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Le IVe siècle
La résurrection d’Athènes
Athènes survit à sa défaite. La démocratie rétablie en 403, la constitution est restaurée dans une atmosphère
d’union nationale.
Les dissensions nées entre les vainqueurs permettent à Athènes de reconquérir assez vite quelque puissance
et de reconstruire ses murailles sous l’impulsion de Conon. Cependant Sparte s’entend honteusement avec le Grand
Roi et impose son hégémonie à la Grèce entière.
Athènes joue un jeu habile. Les cités insulaires, terrorisées par la reconquête de l’Asie Mineure par la Perse,
forment une nouvelle confédération sous son autorité. De strictes précautions sont prises pour empêcher le
renouvellement des erreurs du siècle passé: les cités restent autonomes et versent une contribution, non un tribut.
Des victoires navales d’Athènes sur Sparte multiplient les adhésions. Par deux fois, Sparte reconnaît à Athènes la
possession de son empire maritime (374 et 371).
Cette restauration est de courte durée. Malgré la prudence d’Athènes, les alliés s’inquiètent. En 357, ils se
révoltent à la suite du refus de Chios de verser sa contribution. Le nouveau roi de Perse, Artaxerxès III Ochos,
lance un ultimatum à Athènes qui doit admettre l’indépendance des cités révoltées. C’en est fait de son empire.
Athènes et la Macédoine
C’est donc isolée qu’Athènes doit bientôt affronter une nouvelle crise d’une extrême gravité, née des
ambitions du nouveau roi de Macédoine, Philippe II. Or, Athènes s’endort dans la prospérité que lui vaut le
gouvernement d’Eubule, un honnête homme qui rétablit les finances et dont la politique pacifiste satisfait aussi bien
les riches que les pauvres. Philippe, lui, s’empare des dernières possessions athéniennes dans le Nord, Méthoné,
puis Olynthe qu’il rase de fond en comble. Le situation est si grave que Démosthène lui-même, le plus ardent des
partisans de la résistance à outrance, est d’accord avec Eubule pour faire la paix: c’est la paix de Philocratès
conclue en 346 sur la base du statu quo.
Démosthène ne considère la paix que comme une trêve. Ferme défenseur des traditions d’Athènes et de la
Grèce, il réclame le dévouement de chaque citoyen aux intérêts de la cité et l’union des Grecs pour la sauvegarde
de l’indépendance des cités: politique beaucoup plus hardie qu’on n’a voulu le dire, puisqu’il comprend que le
temps de l’hégémonie athénienne est révolu et qu’Athènes doit s’assurer le libre concours des autres villes. Habile
à convaincre par son éloquence passionnée et lucide, il force les Athéniens à réorganiser leur marine et à consentir
les sacrifices financiers nécessaires et arrive à grouper une partie de la Grèce contre la Macédoine. Il mérite bien la
couronne d’or que lui votent ses concitoyens.
Philippe continue ses coups de force et ose notamment intercepter sur les Détroits un convoi de
ravitaillement de cent quatre-vingts vaisseaux athéniens. Athènes, lassée de sa propre patience, lui déclare la
guerre. Elle remporte d’abord des succès, mais Philippe marche hardiment vers le sud. Démosthène arrache aux
Thébains leur alliance. Dans les vallons de Chéronée se livre la bataille décisive: Philippe est victorieux des
coalisés.
Philippe se montre assez généreux avec Athènes qui conserve son autonomie. Mais elle doit entrer dans la
ligue de Corinthe qui groupe toutes les cités grecques sous l’autorité de Philippe.
La crise de la cité
La défaite de 404 a entraîné de redoutables conséquences, malgl’apparente restauration. La campagne,
dévastée, ne retrouve pas son assise. Beaucoup de paysans n’ont pas le courage de remettre en culture leurs
champs; ils les vendent et s’installent à la ville. Des riches constituent ainsi de grandes propriétés en rachetant les
terres, ce qui se révèle une excellente affaire, au témoignage de l’Économique de Xénophon, un dialogue fictif
entre Socrate et Ischomachos où se trouve fixée une peinture idéalisée de la vie rurale.
À la ville la situation a moins changé. Le peuple vit toujours de l’État-providence qui continue une politique
de grands travaux et distribue des misthoi (on a même institué en 400 un jeton de présence à l’ecclésia, ce qui
permet de mesurer la chute brutale du sens civique). Pendant un temps la seconde confédération accroît la
prospérité du démos.
Les ateliers du Céramique continuent leur production et le commerce paraît florissant. Les vases attiques du
IVe siècle sont si nombreux sur les bords du détroit de Kertsch qu’on les a baptisés «vases de Kertsch». Les vrais
riches, qui tirent de gros profits de l’artisanat et du négoce, restent les métèques, mais fait nouveau ils trouvent
aussi des émules chez d’anciens esclaves, dont certains, tels Pasion et Phormion, se rendent indispensables au point
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de se voir donner le droit de cité.
Pourtant une observation attentive montre que les marchés d’Athènes se rétrécissent progressivement au
cours du siècle, du fait du développement industriel des vieilles terres coloniales qui renoncent à faire venir
d’Athènes ce qu’elles peuvent produire elles-mêmes. En Italie méridionale, par exemple, est apparue, à la fin du
Ve siècle, une céramique imitée non sans charme de celle d’Athènes, qui supplante les vases attiques. Partout
ailleurs, en Scythie, en Thrace, dans l’Empire perse les importations d’Athènes se raréfient, tandis que les besoins
en vivres de la cité restent constants. Un déséquilibre foncier tend ainsi à s’instaurer, prémices d’une crise
économique grave qui ne laisse pas de faire sentir ses effets pernicieux sur le plan social.
L’Athènes péricléenne n’est plus: plus d’équilibre entre la campagne et la ville, plus de commerce aux
innombrables débouchés, plus de peuple roi. L’équilibre social est rompu: plus de classe moyenne, mais des riches
très riches dont l’opulence est rognée par les liturgies et par l’eisphora (e‘isfor´a, impôt sur le capital) et des
pauvres très pauvres, qu’il s’agisse des paysans, dont Aristophane trace un sinistre portrait dans ses deux dernières
comédies, ou du prolétariat urbain. On ne peut s’étonner de voir éclater la cité: les citoyens n’ont plus les mêmes
intérêts, n’ont plus les mêmes visées. Il n’y a plus d’unité nationale, sauf dans le bref intermède de l’ultime lutte
contre Philippe II. Ces lendemains d’un grand siècle ne sont pas sans mélancolie...
La crise des consciences
Les aspirations religieuses que nous avons notées dans le dernier tiers du Ve siècle se font sentir avec plus de
violence. En 404, c’est comme si Athéna avait trahi sa ville bien-aimée. Le peuple a besoin de dieux plus présents
et il les trouve d’abord dans des divinités helléniques, Dionysos qui s’introduit jusque dans les mystères d’Éleusis,
Asclépios pour qui l’on construit un nouveau sanctuaire, Aphrodite qui apparaît si souvent au flanc des vases.
Mais ils ne suffisent pas eux non plus et les dieux étrangers continuent à conquérir Athènes: la Thrace
Bendis, l’Anatolien Sabazios en l’honneur de qui se déroulent de ridicules pratiques –, l’Égyptienne Isis, la
Phénicienne Astarté s’installent à Athènes ou au Pirée. L’astrologie séduit les âmes inquiètes, doublée de la
croyance dans la divinité des astres dont on trouve la trace jusque dans la dernière œuvre de Platon. La superstition
fait d’étonnants progrès.
C’est tout un mysticisme jusqu’ici inconnu qui s’exprime naturellement dans des mystères, comme ceux de
Sabazios dont Démosthène a laissé la piquante description. Les fidèles de ces nouveaux dieux se sentent proches
les uns des autres et se réunissent dans des associations cultuelles (thiases) où s’exalte le sentiment de fraternité.
L’Académie et le Lycée
Ce même mysticisme s’exprime dans la pensée du plus important des philosophes du siècle, l’Athénien
Platon. Disciple de Socrate, maître à son tour dans cette Académie qu’il a ouverte aux portes d’Athènes , il
élabore une œuvre monumentale qu’il ne cesse d’enrichir jusqu’à sa mort. Ontologie, eschatologie, morale,
politique, aucun domaine ne lui reste étranger. Partout s’affirme le même enthousiasme pour un monde idéal sur
lequel il convient aux cités comme aux individus de se modeler. Une doctrine aussi austère, et qui fait bien peu de
concessions à l’humaine nature, trouve l’expression la plus délicate et la plus appropriée: dialogues où l’adversaire
est peu à peu enfermé dans ses propres contradictions mais où transparaît aussi tout le charme de la conversation
attique , grands mythes qui, devant la carence de la seule raison, donnent accès aux réalités transcendantes.
Disciple de Platon, Aristote n’est pas un mathématicien comme son maître, mais un naturaliste, soucieux
d’une observation minutieuse et qui a laissé de remarquables traités de sciences naturelles. Mais cet esprit universel
ne néglige aucune des disciplines: il donne leurs lois à la poésie comme à la cité, il fonde une nouvelle philosophie
première et préfère le juste milieu à l’ascétisme platonicien. Ce Stagirite exerce une influence profonde à Athènes
il s’est installé après avoir été le précepteur d’Alexandre et où il a fondé une école promise à un long avenir, le
Lycée.
Une littérature engagée
Athènes reste donc le foyer le plus ardent de la vie de l’esprit, ce qui apparaît aussi dans sa riche littérature.
La tragédie se meurt, mais on voit apparaître une nouvelle forme dramatique, la «comédie moyenne» avec une
intrigue solide et des personnages mieux étudiés.
La littérature est tout entière orientée vers l’action. L’éloquence devient le genre primordial: éloquence
judiciaire des logographes, ces «faiseurs de discours» qui vendent leurs plaidoyers, éloquence d’apparat avec
Isocrate, éloquence politique avec Démosthène. Isocrate s’illustre dans des discours fictifs où il cherche à définir la
politique qui conviendrait le mieux à une Grèce déchirée: d’abord partisan de l’hégémonie athénienne, il en voit
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vite les impossibilités et s’oriente vers le panhellénisme, proposant même aux Grecs de trouver dans le roi de
Macédoine leur guide contre le Barbare perse. C’est au contraire contre Philippe que Démosthène bande ses
énergies, tonne, rugit et supplie: ses harangues restent le modèle de ce que pouvait encore dans une grande âme
l’idéal de la liberté.
Xénophon, un brillant polygraphe, s’intéresse à l’histoire, à l’économie rurale, à la politique, au cheval. Cet
Athénien est d’abord un homme d’action, mais ses idées aristocratiques et sa sympathie pour Sparte l’obligent à
vivre longtemps en exil. Il témoigne, comme d’ailleurs Platon, Isocrate et Aristote, d’une méfiance nouvelle contre
les excès de la démocratie.
L’art : un second classicisme
Si Athènes construit peu (nouveau temple d’Asclépios, petits sanctuaires sur l’Agora), elle est la patrie du
plus glorieux des sculpteurs du siècle, Praxitèle: chantre de la grâce adolescente, maître incontesté du sfumato qui
lie les traits du visage dans une souple unité, mais aussi créateur d’un nouveau mysticisme, dans la tradition de
Socrate et de Platon, qui élève le monde de l’âme bien au-dessus de la réalité tangible. Deux Athéniens, Bryaxis et
Léocharès, collaborent à la décoration du mausolée d’Halicarnasse, le monument le plus caractéristique de
l’époque.
Athènes participe également au renouveau de la grande peinture et possède une école qui s’attache à
représenter les émotions de l’âme. Quant à la céramique, elle est d’abord en net déclin, conséquence sans doute de
la récession économique. Puis on assiste, à partir de 370 à une renaissance.
Athènes hellénistique et romaine
Depuis Chéronée, Athènes est en fait soumise au Macédonien. La mort d’Alexandre y fait naître un immense
espoir de liberté. Elle se révolte contre Antipatros, lieutenant que le roi avait désigné pour l’Europe: c’est la guerre
lamiaque qui finit par l’écrasement d’Athènes (322). Elle perd ses dernières clérouquies (klcrouhi´ai, colonies
militaires) et doit accepter une garnison. Démosthène s’empoisonne dans le sanctuaire de Calaurie.
Athènes hellénistique
Désormais Athènes est la proie des convoitises des diadoques et elle endure de pénibles humiliations; ainsi
lorsque Démétrios Poliorcète ose loger ses femmes dans le Parthénon. Les rois de Macédoine appesantissent
généralement sur elle leur hégémonie et y installent des troupes. Mais elle tente plusieurs fois de se révolter et subit
des sièges très durs. Unie à Sparte et à Ptolémée Philadelphe, elle lutte notamment contre Antigone Gonatas, fils de
Démétrios (guerre de Chrémonidès), mais elle est réduite en 262 et reçoit une garnison dont elle ne se libère qu’en
228. Les institutions démocratiques ne subsistent qu’en apparence. La plupart des misthoi ont disparu. Le pouvoir
est entre les mains de l’Aréopage et du plus important des stratèges, le stratège des hoplites. Les riches dominent la
cité où le peuple n’est plus le maître. Ils mènent une politique prudente, cherchent surtout à contrebalancer
l’influence macédonienne en entretenant de bonnes relations avec les Lagides et avec les Attalides qui comblent
Athènes de faveurs et y élèvent de nouvelles constructions (portiques de l’Agora et du versant sud de l’Acropole,
reprise des travaux de l’Olympieion).
L’éphébie (service militaire obligatoire) est complètement réformée à la fin du IIIe siècle: elle devient
facultative et est en fait réservée désormais aux fils de famille qui reçoivent ainsi une éducation militaire, mais tout
autant rhétorique et philosophique. À partir de 130, de nombreux étrangers en provenance surtout d’Asie Mineure
et de Syrie s’y font admettre, afin de parfaire leur formation et peut-être d’acheter plus aisément par la suite le
droit de cité à Athènes.
Mais l’activité économique a singulièrement diminué depuis qu’Athènes a perdu ses dernières clérouquies et
que le centre de gravité du monde grec s’est déplacé vers les métropoles de l’Orient soumis par Alexandre. Le
Pirée n’est plus le nœud d’un réseau commercial à l’échelle de la Méditerranée. À partir de 250, les ateliers du
Céramique inaugurent bien une production nouvelle et qui devient vite très abondante: des vases à décor en relief,
imités des vases métalliques. Mais cette fabrication est bientôt copiée dans de nombreuses villes de la Méditerranée
orientale et Athènes ne peut garder la primauté qu’elle avait eue avec sa poterie à figure noire, puis rouge.
Même dans le domaine de l’esprit, Athènes est déchue. C’est ailleurs qu’éclosent les nouveaux genres
littéraires et seule la comédie reste vivante avec Ménandre, créateur de la «comédie nouvelle», qui analyse les
mœurs et moralise sans trivialité. C’est ailleurs aussi que la sculpture innove, tandis que les ateliers d’Athènes
s’attardent dans l’académisme. Néanmoins Athènes reste le centre le plus vivant de l’activité philosophique. À la
fin du IVe siècle, on y voit apparaître deux doctrines qui cherchent également la paix de l’âme, bien précieux en
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une époque si troublée, en suivant un itinéraire qui débute par une vue scientifique de l’univers. Épicure, un
Athénien, fonde sur l’atomisme une sagesse hautaine visant à annihiler les deux craintes qui épouvantent l’âme,
celle des dieux et celle de la mort. Un Sémite hellénisé originaire de Chypre, Zénon, crée le stoïcisme,
définitivement constitué avec ses successeurs, Cléanthe et Chrysippe, et qui invite l’homme à «vivre conformément
à sa nature» et à se plier à l’ordre universel.
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