Introduction
L’entreprise vit et meurt. Sa constitution comme sa disparition nécessite la
compréhension de sa nature. En effet, pendant longtemps l’entreprise était qualifiée de
«boîte noire». Les décisions prises en son sein étaient considérées comme prises par un
sujet unique ou un groupe unanime
. Depuis l’article célèbre de Coase, «The Nature of
the Firm», Coase [1937]) et à la suite des travaux d’Alchian et Demsetz [1972], on s’est
rendu compte de l’intérêt à traiter l’entreprise comme un contrat qui a pour but de faire
respecter les clauses contractuelles afin de procéder à une allocation des ressources et à
une coordination des décisions individuelles plus efficaces
.
Les économistes, Meckling et Jensen [1976] considèrent que ce contrat est un
lieu de coordination, de spécialisation des tâches. Il est également un lieu de séparation
de la propriété et du contrôle
, où les dirigeants non propriétaires exercent un pouvoir
de décision économique par délégation des propriétaires dont le but de maximiser les
gains à l’échange.
Cette coordination peut confronter des intérêts divergents qui ne vont pas
toujours agir au mieux des intérêts de l’entreprise. Ainsi, par exemple, lorsque les
dirigeants et les actionnaires sont des maximisateurs rationnels d’utilité, les dirigeants
ne vont pas agir dans l’intérêt de leurs mandants. Ceux-ci peuvent limiter les
divergences par rapport à leurs intérêts en investissant dans des coûts de prospection et
des coûts de contrôle des comportements des dirigeants (appelé coûts d’agence). Cet
investissement peut être coûteux.
Lorsque les gains de cette interaction sont supérieurs aux gains produits
séparément et aux coûts d’agence, ils continuent cette coopération. En revanche, lorsque
les gains résultant de cette interaction sont inférieurs aux coûts d’agence, les membres
de l’entreprise peuvent déclencher la dissolution de l’entreprise ou sa faillite.
Les gains au sein de l’entreprise peuvent provenir de la spécialisation des
activités, du rôle que joue la séparation de la propriété dans le contrôle de l’entreprise et
ALCHIAN A. A. et WOODWARD S. [1988], «The Firm Is Dead ; Long Live the Firm. A Review of
Oliver E. Williamson's The Economic Institutions of Capitalism», Journal of Economic Literature, vol.
26, n°1, Mars, pp 65-81 ; voir également COBBAUT R. [1994], «Théorie Financière», 3è Ed.,
Economica, pp 310.
COASE R. [1937], «The nature of the firm», Economica ; ALCHIAN A. A. et DEMSETZ H. [1972],
«Production, Information Costs, and Economic Organization», The American Economic Review, vol. 62,
pp 777-795 ; à cette conception s’oppose l’approche qui considère l’entreprise plus comme une institution
qu’un contrat. Voir GUYON Y. [1992], «Droit des affaires, Droit commercial général et sociétés», 7è
Edition, Economica, tome 1, pp 91.
La relation contractuelle dans laquelle une ou plusieurs personnes (les mandants) engagent une ou
plusieurs autres personnes (les mandataires) en vue de bénéficier pour leur compte d’une ou plusieurs
activités, dont l’exercice implique nécessairement qu’on leur délègue un pouvoir de décision. JENSEN
M. C. et MECKLING W. [1976], «Theory of the Firm : Managerial Behavior, Agency Costs and
Ownership Structure», Journal of Financial Economics, vol. 3, pp 305-360. Pour une revue de littérature
des différentes définitions d’entreprise, le lecteur peut se référer au livre de TIROLE J. [1993], «Théorie
de l’organisation industrielle», Tome I, Ed. Economica, pp. 31-123.