VISITE DU VIEUX PERPIGNAN
L'histoire de Perpignan, ou du moins du territoire communal, commence avec celle de Ruscino
(Château-Roussillon), dont le site, déjà fréquenté au Néolithique, semble avoir été habité presque
sans discontinuer depuis l'âge du Bronze final jusqu'au Moyen-Âge, connaissant son apogée sous le
règne de l'empereur Auguste, avec la construction d'un forum, marque la plus évidente de
l'importance administrative du lieu. Ruscino, capitale du Pagus ruscinonensis, avait alors le statut de
colonie romaine, titre qu'elle perdra quelques décennies plus tard pour des raisons qui demeurent
obscures. Son déclin semble commencer à la fin du Ier siècle, ce qui ne l'empêche sans doute pas de
conserver une grande importance, malgré la concurrence d'Elne. Lorsque le comté du Roussillon est
créé à la fin du VIIIe siècle, c'est apparemment Château-Roussillon (Castrum Rossilio) qui en est la
capitale.
Aucun texte ne mentionne Perpignan avant le Xe siècle, preuve que la construction de la ville est
tardive, même si diverses fouilles ont montré l'existence d'un habitat très ancien. Ce devait être au
départ un domaine rural, puis un village, puis une petite ville qui devient vers l'an Mil la capitale du
comté en remplacement de Château-Roussillon. Ce comté aura une existence propre jusqu'en 1172,
date de la mort du comte Girard II qui, faute d'héritier, cède le Roussillon au comte-roi Alfons II
d'Aragon (ou Alfons I de Barcelone). Devenue ville royale, Perpignan n'aura pas à s'en plaindre,
puisque les premiers souverains, non seulement conservent aux habitants leurs droits antérieurs,
mais leur en accordent de nouveaux (impossibilité d'être jugés ailleurs qu'à Perpignan, droit de mà
armada etc.). La ville s'agrandit, d'autant que les rois veulent à tout prix y installer de nouveaux
habitants, en particulier sur la petite colline du Puig (quartier Saint-Jacques) et aux alentours de celle-
ci. C'est de cette époque que date la présence d'une importante colonie juive, qui à partir de 1250
sera confinée dans le Call, quartier muré situé en gros à l'emplacement de l'actuel couvent des
Minimes.
L'histoire de Perpignan prend un important tournant en 1276, à la mort du roi Jaume Ier d'Aragon.
Dans son testament daté de 1262, ce dernier avait en effet décidé de diviser son royaume en deux au
profit de ses fils : l'un (Pere III d'Aragon) hérita de la couronne d'Aragon, l'autre, Jaume II, de celle de
Majorque. Son territoire comprenait, outre Majorque, les comté du Roussillon et de Cerdagne, ainsi
que la seigneurie de Montpellier. Les rois de Majorque s'installent à Perpignan, et y font bâtir le palais
qui porte leur nom, achevé en 1309. C'est l'âge d'or de la ville, capitale éphémère d'un royaume tout
aussi éphémère : en 1344, après une succession de guerres et d'armistices, les troupes de Pere IV,
roi d'Aragon, entrent dans Perpignan et, malgré quelques soubresauts, le royaume de Majorque
disparaît peu après.
L'une des constantes de l'histoire de Perpignan et du Roussillon, c'est le rôle important qu'y a tenu le
royaume de France. Certes, depuis le traité de Corbeil de 1258, la France avait renoncé à tout droit
sur le Roussillon et la Catalogne. Mais le moindre prétexte était bon pour venir en aide à tel ou tel
camp, et tenter par là de rétablir une suzeraineté dont le souvenir était bien présent dans l'esprit des
monarques français. Le premier épisode date de 1284, avec la Croisade d'Aragon, menée par
Philippe III le Hardi contre Pere III d'Aragon, avec le soutien du roi de Majorque Jaume II. Un instant
victorieux, les Français, victimes à la fois d'une contre-attaque et d'une épidémie de dysenterie,
doivent s'incliner et Philippe III meurt à Perpignan le 5 octobre 1285.
Nouvelle intervention française deux siècles plus tard, à la suite d'une obscure querelle concernant la
succession du trône de Navarre : appelé à l'aide par le roi d'Aragon Jean II pour mater les révoltes
populaires, Louis XI envahit et annexe le Roussillon et la Cerdagne. La ville va connaître trentre
années terribles : d'abord conquise en 1463, elle se révolte en 1472-73, sous l'impulsion de Jean II qui
s'y est réfugié et a renié son ancien allié. Les troupes françaises la quittent, mais reviennent l'assiéger
quelques mois plus tard. Le siège sera très long, et les Perpignanais affamés finiront par capituler en
décembre 1475. L'occupation durera jusqu'en 1493, année où Charles VIII, successeur de Louis XI,
rend le Roussillon et la Cerdagne à Ferdinand II d'Aragon, époux d'Isabelle de Castille et grand-père
de Charles-Quint.