Le suicide de l’Europe (1914-1945) 1. Hantises du déclin et aspiration à la renaissance La période qui s’ouvre est celle du suicide de l’Europe. L’Europe va renaitre de ses cendres. La crise ébranle le fragile équilibre sur lequel reposait l’enrichissement et la domination en Europe. La guerre civile européenne, nouvelle appellation de la Grande Guerre qui montre l’émergence d’une civilisation européenne aujourd’hui, a porté au système libéral et capitaliste des coups dont il a / a eu peine à se relever. Toutes les tentatives pour rétablir l’ancien ordre des choses ont échoué. Le déclin de l’Europe apparait avant 1929 déjà irrémédiable. 1.1 Le choc de la Grande Guerre Pendant la Grande Guerre, des observateurs lucides s’étaient aventurés à diagnostiquer le recul. Si le doute s’empare des dirigeants mais aussi des opinions publics, les défis à relever qui auraient pu et auraient du entrainer l’adhésion des peuples provoquent de nouvelles illusions, à l’origine de tensions internes aux Etats mais aussi interétatiques. Le choc des idéologies succède à celui des nationalismes. Dès la révolution d’octobre, la guerre civile connaît un nouvel élan avec la crise et la mise en place de la III° Internationale, le Kominterm. La société est déstabilisée par la guerre. Les classes moyennes sont les premières victimes des crises. La montée des fascismes n’entame pas la volonté des premiers « européistes » dont l’action discrète autour des années 20 ne trouvera qu’un écho tardif dans la résistance au nazisme et au fascisme. 1.1.1 La rupture On assiste après la Première Guerre Mondiale à des conséquences dramatiques. On ne doit malgré les critiques pas occulter les avancées politiques perçues par les Européens dès 1919. Mais les sociétés sont ébranlées, les économies fragilisées. Des valeurs sont mises en cause. Pourtant, cette rupture semble féconde. L’histoire a cependant retenu la victoire de la démocratie et les promesses attendues d’un monde nouveau, d’un nouvel ordre mondial. La victoire de la démocratie est patente. La réorganisation de l’Europe apparaît comme l’une des premières conséquences de la Grande Guerre. Elle s’impose avec la disparition des grands empires. La victoire des démocraties s’identifie avec celle de l’identité démocratique elle-même. Il convient aux yeux des responsables politiques, pour assurer la pérennité de la civilisation européenne, que l’ancien 1 ordre politique et social soit aboli. Pour supprimer les causes d’un conflit éventuel toujours possible, la liquidation des litiges frontaliers en Europe s’impose au préalable. L’optimisme prévaut avec l’idée que seule la contagion démocratique permettra d’assurer le nouvel ordre international. D’abord, les vainqueurs vont poursuivre la modernisation de leurs propres régimes et institutions politiques. On parle de véritable culte civique unificateur. Pendant la guerre, il y a eu un certain consensus qui s’est dégagé des sociétés : il faut donc redonner au peuple ce qu’il a donné à l’Etat : plus de pouvoir, plus de liberté. La Grande-Bretagne supprime dès janvier 1918 les dernières exceptions au suffrage universel, avec le droit de vote aux femmes de plus de 30 ans. L’Italie applique les modalités de la loi électorale de 1912. La Belgique accorde un droit de suffrage aux hommes mais surtout aux veuves de guerres et aux mères des enfants tombés au champ d’honneur. On note le soutien apporté à l’institution de nouveaux régimes parlementaires. 1.1.2 Le nouvel ordre international Le découpage est opéré par les vainqueurs. De nombreux universitaires participent à ce redécoupage, Paul Vidal de la Blache pour la France, ou Sir Mackinnon pour les Britanniques. Le redécoupage se fait sur la base des 18 points de Wilson. Ce redécoupage s’apparente à une balkanisation. Bon nombre de nationalités ont été brimées. « La reconstruction d’une Europe prospère et ouverte à la pénétration économique des Etats-Unis, c’est-à-dire respectant le principe de la porte ouverte, mais aussi d’une Europe pacifique où les affrontements nationaux ne risqueraient plus d ‘entrainer l’Amérique dans un conflit qu’elle n’avait pas voulu » (Denise Arthaud) On retrouve ici le fait que les Américains sont désormais présents sur la scène européenne, ce sont des débiteurs. Leur engagement dans le système financier européen explique les ingérences des Etats-Unis pendant l’entre-deux-guerres pour régler le problème posé par l’occupation de la Ruhr, la faillite du système monétaire allemand. On peut donc déjà parler à propos de l’Europe d’un changement de cap : les Européens, indépendamment de l’Angleterre, appliquent une certaine forme d’atlantisme. 1.2 La fin de la prépondérance de l’Europe 1.2.1 Le choc culturel de la guerre et la nouvelle société Le poids de la guerre a déstabilisé l’Europe, notamment sur le plan démographique, avec les classes creuses : la France vieillit. L’Europe traverse une crise de civilisation. Elle est perçue par les élites intellectuelles et dirigeantes. En effet, de la guerre nait un nouvel ordre social. « On 2 se souvient que les Européens étaient partis au front la morale aristocratique en bandoulière. L’héroïsme comptait alors plus que le mérite, la gloire plus que la récompense, la hiérarchie plus que la confrontation libre des points de vue. » En 1918-1919, ce qui avait assuré la stabilité auparavant perd de son sens, de son rang. Dès 1917, l’Europe bouge. Le monde du travail veut récolter les fruits des efforts consentis. Il se réorganise donc et se renforce. Les campagnes sont secouées, mais surtout, les classes moyennes sont touchées de plein fouet par la Grande Guerre. De nombreux employés et fonctionnaires sont victimes de cette situation. Les fonctionnaires, jusqu’alors au service du public, se mettent en grève dès 1920. Les pouvoirs publics mobilisent alors aux élèves des grandes écoles de suppléer l’absence de ces chauffeurs. On peut parler d’exception britannique : le déclin britannique est marqué mais pas remarqué. 5 explications : - la capacité d’adaptation de la classe dirigeante - le respect des règles du jeu du système en place par toute la société - la fidélité et la loyauté à l’égard de la monarchie - la force des bases arrières (notamment les populations loyalistes des dominions qui ne se sont pas manifestés pendant la guerre) - la confiance dans les vertus du libéralisme (rempart contre les nouvelles idéologies) 1.2.2 La crise de civilisation La guerre met fin à certaines valeurs fondatrices. L’Europe est-elle la seule voie possible vers le progrès, alors que la conscience européenne éclairait jusqu’alors le monde ? Les Européens peuvent-ils assumer l’avenir du monde. La catastrophe de la guerre civile européenne va peser longtemps sur les mentalités collectives. On a pu parler de la fin du Temps des Lumières. Certains historiens ont écrit depuis que l’on était entré dans des temps tragiques, des temps obscurs – en sommes-nous sorti ? L’idée centrale est que les Européens ont perdu leur assurance. Ceci conduit à des réactions que l’on a de la peine à comprendre aujourd’hui. On se lance dans l’action, on devient activiste. C’est la fuite en avant qui permet de faire l’économie de cet examen de conscience. Ce sont des années que l’on qualifiera d’années folles (Charleston, libération des femmes et des mœurs). On veut oublier, on fait la fête, et l’on ne voit pas la réalité et les changements intervenus. D’autres se sentent lésés ou victimes (les vaincus de 1918 : les Allemands mais un peu aussi les Italiens). Un désordre s’installe en Italie, en Allemagne, en Espagne. En Espagne, Primo de Rivera arrive au pouvoir (il aura la sagesse de démissionner en 1928). Dans les Balkans, le Roi de Serbie suspend la transition démocratique et rétablit son autorité en suspendant les libertés publiques et instaurant un régime autoritaire, notamment après les attentats de 1928. En France aussi ce mouvement d’inquiétude se fait sentir. 3 1.3 Du doute au sursaut ou l’aspiration à la renaissance Les questions posées aux Etats et aux élites sont nombreuses : la question du communisme qui occupe l’espace politique et provoque un grand nombre de réactions. Il y a aussi le contentieux franco-allemand qui explique les tensions des années 20. A partir de 1932, la crise économique aidant, chacun se retire dans ses quartiers. Le retrait de la SDN de l’Allemagne et les violations du traité de Versailles aggrave la situation. Les Européens cherchent cependant à consolider leur unité, à l’initiative de la France mais aussi d’intellectuels suisses. Un contexte particulier explique la situation. 1.3.1 Le contentieux franco-allemand L’Europe de Versailles se divisent entre les démocraties prônant le statu quo et les états révisionnistes. Les tensions et les clivages se cristallisent autour du thème de la sécurité qui occupe une place centrale dans les relations internationales. De nombreuses voix s’élèvent pour demander un rapprochement avec l’Allemagne. Marc Sangnier appartient à la famille des démocrates-chrétiens. Au début de la III° République, issu d’un milieu catholique traditionnel, il se « convertit à la démocratie ». Entre 1873 et 1910, il y a eu un grand débat en France, entre tradition et modernisme, entre ceux qui défendent les thèses ultramontaines du Vatican (ainsi qu’une restauration de la monarchie) et ceux qui se rattachent à la République. Marc Sangnier, rentier, se lance dans l’action politique : il milite pour le ralliement à la République. Ce ralliement est recommandé aux catholiques français par le pape Léon XIII, favorable à une pacification des esprits et qui explique dans son encyclique aux catholiques français qu’il est temps de rentrer dans le rang. La question des institutions ne doit pas être résolue par l’Eglise ellemême. Les catholiques se divisent entre les orléanistes et les légitimistes. Les seconds sont partisans de la monarchie ; ils rejettent la République et représentent une force politique et sociale. Les premiers vont servir la République. Sangnier s’inscrit dans le ralliement à la République avec la volonté de convertir l’Eglise à la démocratie. Le Sillon, mouvement qu’il fonde, s’enracine dans l’espace religieux français. Petit à petit, les séminaires vont être influencés par les idées du Sillon. En 1910, Pie X publie une encyclique qui condamne le modernisme et Marc Sangnier. Celui-ci se soumet, après avoir semé ce qui sera la démocratie chrétienne de l’entre-deux-guerres. En 1926, le pape Pie XI condamne l’Action Française. Après l’occupation de la Ruhr, la France, sous pression des Etats-Unis, est contrainte de négocier avec l’Allemagne. Le projet européen d’Aristide Briand vient se placer dans la continuité du rapprochement franco-allemand. Alexis Léger, Secrétaire Général du Quai d’Orsay, lui écrit son discours du 5 septembre 1929. Un mémorandum en 1930 réaffirme cet appel. Au même moment est fondé le mouvement Pan Europa et le Comité Fédéral de Confédération Européenne de Coudenhove-Kalergi, austro-hongrois d’origine japonaise. C’est donc une former d’échec de la construction européenne. Mais en 1926 et en 1927, il y a une union douanière franco-allemande. En 1926, on met en place 4 l’entente internationale de l’acier, avec le Luxembourg, la Sarre, la Belgique, l’Allemagne et la France 1.3.2 La reconstruction La question des remboursements empoisonne les relations internationales jusqu’au Plan Young. Beaucoup de pays se replient heureusement sur la coopération économique. La reprise économique favorise la relance des échanges, condition de la croissance. Très vite, on peut relever les contraintes de cette politique économiques, mises en lumière en 1930 et 1931 en raison de la crise économique qui révèle la dépendance nouvelle des états européens aux Etats-Unis, d’où une attitude protectionniste. L’ensemble des gouvernements engage des critiques interventionnistes dont l’importance révèle la gravité de la situation et la nécessité de solutions globales. Dans un premier temps, on prend des mesures déflationnistes : on diminue le traitement des fonctionnaires. Les résultats ne sont pas à la hauteur des objectifs attendus. On engage également des politiques de relance qui n’ont rien à voir avec la théorie générale de John Maynard Keynes (qui date de 1936). L’Etat ne se contente plus de gérer, il doit harmoniser la politique économique et sociale. 1.3.3 La renaissance : de la crise des années 30 à la Résistance européenne A Munich, les démocraties ont abdiqué au prix de la guerre. Le coût a été à la mesure des enjeux. C’est le problème des libertés. Très vite, avant ou après Munich, bon nombre d’Européens sont entrés en résistance. C’est de la guerre que va naitre ou renaitre une nouvelle Europe, le retour aux valeurs européennes oubliées. On a un exemple en France d’un mouvement qui a fait peu de vague fin des années 20 début des années 30 : les non-conformistes. De jeunes gens, et notamment beaucoup de catholiques légitimistes qui se questionnent sur le devenir de la société, cherchent une troisième voie entre le capitalisme et le socialisme. On retrouve ces hommes soit à Vichy, soit en Résistance. Ils ont dans tous les cas réfléchi et en 1945 sont à l’origine du mouvement de modernisation de la France. On trouve ce même type de courant parmi la jeunesse allemande, et une jeunesse italienne la plupart du temps en exil. On peut conclure sur le fait que les Européens ont pendant ces trente années subi l’Histoire plutôt que fait l’Histoire. Par ailleurs, ils ont aussi tiré les leçons de ces malheureuses expériences (les deux guerres), ainsi que de l’échec des politiques économiques et sociales adoptées dans tous les pays européens (déflation, protectionnisme, refus de la régulation). 5 2. Idéologies et régimes totalitaires : l’Europe dans la tourmente Aujourd’hui, on évoque la personnalité d’une intellectuelle atypique, Simone Weil. Les personnes qui l’ont approchée l’ont décrite comme éprise d’absolu. Elle s’est laissée mourir. Dans le combat qu’elle a mené (du côté des Brigades Internationales), elle ne s’est jamais intéressée à ce que l’on appelle aujourd’hui le totalitarisme. 2.1 Le siècle des idéologies On a longtemps spéculé sur les causes de l’émergence des idéologies. Si on s’en tient à la définition originelle, l’idéologie est un système d’idées constituant une doctrine politique et sociale, une représentation du monde, inspirant les actes d’un gouvernement ou d’un parti. Les idéologies, de droite ou de gauche, s’incarnent dans le politique et dans la société comme des modèles qui sont mortifères. Le totalitarisme consiste en un système de pensée qui fait prévaloir le tout sur les partis, la société sur l’individu. Voilà pourquoi on oppose le totalitarisme au personnalisme, idée développée par le fondateur de la revue Esprit au début des années 30. Concrètement, le totalitarisme aboutit à l’atomisation de la société, à la négation de la société réelle. Lorsqu’une idéologie se concrétise en système politique, le parti s’impose, devient le parti-Etat. 2.1.1 La crise de l’ordre européen ou les origines des trois systèmes de penser le monde Ces trois systèmes proviennent d’une même crise. Le stalinisme prend son essor de l’épuisement de la vague révolutionnaire de 1917. Il s’appuie sur la dictature soviétique qui se met en place en novembre 1917 sur des bases sociales en reconstruction. Le fascisme et le nazisme émergent et s’imposent progressivement sur la scène européenne en tant qu’idéologies contrerévolutionnaires. Ces idéologies révolutionnaires s’appuient sur un terreau, les élites traditionnelles, qui contrôlent et se projettent dans l’avenir en créant une société nouvelle, dans une société de masse urbaine et industrielle. On a pu parler de nationalisations des masses autour de la Grande Guerre. Le désordre né de la Guerre et pendant la Guerre provoque des réactions de défense et de désespoir. Ceci entraine la remise en cause des hiérarchies sociales. C’est vrai pour le fascisme et le nazisme, et cela explique la facilité notamment en Italie avec laquelle les fascistes ont pris le pouvoir. En Allemagne, un climat favorable au nazisme s’installe peu à peu, et les élites et forces au pouvoir ne parviennent pas ou ne souhaitent pas s’opposer au nazisme. La crise économique aidant, la recherche de l’Homme providentiel est comblée par l’arrivée d’Hitler. Le marxisme-léninisme est une idéologie dite volontariste. Tout est subordonné à la fin : la société communiste, étape ultime de la dictature du prolétariat. Quand 6 Lénine arrive au pouvoir en 1917, il a 47 ans. C’est avant tout un intellectuel qui est engagé dans l’action publique depuis sa jeunesse et la mort de son frère. Lénine n’a eu de cesse de renverser le régime du Tsar… pour créer un nouvel empire. 2.1.2 Les idéologies : approche comparée Cette approche comparative n’est pas politiquement correcte… Le Livre noir du communisme publié il y a quelques années essaie de mettre en avant les analogies entre totalitarismes. Le fascisme et le nazisme s’opposent au stalinisme, en ce qu’ils veulent tourner la page de l’Histoire ouverte par les Lumières. Le marxisme-léninisme se veut pour sa part seul et authentique héritier de la Révolution française et de l’idée de progrès. Le fascisme et le nazisme oppose le mythe à la raison, la communauté à l’individu, l’autorité à la liberté, la force au droit, la race à l’humanité. Sont-ils pour autant pessimistes, réactionnaires ? Contrairement à l’idée reçue, les fascismes ne sont pas réactionnaires : ils veulent régénérer la nation, refonder la communauté sur de bases nouvelles, transformer l’Etat en une machine de guerre et de conquête. La rhétorique révolutionnaire permet de faire passer un discours raciste. L’Allemagne deviendra un laboratoire de biologie sociale et raciale. Quant au fascisme, il se place dans le prolongement du futurisme, mouvement exaltant l’ordre, la vitesse et la guerre purificatrice (le manifeste a été publié par Marinetti dans Le Figaro pendant la Grande guerre). Le marxisme–léninisme et son prolongement le stalinisme théologise les Lumières selon un procédé décrit par George Orwell consistant à falsifier les valeurs qu’il proclame : - un Etat qui s’annonce démocratique - un Etat athée avec cependant un culte des chefs, de la personnalité, avec des rites et des sanctions qui rappellent l’Inquisition d’Etat Le marxisme-léninisme est également moderne. Il se définit comme religion de la science. Il vante les mérites de l’industrialisation, de la planification autoritaire et de l’ingénierie sociale (les camps). 2.2 Les régimes totalitaires 2.2.1 Des caractères et des formes communs On peut les qualifier de religions laïques qui désagrègent la société civile et transforment le peuple en une communauté de fidèles. Par ce biais, il supprime la frontière entre l’Etat et la société. Cela entraine l’atomisation de la société, la disparition du tissu social et des solidarités naturelles. Cela s’appuie sur une terreur consubstantielle, la puissance hors du droit mais aussi sur la technique, l’administration, l’économie de cette modernité soi-disant honnie et détestée. On a pu parler de contre-rationalité destructrice. 7 Ces systèmes se fondent sur l’administration (bureaucratie), sur l’usine (assimilable à une prison), la prison (le camp), la race. 2.2.2 Des bases sociales plus ou moins assurées Il y a naturellement le parti : Exemple du parti nazi : 1939 : 5 millions de membres ; 1945 : 8 millions. Les ouvriers représentent 42, 18% des encartés, les femmes 35% Dans le fascisme et le nazisme, il y a un rapport ambigu entre les classes moyennes, le monde ouvrier et le parti. Le fascisme et le nazisme participent à la destruction du politique. Ils sont sa négation. En ce qui concerne le marxisme-léninisme, le parti est dirigé par une élite choisie, une paysannerie soumise, des ouvriers minoritaires. Ce parti de masse est très structuré. Ceci donne donc un état totalitaire. 2.2.3 La praxis ou l’Etat totalitaire Le contrôle de la société s’exerce de la base au sommet de la société : rien n’échappe à la vigilance du parti. L’encadrement diffère de l’Italie à l’URSS, mais il laisse peu de place à la liberté privée, à l’existence privée. L’administration prend le pas sur le gouvernement des autres. L’atomisation n’est pas totale, elle n’est pas achevée : il est impossible de faire table rase du passé. La destruction est certainement plus marquée en URSS qu’en Allemagne ou en Italie (dékoulakisation, purge du parti). La vie politique est réduite à néant : centralisme démocratique, aliénation du politique. La culture est étatisée, domestiquée. Sur des sociétés fragilisées ou en mutation, des expériences couteuses en hommes et en partie nées des déséquilibres et des frustrations de la Grande Guerre ont conduit au plus grand massacre de l’Histoire de l’Humanité. Les Nationaux eux-mêmes sont en général les premières victimes. Les ennemis du communisme ou les ennemis à l’étranger du communisme n’ont pas été des victimes, mais surtout les opposants russes ou allemands. 8 3. La crise des démocraties 3.1 Le défi de la démocratisation 3.1.1 L’Espagne à la croisée des chemins 3.1.2 La République de Weimar (1919-1933) En France, on suit les hommes du Komintern. La situation va changer quand Staline après l’avènement de Hitler déclenche une nouvelle politique : la main tendue. Cette politique fonctionne en France mais cela ne peut pas suffire. Plus que jamais les responsabilités sont partagées. Le parti nazi va s’appuyer sur de grands industriels, mais aussi sur les ouvriers qui souffrent de la crise et les classes moyennes (qui auraient sans doute du jouer la carte socialiste ou du Zentrum). Les seuls résistants sont des résistants dits spirituels. Sa conscience refuse la révolte directe (exemple du mouvement de la Rose Blanche) L’archevêque de Munich réalise une homélie en 1937-1938 en déclarant que les Allemands catholiques ont hérité des Juifs. 3.1.3 L’Europe orientale et balkanique Persistance des problèmes liés aux nationalités et/ou minorités. C’est une zone d’instabilité remarquée et remarquable. L’ancienne Autriche-Hongrie a implosé et il n’en reste pas grand chose, sinon la petite Autriche devenue une République en 1920, qui se dote d’une constitution fédérale et démocratique. C’est un Etat qui est contesté à la fois à droite et à gauche. Le parti social-chrétien tente de mettre en place une contestation. Les milices armées socialistes ou nationalistes se mettent en place. L’agitation redouble après le succès du mouvement de défense de la patrie jusqu’en 1930. Le chancelier autrichien ne parvient pas à les désarmer. Jusqu’en 1930, avant même l’arrivée au pouvoir des nazis, l’Autriche connaît les mêmes troubles que l’Allemagne. A partir de 1934, Hitler aura beau jeu pour essayer de déstabiliser l’Autriche. Au XIX, entre 1848 et 1870 se pose la question de la petite ou de la grande Allemagne (autour de l’AutricheHongrie). L’Autriche est déstabilisée dès les années 20. En Hongrie, on retrouve le même phénomène. Béla Kun essaie de conserver le pouvoir ; cette insurrection est écrasée par l’intervention surprenante de la Roumanie, qui conduit à l’établissement d’une dictature militaire et réactionnaire. Le programme régent, avec la mise en place d’une monarchie sans souverain dès le mois de juin 1919, après l’insurrection de Béla Kun au 9 début du printemps. Cela affaiblit le pays face à la menace que va représenter le nazisme à partir de 1934. La Pologne subit à peu près le même sort. Le maréchal Pilsudski, vainqueur de la bataille de Varsovie en 1918. La Pologne, qui retrouve enfin son indépendance va connaître une période d’instabilité, bien que l’on adopte une constitution qui s’inspire des lois constitutionnelles françaises de 1875. Un coup d’Etat militaire éclate en 1926 et renverse le gouvernement légal. Pilsudski s’empare du pouvoir, renforce le pouvoir exécutif. Le régime est pluraliste mais autoritaire. Les Polonais, pris en tenaille entre la Russie et l’Allemagne s’éloignent de la France et se rapprochent de l’Allemagne par peur du bolchévisme. Les Polonais payent cette politique très cher. Les Russes ne vont pas oublier ces éléments. Signature le 23 août 1939 du pacte de nonagression germano-soviétique. Les Polonais ont payé très cher leurs erreurs, notamment pendant la guerre : en juillet 1944, les Russes ne préfèrent pas tenter un sauvetage des Polonais de Varsovie, dans le but de neutraliser la résistance anticommuniste. La Lettonie a mis le feu aux poudres. C’est l’incapacité de ces jeunes Etats à trouver la voie moyenne qui permettrait de régler les problèmes politiques majeurs. Dans les Balkans, le Roi Alexandre va être après l’assassinat du leader croate au sein même de l’assemblé obligé de suspendre les libertés publiques. De 1929 à 1939, la situation se dégrade, le Roi est assassiné à Marseille. Les fameux oustachis, des croates revendiquant leur indépendance, font tout pour déstabiliser le pays. Cela aboutit à un rapprochement germano-croate. La Serbie est partagée entre une résistance communiste de Tito, et une résistance monarchiste. Mêmes phénomènes en Bulgarie et Roumanie. Virgil Georghiu, réfugié en France dans les années 50, est le héros du roman La 25° heure qu’il a luimême écrit. En Grèce entre 1910-1911 et 1939, le pays entre en crise en raison des problèmes soulevés par la question de la grande idée, la Grande Grèce, rêve d’un certain nombre de responsables politiques et militaires : retrouver la grandeur de la Grèce Antique. Cette crise survient notamment au moment de la guerre contre la Turquie en 1911 où les Italiens interviennent : les Grecs occupent le sud de l’Epire, la Macédoine et une partie de la Thrace occidentale. Pendant la Première Guerre mondiale, le Premier ministre Venizélos, partisan d’une intervention du côté des Alliés s’oppose à Constantin, le Roi d’origine allemande, et contraint celui-ci à renoncer. Les Français débarquent à Salonique. Après la guerre, une République doit être mise en place ; l’armée s’oppose à la monarchie. Entre 1924 et 1934, Venizélos se trouve contraint de rappeler Georges II, successeur de Constantin sur le trône. Le rétablissement de la monarchie n’empêche pas les militaires d’intervenir : le colonel Metaxás prend le pouvoir. Ceci implique notamment les difficultés rencontrées par les dirigeants grecs à se déteriner face à la montée du nazisme, du fascisme, et notamment de résister à la poussée des Italiens. 10 L’Europe, et notamment l’Europe balkanique (si on établit une chronologie des interventions de l’armée ou de la mise en place de régimes autoritaires, on constate que les régimes démocratiques d’entre-deux-guerres traversent une crise profonde). 3.1.4 L’Italie : l’échec du transformisme et du libéralisme 3.2 La France face à la crise des années 30 La France est secouée par une grave crise politique, l’affaire Stavisky. 3.2.1 Le modèle républicain en panne ? La guerre a ébranlé l’ensemble des valeurs sur lesquels reposait la République. Les premières grandes grèves interviennent en 1920. On accorde aux fonctionnaires le droit de grève. Un escroc polonais et juif, Stavisky, fait éclater un scandale autour de lui. La crise du 6 février 1934 révèle l’ampleur du désarroi d’un certain nombre de Français, à droite comme à gauche. Dans ces ligues, on peut en présenter certaines comme des ligues fascistes, certaines ayant d’ailleurs réussi à entrainer d’anciens communistes ou des socialistes déçus. Se constitue donc un Front Populaire en sorte de réaction à cela. 3.2.2 L’exception : la recherche de voies nouvelles (L’intense effervescence intellectuelle dès la fin des années 20) Au-delà, on assiste à un mouvement dit des non-conformistes. Une thèse défendue en 1972 à l’IEP de Paris renouvelle l’histoire politique de la droite et de la gauche et permet de comprendre ce qui s’est passé pendant la Seconde guerre mondiale, notamment autour de l’école Duriage, qui avait accueilli près de Grenoble une école de cadres initiée par Vichy, le Vichy à la fois réactionnaire et moderniste. On cherche en effet à réformer la France, en tentant d’abord de chercher une forme de réaction nationale. Des hommes politiques de tous horizons viennent dans cette école. Ils recherchent tous une nouvelle France. Ces jeunes gens commencent à travailler hors des sentiers battus. On y retrouve entre autres Pierre Mendès-France : on ne peut réformer la France qu’à travers les hommes. Certains les considèrent comme des néofascistes parce que ceux-ci vont parfois jusqu'à parler d’ordre nouveau. Certains philosophes s’intéressent d’abord à l’homme (humanisme intégral) ou au personnalisme (Emmanuel Mounier, intellectuel qui a renoncé à une carrière universitaire et qui fonde la revue Esprit. Un autre courant se manifeste : le courant des technocrates (Olivier Dard, qui complète Loubet 11 Del Bayle). Robert Aron et Armand Andrieu se sont penchés sur le problème de la civilisation matérielle ; ils font une enquête avant même la crise. Néanmoins cette crise est relative : entre 1936 et 1939, Edouard Dalladier va notamment relever la sitaution. Il réussit après 17 années de discussion à obtenir la publication d’une loi en 1938 sur la défense nationale, avec entre autres le concours lors de la rédaction de Charles de Gaulle. Cette loi est reprise quasiment intégralement dans l’ordonnance du 7 janvier 1957. Les non-conformistes des années 30 optent pour la voie révolutionnaire : Jacques Doriot, ancien communiste, Marcel Déat. Ils vont chercher des solutions à l’étranger pour résoudre les problèmes français. Il y a à la fois un certain romantisme mais aussi un sentiment de la décadence. L’ordre industriel est ébranlé, l’ordre financier également. L’ordre social hérité du XIX est profondément remanié, déstabilisé. A la fin des années 30, on peut retenir l’idée qu’une transformation du continent prend forme comme 1917 et 1922. La guerre a été l’occasion d’espérer dans l’homme une renaissance ; elle apparaît déjà dans les mouvements de résistance. Ceux-ci commencent en Allemagne dans les années 30, en Italie à la fin des années 20 12