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Philosopher avec des enfants ?
Introduction
Approche pragmatique
J’adopterais volontairement dans cet exposé avant tout une approche pragmatique.
Au lieu de m’interroger disons abstraitement sur la possibilité de la philosophie dès le
plus jeune âge par exemple, je vais essayer de prouver le mouvement en marchant
et vous exposerai l’histoire de l’émergence de pratiques dites « philosophiques »
avec des enfants ou des élèves dès la maternelle mais aussi à l’école, au collège,
avec des élèves en difficultés (SEGPA) et même des IME dans le monde,
particulièrement en France et à Poitiers. Car mes collègues enseignants de
philosophie m’ont souvent fait penser à ces aristotéliciens qui refusaient de regarder
les cratères de la lune dans le télescope de Galilée prétextant que c’était contre-
nature.
Attitude différente par rapport à un tel phénomène : soit on y est indifférent et
on se réfugie dans sa tour d’ivoire soit on s’y penche et on accompagne et on
risque de se salir les mains (le bon mot de Péguy : Kant a les mains pures mais il
n’a pas de mains.
Débat
Et puis, comme un certain nombre de mes collègues du premier et du second degré,
avec qui je collabore, de mes amis du café-philo avec lesquels j’apprécie philosopher
sont ici je propose de réduire l’exposé pour qu’on ait un temps maximum d’échange
entre nous.
I. L’émergence de la philosophie pour enfants dans le
monde.
A. Mathiew Lipman à partir de 1969
LIPMAN (M.), trad. par DECOSTRE N., à l’école de la pensée, DE BOECK, Bruxelles
1995
LIPMAN, Matthew. La découverte d’Harry Stottlemeier, trad. Pierre Bélaval, Vrin,
Paris, 1978, 146 p
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philosophy for children P4C ou philosophie pour les enfants
Dewey. Pragmatisme anglo-saxon.
C’est diffusé dans tout le monde surtout le monde anglo saxon. Cf. les liens du site
www.pratiques-philoosphiques.net/philenf.htm
Pour ce qui nous intéresse
B. Les canadiens à partir du début des années 80
Seulement continuateurs. Marie-France Daniel
- DANIEL (M.F.), La philosophie et les enfants, Éditions. logiques, Montréal, De
Boeck, Bruxelles, 1997.
C. Les belges à partir du milieu des années 80
Continuateurs donc lipmaniens mais ajoutent une spécificité liée à la morale non-
confessionnelle. Jacques Duez. Dilemmes moraux.
II. En France à partir de la moitié des années 90
A. Deux sortes de praticiens et des formateurs
Vers 97-98, deux sortes de praticiens.
1. Des enseignants du premier degré
qui ont pratiqué quasi clandestinement avec leur classe des ateliers de débats
philosophiques, A. Lalanne de Montpelier, P. Sonzogni, J.C. Pettier de Seine Saint
Denis, Agnès Pautard de la région de Lyon, mais aussi Alain Delsol de Narbonne,
Jean-Marc Juret d’Angers, Alain Taurisson de la Creuse, Pascal Chevalier de
Rouen… et
2. des animateurs de café-philo ayant une formation
philosophique universitaire
(O. Brénifier à Paris et moi-même à Poitiers, Michel). A côté de ces praticiens de
terrain, il y a eu
3. Des formateurs de formateurs
M. Bailleul à Caen, E. Auriac-Peyronnet à Clermont-Ferrand et un chercheur en
science de l’éducation animateur de cafés-philo très impliqué dans la didactique de
la philosophie Michel Tozzi à Montpellier.
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B. La philosophie avant la term s’est développée en France
dans un contexte très particulier
1. l’hégémonie des professeurs de philosophie
et de leur influence sur l’enseignement de cette discipline au sein même de
l’éducation nationale. La question qui se posait à eux était celle de la légitimation
disciplinaire. Déjà à partir de 92 et surtout de 95, avec le développement des cafés-
philo un peu partout en France, l’institution de philosophie se recroquevillait sur ses
prérogatives
1
. Légalement, la philosophie n’est pas la médecine, et son exercice ne
peut pas être déclaré illégal, mais on ne parlait plus beaucoup de popularisation.
Ainsi dans un premier temps, l’institution de l’enseignement de la philosophie de par
son action a contribué à marginaliser ces nouvelle pratiques.
Action salutaire il est vrai pour pallier à certaines dérives qui pourraient tenter les
professeurs de philosophie, en particulier des dérives dogmatiques historisantes,
sociologisantes ou psychologisantes mais qui empêchent aussi, c’est le cas avec la
philosophie avant la terminale, toute innovation radicale.
Tous ces innovateurs n’étaient pas égaux devant la légitimité. Un certain nombre
était légitimé par une formation universitaire
2
, Outre les animateurs de cafés-philo,
Michel Tozzi, Oscar Brenifier et moi-même, Anne Lalanne, J.-C. Pettier, Jean-Marc
Juret en ont une. Mais cela n’était pas toutefois suffisant. Même Michel Tozzi n’était
pas si légitime que cela : bien que professeur de philosophie puis professeur de
science de l’éducation, il a été depuis toujours en marge de l’enseignement de la
philosophie à cause de ses positions partisanes en faveur de la didactique de cette
discipline. Oscar Brenifier était en thèse de philosophie mais, ni certifié ni agrégé, il
n’avait pas le label enseignant. Moi-même, ayant une maîtrise de philosophie et
ayant enseigné à l’époque 6 ans, j’étais seulement Maître-auxiliaire et de plus au
chômage. Anne Lalanne avait une Maîtrise de philosophie et Jean-Marc Juret un
DEUG. Seul J.-C. Pettier armé d’un CAPES de philosophie pouvait tirer son épingle
du jeu mais son goût pour la philosophie avec les élèves en difficulté lui enlevait
jusqu’au moindre semblant de respectabilité.
C. Praticiens de terrain et figures légitimantes
Les autres innovateurs semblaient encore plus mal lotis. C’est pourquoi, chacun avec
sa sensibilité et en gardant plus ou moins de distance, s’est tourné vers une figure
légitimante. Agnès Pautard à pris contact et travaillé avec le psychanalyste Jacques
Lévine et utilisé le réseau de Dominique Sénore. Alain Taurisson, Pascal Chevalier,
Marc Bailleul et Emmanuèle. Auriac-Peyronnet, se sont tournés vers les canadiens
lipmaniens, Richard Palascio, Louise Lafortune et Marie-France-Daniel. Jean-Marc
Juret s’est senti investi par Jacques Lévine et a travaillé Lipman, Et Anne Lalanne et
surtout Alain Delsol se sont fait légitimer par Michel Tozzi. Si bien que nous sommes
en présence d’un cas exemplaire d’émergence et de diffusion d’une innovation.
D’abord des praticiens de terrain sans légitimité qui ont ensuite trouvé des figures
légitimantes, ce qui a conduit à une diffusion accélérée par les échanges par
internet.
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2
Il faudrait arriver à évaluer la relation entre le degré de légitimation et le fait que les instituteurs sont devenus
des professeurs des écoles niveau licence et que certains ont fait des études de philosophie.
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Il y a eu de nombreuses autres légitimations croisés entre ces innovateurs premiers,
cela reste à découvrir au fil de la lecture des articles. Et la plupart a initié d’autres
praticiens. Par exemple, Agnès Pautard, Jacques Lévine et Dominique nore ont
initié Corinne Famelart et Rémi Castérès, Marc Bailleul à initié Gilles Geneviève,
Alain trouvé. Et, plus on est praticien impliqué, moins on initie en donnant le goût à
d’autres. C’est le moins praticien de tous, Michel Tozzi qui a permis de développer
ces pratiques et qui a légitimé un grand nombre de commencements.
D. La diffusion parmi les profs de philo
Très rapidement après ces premiers pionniers innovateurs, les professeurs de
philosophie, particulièrement ceux d’IUFM, ont investi ce champ de pratique étant
investis par Michel Tozzi ou par les informations qu’ils avaient pu avoir, connaissant
les méthodes lipman et lévine, ils ont fabriqué leur propre méthode inspirée par leur
formation universitaire et leur concours de professeur de philosophie.
François Galichet - Edwige Chirouter - Nadia Lamm
III. Histoire des interventions dans les environs de Poitiers
A. Philosophie avant la term et cafés-philo
1. Organiser des interventions de philosophie à l’école et au
collège a été dans la continuité des animations de cafés-philo.
3
Dans un cas comme dans l’autre l’objectif était de faire entrer la philosophie dans
des lieux où elle n’est pas encore présente et de permettre de philosopher à ceux qui
ne philosophent pas encore ou qui ne pourront pas philosopher du tout…
Il s’agissait aussi d’avoir des arguments dans la polémique qui m’opposait à l’époque
à mes collègues profs de philo : j’étais MA de philo au chômage et je trouvais que
l’extension de la philosophie avant la terminale était une solution pour
2. Donner du travail aux profs qui n’en avaient pas
3. Tous philosophes.
A partir de 1994, ayant eu connaissance des interventions annuelles de Marc Sautet
4
au collège de Latillé (petit village à 25 km de Poitiers) durant les journées
3
Pour des informations à ce sujet voir le site de l’Association Philosophie Par Tous http://www.philopartous.org et
de Café-PhiloWeb http://www.cafephiloweb.net . On pourra se référer en outre aux articles suivants :
- Fait-on de la philosophie dans les cafés-philo ? par Jean-François Chazerans, Article paru dans
Diotime/L’Agora, n°3 janvier 1999, http://www.ac-montpellier.fr/ressources/agora/ag03_039.htm
- Tout le monde peut-il philosopher ? par Jean-François Chazerans et Jean-Pierre Seulin Article paru dans
Comprendre le phénomène café-philo - Les raisons d'un succès mondial en 30 questions. Ouvrage collectif sous
la direction de Yannis Youlountas, La Gouttière, 2002, http://pratiquesphilo.free.fr/contribu/contrib25.htm
- Philosophe-t-on vraiment au café-philo ? par Jean-François Chazerans et Jean-Pierre Seulin Article paru dans
Comprendre le phénomène café-philo - Les raisons d'un succès mondial en 30 questions. Ouvrage collectif sous
la direction de Yannis Youlountas, La Gouttière, 2002, http://pratiquesphilo.free.fr/contribu/contrib24.htm
- A quoi peut bien servir un animateur dans un café-philo ? par Jean-François Chazerans et Jean-Pierre Seulin
Article à paraître dans Diotime /L’Agora, http://www.cafephiloweb.net/cpwt/contrib/chazseu3.htm
4
Professeur de philosophie qui a créé le premier café-philo au café des Phares place de la Bastille à Paris,
auteur d’ Un café pour Socrate, Laffont, 1995.
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philosophiques de Vouillé, et ayant organisé celle de Guy Samama
5
en 1996, il m’est
apparu que l’enseignement de la philosophie pourrait être possible bien avant la
terminale. J’avais lu les articles du GREPh
6
et des Cahiers Pédagogiques
7
et
quelques articles dans la presse, en particulier sur la philosophie à l’école maternelle
au Québec. Je portais donc un œil intéressé sur les controverses sur l’âge du
commencement et sur la maturité. L’enjeu n’était-il pas de taille : ou bien
seulement certains sont capables de philosopher et cela à partir d’un certain
âge (18 ans) ou bien philosopher est (ou devrait être) une activité de tous : les
très jeunes comme ceux qui n’ont pas suivi d’études ?
B. Le club-philo du début
Dès 1996, suite à mes activités dans les cafés-philo, j’ai effectué quelques
interventions sous forme de débats dans des lycées professionnels et des classes de
seconde et de première des lycées d’enseignement technique et général. Mais les
choses ont vraiment commencé en 1997. J’étais maître auxiliaire de philosophie et il
m’a été proposé par le rectorat un poste de réemploi au collège de Latillé. M.
Fleurisson, le Principal, m’a proposé d’être son adjoint. Je montais, entre autre, les
dossiers et j’en ai profité pour proposer un « club philo » sous forme d’atelier de
pratique artistique, pour les et 3°. Le dossier a été accepté par les services de la
MAAC (Mission Académique à l’Action Culturelle) et j’étais payé à la vacation. A
partir de septembre suivant, à raison d’une séance d’une heure par semaine, j’ai
animé avec une collègue de français Elisabeth Ballaguy, ce club-philo sur le modèle
du café-philo
8
.
C. La philosophie en SEGPA
Mi-octobre 1997, j’ai été contacté par Pablo Carrion de la Fondation93
9
de Seine-
Saint-Denis. Il m’avait trouvé par internet et il essayait d’étendre en province des
interventions de philosophie au collège, particulièrement en classe de SEGPA
(Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté). Avec Alain Beretesky, il
partait du principe que, « face à des élèves en difficulté, les opérations culturelles
proposées devaient être les plus ambitieuses possibles ». Ce projet consistait à faire
intervenir des philosophes, en général quatre heures, dans des classes de SEGPA
10
,
ce qui provoquait un certain bouillonnement qui devait déboucher sur la production
d’une œuvre artistique créée dans ou à partir d’un carré en bois de 3 mètres sur 3. Il
cherchait deux classes. J’ai de suite accepté et lui ai communiqué les établissements
5
A l’époque assistant de François Jullien, président du Collège International de Philosophie.
6
Sylviane Agacinski, « Ces éducations prématurées qui font tant de bruit » ; Jacques Derrida, « l’âge de Hegel » ;
Roland Brunet, « Margarita Philosophica » et « Platon en sixième » et Bernadette Gromer et Jean-Luc Nancy,
« Philosophie en cinquième », in GREPh, Qui a peur de la philosophie ? Garnier Flammarion, 1977.
7
Roland Brunet, « Enseignement philosophique en sixième », Les Cahiers Pédagogiques, n°159, décembre
1977.
8
Voir Jean-François Chazerans, Un club philo au collège de Latillé, www.pratiques-
philosophiques.net/contribu/contrib01.htm.
9
www.fondation93.org
10
Voir par exemple « un agrégé de philo en SEGPA » par Jean-Pierre Zarader Diotime / L'Agora, n°9, mai 2001.
http://www.ac-montpellier.fr/ressources/agora/ag_f_09.htm
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