Pharyngite aiguë RESUME La pharyngite aiguë, ou pharyngo-amygdalite aiguë, est une inflammation aiguë du pharynx et des structures environnantes, et se rencontre très fréquemment en médecine générale. Les complications, rares, peuvent être infectieuses ou non-infectieuses (rhumatisme articulaire aigu et glomérulonéphrite). La pharyngite aiguë peut être d'origine virale, bactérienne, ou non-infectieuse. L'étiologie varie selon l'âge du patient (origine majoritairement virale chez les enfants en-dessous de 3 ans, et bactérienne chez les enfants de 5-15ans). La principale bactérie responsable de pharyngite aiguë est le streptocoque betahémolytique du groupe A. Bien que certains critères cliniques plaident en faveur d'une pharyngite à streptocoque, le diagnostic de certitude de l'origine streptococcique repose obligatoirement sur les tests de confirmation bactériologique (test rapide et/ou culture de frottis de gorge). La seule indication pour une antibiothérapie est la pharyngite à streptocoque beta-hémolytique du groupe A. Toutefois, le bénéfice des antibiotiques reste controversé. Si un antibiotique est prescrit, il devrait concerner soit les patients atteints de pharyngite aiguë chez lesquels un test rapide (et/ou une culture) a permis la mise en évidence du streptocoque beta-hémolytique du groupe A, soit des patients à risque. La pénicilline est l'antibiotique de premier choix. Ses avantages sont une bonne efficacité, un spectre étroit, un faible coût et l'absence de problème de résistance. Un macrolide est indiqué en cas d'allergie vraie à la pénicilline, mais le taux de résistance de S. pyogenes aux macrolides a augmenté ces dernières années en Belgique. 1. Pathologie 1.1. Définition et étiologie La pharyngite est une inflammation aiguë du pharynx et des tissus lymphoïdes environnants, majoritairement d'origine bactérienne ou virale. L'origine peut également être non-infectieuse (allergie, sinusite, substances irritantes,...). La majorité des épisodes sont observés en période hivernale. Etiologie de la pharyngite (mal de gorge aigu) 1. Virus (40%) - Majoritairement rhinovirus, adenovirus, virus respiratoire syncitial, Influenza A et B - Adenovirus et virus de l'herpès: incidence plus faible, mais épisodes plus sévères 2. Bactéries (30%) - Majoritairement streptocoque beta-hémolytique du groupe A (GABHS, aussi appelé S. pyogenes) - Plus rarement: Streptococcus viridans, Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae, Haemophilus influenzae 3. Origine inconnue (30%): pas d'agent pathogène décelable Etiologie en fonction de l'âge du patient Etiologie virale: - 15-40% chez les enfants, 30-60% chez les adultes - Chez les enfants en-dessous de 3 ans, l'origine est quasi exclusivement virale. Etiologie bactérienne: - GABHS: 28-40% chez les enfants (essentiellement > 5ans), 5-9% chez les adultes - La pharyngite à S. pyogenes est une affection fréquente entre l'âge de 5 à 15 ans avec un pic d'incidence lors des premières années scolaires. - Remarque: le portage asymptomatique de GABSH est d'environ 15% chez l'adulte pour atteindre parfois 50% chez l'enfant. 1.2. Présentation clinique et diagnostic A. CRITERES CLINIQUES Les signes généraux et les signes d'inflammation des muqueuses du pharynx sont d'importance variable d'un cas à l'autre. Dans les cas les plus sévères, le mal de gorge est intense, et empêche la déglutition. L'ensemble des muqueuses de l'oropharynx est rouge (lien). Il y a un certain oedème, surtout visible au niveau de la luette, et les amygdales sont enflammées. Souvent on observe une réaction des ganglions lymphatiques situés en-dessous de l'angle de la machoire. Ils augmentent de volume et sont douloureux, soit spontanément, soit à la palpation. Un des objectifs du diagnostic est de pouvoir déterminer si le streptocoque beta-hémolytique est responsable de la pharyngite. Toutefois, dans la plupart des cas, il n'est pas possible de différencier, sur base des signes cliniques, la pharyngite aiguë streptococcique de la pharyngite aiguë virale. Les critères de Centor ont été développés afin d'optimaliser la précision diagnostique (critères développés à partir d'observations chez 286 patients de plus de 15 ans se plaignant de mal de gorge). Arguments cliniques qui plaident en faveur d'une étiologie streptococcique Arguments cliniques qui plaident en faveur d'une étiologie virale - Adénopathie cervicale antérieure très douloureuse - Coexistence de signes de conjonctivite, de rhinite - Début brutal de la fièvre ou de bronchite - Rougeur très marquée du pharynx - Toux - Adénopathies situées dans la partie post. du cou Critères de Centor* - Fièvre > 38° Absence de toux Exsudat amygdalien Adénopathies sous-mandibulaires * Ces critères ne devraient pas être utilisés chez des patients de moins de 15 ans ou lors d'une épidémie de pharyngites à streptocoques Relation entre les critères de Centor et l'infection à streptocoque Nombre de % de chances d'avoir une infection à critères réunis streptocoque 0 1 2 3 4 2-3 3-7 8-16 19-34 41-61 (seulement!) B. EXAMENS COMPLEMENTAIRES Le diagnostic de certitude de l'origine streptococcique repose obligatoirement sur les tests de confirmation bactériologique. Toutefois, tenant compte du fait que les souches de streptocoque A responsables des pharyngites sont moins redoutables que dans le passé, la motivation à dépister et à traiter toutes les angines à streptocoques A peut se discuter. Examen Commentaires Culture du frottis de gorge - "Gold standard" (sensibilité de 90-99%); un résultat négatif rend invraisemblable l'origine streptococcique - Un résultat positif ne permet pas de différencier un sujet porteur de GABSH atteint d'une infection virale d'un sujet présentant une infection bactérienne à GABHS - Temps nécessaire pour obtenir les résultats: 24-48h Détection rapide d'antigènes (Strep-test) - Avantage: rapide (10 à 70 minutes selon le test) - Excellente spécificité (>95%): un résultat positif confirme la présence d'une infection à streptocoque - Moins bonne sensibilité (60-95%): un test négatif est donc une indication pour une culture à partir du frottis de gorge - Actuellement pas remboursé par l'INAMI en pratique ambulatoire - Un résultat positif ne permet pas de différencier un sujet porteur de GABHS atteint d'une infection virale d'un sujet présentant une infection bactérienne à GABHS Antistreptolysines O (ASLO) - Les ASLO nécessitent 1-3 semaines pour devenir positives en cas d'infection streptococcique - Pas de place dans le diagnostic de routine d'une angine Remarque: Dans le cadre de la prévention du rhumatisme articulaire aigu (RAA), il n'est pas indispensable d'obtenir un diagnostic rapide. En effet, le traitement antibiotique peut être initié jusqu'à 9 jours après le début de la pharyngite. 1.3. Complications A. COMPLICATIONS DES PHARYNGITES STREPTOCOCCIQUES - Les complications infectieuses sont: l'amygdalite; le phlegmon périamygdalien (infection redoutable pouvant se compliquer de thrombophlébite de la veine jugulaire); la sinusite; l'otite moyenne; la mastoïdite; l'ethmoïdite. Toutefois, l'extension de l'infection streptococcique vers les conjonctives, les oreilles moyennes ou les cavités mastoïdes sont aujourd'hui assez rares. - Les complications non-infectieuses sont: le rhumatisme articulaire aigu (RAA) et la glomérulonéphrite aiguë (GNA). Ces complications sont l'apanage de certaines souches spécifiques. Le RAA est une complication rare (0.4-3%). La diminution de son incidence dans les pays développés est probablement liée à l'amélioration des conditions socio-économiques et à la circulation de souches à moindre potentiel rhumatogène. La glomérulonéphrite survient essentiellement dans un contexte épidémique et le traitement antibiotique n'a aucune influence sur son évolution. B. COMPLICATIONS DES PHARYNGITES VIRALES Les pharyngites virales peuvent se compliquer d'une petite surinfection bactérienne sous la forme de multiples micro-abcès bactériens dans les cryptes amygdaliennes. La bactérie de ces lésions montre le plus souvent les germes virulents habituels de la flore pharyngée. Sauf rares exceptions, ces micro-abcès restent très superficiels, et évoluent très bien sans le recours d'un antibiotique. 2. Traitement La seule indication pour une antibiothérapie est la pharyngite à streptocoque beta-hémolytique du groupe A. Le premier objectif du généraliste face à un tableau de pharyngite aiguë est donc de pouvoir identifier les patients qui nécessitent un traitement antibiotique, et ainsi d'éviter l'usage non approprié d'antibiotiques chez les patients atteints de pharyngite virale. Le traitement de la pharyngite d'origine virale est exclusivement symptomatique (prise en charge de la douleur et des symptômes respiratoires associés). 2.1. Quel est le but du traitement de la pharyngite à streptocoque du groupe A? Les objectifs du traitement sont: - la prévention des complications infectieuses et non-infectieuses (le RAA est évitable par une antibiothérapie adaptée, alors que la fréquence de la glomérulonéphrite n'est pas modifiée par une antibiothérapie) - l'amélioration rapide des symptômes (et donc la réduction de l'absentéisme) - la réduction de la dissémination bactérienne à l'entourage 2.2. Quelle est l'utilité des antibiotiques? En ce qui concerne les considérations générales liées au choix de l'antibiothérapie, voir pharmacothérapie générale (lien) La plupart des pharyngites streptococciques sont d'excellent pronostic spontané, et ne requièrent donc pas l'instauration d'une antibiothérapie. Un résumé des études cliniques ayant évalué l'utilité des antibiotiques dans la pharyngo-amygdalite aiguë est fourni dans le document de consensus sur les infections aiguës oto-rhino-laryngologiques ou respiratoires inférieures (lien). En bref, les antibiotiques n'ont qu'un effet limité sur l'évolution clinique de la pharyngo-amygdalite aiguë. L'absence de traitement par antibiotique n'augmente pas le risque de complications tels le RAA et la glomérulonéphrite aiguë. LE BENEFICE DES ANTIBIOTIQUES DANS LE TRAITEMENT DE LA PHARYNGITE AIGUE EST CONTROVERSE ET, CHEZ LES PATIENTS A FAIBLE RISQUE, IL NE DEPASSE GUERE LE COUT ET LES RISQUES DU TRAITEMENT. Les résultats d'un étude récente en Belgique ont montré que trop d'antibiotiques étaient prescrits aux patients souffrant de mal de gorge aigu et que dans la majorité des cas, les antibiotiques n'étaient pas adaptés à cette pathologie (PDF). Protocole proposé dans la démarche thérapeutique des pharyngites aiguës (adapté du consensus belge et de l'article de Bisno et al.) * Les patients à risque sont: patients sous traitement oncologique; patients souffrant de RAA; en cas d'épidémie à streptocoque beta-hémolytique du group A dans une communauté fermée; patients présentant des symptômes généraux sévères; patients porteurs d'une valvulopathie pour laquelle une prévention de la maladie d'Osler a été recommandée ** Culture de frottis de gorge si: contexte de risque de RAA; épisodes multiples d'angines à GABHS; séjour en zone endémique; sensibilité du test rapide<90% Remarque: l'usage du test rapide reste controversé, étant donné sa qualité insuffisante lorsqu'il est pratiqué en médecine générale et étant donné son coût. Il n'y a d'ailleurs pas eu de consensus dans le jury belge pour recommander l'utilisation du strep-test (groupe de consensus ayant pour but de définir l'usage adéquat des antibiotiques en cas d'infections aiguës oto-rhino-laryngologiques ou respiratoires inférieures - référence voir ci-dessous). 2.3. Quel antibiotique choisir lorsqu'une antibiothérapie est indiquée? A. PENICILLINE La pénicilline par voie orale (pénicilline V) reste le traitement de premier choix, en raison de son efficacité prouvée, de son spectre étroit, de sa faible toxicité et de son faible coût. De plus, et c'est un avantage majeur, il n'existe pas de problème de résistance de la pénicilline au streptocoque. Un traitement d'une durée de 10 jours est nécessaire afin d'atteindre un taux maximal d'éradication des streptocoques au niveau du pharynx. B. ALTERNATIVES - Céphalosporines de première et deuxième génération: les réponses cliniques et microbiologiques sont égales (voire supérieures) à celles obtenues avec la pénicilline. Toutefois, ces antibiotiques ont un spectre plus large et coûtent plus cher que la pénicilline, et ne sont donc pas recommandés en première intention. Elles peuvent être utilisées chez des patients allergiques à la pénicilline mais ne présentant pas une réaction d'hypersensibilité immédiate (allergie non-IgE-médiée). - Macrolides: Les macrolides (de préférence l'érythromycine) peuvent être utilisés en cas d'allergie (Ig-E médiée) à la pénicilline. Toutefois, les taux de résistance de S. pyogenes aux macrolides sont en augmentation en Belgique (5.8% en 1993-1994, 8.7% en 1997, et plus de 20% dans certaines régions en 1999). L'association entre émergence de résistance et consommation croissante de macrolides a clairement été mise en évidence. Antibiotiques et dosages recommandés par le groupe de consensus belge (Octobre 2000) Place Antibiotique Dose adulte Dose pédiatrique Premier choix Phénoxyméthylpénicilline Deuxième choix Troisième choix Sirop - 25000 UI/kg par jour en 4 prises Clométocilline 500mg 2x/jour Céfadroxil (2e choix) 500mg 2x/jour 30mg/kg/jour en 2 prises Amoxicilline 500mg 3x/jour ou 1g 2x/jour (*) 50mg/kg/jour en 3 prises Erythromycine ou néomacrolide (*) Etant donné les caractéristiques pharmacocinétiques/pharmacodynamiques de l'amoxicilline (temps dépendant - lien), les auteurs recommandent le schéma d'administration 500mg 3x/jour plutôt que 1g 2x/jour. Le traitement antibiotique a échoué? Evaluer les causes d'échec de traitement antibiotique (lien) 2.4. Quelle attitude adopter en cas de récidives? A. RECIDIVE PEU DE TEMPS APRES LA FIN DU TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE Une récidive s'observe chez 10-20% des enfants et adultes ayant reçu des antibiotiques pour un pharyngite aiguë streptococcique. Plusieurs causes sont possibles. Causes Prise en charge Mauvaise compliance lors du traitement initial Benzathine penicilline G en intra-musculaire Nouvelle infection* Deuxième traitement antibiotique, avec le même antibiotique que précédemment (la pénicilline reste le premier choix) Infection virale chez un porteur sain* Pas de traitement antibiotique nécessaire Résistance (échec thérapeutique lors du premier traitement) Très rare; une céphalosporine active contre les beta-lactamases peut être nécessaire (couverture de H. influenzae) * Comme mentionné auparavant il est souvent difficile de différencier ces deux étiologies. B. RECIDIVES MULTIPLES Certains patients, surtout des enfants d'âge scolaire et adolescents, se présentent avec des épisodes multiples de pharyngite aiguë (avec cultures de frottis de gorge et/ou tests antigéniques positifs pour le GABHS), s'étendant sur plusieurs mois voire plusieurs années. La plupart de ces patients sont des porteurs sains du streptocoque et sont infectés par d'autres agents pathogènes. La prise en charge de ce type de pharyngite est compliquée, et il existe peu de données cliniques solides sur l'efficacité de diverses interventions thérapeutiques. Il semble que l'administration de clindamycine ou d'amoxycilline-acide clavulanique améliore le taux d'éradication.