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Question 2 - Expliquez
A - « L'art, alors même qu'il les flatte, le fait pour montrer à l'homme ce qu'il est, pour l'en rendre
conscient ».
Il semble que l'art, d'après Hegel, n'ait pas pour principale vocation de peindre la nature. Ce serait
toujours sa propre image que l'homme rechercherait à travers ses œuvres même quand il prend pour
modèle la nature. Ne sont-ce pas en effet toujours des impressions de tristesse ou de gaieté, de
violence ou de calme qui ressortent par exemple des peintures de paysages ? Mais comment l'art, en
figurant les passions, peut-il contribuer à les surmonter ? D'une certaine façon, comme Hegel le
reconnaît lui-même, cette représentation peut au contraire les « flatter », c’est-à-dire les réveiller, les
cultiver, les légitimer en les anoblissant, en les idéalisant. Peindre la guerre, comme le peintre et
graveur espagnol Goya l'a fait par exemple dans son fameux Dos de mayo (musée du Prado, Madrid),
relatant la révolte des Madrilènes de 1808 contre les troupes d'occupation napoléoniennes, est-ce
surmonter ou solliciter la soif de justice et plus profondément le désir de violence dont tout homme est
porteur ? Le peintre et graveur français Fragonard, dans ses toiles souvent libertines, comme Le
Verrou (musée du Louvre), suscite-t-il ou dépasse-t-il nos inclinations sensuelles ? La réponse
hégélienne est nette : même quand il les « flatte », l'art ne sollicite pas les passions mais au contraire
conduit à les surmonter en les réduisant au statut d'objet d'une prise de conscience. Voir, sur une toile
ou sur une scène, les déchaînements de l'amour ou de la haine ne conduit pas à ressentir à son tour
ces émotions. Il n'y a pas, selon Hegel, de contagion affective par l'art comme entre les hommes,
dans la sympathie, où l'un partage ce que l'autre éprouve. L'art n'assume aucune fonction
«cathartique» (catharsis signifie en grec « purgation »), il ne libère pas des passions en les
provoquant artificiellement et en en déchargeant ainsi l'âme du sujet. Pour Hegel, la figuration de
l'émotion (« dérouler le tableau des passions ») n'émeut pas : elle peut sans doute plaire, toucher,
frapper mais le sentiment ressenti alors est proprement esthétique et n'a rien à voir avec celui qui est
représenté. Le sentiment esthétique témoigne d'une forme de détachement et de distance vis-à-vis
non pas de l’œuvre mais de ce qu'elle représente. La passion dépeinte n'est jamais qu'un thème, un
sujet. En dépit de son mode de présentation sensible, elle devient un objet de jugement, c'est-à-dire
de réflexion, d'interrogation, bref de pensée. L'art fait basculer tout ce qu'il touche du côté du
symbolique, du côté de ce à quoi il renvoie.
B – « les passions perdent leur force, du fait même qu’elles sont devenues objets de représentation ».
L'art n'est pas tant une affaire de sensibilité que de sens. La prise de conscience qu'il suscite n'est
pas d'ordre affectif mais théorique. Le sentiment esthétique n'est ni un affect ni une véritable émotion.