La croissance chinoise va également buter rapidement sur des limites énergétiques et écologiques très
difficiles à dépasser. Le modèle chinois est particulièrement énergivore: d'une moyenne de 4% par an entre
1980 et 2000, l'augmentation de la consommation d'énergie est passée à plus de 10% par an depuis 2001. La
Chine est devenue le deuxième consommateur mondial d'énergie après les Etats-Unis, le premier
consommateur de charbon et le deuxième importateur de pétrole. Et le pays est de plus en plus dépendant de
ses importations pour soutenir sa croissance. Or, l'offre énergétique mondiale a de plus en plus de mal à
suivre la demande chinoise. De plus, les infrastructures ne suivent pas en interne. Les coupures d'électricité,
devenues chroniques depuis 2000, rappellent les fragilités de la promesse de "société de petite prospérité",
lancée par le Parti communiste pour souder la population et justifier les sacrifices. Sans compter les
pollutions colossales qui résultent de cette hausse des consommations, notamment du fait de l'usage encore
très dominant du charbon.
François Lantz, Alternatives Economiques - n°245 - Mars 2006
doc10 De plus en plus de pollution en Chine
Les risques écologiques majeurs se multiplient. La cause : la nature de la croissance économique.
« Ce mode de croissance entraîne inéluctablement de graves dommages environnementaux. Le tiers de nos
sols est souillé par des pluies acides ; 41 % des sept grands fleuves chinois souffrent d’une pollution de
niveau 5 ; un quart de la population boit et utilise une eau non potable ; cinq des villes les plus polluées au
monde se trouvent en Chine… Aussi, si nous ne mettons pas un frein à la pollution liée au développement en
restructurant l’industrie en promouvant une économie de recyclage et les énergies nouvelles, il est à craindre
que la pollution atteigne un niveau irréparable. » Ce bilan terrible ne vient nullement d’ONG de défense de
l’environnement occidentale. Il est dressé par les Chinois eux-mêmes. En l’occurrence, Pan Yue vice-
ministre de l’Environnement, qui dans une récente interview publiée par un journal chinois a dressé un
véritable réquisitoire sur « le modèle de croissance entraînant inéluctablement de graves dommages
environnementaux ». Ils sont de plus en plus nombreux en Chine à s’alarmer des conséquences écologiques
d’une industrialisation fulgurante et non contrôlée sur le plan écologique.
Plus de 400 000 personnes meurent prématurément chaque année en Chine en raison de la pollution de l’air,
affirmait encore la semaine dernière un expert d’un centre de recherches gouvernemental. « C’est un chiffre
prudent. Le vrai chiffre pourrait être plus élevé », affirmait Wang Jin Nan, ingénieur en chef de l’Académie
chinoise de planification environnementale, qui dépend de l’Agence de protection de l’environnement. Ce
bilan est tiré d’un rapport réalisé en 2003 par l’académie qui n’a cependant jamais été publié en raison des
réticences des autorités, en particulier au niveau local, à voir leur image ternie. Selon le document, 300 000
personnes sont mortes en raison de la pollution extérieure et 110 000 en raison de la pollution à l’intérieur
des habitations, a expliqué Wang Jin An, qui s’exprimait en marge d’une conférence internationale sur la
pollution de l’air organisée à Pékin par l’Agence chinoise de protection de l’environnement, son équivalent
américain, la Commission européenne et le ministère italien de l’Environnement. Pour le chercheur chinois,
les centrales électriques au charbon sont la cause principale de la pollution de l’air, avec les usines et le
nombre croissant d’automobiles. Lête de l’académie révèle également qu’un tiers des habitants des villes
vivent dans un environnement avec une pollution de niveau 2, voire supérieure. Les villes les plus affectées
sont situées dans le nord et l’ouest. Celles qui sont entourées de montagnes, comme la capitale Pékin, sont
également particulièrement touchées par le phénomène. Mais, selon le vice-ministre de la Construction, Qiu
Baoxing, l’eau est le principal défi posé à la Chine qui affronte « une crise plus grave et plus urgente que
n’importe quel pays au monde ». Non seulement le nord du pays manque d’eau, mais cinq des sept grands
fleuves de Chine sont pollués et le réseau de distribution est en mauvais état avec des fuites représentant plus
de 20 %. Le fleuve Jaune dépérit et le Yangzi Jiang, troisième grand fleuve du monde, « pourrait devenir une
rigole puante d’ici dix ans », selon Chen Bangzhu, directeur de la commission de la population, des
ressources énergétiques et de l’environnement, si l’on n’accorde pas une attention particulière à la pollution.
« Certaines entreprises considèrent le Yangzi Jiang comme le canal de drainage des ordures », dénonce Chen
Bangzu, Ce qui est aussi le cas de la rivière des Perles, dans le Guangdong, saccagée par des usines vétustes
qui crachent de la fumée noire et rejettent leurs eaux usées dans les nombreux affluents qui se déversent dans
le delta.
Ces dernières années, le gouvernement a fait fermer plus de 84 000 petites entreprises gravement polluantes
mais les décisions de Pékin se heurtent aux différentes autorités locales rétives à de telles mesures pouvant
entraîner des troubles sociaux à la suite des pertes d’emplois. Lancés dans la course à la compétitivité, les
entrepreneurs ne se sentent guère la fibre écologique.
D.B., L'Humanité, 26 novembre 2005