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Le Luxembourg après la crise financière : Quelle alternative progressiste ?
1 Structure de l’économie luxembourgeoise : secteur exposé et secteur abrité
1.1 Secteur exposé
1.11 Secteur non financier
1.12 Secteur financier
1.121 Description
1.122 Atouts
1.123 Impact sur l’économie luxembourgeoise
1.2 Secteur abri
2 Effets de la crise
2.1 Economie
2.2 Finances publiques
2.3 Conditions de vie des ménages
3 Modification du rapport de force capital-travail ?
4 Questions sur une alternative progressiste
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1 Structure de l’économie luxembourgeoise : secteur exposé et secteur abrité
L’économie luxembourgeoise peut être divisée en secteur exposé (ou ouvert) et secteur abrité (ou
protégé).
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1.1 Secteur expo
Le secteur exposé, orienté vers l’exportation, dépend essentiellement de la demande extérieure et
se trouve soumis, dans une très large mesure, aux pressions de la concurrence internationale.
Traditionnellement, ce secteur comprenait, avant tout, l’industrie dont les produits circulent assez
facilement d’un pays à un autre. Au Luxembourg, l’importante place financière occupe une place à
part.
1.11 Secteur exposé non financier
Une partie des activités de ce secteur sont également des activités de service avec notamment les
transports (CARGOLUX) et les communications (SES). Ces deux entreprises génèrent une part
non négligeable du surplus de la balance courante du Luxembourg, même si les importations du
matériel nécessaires à leur fonctionnement (avions, satellites) grèvent la balance commerciale.
Dans l’industrie, on trouve évidemment la sidérurgie, mais encore, dans le secteur ayant trait à la
première transformation des métaux, la métallurgie du cuivre ou la production de feuilles
d’aluminium. Tourné vers l’extérieur est encore ce que l’on appelle le pôle « textile, caoutchouc et
plastiques, chimie » englobant notamment des sociétés comme DuPont de Nemours et Goodyear.
Autre branche industrielle écoulant une très large part de sa production vers l’étranger est celle des
« produits minéraux non métalliques » commercialisant des produits en verre, porcelaine ou en
béton.
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Distinction déjà utilisée par Raymond COURBIS dans le cadre des travaux préparatoires du VIe Plan français. Raymond
KIRSCH l’avait reprise, en 1972, dans une étude sur l’inflation au Luxembourg.
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1.12 Secteur financier
1.121 Description
Pour simplifier, on peut dire que ses sources de revenus sont de deux sortes. Il y a tout d’abord les
revenus provenant de l’intermédiation financière : ce sont les marges d’intérêts basées sur la
différence entre les taux versés aux déposants et les taux obtenues sur les sommes prêtées). En
second lieu, on trouve les revenus tirés des commissions et des transactions liées à l’échange et la
gestion des différents actifs bancaires (actions, titres de toute sorte). Dans la première activité, les
banques auraient un comportement de ‘price-taker’, ce qui veut dire que intérêts créditeurs lui sont
imposés par la concurrence internationale. Dans l’autre activité qui concerne surtout la gestion
patrimoniale, l’environnement institutionnel (secret bancaire), le savoir faire en matière de
placements et la qualité des relations avec les clients ont un rôle prépondérant. Ici la concurrence
internationale ne joue que par rapport à des places présentant les mêmes avantages. A noter que
le poids des revenus issus de l’intermédiation financière (marges d’intérêt) ne cesse de diminuer.
Ci-après une description plus détaillée de la place financière qui comprend de nombreux éléments :
- les banques
En raison de la faiblesse du marché domestique, la banque universelle classique joue un rôle
relativement négligeable. La Place de Luxembourg est un site de placements d’une clientèle
internationale qui recherche des services personnalisés
Spécialités : retail banking, private banking (surtout), corporate banking
- les autres professionnels du secteur financier (PSF)
spécialisation dans des opérations financières non bancaires, mais soumis au secret bancaire
* entreprises d’investissement (commissionnaires, gérants de fortune, distributeurs de part OPC,
dépositaires de titres, agents de transfert)
* conseillers en opérations fin., courtiers, professionnels pour opérations de prêts, …
* PSF à activité connexe au secteur financier (domiciliataires de sociétés …)
- les Organismes de Placements Collectifs (OPC)
investissement commun en valeurs mobilières de fonds recueillis auprès d’épargnants individuels ou
institutionnels
* Fonds communs de placement (FPC)
* SICAV
* SICAF
* SICAR
- les assurances
spécialité : assurance-vie et réassurance/filiales captives
- les fournisseurs de services
services aux banques, aux PSF, à l’industrie de fonds, aux assurances et aux autres entreprises
* cabinets d’audit et de conseil (notamment. KPMG, Deloitte, E&Y, PwC)
* Bourse de Luxembourg
* agents de transfert (EFA, RBC Dexia Investor Services, FASTNET),
* Clearstream
* CETREL
* fiduciaires,
* avocats d’affaires et notaires montages financiers Holdings et SOPARFI
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Au cours des 3 dernières années notamment, le développement des activités financières s’est encore
accéléré : Il
ne faut pas oublier les liens entre les activités financières et les autres services marchands (effets
externes au-delà des effets clients-fournisseurs)
- services aux entreprises (activités comptables et de conseil) : effet de 0,28 /-0,18 (Pieretti)
- services informatiques : effet de 0,19 /-0,23 (Pieretti)
1.122 Atouts, problèmes et recommandations des milieux conservateurs
Les atouts concurrentiels de la place financière se situent dans les domaines institutionnel,
réglementaire et fiscal.
On peut relever une stratégie minimaliste dans les 3 domaines : moyens dérisoires des organes de
surveillance ; proximité/lobbyisme efficace milieux bancaires-pouvoir politique et « flexibilité » (=
réglementation souple, voire factice) : secret bancaire absolu
Il en est résulté une rente de localisation qui améliore d’un côté la profitabilité des banques et de
l’autre les finances publiques et le bien-être économique général
Les avantages qui en résultent peuvent être envisagés sous 3 angles
a) sous l’angle des investisseurs individuels (qui considèrent l’attrait du placement)
b) sociétés (qui considèrent les services spécifiques d’ingénierie financière)
c) institutions financières (qui considèrent la segmentation de la chaîne de production).
Analyse de deux atouts - sous les angles (a) et (b)
- Le secret bancaire absolu (art 458 du Code Pénal) est important surtout pour les
investissements individuels:
* Rapport bancaire 2000 de l’OCDE : en cas de demande d’entre-aide fiscale de la part d’un
pays (= pays requérant), le Luxembourg (= pays requis) ne fournit des renseignements que si
l’objet de l’enquête (la fraude fiscale) constitue une infraction pénale dans les deux pays -
requérant et requis- double incrimination »)
* « Au Luxembourg, les fonctionnaires de l’Administration des Contributions sont astreints au
respect du secret fiscal défini à l’article 22 de l’ «Abgabenordnung » de 1931 et l’inobservation
du secret fiscal entraîne des sanctions pénales comportant soit des amendes, soit des peines
d’emprisonnement allant jusqu’à six mois. » (Cl. Schmit et M-P. Weides-Schaeffer, Le secret
bancaire en droit luxembourgeois, Cahier économique 5/84, BIL, p.44/45.)
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* Le Luxembourg a obtenu (avec la Belgique et l’Autriche) de ne pas appliquer l’échange
automatique d’informations ; application d’une retenue à la source non libératoire sur les intérêts
des dépôts bancaires (15 % 01/01/2008 ; 20 % 01/01/2011 ; 35 % à partir du
01/01/2011) ; revenus d’assurance-vie et de fonds d’investissement exclus
* Préservation du secret bancaire jusqu’en 2011 ; mise en cause actuelle (demande récente de la
Commission européenne ; après l’abandon de la Belgique, il ne reste plus que le Luxembourg
et l’Autriche campant sur leur position)
- Flexibilité de la législation pour faire des montages financiers
Le Luxembourg est devenu un lieu d’implantation favori de sociétés financières
* domiciliation de sociétés qui veulent profiter de règles peu contraignantes d’enregistrement ou
tirer des avantages de la fiscalité des Holdings et des SOPARFI enregistrement de 30.000
sociétés Special Purpose Entities
* Holding 29 (modèle en voie d’extinction2010) : exonération totale de l’impôt s/revenu des
collectivités ; clause de «grand-père » pour celles constituées avant le 01/07/2006 ;
remplacement par un nouvel instrument de gestion patrimoniale, la SPF (Société de gestion du
Patrimoine Familial)
* Société de participations financières (SOPARFI) : loi de 1990 ; permet des activités
commerciales et l’exemption de l’impôt sur le revenu si la société mère est une société de
capitaux résidant au Luxembourg et que celle-ci participe avec 10 % au capital de la filiale.
moyen pour rapatrier les revenus de participations au Luxembourg et de les redistribuer aux
actionnaires en payant le moins d’impôts possible (seul impôt à payer : droit d’apport 1% du
capital lors de la constitution ; 62 € d’impôt sur la fortune pour une S.A et 25 € pour une Sàrl.
Création de nombreux private equity funds en passant par une SOPARPI.
Avantage d’être reconnu et validé par le fisc du pays d’origine des utilisateurs.
* Société d’investissement en capital à risque (SICAR) : loi du 12/05/2004 ; permet à des
investisseurs étrangers à haut niveau d’expérience de monter au Luxembourg des sociétés
spécialisées dans les investissements à risque sorte de fonds d’investissement private equity
réglementés (surveillance par la CSSF).
Droit d’apport fixe de 1.250 € ; exemption de l’impôt sur la fortune ; privilège mère-filiale,
exemption de l’impôt sur le revenu des revenus provenant de titres, exemption des dividendes
distribués aux investisseurs de la retenue à la source, exemption des gérants de la TVA.
en général : combinaison régime fiscal favorable et réglementation/surveillance factice
Sous l’angle (c), il faut noter la position subalterne de la place financière de Luxembourg
dans la chaîne de production des fonds d’investissement.
Dans la production financière d’un fonds d’investissement, on note 5 étapes
(la fragmentation de la chaîne est une des caractéristiques de la globalisation)
1. développement du produit (zone d’investissement, monnaie de référence, actifs sous-jacents)
2. domiciliation
3. dépôt d’actifs auprès d’une banque
4. administration (reporting légal, comptabilité., …)
5. distribution et gestion « intellectuelle » de la composition (asset management).
Les activités 2, 3, 4 sont localisées au Luxembourg (back-office et middle management, du fait des
avantages réglementaires et fiscaux) ; les activités 1 et 2 sur les places de Londres, Paris, Zurich et
Francfort.
Au cours des dernières années on note la volonté de remonter la chaîne de production par
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étapes; notamment à travers la tentative d’améliorer la position au niveau des hedge funds.
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Avec la crise financière et la pression qui en résulte sur la Place de Luxembourg, différentes
recommandations ont été formulées de la part d’auteurs conventionnels:
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- adapter le cadre institutionnel pour attirer une clientèle et des ressources internationales
mobiles a travers un processus d'ingénierie législative et réglementaire reposant sur la
collaboration des pouvoirs publics et des professionnels du secteur financier et destinée à
organiser le développement de nouveaux produits et y consacrer des ressources
institutionnelles et humaines suffisantes
- édicter de nouvelles règles prudentielles conformément au Nouvel Accord de Bâle (Bâle II),
en vue de préserver l'attrait exercé par la réputation du secteur financier en privilégiant une
stratégie de renforcement des garanties offertes à l’investisseur quant à la sécurité de ses
avoirs, à la transparence dans le placement des fonds et aux possibilités de contrôle
- faire des études régulières consacrées aux actifs à hauts risques en vue d’assurer une plus
grande transparence quant à la stabilité du système financier
- favoriser l'accroissement des flux de travailleurs frontaliers, en renforçant les infrastructures
de transport
- attirer des spécialistes internationaux hautement qualifiés en assouplissant les lois sur
l'immigration des travailleurs non ressortissants de l'Union européenne
1.123 Importance pour l’économie luxembourgeoise
Les indicateurs suivants soulignent l’importance du secteur financier pour l’économie luxembourgeoise.
- part des activités financières dans VA en 2007 : 29,7 % (source : Statec)
- part de la place financière dans le PIB en 2007 : 45 % (source : ABBL)
- emploi dans les banques en 2007 : 26.140 personnes (source : Statec)
- emploi en 2008 sur la place financière : 41.000 (source : ABBL)
- part des rémunérations salariales : 16 % (2006 ; source : Statec)
- part actuelle de la place financière dans les recettes fiscales : 34 % (source : ABBL)
- Impact sur la balance des paiements :
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La clientèle de ces fonds est majoritairement anglo-saxonne ; au départ, l’Irlande (Dublin) avait une avance dans la
distribution de ces fonds.
* circulaire en 2002, permettant d’accélérer le processus d’approbation de ce type de fonds
* arrêté ministériel du 11/06/2004, qui a permis d’administrer au Luxembourg et de coter en Bourse de
Luxembourg les hedge funds de centres offshore .
* prise en main de Fortis par la banque BNP-Paribas : cette banque veut profiter de l’occasion pour déplacer
vers le Luxembourg sa gamme de prestations en gestion de fortunes et de produits financiers (asset
management), dans lequel comptent notamment les hedge funds irlandais.
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Arnaud Bourgain, Patrice Pieretti, Jens Høj, Le secteur financier peut-il rester le principal moteur de la croissance au
Luxembourg, Université du Luxembourg, éditions OCDE, 2009.
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