Le suicide de l`Europe (1914-1945) Hantises du déclin et aspiration

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Le suicide de l’Europe
(1914-1945)
1. Hantises du déclin et aspiration à la renaissance
La période qui s’ouvre est celle du suicide de l’Europe. L’Europe va renaitre de ses
cendres. La crise ébranle le fragile équilibre sur lequel reposait l’enrichissement et la
domination en Europe. La guerre civile européenne, nouvelle appellation de la Grande
Guerre qui montre l’émergence d’une civilisation européenne aujourd’hui, a porté au
système libéral et capitaliste des coups dont il a / a eu peine à se relever. Toutes les
tentatives pour rétablir l’ancien ordre des choses ont échoué. Le déclin de l’Europe
apparait avant 1929 déjà irrémédiable.
1.1 Le choc de la Grande Guerre
Pendant la Grande Guerre, des observateurs lucides s’étaient aventurés à diagnostiquer
le recul. Si le doute s’empare des dirigeants mais aussi des opinions publics, les défis à
relever qui auraient pu et auraient du entrainer l’adhésion des peuples provoquent de
nouvelles illusions, à l’origine de tensions internes aux Etats mais aussi interétatiques.
Le choc des idéologies succède à celui des nationalismes. Dès la révolution d’octobre, la
guerre civile connaît un nouvel élan avec la crise et la mise en place de la III°
Internationale, le Kominterm.
La société est déstabilisée par la guerre. Les classes moyennes sont les premières
victimes des crises. La montée des fascismes n’entame pas la volonté des premiers
« européistes » dont l’action discrète autour des années 20 ne trouvera qu’un écho tardif
dans la résistance au nazisme et au fascisme.
1.1.1 La rupture
On assiste après la Première Guerre Mondiale à des conséquences dramatiques. On
ne doit malgré les critiques pas occulter les avancées politiques perçues par les
Européens dès 1919. Mais les sociétés sont ébranlées, les économies fragilisées.
Des valeurs sont mises en cause. Pourtant, cette rupture semble féconde. L’histoire
a cependant retenu la victoire de la démocratie et les promesses attendues d’un
monde nouveau, d’un nouvel ordre mondial.
La victoire de la démocratie est patente. La réorganisation de l’Europe apparaît
comme l’une des premières conséquences de la Grande Guerre. Elle s’impose avec
la disparition des grands empires. La victoire des démocraties s’identifie avec celle
de l’identité démocratique elle-même. Il convient aux yeux des responsables
politiques, pour assurer la pérennité de la civilisation européenne, que l’ancien
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ordre politique et social soit aboli. Pour supprimer les causes d’un conflit éventuel
toujours possible, la liquidation des litiges frontaliers en Europe s’impose au
préalable. L’optimisme prévaut avec l’idée que seule la contagion démocratique
permettra d’assurer le nouvel ordre international.
D’abord, les vainqueurs vont poursuivre la modernisation de leurs propres
régimes et institutions politiques. On parle de véritable culte civique unificateur.
Pendant la guerre, il y a eu un certain consensus qui s’est dégagé des sociétés : il
faut donc redonner au peuple ce qu’il a donné à l’Etat : plus de pouvoir, plus de
liberté. La Grande-Bretagne supprime dès janvier 1918 les dernières exceptions au
suffrage universel, avec le droit de vote aux femmes de plus de 30 ans. L’Italie
applique les modalités de la loi électorale de 1912. La Belgique accorde un droit de
suffrage aux hommes mais surtout aux veuves de guerres et aux mères des enfants
tombés au champ d’honneur. On note le soutien apporté à l’institution de
nouveaux régimes parlementaires.
1.1.2 Le nouvel ordre international
Le découpage est opéré par les vainqueurs. De nombreux universitaires
participent à ce redécoupage, Paul Vidal de la Blache pour la France, ou Sir
Mackinnon pour les Britanniques. Le redécoupage se fait sur la base des 18 points
de Wilson. Ce redécoupage s’apparente à une balkanisation. Bon nombre de
nationalités ont été brimées.
« La reconstruction d’une Europe prospère et ouverte à la pénétration économique
des Etats-Unis, c’est-à-dire respectant le principe de la porte ouverte, mais aussi
d’une Europe pacifique les affrontements nationaux ne risqueraient plus d
‘entrainer l’Amérique dans un conflit qu’elle n’avait pas voulu » (Denise Arthaud) On
retrouve ici le fait que les Américains sont désormais présents sur la scène
européenne, ce sont des débiteurs. Leur engagement dans le système financier
européen explique les ingérences des Etats-Unis pendant l’entre-deux-guerres
pour régler le problème posé par l’occupation de la Ruhr, la faillite du système
monétaire allemand. On peut donc déjà parler à propos de l’Europe d’un
changement de cap : les Européens, indépendamment de l’Angleterre, appliquent
une certaine forme d’atlantisme.
1.2 La fin de la prépondérance de l’Europe
1.2.1 Le choc culturel de la guerre et la nouvelle société
Le poids de la guerre a déstabilisé l’Europe, notamment sur le plan
démographique, avec les classes creuses : la France vieillit.
L’Europe traverse une crise de civilisation. Elle est perçue par les élites
intellectuelles et dirigeantes. En effet, de la guerre nait un nouvel ordre social. « On
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se souvient que les Européens étaient partis au front la morale aristocratique en
bandoulre. L’héroïsme comptait alors plus que le mérite, la gloire plus que la
récompense, la hiérarchie plus que la confrontation libre des points de vue. » En
1918-1919, ce qui avait assuré la stabilité auparavant perd de son sens, de son
rang. Dès 1917, l’Europe bouge.
Le monde du travail veut récolter les fruits des efforts consentis. Il se réorganise
donc et se renforce. Les campagnes sont secouées, mais surtout, les classes
moyennes sont touchées de plein fouet par la Grande Guerre. De nombreux
employés et fonctionnaires sont victimes de cette situation. Les fonctionnaires,
jusqu’alors au service du public, se mettent en grève dès 1920. Les pouvoirs
publics mobilisent alors aux élèves des grandes écoles de suppléer l’absence de ces
chauffeurs.
On peut parler d’exception britannique : le déclin britannique est marqué mais pas
remarqué. 5 explications :
- la capacité d’adaptation de la classe dirigeante
- le respect des règles du jeu du système en place par toute la société
- la fidélité et la loyauté à l’égard de la monarchie
- la force des bases arrières (notamment les populations loyalistes des dominions
qui ne se sont pas manifestés pendant la guerre)
- la confiance dans les vertus du libéralisme (rempart contre les nouvelles
idéologies)
1.2.2 La crise de civilisation
La guerre met fin à certaines valeurs fondatrices. L’Europe est-elle la seule voie
possible vers le progrès, alors que la conscience européenne éclairait jusqu’alors le
monde ? Les Européens peuvent-ils assumer l’avenir du monde. La catastrophe de
la guerre civile européenne va peser longtemps sur les mentalités collectives. On a
pu parler de la fin du Temps des Lumières. Certains historiens ont écrit depuis que
l’on était entré dans des temps tragiques, des temps obscurs en sommes-nous
sorti ?
L’idée centrale est que les Européens ont perdu leur assurance. Ceci conduit à des
réactions que l’on a de la peine à comprendre aujourd’hui. On se lance dans
l’action, on devient activiste. C’est la fuite en avant qui permet de faire l’économie
de cet examen de conscience. Ce sont des années que l’on qualifiera d’années folles
(Charleston, libération des femmes et des mœurs). On veut oublier, on fait la fête,
et l’on ne voit pas la réalité et les changements intervenus. D’autres se sentent
lésés ou victimes (les vaincus de 1918 : les Allemands mais un peu aussi les
Italiens). Un désordre s’installe en Italie, en Allemagne, en Espagne. En Espagne,
Primo de Rivera arrive au pouvoir (il aura la sagesse de démissionner en 1928).
Dans les Balkans, le Roi de Serbie suspend la transition démocratique et rétablit
son autorité en suspendant les libertés publiques et instaurant un régime
autoritaire, notamment après les attentats de 1928. En France aussi ce mouvement
d’inquiétude se fait sentir.
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1.3 Du doute au sursaut ou l’aspiration à la renaissance
Les questions posées aux Etats et aux élites sont nombreuses : la question du
communisme qui occupe l’espace politique et provoque un grand nombre de réactions. Il
y a aussi le contentieux franco-allemand qui explique les tensions des années 20. A
partir de 1932, la crise économique aidant, chacun se retire dans ses quartiers. Le retrait
de la SDN de l’Allemagne et les violations du traité de Versailles aggrave la situation. Les
Européens cherchent cependant à consolider leur unité, à l’initiative de la France mais
aussi d’intellectuels suisses. Un contexte particulier explique la situation.
1.3.1 Le contentieux franco-allemand
L’Europe de Versailles se divisent entre les démocraties prônant le statu quo et les
états révisionnistes. Les tensions et les clivages se cristallisent autour du thème de
la sécurité qui occupe une place centrale dans les relations internationales. De
nombreuses voix s’élèvent pour demander un rapprochement avec l’Allemagne.
Marc Sangnier appartient à la famille des démocrates-chrétiens. Au début de la III°
République, issu d’un milieu catholique traditionnel, il se « convertit à la
démocratie ». Entre 1873 et 1910, il y a eu un grand débat en France, entre
tradition et modernisme, entre ceux qui défendent les thèses ultramontaines du
Vatican (ainsi qu’une restauration de la monarchie) et ceux qui se rattachent à la
République. Marc Sangnier, rentier, se lance dans l’action politique : il milite pour
le ralliement à la République. Ce ralliement est recommandé aux catholiques
français par le pape Léon XIII, favorable à une pacification des esprits et qui
explique dans son encyclique aux catholiques français qu’il est temps de rentrer
dans le rang. La question des institutions ne doit pas être résolue par l’Eglise elle-
même. Les catholiques se divisent entre les orléanistes et les légitimistes. Les
seconds sont partisans de la monarchie ; ils rejettent la République et représentent
une force politique et sociale. Les premiers vont servir la République. Sangnier
s’inscrit dans le ralliement à la République avec la volonté de convertir l’Eglise à la
démocratie. Le Sillon, mouvement qu’il fonde, s’enracine dans l’espace religieux
français. Petit à petit, les séminaires vont être influencés par les idées du Sillon. En
1910, Pie X publie une encyclique qui condamne le modernisme et Marc Sangnier.
Celui-ci se soumet, après avoir semé ce qui sera la démocratie chrétienne de
l’entre-deux-guerres. En 1926, le pape Pie XI condamne l’Action Française.
Après l’occupation de la Ruhr, la France, sous pression des Etats-Unis, est
contrainte de négocier avec l’Allemagne.
Le projet européen d’Aristide Briand vient se placer dans la continuité du
rapprochement franco-allemand. Alexis Léger, Secrétaire Général du Quai d’Orsay,
lui écrit son discours du 5 septembre 1929. Un mémorandum en 1930 réaffirme
cet appel. Au même moment est fondé le mouvement Pan Europa et le Comité
Fédéral de Confédération Européenne de Coudenhove-Kalergi, austro-hongrois
d’origine japonaise.
C’est donc une former d’échec de la construction européenne. Mais en 1926 et en
1927, il y a une union douanière franco-allemande. En 1926, on met en place
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l’entente internationale de l’acier, avec le Luxembourg, la Sarre, la Belgique,
l’Allemagne et la France
1.3.2 La reconstruction
La question des remboursements empoisonne les relations internationales
jusqu’au Plan Young. Beaucoup de pays se replient heureusement sur la
coopération économique.
La reprise économique favorise la relance des échanges, condition de la croissance.
Très vite, on peut relever les contraintes de cette politique économiques, mises en
lumière en 1930 et 1931 en raison de la crise économique qui révèle la
dépendance nouvelle des états européens aux Etats-Unis, d’où une attitude
protectionniste.
L’ensemble des gouvernements engage des critiques interventionnistes dont
l’importance révèle la gravité de la situation et la nécessité de solutions globales.
Dans un premier temps, on prend des mesures déflationnistes : on diminue le
traitement des fonctionnaires. Les résultats ne sont pas à la hauteur des objectifs
attendus. On engage également des politiques de relance qui n’ont rien à voir avec
la théorie générale de John Maynard Keynes (qui date de 1936).
L’Etat ne se contente plus de gérer, il doit harmoniser la politique économique et
sociale.
1.3.3 La renaissance : de la crise des années 30 à la Résistance européenne
A Munich, les démocraties ont abdiqué au prix de la guerre. Le coût a été à la
mesure des enjeux. C’est le problème des libertés. Très vite, avant ou après Munich,
bon nombre d’Européens sont entrés en résistance. C’est de la guerre que va naitre
ou renaitre une nouvelle Europe, le retour aux valeurs européennes oubliées. On a
un exemple en France d’un mouvement qui a fait peu de vague fin des années 20
début des années 30 : les non-conformistes. De jeunes gens, et notamment
beaucoup de catholiques légitimistes qui se questionnent sur le devenir de la
société, cherchent une troisième voie entre le capitalisme et le socialisme. On
retrouve ces hommes soit à Vichy, soit en Résistance. Ils ont dans tous les cas
réfléchi et en 1945 sont à l’origine du mouvement de modernisation de la France.
On trouve ce même type de courant parmi la jeunesse allemande, et une jeunesse
italienne la plupart du temps en exil.
On peut conclure sur le fait que les Européens ont pendant ces trente années subi
l’Histoire plutôt que fait l’Histoire.
Par ailleurs, ils ont aussi tiré les leçons de ces malheureuses expériences (les deux
guerres), ainsi que de l’échec des politiques économiques et sociales adoptées dans tous
les pays européens (déflation, protectionnisme, refus de la régulation).
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