétique est dirigé le long de l'axe de la bobine. Son intensité dépend du courant et du nombre
de spires de la bobine. (Fig.1A)
- Un champ magnétique tournant devant une bobine dans un plan contenant l'axe de cette bobine crée une force électromotrice qui se traduit aux bornes de la bobine par un courant alternatif de même fréquence ([[omega]] = 2 [[pi]] f ). Ce
principe est celui qui régit le fonctionnement d'un alternateur. (Fig.1B)
- Une boucle de courant, c'est à dire une particule chargée qui tourne sur elle-même, crée le long de son axe de rotation, un
moment magnétique. Celui-ci est proportionnel à la charge de la particule et à la surface de la boucle de courant. (Fig.1C)
-
Un moment magnétique placé dans un champ magnétique est soumis à des forces (couple) qui tendent à aligner ce
moment magnétique avec le champ magnétique. C'est ce qui se passe pour l'aiguille aimantée de la boussole dans le
champ magnétique terrestre. L'Unité de champ magnétique est le TESLA dans le système international. Dans un
système plus ancien (CGS) , cette unité était le GAUSS : 1 gauss = 10-4 Tesla. Pour mémoire, le champ terrestre
vaut environ 0,5 gauss
1.2. Propriétés magnétiques de la matière
- Un atome est constitué d'un noyau, lui-même constitué de nucléons (neutrons et protons) et d'électrons qui gravitent autour
de ce noyau. Le noyau d'hydrogène est constitué d'un seul nucleon : 1 proton. Il possède une masse m et une charge e +. Ce
noyau possède une propriété de "spin", assimilable au fait qu'il puisse tourner sur lui-même, ce qui lui confère d'une part un
moment cinétique
, qui dépend de sa masse, et d'autre part un moment magnétique qui dépend de sa charge.
Ces deux moments sont alignés. Le facteur multiplicatif qui les unit [[gamma]] est est appelé le rapport gyromagnétique de
spin nucléaire.
Chaque noyau atomique, ayant par définition un nombre de nucléons qui lui est propre, a un rapport gyromagnétique qui lui
est propre lui aussi.
Figure 1 : Rappels de magnétisme. A - Champ magnétique induit dans une bobine par un courant. B - Force électromotrice
induite dans une bobine par un champ magnétique tournant. C - Moment magnétique d'une boucle de courant
- Placé dans un champ magnétique
extérieur, continu, ce moment magnétique nucléaire s'oriente par rapport à
directions privilégiées (quantifiées) et décrit autour de
dans des
un mouvement de précession avec une vitesse angulaire
(où [[gamma]] représente le rapport gyromagnétique de ce noyau). (Fig.2)
Pour une population donnée de noyaux, la somme de toutes ces petites aimantations qui précessent à des vitesses angulaires
identiques, est susceptible de donner une aimantation non nulle
dans la direction du champ magnétique
.
Dans le cadre de cet exposé, on se limitera exclusivement à l'étude du noyau d'hydrogène qui constitue l'élément qui nous
intéresse en imagerie par résonance magnétique clinique.
Figure 2 : Mouvement de précession d'un mouvement magnétique autour du champ
magnétique Bo avec une vitesse angulaire [[omega]]o
1.3. Principe de la résonance
Un système physique, qui peut être mécanique, électrique ou magnétique, comme dans le
cas qui nous intéresse, est dit résonnant lorsqu'il est susceptible de modifier son état
d'équilibre et d'emmagasiner de l'énergie, sous l'influence d'une sollicitation externe à une
fréquence bien particulière. Cette fréquence correspond à la fréquence de résonance du
système.
Après cessation de cette sollicitation, le système revient à l'équilibre selon des mécanismes
oscillants à cette même fréquence ; l'atténuation est en général exponentielle et décrite par
des constantes de temps, qu'on appelle temps de relaxation pour le phénomène de RMN
qui nous intéresse.
Le système mécanique que constitue une balançoire est un bon exemple de système
résonnant. Tout enfant a pu éprouver par lui-même ce phénomène de résonance : s'il s'agite
de façon désordonnée sur la balançoire, il ne se passe pas grand chose. S'il s'agite en
donnant des impulsions (par son propre mouvement) à une fréquence quelconque qu'il a
décidée lui, il ne se passe toujours pas grand chose. Par contre, s'il donne des impulsions à
une fréquence qui correspond à la période d'oscillation de la balançoire (période qui rappelons-le est définie par sa masse, par
la longueur du cable qui suspend la balançoire et la constante de gravité), la balançoire entre dans un mouvement oscillant
dont l'amplitude va croissant avec la quantité d'énergie que l'enfant apporte. A la cessation de cette phase "d'excitation" du
système, celui-ci revient à sa position d'équilibre avec un mouvement sinusoïdal amorti, à la fréquence d'oscillation de la
balançoire. Cette fréquence d'oscillation est la fréquence de résonance du système
2. LE PHENOMENE PHYSIQUE DE LA RMN
2.1. L'obtention du signal RMN

Placés dans un champ magnétique
, les noyaux atomiques qui ont une aimantation nucléaire s'orientent par
rapport à l'axe du champ et précessent autour de celui-ci à une vitesse angulaire [[omega]]o = [[gamma]]. Bo
caractéristique pour chaque noyau. Le noyau d'hydrogène dans un champ de 1 tesla a une fréquence de précession fo qui est

de 42,57 MHz (
)
Les propriétés de rotation du noyau d'hydrogène lui confèrent deux états énergétiques : "Spin + 1/2" et "Spin - 1/2". Les
aimantations nucléaires correspondant aux "spins + 1/2" tournent, si on peut dire, la tête en haut, celles de "spin - 1/2", la tête en
bas. L'état d'énergie "spin + 1/2" est un état plus stable que l'état d'énergie "spin - 1/2" qu'on pourra qualifier d' excité. Au repos,
dans un champ magnétique Bo, les deux sous-populations de "spin + 1/2" et "spin - 1/2" ne sont pas identiques. Le niveau
d'énergie le plus stable (spin +1/2) est plus peuplé. Il résulte de tout cela que la somme de toutes les aimantations élémentaires
pour une certaine quantité d'hydrogène présente dans un échantillon est non nulle, et dirigée dans l'axe du champ magnétique
Cette aimantation résultante qu'on appelera
l'échantillon.
.
est bien sûr proportionnelle au nombre de noyaux d'hydrogène présents dans
Les déphasages qui existent entre les différentes aimantations dans les mouvements de précession autour du champ
composante transversale de cette aimantation lors de l'équilibre. Il n'existe qu'une composante longitudinale
font qu'il n'y a pas de
dirigée dans le sens du
. (Fig.3)
Figure 3 : Mouvement de précession d'un ensemble de moments
magnétiques nucléaires (spin +1/2 et spin -1/2). Les spins + 1/2 étant plus nombreux que les spins - 1/2, la résultante
est dirigée dans le même sens que .
champ
* L'application d'un courant sinusoïdal à la fréquence de résonance
de l'hydrogène dans une bobine d'axe perpendiculaire à
champ magnétique
crée un
alternatif, qui perturbe cette aimantation
résultante : tout se passe comme si
tournait autour de dans un
plan perpendiculaire à celui-ci ([[omega]]1 = [[gamma]].[[Beta]]1).
L'angle de basculement est proportionnel à la quantité d'énergie
électrique transmise à la bobine d'excitation, c'est à dire à la durée et à
l'amplitude de cette excitation. On peut parfaitement déterminer un
angle de basculement de 90deg. ou 180deg. en adaptant ces deux
paramètres. Si la fréquence d'excitation n'est pas proche ou égale à la
fréquence de résonance, le système ne modifiera pas sa position
d'équilibre.
A l'arrêt de l'excitation, en supposant par exemple qu'on ait fait un
basculement de 90deg. (fig. 4A), l'aimantation résultante n'est plus
dans la direction du champ mais perpendiculaire à celui-ci. On a
effectivement créé une composante transversale qui n'existait pas
auparavant. A l'arrêt de l'excitation, cette aimantation revient à sa
position d'équilibre en décrivant un mouvement complexe à la vitesse
[[omega]]o. On peut la décomposer en une composante longitudinale
qui va croissant vers sa position d'équilibre et une composante
transversale qui va décroissant vers sa valeur d'équilibre, c'est à dire 0.
C'est cette composante transversale de l'aimantation (Mxy) qui, en
tournant à la vitesse [[omega]]o, devant la bobine qui a servi à
l'excitation et qui travaille maitenant en réception, va induire dans
cette bobine un signal sinusoïdal amorti à la fréquence [[omega]]o
(fig. 4B) : c'est le signal RMN.
Figure 4 : A - L'excitation provoque un basculement de 90deg. de l'imantation
qui se retrouve dans le plan xoy. B - Le
retour à l'équilibre (Mxy) de l'aimantation transversale induit dans la bobine (qui travaille en réception) le signal RMN
Il est décrit par trois paramètres : son amplitude initiale (Mo), sa fréquence, sa constante d'amortissement (T2*). C'est ce qui
permet d'écrire que Mxy = Mo (
). Ce même signal peut être représenté non plus en fonction du temps,
(fig.5A) mais en fonction de la fréquence. L'opération mathématique qui permet ce changement de variable est la
Transformée de Fourier. Le signal RMN devient alors une raie de résonance ou spectre, à la fréquence [[omega]]o
(fig.5B).La surface sous la raie dépend de Mo, c'est à dire du nombre de noyaux d'hydrogènes contenus dans
l'échantillon et qui résonne à cette fréquence [[omega]]o. La largeur à mi-hauteur de cette
courbe est représentative de la constante d'amortissement.
Figure 5 : A - Signal RMN : il est décrit par son amplitude à l'origine, sa fréquence et sa constante d'amortissement. B - Spectre RMN (ou
raie de résonance), obtenu par transformée de Fourier du signal RMN : il est décrit par sa surface sous la raie, sa fréquence et sa largeur à
mi-hauteur
En pratique, l'intérêt de cette Transformée de Fourier, pour représenter des phénomènes périodiques de fréquences différentes
qui ont lieu en même temps, est majeur.
On peut prendre un exemple dans le domaine de l'acoustique ou de la musique : si un instant donné un musicien joue une
note de musique avec un instrument donné et une certaine amplitude, le signal enregistré au niveau d'un haut parleur
correspondra à une courbe sinusoïdale amortie : la fréquence est caractéristique de la note, l'amplitude est caractéristique de
l'amplitude du son, et la constante d'amortissement est liée à la tonalité de l'instrument ; l'identification de ces trois
paramètres sur le signal temporel est relativement facile et est tout aussi facile sur le même signal dans le domaine
fréquentiel. Maintenant, si plusieurs musiciens jouent au même instant avec plusieurs instruments, plusieurs notes différentes
et plusieurs amplitudes différentes, il est clair qu'au niveau des signaux temporels, le mélange des signaux ne permet pas
l'identification précise des fréquences, des amplitudes et des constantes d'amortissement de chacun d'eux. Par contre, dans le
domaine fréquentiel, les différentes raies de résonance permettent une identification précise de chaque son individuellement
et la mesure des paramètres qui décrit chacun d'eux, pour peu que ces sons soient à des fréquences différentes.
Une expérience de RMN se résume donc à des opérations assez simples (fig.6): il suffit de placer l'échantillon dans l'entrefer
d'un aimant qui produit le champ Bo. La fréquence de résonance d'un élément donné est alors parfaitement connu. Si on
s'intéresse à l'hydrogène, il suffira d'envoyer dans une bobine dont l'axe est perpendiculaire au champ Bo un courant
sinusoïdal à la bonne fréquence. A l'arrêt de l'excitation, cette même bobine recueillera un signal sinusoïdal amorti
correspondant au retour à l'équilibre de la composante transversale ainsi créée lors de l'excitation initiale. La Transformée de
Fourier permet d'avoir le spectre ou la raie de résonance.
Figure 6 : Principe d'une
mesure RMN : L'échantillon
placé dans le champ
magnétique Bo acquiert une
aimantation Mo dans l'axe du
champ Bo. Une excitation B1
à la fréquence de résonance
du noyau étudié modifie cet
équilibre. A l'arrêt de
l'excitation, le retour de
l'aimantation à sa valeur
d'équilibre induit dans cette
même bobine un signal à la
fréquence de résonance : c'est
le signal RMN ou FID (Free
Induction Decay). Sa
transformée de Fourier est le
spectre RMN.
Ce phénomène physique de
la RMN peut être expliqué
d'une autre façon moins
mécanistique (fig.7) :
Figure 7 : Approche énergétique du phénomène de RMN.
L'excitation par le champ B1 à la fréquence de résonance [[omega]]o modifie les populations de spins+1/2 et -1/2. A l'arrêt de l'excitation le
système revient à l'équilibre en restituant l'énergie enmagasinée sous forme d'une onde électromagnétique à la fréquence de résonance
. [[Delta]]E = E2 - E1 =
Au repos, dans le champ Bo, les spins +1/2 et - 1/2 se répartissent en deux sous-populations correspondant à deux niveaux d'énergie
différents : respectivement E1 et E2. Une onde électromagnétique de fréquence [[nu]]o telle que E2 - E1 = h[[nu]]o est susceptible de
modifier cette répartition en faisant transiter les spins de l'état +1/2 à l'état -1/2. La résultante Mo qui est l'expression de la différence en
nombre de ces deux sous-populations, va donc diminuer. Lorsqu'on aura égalisé les populations, on peut considérer qu' on se retrouve dans la
même situation que lorsqu'on faisait tout à l'heure une bascule de 90deg. qui annulait l'aimantation longitudinale. Une excitation à 180deg.
consiste à faire une inversion des populations, l'aimantation longitudinale devenant -Mo. A la cessation de l'excitation, le retour à l'équilibre
se fait avec rétablissement de la répartition initiale et enregistrement dans la bobine, qui travaille alors en "réception", d'un signal à la
fréquence [[omega]]o : le signal RMN. La bobine travaille effectivement comme une "antenne radiofréquence".
2.2. Les paramètres du signal RMN
Ils sont de 4 ordres :
2.2.1. La fréquence de résonance
Chaque noyau a un rapport gyromagnétique qui lui est propre, donc une fréquence de résonance [[omega]]o pour une valeur donnée du
champ Bo. Par exemple, dans un champ Bo de 1 tesla, l'hydrogène 1H résonne à 42,57 MHz, le phosphore 31P à 17,24 MHz, le carbone 13C à
10,70 MHz, le sodium 23Na à 11,26 MHz. Pour un noyau donné, il est bien clair que la fréquence de résonance est directement liée au champ
magnétique vu. On se servira de cette propriété pour réaliser le codage spatial de l'échantillon par le biais des fréquences de résonance en
modifiant astucieusement localement le champ magnétique vu.
2.2.2. L'intensité de la raie de résonance
L'intensité de la raie de résonance, l'amplitude du signal RMN (Mo), ou la surface sous la raie de résonance, est directement représentative
du nombre de noyaux présents dans l'échantillon d'une espèce donnée (l'hydrogène en ce qui nous concerne en imagerie clinique) .
Il y a donc possibilité de quantifier dans un volume échantillon donné la concentration ou la densité de ce noyau d'hydrogène (le terme de
"densité de protons" couramment utilisé n'est pas parfaitement adapté, "densité d'hydrogène" serait plus exact).
2.2.3. Le déplacement chimique
Un même noyau atomique placé dans un champ externe Bo peut résonner à des fréquences légèrement différentes selon sa place sur un
molécule et les liaisons chimiques dans lesquelles il est engagé. Il voit en effetun champ quelque peu différent du champ Bo dans la mesure
où il existe des champs locaux qui sont liés en particulier au moment magnétique d'origine électronique. Ces moments magnétiques
électroniques sont directement liés à aux mouvements des électrons sur leurs orbites.
Le champ u n'est donc plus exactement Bo mais une valeur un peu différente, B'o, qu'on exprime de la façon suivante : B'o = Bo (1 [[sigma]]) [[sigma]] étant appelé constante d'écran, la fréquence de résonance de ce noyau dans le champ B'o n'est plus [[omega]] o mais une
valeur un peu différente ,
[[omega]]'o = [[gamma]]. B'o .
Ce décalage relatif en fréquence est ce qu'on appelle le déplacement chimique d,
Il se mesure en partie par millions (ppm).
Par exemple, le déplacement chimique entre les hydrogènes des graisses sur les radicaux CH2 CH3 et les hydrogènes de l'eau est de l'ordre
de 4 ppm. Ce décalage ne peut être observé que s'il existe au niveau du champ de mesure une homogénéité du champ principal suffisante.
L'existence de ce petit déplacement chimique sera mise à profit dans les séquences de suppression de graisse, qui visent justement à
supprimer la résonance des hydrogènes qui ne sont pas ceux de l'eau et bien sur aussi dans toutes les techniques de spectroscopie RMN.
http://www.med.univ-rennes1.fr/cerf/edicerf/BASES/BA004_cv_rb_9.html
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