Histoire des relations internationales D/ Une paix fragile (1919

Histoire des relations internationales
D/ Une paix fragile (1919-1920)
La paix de Versailles est bancale, faisant des erreurs multiples dont certaines ne sont pas encore effacées. Négocié
sur la base des 14 points du président Wilson, le traité semblait bien engagé, mais a finalement débouché sur des
conclusions insatisfaisantes. La sécurité collective qu'il était censé garantir n'a jamais été en application. Cette paix
produit aussi des États invivables, où les nationalités sont mélangées (cas tchécoslovaque et yougoslave).
Les États-Unis, par la voix de Wilson, s'affirment comme la première puissance mondiale. Les 14 points de Wilson
impliquent des clauses telles que la liberté de navigation ou la fin des accords secrets. Les Etats-Unis, grâce à leurs
ventes réalisées durant le conflit et réglées en or, en détiennent la moitié du stock planétaire, d'où le troisième point
concernant la fin des barrières économiques (qui peut être vu comme un précurseur du système de Bretton Woods).
Le quatrième point évoque la limitation des armements à un usage défensif. Le cinquième point, concernant la
colonisation, reste flou: Wilson ne souhaite pas aller trop avant afin de ne pas fâcher les Français et les Britanniques.
Les sixième, septième et huitième points sont relatifs à l'Europe et réclament l'évacuation de la Russie, l'affirmation
de la souveraineté belge et la restitution de l'Alsace-Moselle à la France. Le point 14, en appelant à la création d'une
Société des Nations chargée de l'arbitrage des conflits, est novateur.
1.Vae victis
L'Allemagne est considérée, aux termes de l'armistice de Rethondes, comme le vaincu de la guerre, alors qu'elle n'a
pas été (encore) envahie. Elle n'est pas conviée à Versailles, ses représentants étant confinés à un modeste hôtel
parisien.
Le traité de Versailles la désigne comme responsable de la guerre. Elle n'a aucun mot à dire lors des négociations et
ses envoyés se voient infliger un défilé de blessés de guerre avant d'être contraints de signer le traité le 28 juin 1919.
L'Union soviétique n'est pas conviée aux négociations, en mal de reconnaissance internationale et plongée dans la
guerre civile. Les 4 principaux alliés (France, Royaume-Uni, Etats-Unis, Italie) règlent l'essentiel des négociations.
Orlando, Premier ministre italien, est déçu des promesses très partiellement tenues suite à ses engagements de 1915,
puisque le littoral oriental de l'Adriatique est largement concédé à la Yougoslavie, l'Italie n'obtenant que Trieste et le
Tyrol. L'article 88, interdisant une union austro-allemande, le convainc finalement de signer. Le Premier ministre
britannique, Lloyd George, craignant une France hégémonique en Europe continentale (alors qu'elle est exsangue),
tente de modérer ses revendications, d'où des accrochages fréquents avec le Président du Conseil Clemenceau.
Wilson s'échine à maintenir la cohésion des Alliés, ce qui est finalement réussi sans trop de peine. Le traité satisfait
dans l'ensemble les revendications françaises, tandis que l'Allemagne est châtiée.
L'Allemagne est contrainte de rendre l'Alsace-Moselle à la France, de céder Eupen et Malmédy à la Belgique et de
concéder l'administration internationale de la Sarre à l'Ouest. La France reçoit l'exploitation du charbon sarrois pour
15 ans à titre de dédommagement. A l'Est, l'Allemagne cède la Posnanie et la Pomérélie à la Pologne recréée.
Dantzig, port sur la Baltique majoritairement allemand, est soumis à un statut spécial. La ville est internationalisée et
un « corridor » est concédé à la Pologne pour relier Dantzig au reste du pays.
Militairement, l'Allemagne est brisée. Son armée est réduite à 100 000 hommes, sans chars, ni avions, ni artillerie
lourde, ni sous-marins, ni bâtiments de 10 000 tonnes ou davantage. La Hochseeflotte, remise aux Britanniques, est
acheminée dans le Scapa Flow, où elle se saborde dans un ultime moment d'héroïsme.
La rive gauche du Rhin est démilitarisée et doit subir une occupation franco-belge. Elle sera évacuée au fur et à
mesure que les dommages de guerre seront versés. Il est de surcroît interdit à l'Allemagne d'édifier des fortifications
à moins de 50 kilomètres à l'Est du Rhin. A l'étranger, ses collèges et hôpitaux sont fermés. La France récupèrera
l'université allemande de Beyrouth par la suite.
La question des réparations ressurgit rapidement. Des trains allemands sont saisis, comme les navires qui passent
sous la main des Alliés. Il reste à verser les réparations en deutschemarks, sur quoi Paris se montre intransigeant car
les fonds lui manquent pour reconstruire les régions dévastées et verser les pensions aux anciens combattants (dont le
ministère nouvellement créé est devenu le premier poste budgétaire de l'État). La conférence de Spa, en juillet 1920,
fait admettre le principe que la France touchera 52% des dommages de guerre, dont le montant est fixé le 5 mai 1921
(conférence de Londres) à 132 milliards de marks-or. L'hyper-inflation qui frappe l'Allemagne des années 1920 met
le pays hors d'état de payer. Le 12 juillet 1922, Berlin demande un moratoire sur le paiement que Paris refuse. Il
s'ensuit le 11 janvier 1923 l'occupation militaire de la Ruhr. Cela ajoute à la confusion en Allemagne, l'extrême-
droite et les milieux nationalistes développent des thèses antisémites et opposées aux socialistes, gênant la
République de Weimar naissante.
La France, redevenue « suspecte » aux yeux du Royaume-Uni, a du mal à en obtenir toutes les garanties qu'elle
recherche pour éviter une revanche allemande qui n'est pas à exclure. Elle souhaite en parallèle humilier l'Allemagne
pour la rendre inoffensive, ce à quoi les Anglo-saxons renâclent car cela risquerait de donner du grain à moudre aux
nationalistes. Wilson estime ainsi « [qu']'il ne faudrait pas donner à l'Allemagne l'occasion de prendre sa revanche. ».
En 1920, le républicain Warren Harding, élu président des États-Unis sur une ligne isolationniste, prend ses distances
avec l'Europe et ne prête qu'un intérêt limité aux affaires internationales, notamment concernant la question des
réparations.
2.Les transferts de souveraineté
La suppression de l'Autriche-Hongrie, entérinée par le traité de Saint-Germain (19 septembre 1919), redessine la
carte de l'Europe centrale. L'Autriche est ramenée à son centre alpestre du XIVème siècle. Le Reichsrat, qui a
proclamé la République à Vienne, demande l'Anschluss, auquel Alliés et Allemands opposent une fin de non-
recevoir, sur l'insistance d'Orlando, qui refuse qu'une Allemagne agrandie borde l'Italie. L'éclatement de l'empire
austro-hongrois place 4 millions d'Autrichiens sous domination étrangère.
La Tchécoslovaquie reçoit les Sudètes, l'on trouve de nombreux germanophones sur les monts de Bohême.
L'Autriche voit par ailleurs ses forces militaires diminuées à 30 000 soldats, sans armes offensives.
La partie hongroise de l'empire, régie par le traité de Trianon, le 2 juin 1920, est elle aussi démembrée. La Hongrie
indépendante, reformée, n'en comporte qu'un tiers, alors que 3 millions de Hongrois sont dispersés (dont beaucoup
dans la Roumanie qui s'en trouve agrandie). Une armée de 35 000 encadrée comme ses homologues autrichienne et
allemande lui est laissée. Le Danube voit sa neutralité confirmée. La République ne dure pas et le pouvoir tombe aux
mains de Miklos Horthy, qui y instaure un régime d'extrême-droite en 1920, portant le titre de régent.
Ailleurs, le traité de Neuilly (27 octobre 1919) prive la Bulgarie de son accès à la mer Égée.
Conformément aux points de Wilson, la Pologne est recréée. Son territoire empiète pour partie sur l'Allemagne, pour
partie sur les territoires concernés par le traité de Brest-Litovsk. La dispute à propos de la Silésie entre la Pologne et
l'Allemagne se solde en mars 1921 par un partage plébiscitaire, dont les résultats, dénoncés par les Polonais, mènent
à un partage territorial qui ne satisfait aucune partie en présence. La Tchécoslovaquie récupère Teschen, portion
minière de Silésie, au grand dam de Varsovie.
L'Est de l'Europe voit ses frontières redessinées par la mission Curnoz. Ce diplomate britannique suggère des
frontières « ethniques », que la SDN cautionne. En mai 1920, la Pologne, profitant des désordres en Union
soviétique, lance une offensive visant à prendre des territoires à l'Est. L'offensive polonaise parvient jusqu'en
Ukraine, avant que l'Armée rouge, commandée par le général Tchoukachevski, ne l'arrête. Les Soviétiques ne
décolèrent pas contre cette agression et contre-attaquent vigoureusement. Lénine affirme que « la révolution
mondiale passe sur le cadavre de la Pologne! ». L'Armée rouge se rapproche de Varsovie, ce qui oblige les Franco-
britanniques à intervenir. Le corps expéditionnaire, sous les ordres du général Weygand, stoppe les Soviétiques et
rétablit la situation. L'armistice, signé le 10 décembre 1920, accorde à la Pologne une frontière située à 150
kilomètres de la ligne Curzon.
L'Union soviétique, qui essuie là un revers, ne parvient pas davantage à annexer les pays baltes, qui, en tant
qu'anciennes possessions tsaristes, étaient susceptibles de lui revenir. Les Estoniens, Lettons et Lituaniens, aux
indépendances proclamées en février 1918, posent problème à Lénine. Si celui-ci tolère l'indépendance de l'Estonie,
dont la proximité avec Petrograd pose problème en cas de conflit, les rapports sont plus tendus avec la Lettonie et la
Lituanie. Un appui maritime franco-britannique permet l'affirmation de l'indépendance lettone, tandis que les
Lituaniens repoussent les assauts soviétiques début 1919 avec l'aide des Allemands qui tiennent la Prusse orientale.
La ville de Memel, majoritairement allemande mais revendiquée par la Lituanie, est administrée par la société des
nations jusqu'en 1923, date à laquelle l'armée lituanienne occupe le territoire, plaçant Allemagne et SDN devant le
fait accompli.
En 1917, la Serbie proclame la Yougoslavie (union des Slaves méridionaux), réalisant là ce qu'elle n'avait pu mener à
bien avant la guerre. La Yougoslavie, admise au rang des Alliés, entre en conflit avec l'Italie à propos de Rijeka, qui
lui est concédée en dépit des récriminations de Rome. Des nationalistes italiens, menés par Gabriele d'Annunzio,
occupent temporairement la ville, avant d'être chassés par l'armée italienne, qui occupe la ville puis l'annexera en
1923.
3.De l'empire ottoman à la Turquie
L'article 22 de la Charte de la SDN prévoit la notion de mandat. Celui-ci se subdivise en trois types:
-mandat A (pays capables de s'administrer eux-mêmes et pouvant accéder à l'indépendance).
-mandat B (pays incapables de s'administrer eux-mêmes et à mettre sous tutelle).
-mandat C (concerne exclusivement la Namibie actuelle, remise à l'Afrique du Sud).
La France et le Royaume-Uni, par la correspondance Sykes-Picot de 1916, règlent le partage des possessions
ottomanes d'Asie mineure. La France, sous un régime de mandat A, s'octroie la Syrie et le Liban. Le Royaume-Uni
s'assure la possession de la Palestine, de la Transjordanie et de l'Irak. En 1926, la France met en place une
Constitution libanaise. En Palestine, la situation est vite troublée par l'immigration juive motivée par le sionisme. Les
premiers affrontements ethniques sont virulents et voient un cortège d'horreurs. Le problème n'est pas encore résolu
aujourd'hui.
La Transjordanie et l'Irak sont érigés en royaumes dont les fils de Fayçal sont faits rois, en récompense à la
coopération arabe contre l'empire ottoman durant la guerre: Abdallah est proclamé roi de Transjordanie et Fayçal roi
d'Irak.
La Turquie a payé un lourd tribut à la guerre, perdant 3 millions d'hommes. Elle a aussi commis un génocide sur les
Arméniens, dont les victimes sont environ un million. Son sort est réglé au traité de vres. Izmir est remise aux
Grecs, Adalia aux Italiens et la Cilicie aux Français. Constantinople est conservée malgré quelques velléités des
Alliés en sens contraire. Les nationalistes turcs, menés par Mustapha Kemal, refusant ce traité, prennent les armes.
Le sort de la guerre est favorable aux Turcs, qui battent les Grecs en 1921. La France et l'Italie se retirent elles aussi
de leurs territoires turcs. En août 1922, les Grecs sont rejetés à la mer. Le 11 octobre 1922, au traité de Lausanne, la
Turquie voit l'abolition du sultanat de Constantinople (remplacé par une République laïque siégeant à Ankara),
conserve la Thrace orientale, et entérine ses succès militaires. On assiste à un échange de population entre les
Pontiques et les Turcs résidant en Grèce. Lancée sur ces bases stables, la Turquie kemaliste cesse d'être un l'enjeu de
querelles multiples.
4.Transferts coloniaux
L'empire colonial allemand est intégralement dépouillé, puisque le traité de Versailles interdit son existence. Le
Togo et le Cameroun forment un mandat B remis à la France. L'Afrique orientale allemande est partagée entre la
Belgique (Rwanda et Burundi actuels) et le Royaume-Uni (Tanzanie actuelle). Dans le Pacifique, le Japon récupère
Qingdao et la péninsule du Chantoung sans l'aval des alliés et contre l'avis de la Chine. Ce n'est qu'en 1922, suite à la
conférence de Washington, que ces territoires seront restitués. Les îles Carolines sont en revanche reconnues à
l'empire du Soleil levant, de même que les Marshall, ce qui l'assied comme une puissance maritime majeure.
L'Australie, en annexant les îles Bismarck, et la Nouvelle-Zélande en récupérant les Samoa, complètement le partage
des possessions allemandes.
E/ Les grandes espérances (1919-1930)
La paix de 1919 est faite de bonnes intentions mais sans garanties. La France n'est pas garantie par les Anglo-saxons
contre une éventuelle réaction allemande. C'est la dernière tentative après Vienne de régenter les affaires du monde,
mais elle se révèlera un cuisant échec. Les 14 points de Wilson ont pourtant amorcé l'usage de procédés plus
corrects: les accords secrets entre États se raréfient au profit de conférences multilatérales. L'apogée de la presse
écrite et de la radio à cette même époque favorisent la diffusion rapide des nouvelles, qui sont de plus en plus en
temps réel.
Des journalistes tels Pertinax ou Kérilis décortiquent les grandes tractations diplomatiques au profit de revues dont le
tirage se chiffre souvent en millions.
1.Deux grands absents
L'Union soviétique est le premier absent. Pays nouveau en novembre 1917 avec la révolution d'octobre, il
demeure en marge des grandes conférences d'après-guerre, en raison tant de son isolement idéologique que de ses
troubles internes. En 1920, le « communisme de guerre » a raison des armées tsaristes, permettant de former l'Armée
rouge. L'Ukraine, le Caucase et l'Asie centrale rebasculent à la suite de coups de force militaires dans l'orbite de
Moscou entre avril 1920 (Azerbaïdjan) et octobre 1921 (Arménie). En revanche, la Roumanie annexe en octobre
1920 la Bessarabie (actuelle Moldavie). En 1921, Lénine lance la NEP afin de permettre la reconstruction d'un pays
durement éprouvé par 6 ans de guerre. Au plan extérieur, cela s'accompagne d'une renonciation à la révolution
mondiale et de la coexistence avec les pays capitalistes. Tchitchérine, commissaire du peuple aux Affaires
étrangères, est chargé d'organiser cela. L'Union soviétique a besoin de capitaux pour relever son économie, et compte
les quérir auprès des Britanniques et des Allemands. La question des dettes contractées par le régime tsariste reste
non-résolue. A la conférence de Gênes, en mai 1922, les Soviétiques exigent, pour les rembourser, le versement
d'importantes compensations pour l'ingérence des Occidentaux durant la guerre civile russe.
La fondation en janvier 1920 du Parti communiste français ébrèche l'isolement soviétique. Le premier traité traité
conclu par les Soviétiques l'est à Rapallo, le 16 avril 1922. Il s'agit de la normalisation des relations germano-
soviétiques: les deux États se reconnaissent, s'appliquent la clause de la nation plus favorisée en matière de
commerce, renoncent mutuellement à leurs dettes et passent des accords de coopération militaire qui permettent à
l'Allemagne de contourner les restrictions de Versailles. En 1924, l'arrivée au pouvoir de gouvernements de gauche
en France et au Royaume-Uni voit la normalisation des relations franco-soviétiques et britannico-soviétiques. L'Italie
et le Japon en font rapidement de même ; seuls les États-Unis persistent à ne pas reconnaître le régime soviétique.
La mort de Lénine en 1925 et l'accaparement consécutif du pouvoir par Staline remettent en cause l'ouverture de
l'Union soviétique. Staline procède rapidement à la fermeture du pays, se contentant d'ingérences en Asie face aux
velléités expansionnistes japonaises et en tentant d'encourager le nouveau Parti communiste chinois.
En novembre, l'élection du républicain Warren Harding à la Maison Blanche impulse un retour des États-Unis à
l'isolationnisme. En premier lieu, le Sénat refuse la ratification du traité de Versailles, la majorité des deux tiers se
révélant inaccessible. Les États-Unis entrent dans une décennie de raidissement moral, marquée par la Prohibition, la
xénophobie et la persistance de la ségrégation raciale. La politique étrangère américaine se recentre fortement sur le
continent américain et fait peu de cas des problèmes européens, question des réparations de guerre exceptée. Le jeudi
noir (24 octobre 1929) est un choc majeur subi par le pays, qui se trouve amené au long des années 1930 à infléchir
considérablement ses options politiques.
2. « L'Allemagne paiera! »
L'immédiat après-guerre est difficile en Europe. L'hécatombe démographique, la reconversion de l'économie de
guerre, la crise sociale, sont autant de difficultés majeures auxquels sont confrontés les États. C'est dans un tel
contexte que le fascisme italien enracine son succès. De plus, l'apparition du phosphate chilien ou de la viande
argentine sur le marché européen fait une concurrence inédite aux produits locaux. Le franc français est devenu
intenable à son cours d'avant-guerre et se déprécie sans cesse. La France doit 32 milliards de francs-or au Royaume-
Uni et aux États-Unis, sans garanties diplomatiques réelles de leur part en cas de réarmement allemand, ni fonds lui
permettant de régler (faute de versement des réparations allemandes). Le défilé de la victoire, le 14 juillet 1919, est à
l'image de cette ambivalence, ouvert par des mutilés de guerre. La France, vainqueur blessé, se replie sur son empire
colonial et panse ses plaies.
De son té, Londres voit en Paris la première puissance continentale et reprend donc ses distances (alors que la
France, exsangue, n'est guère menaçante). Au Levant, les Britanniques fomentent un soulèvement druze contre la
France pour rogner le mandat français et en rétorsion au soutien français à la Turquie kémaliste. Ailleurs au Proche-
Orient, la théocratie wahhabite d'Arabie Saoudite, menée par Ibn-el-Seoud, se forme, n'entretenant de relations
diplomatiques qu'à partir de 1925 (traité de Hadda avec la frontière jordanienne).
La conférence de Washington, tenue de novembre 1921 à février 1922, est une autre contrariété pour la France.
Ses armements navals se retrouvent fixés au même niveau que ceux de l'Italie, à un indice d'1,75. Les États-Unis et le
Royaume-Uni disposent d'un indice 5 et le Japon d'un indice 3. La France, avec 3 une projection de puissance
planétaire mais un tonnage faible, est affaiblie. Le quai d'Orsay est donc réduit à tenter de refaire un réseau
d'alliances en Europe. C'est ainsi que l'on tente de constituer le 14 août 1920 la Petite entente, avec la Yougoslavie et
la Tchécoslovaquie, lesquelles concluraient une alliance mutuelle en cas d'agression allemande et verraient la France
leur prêter main-forte. La Roumanie se lie à la Petite entente en 1921. La France se porte également garante de la
Pologne, mais cette dernière ne signe aucun accord avec les pays de la Petite entente: seule la Tchécoslovaquie forme
véritablement un allié de revers. A fortiori, la France réadopte des options défensives et n'a guère les moyens
d'effectuer des offensives de grande envergure. La construction de la ligne Maginot, débutée en 1928, ne fait que
renforcer cet état de fait. De la même manière, la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie, minées par des tensions
identitaires internes, ne forment pas des alliés sûrs en cas de conflit. La reconstruction d'un système d'alliances
efficace est un échec global dans les années 1920. Louis Barthou, ministre des Affaires étrangères en 1934, tente
d'inclure l'Union soviétique dans un système de défense mais n'en aura pas le temps, assassiné à Marseille par un
nationaliste croate en recevant le roi Alexandre Ier de Yougoslavie.
Faire payer l'Allemagne fut un but poursuivi par la France durant la première moitié des années 1920. En janvier
1923, on tente d'obtenir le versement des réparations par la force: Français et Belges occupent la Ruhr pour se servir
sur place. Les troupes d'occupation se heurtent à la résistance passive des mineurs rhénans ainsi qu'au laxisme
monétaire délibéré de la part du chancelier Streseman, d'où un mark sans valeur et une impasse financière. De plus,
le coup de force militaire aliène à la France le soutien britannique, seule la Belgique s'en montrant solidaire. En avril
1923, le plan Dawes fixe des annuités à verser par l'Allemagne à 1,25 milliard de marks-or. En 1924, le redémarrage
économique et la politique d'apaisement menée par le Cartel des gauches en France permettent d'apaiser les tensions,
d'autant plus que l'Allemagne verse effectivement ses annuités.
3.L'ère Briand-Streseman
Après les vives tensions survenues en Ruhr, les gouvernements jouent la carte de l'apaisement de part et d'autre du
Rhin. Il est vrai que le monde cherche avant tout à garantir la paix et à éviter une réédition des horreurs de la
Première guerre mondiale. Ainsi la fondation Carneggie lance-t-elle une enquête mondiale pour analyser cette guerre
et mettre au point des moyens d'en empêcher un retour. La France n'a aucun intérêt à la guerre vue sa démographie
chancelante et l'état du moral de sa population ; de plus, l'Allemagne demeure plus peuplée et reste une menace
potentielle.
Aristide Briand, hôte inamovible du quai d'Orsay à partir de 1926, est un apôtre de la sécurité collective. Cette
dernière notion, censée mettre fin aux conflits armés, repose sur des accords de non-agression et l'engagement
réciproque des États à ne pas régler leurs conflits par les armes. A la tribune de la SDN, Briand prononce un célèbre
discours pacifiste: « Arrière les canons! Arrière les mitrailleuses! ». Le 16 octobre 1925, le pacte de Locarno, signé
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