introduction : croissance, developpement et changement social

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INTRODUCTION : CROISSANCE, DEVELOPPEMENT ET CHANGEMENT SOCIAL

Objectif :
Le programme de 1ES visait essentiellement à comprendre le fonctionnement de l’économie et de
la société française.
Le programme de TES ne se limite pas à la France et met l’accent sur la dynamique, c'est-à-dire
qu’il s’agit de comprendre comment se font les changements, tant économiques que sociaux, au cours du
temps.
Depuis deux siècles, on a pu observer des changements de grande ampleur :
- Le niveau de vie s’est considérablement élevé.
- Les conditions de vie se sont transformées.
On a même l’impression que les changements s’effectuent de plus en plus rapidement. Ainsi, les
conditions de vie d’avant la seconde guerre mondiale et celle d’aujourd’hui n’ont rien de comparable.
Néanmoins, ces changements positifs ne sont pas partagés par tous dans le monde, ni même dans
les pays riches.
Cette introduction permettra donc d’aborder deux questions essentielles :
- En quoi peut-on parler de croissance, de développement et de changement social ?
- Ces changements ne sont-ils pas accompagnés de différences et d’inégalités de réalisation entre
les pays et au cours du temps ?

Plan :
I.
Les notions de croissance, de développement et de changement social.
A. La croissance économique. Doc1 et doc2 p14 ; doc4 p15
B. Le développement. Doc6 p16 → doc12 p19
C. Le changement social.
Doc13 p19 → doc15 p20
II.
Les liens entre croissance, développement et changement.
A. Les liens entre croissance et développement.
B. Les interactions entre croissance, développement et changement. Doc15 p20 et doc16 p21
III.
Le cadre de la croissance et du développement dans les sociétés modernes.
A. Le développement de la rationalité.
B. La montée de l’individualisme.
IV.
Différence et inégalités dans les rythmes de la croissance, du développement et du changement social.
A. Les différences dans les rythmes de changements. Fiche 1 du cahier de TP (Bréal)
B. Les différences de rythme de croissance et les inégalités. Doc3 p15
C. Les questions posées par la croissance.

Notions à maîtriser :
-
Croissance économique.
Développement.
Changement social.
1
I.
Les notions de croissance, de développement et de changement social.
A. La croissance économique :
IL existe plusieurs définitions de la croissance économique.
- La croissance économique correspond à « est l'augmentation soutenue durant une ou plusieurs
périodes longues [...] d'un indicateur de dimension, pour la nation, le produit global brut ou net, en
termes réels" (François Perroux, L’économie du 20ème siècle 1964)
- "la croissance économique d'un pays peut être définie comme une hausse de longue période de sa
capacité à offrir à sa population une gamme sans cesse élargie de biens économiques; cette capacité croissante est fondée sur le progrès technique et les ajustements institutionnels qu'elle requiert" (Simon Kuznets, discours de réception du prix Nobel 1971)
La croissance est donc un processus quantitatif qui se traduit par l’augmentation, au cours d’une
longue période, d’un indicateur représentatif de la production de richesses d’un pays, le plus souvent le
produit intérieur brut (PIB)
Il en ressort de ces définitions deux caractéristiques essentielles :
- La croissance est un phénomène de longue période. Il est durable, à la différence de l’expansion
qui est un phénomène conjoncturel de durée courte ou moyenne pouvant être précédé par une période de
récession (ralentissement de la croissance). La croissance s’oppose à la dépression (baisse de la production).
- La croissance est un phénomène mesurable par un indicateur de dimension, le plus souvent le PIB
en volume (à prix constants).
Schématiquement, le PIB peut être défini comme la somme des valeurs ajoutées produites par les
secteurs institutionnels résidents, augmentées des impôts (moins les subventions) et des droits de douane
reçus. La valeur ajoutée étant la différence entre la production réalisée et les consommations intermédiaires.
Le PIB peut être évalué à partir de l’équilibre ressources – emplois :
PIB + M = CF + FBCF + X + ∆S
Le PIB est aussi mesurable par la somme des rémunérations des salariés versés par les unités
résidentes, des excédents bruts d’exploitation et revenus mixtes de ces unités et des impôts liés à la production et à l’importation (nets des subventions bruts d’exploitation reçues).
Le PIB prend en compte la production marchande – biens et services – évaluée au prix du marché
et les services non marchands valorisés au coût de production (la valeur d’un service non marchand est
d’autant plus élevée qu’elle coûte plus !)
Précisons enfin que la mesure de la croissance économique reste imparfaite dans la mesure où un
certain nombre d’activités ne sont pas prises en compte (économie informelle, externalités)
Pour pouvoir comparer la valeur du PIB d’une année sur l’autre et avoir une idée précise de la
progression des richesses créées, il est nécessaire d’enlever les effets de l’inflation sur la mesure du PIB
c'est-à-dire le calculer à prix constants (PIB en volume ou PIB réel). Il est donc nécessaire de déflater les
séries statistiques.
Pour effectuer les comparaisons internationales, on utilise le PIB par tête et on effectue une conversion en parités de pouvoir d’achat (méthode des PPA). Il s’agit d’une méthode permettant d’éviter les
problèmes posés par les taux de change (prix d’échange des monnaies nationales) et par le fait que la
structure des prix relatifs n’est pas le même partout (le prix relatif des services est plus élevé dans un
pays développé que dans un pays en développement).
Ainsi, le PIB de la France exprimé en $ n’est pas le même quand le $ est échangé contre 1 € et
lorsqu’il l’est contre 1,20 €.
La parité de pouvoir d’achat représente l’équivalence entre le pouvoir d’achat d’une unité monétaire d’un pays et le pouvoir d’achat de n unités monétaires d’un autre pays. La PPA repose sur un panier de marchandises.
2
Illustration :
Si un café en France est payé 2 € et si ce café est payé 1 $ aux Etats-Unis alors le taux de change
respectant la PPA est 1$ = 2 €. On construit ainsi un indice des prix en France et aux Etats-Unis pour
des produits identiques et on en déduit un taux de change théorique.
L’utilisation des PPA permet de faire comme si on utilisait un seul système mondial de prix pour
mesurer les différents PIB par tête.

L’évaluation statistique de la croissance :
La croissance étant par définition un phénomène de long terme, le taux de croissance annuel du
PIB doit être complété par une étude de l’évolution tendancielle (le trend)
A cette fin, on peut utiliser :
- soit le taux de croissance global (t) sur n années.
- soit le taux de croissance annuel moyen (TCAM). Le TCAM est le taux de croissance annuel
qui, appliqué à l’identique, année après année, sur l’ensemble d’une période de plusieurs années, aboutit
à un accroissement du PIB identique à celui que mesure le taux de croissance global.
TCAM sur n années = [(1 + t)1/n – 1] * 100
(1 + t) représente le coefficient multiplicateur global.
Autre notation : TCAM = ( n 1  t - 1) * 100
Enfin rappelons que Walt Whitman ROSTOW (1916 – 2003, économiste) considère que, dans
chaque société, la croissance passe par cinq étapes déterminées :
1. La société traditionnelle qui est une société agricole où dominent la routine, la tradition, la faiblesse de l’épargne.
2. La transition traduit des comportements plus dynamiques et des techniques nouvelles.
L’agriculture permet de dégager des profits, les mentalités évoluent et les individus cherchent de plus en
plus à s’enrichir.
3. Le take-off (décollage) est une période très brève (moins de 30 ans). Cette phase comporte un
taux d’investissement supérieur à 10%, des élites qui créent des industries et diffusent des techniques.
Cette période s’accompagne d’un accroissement des inégalités sociales.
4. La maturité se caractérise par un taux d’investissement de 10 à 20% ; le progrès technique se diffuse dans toute la société. La plupart des catégories sociales en profitent.
5. La consommation devient intensive, l’économie se tertiarise, les besoins primaires sont satisfaits,
les loisirs, la santé, l’éducation se développent. C’est, selon, l’aboutissement du progrès.
Cette théorie est utilisée par les libéraux pour montrer que le sous développement n’est qu’un retard de développement. Par ailleurs, si cette théorie peut se concevoir pour des pays industrialisés, elle
semble difficilement plus applicable pour un certain nombre de pays au cours du 20ème siècle.
Expliquer la croissance amène donc à se poser un certain nombre de questions : Quels sont les
facteurs quantitatifs et qualitatifs qui, en se cumulant, la favorisent ? Quelles sont les conditions de la
mise en œuvre de la croissance ?
B. Le développement.
Pour le développement, comme pour la croissance économique, plusieurs définitions existent. On
peut citer notamment celles de Paul Bairoch (1930 – 1999) et de François Perroux (1903 – 1987).
« Le développement est l’ensemble des changements économiques, sociaux, techniques et institutionnels liés à l’augmentation des niveaux de vie résultant des mutations techniques et organisationnelles
de la révolution industrielle du 18ème siècle »). Le développement doit donc permettre « l’amélioration des
conditions générales de vie au-delà de la simple augmentation du niveau de vie ». (Paul Bairoch)
3
"Le développement est la combinaison des changements sociaux et mentaux d'une population qui
la rendent apte à faire croître cumulativement et durablement, son produit réel global" (François Perroux).
Cette définition peut susciter quelques interrogations dans la mesure où, dans sa définition, il emploie l’expression « changements sociaux » ce qui pourrait laisser supposer que développement et changement social sont synonymes.
Le développement se distingue donc de la croissance car il désigne un processus qualitatif de
transformation des structures économiques, sociales et mentales qui accompagne et favorise la croissance économique. Le sous-développement, quant à lui, correspond à la situation qui caractérise des
pays qui ne peuvent faire croître durablement le PIB en raison d’un certain nombre de blocages internes.
(Remarque : les expressions « pays sous-développés », « pays en voie de développement » et « pays en
développement » sont approximativement utilisées comme synonymes).
Alors que la croissance économique correspond à l’augmentation, au cours d’une période donnée, d’un indicateur synthétique de production, le développement correspond à un processus de transformation des techniques et des structures économiques, politiques et sociales, qui engendre le recul de la
pauvreté, l’augmentation du niveau de vie et d’éducation, l’allongement de l’espérance de vie.
Le développement met en avant une dimension qualitative et de ce fait, il est moins quantifiable
que la croissance économique. Néanmoins, un certain nombre d’indicateurs ont été construits : IDH,
ISDH et IPH.
En 1990, le PNUD (programme des nations unies pour le développement, créé en 1965) a élaboré
un indicateur composite : l’indicateur de développement humain. Cet indicateur prend en compte trois
paramètres :
- l’espérance de vie ;
- le niveau d’éducation, mesuré à partir des taux d’alphabétisation des adultes et de la durée de la
scolarité ;
- le PIB par habitant.
La méthode consiste, pour chacun des indicateurs, à rapporter la situation du pays pour lequel on
effectue le calcul à un indice dimensionnel correspondant à la différence entre la valeur maximale et la
valeur minimale possible.
Indice dimensionnel =

(valeur _ constatée  valeur _ min imale )
(valeur _ max imale  valeur _ min imale )
Illustration : le cas de la Côte d’Ivoire en 2000.
Espérance de vie :
On estime que l’espérance de vie peut varier de 25 à 85 ans soit une amplitude de 60 ans.
En 2000, l’espérance de vie en Côte d’Ivoire était de 47,8 ans.
L’indice d’espérance de vie était donc égale à :
(47,8  25)
= 0,38
(85  25)
Niveau d’instruction :
La construction de l’indice du niveau d’instruction prend en compte le taux d’alphabétisation des
adultes (deux tiers de l’indice) et le taux de scolarisation (un tiers de l’indice).
En 2000, le taux d’alphabétisation était de 46,8% et le taux de scolarisation de 38%.
L’indice d’alphabétisation était donc de : 46,8 / 100 = 0,468
L’indice de scolarisation était donc de : 38 / 100 = 0,38
On obtient ainsi l’indice de niveau d’instruction :
2
1
* (0,468)  * (0,38)  0,439
3
3
4
Le PIB par habitant :
La construction de l’indice du PIB par habitant est un peu plus complexe car il faut prendre en
compte le logarithme des revenus et non les revenus.
On considère que le PIB par habitant peut varier de 100 $ à 40 000 $.
En 2000, le PIB par habitant de la Côte d’Ivoire s’élevait à 1630 $.
L’indice du PIB par habitant était donc de :
log( 1630)  log( 100)
 0,466
log( 40000)  log( 100)
L’IDH de la Côte d’Ivoire s’obtient en effectuant la moyenne arithmétique de ces indices soit 0,428.
Si l’IDH traduit mieux que le PIB par habitant le niveau, il demeure partiel puisqu’il ne prend en
compte que certains éléments et n’intègre pas ceux permettant de rendre compte des inégalités sociales à
l’intérieur des pays.
En 1995, l’IDH a été corrigé en prenant en compte les inégalités hommes – femmes par l’intégration d’un indicateur de participation des femmes (IPF) cherchant à mettre en avant les opportunités qui
s’offrent aux femmes dans les domaines politique et économique. Ce nouvel indicateur s’appelle
l’indicateur sexospécifique de développement humain (ISDH) qui est systématiquement inférieur à l’IDH
traduisant la plus ou moins grande discrimination dont sont victimes les femmes.
Il faut néanmoins souligner que l’IDH et l’ISDH ignorent encore de nombreux aspects du développement humain et les critères politiques sont totalement ignorés : protection des libertés humaines
fondamentales, stabilité des institutions, démocratie, niveau de corruption…
En 1997, les économistes du PNUD ont construit un nouvel indicateur qui n’est plus une simple
approche monétaire et permet de mieux rendre des inégalités sociales : l’indicateur de pauvreté humaine
(IPH). Cet IPH a été distingué selon le niveau de développement :
- IPH-1 pour les pays en développement ;
- IPH-2 pour les pays développés.
L’IPH mesure les carences ou manques observables dans trois domaines (la longévité,
l’instruction et les conditions de vie). L’IPH est compris entre 0 et 100, et plus l’IPH est élevé et plus le
pays est pauvre.
Critères
IPH-1
IPH-2
Longévité
% de décès avant 40 ans
% de décès avant 6O ans
Instruction
% d’analphabétisme
% d’illettrisme
Conditions de vie
% de personnes privées
d’accès à l’eau potable.
% de personnes vivant en
dessous de la moitié du revenu
disponible médian des ménages
% de personnes en chômage
de longue durée.
% de personnes privées
d’accès aux services de
santé.
% d’enfants de moins
de 5 ans souffrant
d’insuffisance pondérale.
(modérée ou aiguë).
5
En 2004, selon le PNUD, la Barbade était classée au 1er rang avec un IPH-1 égal à 2,5 et le Burkina Faso au dernier rang (95ème) avec un IPH-1 égal à 65,5.
La Suède était classée au 1er rang avec un IPH-2 égal à 6,5 et les Etats-Unis au dernier rang
ème
(17 ) avec un IPH-2 égal à 15,8. La France, quant à elle, était classée au 8ème rang (IPH-2 = 10,8).
Ces indicateurs construits par le PNUD rappelle donc une évidence : la croissance n’a de sens
que si elle satisfait les besoins fondamentaux.
C. Le Changement social.
"Toute transformation observable dans le temps, qui affecte d'une manière qui ne soit pas provisoire ou éphémère, la structure ou le fonctionnement de l'organisation sociale d'une collectivité donnée et
modifie le cours de son histoire" (Guy Rocher, Introduction à la sociologie générale, 1986)
"Le changement social est l'ensemble des mutations qui affectent de manière durable l'organisation sociale d'une collectivité donnée" (Dictionnaire Bréal)
Ainsi, le changement social désigne une transformation durable des structures, du fonctionnement, de l’organisation sociale et de la culture (normes et valeurs) d’une société. De nombreux facteurs
ont contribué au changement social : modification des conditions matérielles de production, mutations du
système de valeurs, innovations, conflits…
En France, au cours du 20ème siècle, des changements sociaux importants se sont produits :
- Transformation de la structure sociale (montée des classes moyennes ou déclin des agriculteurs
par exemple).
- Urbanisation.
- Bouleversements des valeurs (transformation des croyances religieuses, montée de
l’individualisme…)
- Emancipation des femmes.
…
Par ailleurs, il faut préciser l’aspect collectif du changement social. Ainsi, si quelques individus
modifient les comportements en vigueur dans la société alors il ne s’agit que d’exceptions. En revanche,
si ces modifications concernent une majorité d’individus alors il s’agit d’un changement social.
Par exemple, lorsque quelques couples vivent sans être mariés, il s’agit d’exceptions. En revanche, lorsque la proportion de couples vivant sans être mariés devient de plus en plus importante, il
s’agit alors d’un réel changement social.
Ces trois notions – croissance, développement et changement social – et leurs interactions seront
le fil conducteur du programme de cette année.
II.
Les liens entre croissance, développement et changement social.
Dans le paragraphe précédent, nous avons défini les termes « croissance » et « développement » et
vu comment les mesurer. Nous avons montré que la croissance est une notion plutôt quantitative, alors
que le développement concerne des transformations plus qualitatives allant vers la satisfaction des besoins humains. Néanmoins, nous n’avons pas encore étudié les liens qui les unissent.
A. Les liens entre la croissance et le développement.
Selon Simon Kuznets, « la croissance économique moderne reflète une capacité permanente
d’offrir à une population en augmentation une quantité accrue de biens et de services par habitant ».
Ainsi, la croissance peut être considérée comme un moyen de favoriser la mise en œuvre d’un processus
de développement.
En effet, la croissance économique correspond à l’augmentation du PIB, c'est-à-dire
l’augmentation des richesses créées et disponibles donc de la valeur ajoutée brute. Cette VAB plus im6
portante sera partagée, théoriquement, entre les acteurs ayant participé à son augmentation. Ainsi, la
richesse individuelle (PIB par habitant) doit augmenter avec le PIB, la croissance permet donc théoriquement un enrichissement régulier et progressif. La croissance s’accompagne d’une transformation des
structures ; par exemple, la structure de la consommation évolue avec le niveau de vie.
La croissance économique apparaît comme une condition nécessaire au développement dans la
mesure où on ne peut pas améliorer la qualité de la vie (alimentation, logement, santé, éducation…) sans
produire les biens et les services en quantités suffisantes.
La croissance rendue possible par l’accroissement de la productivité horaire du travail conduit à
une amélioration du niveau de vie et cette amélioration se traduit non seulement, selon Joseph Stiglitz,
par une hausse du revenu et un allongement de l’espérance de vie, mais aussi par une réduction du
nombre d’heures travaillés et par un meilleur niveau d’éducation. La croissance conduit ainsi à des mutations qualitatives, caractéristiques du développement.
Mais le développement apparaît aussi comme la justification de la croissance. Ainsi, François
Perroux considère le développement économique comme un élément permettant de créer les conditions
favorables à la croissance économique puisqu’il « peut être entendu comme l’ensemble des changements
observables dans le système économique et dans le type d’organisation qui conditionnent la croissance
entendue comme l’augmentation soutenue du produit réel global. Alors le développement est le fait des
changements dans les institutions ».
Le développement humain doit donc permettre une croissance plus soutenue. La santé de la population ainsi qu’une meilleure alimentation contribuent à l’accroissement de la productivité du travail et
sont des éléments essentiels à la motivation des salariés et à l’adaptation de ceux-ci à des situations nouvelles.
Par ailleurs, la répartition équitable des revenus favorise la croissance économique. Si les revenus sont suffisants, la motivation des salariés est plus forte ce qui conduit à une meilleure efficacité. De
même, l’existence de revenus de transferts permet de rendre les revenus plus stables et la consommation
est alors moins soumise aux aléas conjoncturels et aux situations de chômage. L’élévation des revenus
permet aux ménages de satisfaire plus facilement les besoins fondamentaux et de s’orienter vers une consommation plus diversifiée, plus ostentatoire, facteur d’augmentation du PIB.
Le lien qui unit la croissance au développement est donc un lien réciproque. Ce lien n’est pas
pour autant mécanique, la croissance ne conduit pas nécessairement au développement et inversement.
Tout d’abord, la manière d’effectuer le partage du revenu est essentielle. Si la création supplémentaire de richesses profite à une minorité, l’objectif n’est pas atteint. Les pays du tiers-monde se caractérisent par une tendance à réserver les fruits de la croissance à une minorité, ceux-ci étant destinés à
des dépenses ostentatoires : palais présidentiels démesurés, édifices permettant de mettre en avant la
richesse des dirigeants. Ces dépenses se font donc au détriment des investissements productifs.
De même, si la croissance repose sur un secteur exportateur déconnecté de l’économie locale et
de la satisfaction des besoins essentiels alors la croissance ne provoque pas d’effet d’entraînement et ne
profite pas à l’ensemble de la population.
Historiquement, on peut aussi montrer que la croissance n’entraîne pas le développement immédiat. On peut citer la première révolution industrielle en Grande-Bretagne. La création d’un marché libre
du travail, renforcé par l’exode rural, par la suppression des corporations, a eu pour conséquence de
diminuer les niveaux de vie pendant la première moitié du 19ème siècle, provoquant des difficultés à assurer la satisfaction des besoins essentiels de la population. De même, lors du décollage économique, le
développement des investissements ne peut se faire qu’au détriment des salaires, ce qui signifie que les
salaires bas et flexibles sont la condition du développement du capitalisme.
La croissance ne s’accompagne donc pas toujours d’amélioration des conditions de vie et du
bien-être des populations. Des situations de « mal développement » peuvent apparaître aussi bien dans
les pays riches que dans les pays pauvres. Le « mal développement » désigne des transformations structurelles, nées du processus de croissance mais ne profitant pas au bien-être de la population. La croissance conduit à un gaspillage des ressources naturelles. Dès les années 1970, le rapport Meadows –
Halte à la croissance – souligne les retombées négatives de la croissance en termes de pollution et de
risques d’épuisement des ressources non renouvelables. Le partage des revenus restent parfois très iné7
galitaires et pas seulement dans les pays du tiers-monde ; les sociétés riches connaissent l’exclusion et la
pauvreté (en France, environ 6 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, c'est-à-dire
50% du revenu médian).
Enfin, on peut concevoir un développement sans croissance. Dans ce cas, les quantités produites
testent stables mais une répartition différente des richesses produites permet à plus d’habitants de satisfaire leurs besoins vitaux ou à l’Etat les consommations collectives profitant à tous (infrastructures, santé, éducation…)
B. les interactions entre croissance, développement et changement social.
La croissance économique et le développement s’accompagnent de diverses transformations :
Une transformation des structures sociales :
Ainsi, la démographie est influencée par les transformations qui accompagnent la croissance : la
mortalité diminue, suivie plus tard par la natalité (cf. transition démographique). Les mutations démographiques contribuent aussi à la croissance économique en fournissant notamment une main d’œuvre
plus abondante.
- Une transformation des structures socioprofessionnelles :
La montée des catégories sociales diplômées, qualifiées et salariées due aux transformations des
activités économiques liées à la croissance et au développement améliore la productivité du travail et
donc favorise la croissance économique. Soulignons par ailleurs la féminisation de la population active,
contribuant au changement social.
- Des transformations politiques :
L’enrichissement permis par la croissance économique favorise l’intervention croissante de
l’Etat, mais les institutions politiques ont aussi un rôle dans le développement qu’elles peuvent favoriser
ou au contraire freiner.
- Des transformations culturelles :
La croissance et le développement conduisent à un changement culturel, de nouvelles valeurs vont
se développer comme le souci croissant porté aux aspects matérialistes de l’existence, l’individualisme
mais aussi des valeurs post matérialistes qui est un concept développé par le sociologue Ronald Inglehart. Il montre que, dans les sociétés développées, les besoins fondamentaux étant satisfaits, les individus
accordent une importance croissante à certaines valeurs : épanouissement personnel, liberté, égalité,…
Inversement, on peut se poser la question de l’influence des valeurs sur le développement économique. On peut citer notamment l’analyse du sociologue Max Weber dans son ouvrage « Ethique protestante et l’esprit du capitalisme ».
-
III.
Le cadre de la croissance et du développement dans les sociétés modernes.
On qualifie de sociétés modernes les sociétés naissant de la révolution industrielle à partir du
19 siècle. Cependant, les origines de la modernité se situent bien avant, dès le siècle des Lumières
lorsque commence à se développer de manière systématique l’esprit scientifique. Il en résulte deux processus essentiels pour caractériser les sociétés modernes :
- La rationalisation des activités.
- La montée de l’individualisme.
ème
A. Le développement de la rationalité.
Selon Max Weber (1864 – 1920), la rationalité est une des valeurs centrales des sociétés occidentales qui guident les comportements. Elle conduit à adopter des comportements résultant d’un choix raisonné visant à adapter des moyens d’action à des objectifs fixés, indépendamment de la tradition, des
croyances collectives ou des passions. On retrouve cette idée dans l’entrepreneur « schumpetérien » (de
Joseph Alois Schumpeter (1883 – 1950)).
8
Par exemple, un entrepreneur rationnel compare les coûts et les avantages de telle ou telle décision en ne se fondant que sur des critères objectifs (rentabilité, image de marque de l’entreprise…).
La rationalisation désigne donc le processus qui se développe au cours du temps et qui accorde à
la rationalité une place de plus en plus grande. Ce développement de la rationalité a été rendu possible
par la séparation du politique du religieux. Max Weber souligne que la rationalisation s’accompagne
d’une impersonnalité croissante des rapports sociaux et d’un « désenchantement » du monde désignant le
manque de sens lié au développement d’une représentation scientifique du monde au détriment de son
interprétation religieuse.
La rationalisation concerne surtout le domaine économique avec la recherche du profit, le développement du progrès technique, mais s’étend à d’autres domaines de la vie en société : par exemple,
lors d’un conflit, un individu décidera d’y participer en fonction de ce qu’il espère en retirer et de ce
qu’il pense y risquer (cf. la théorie du passager clandestin).
B. La montée de l’individualisme.
Rappelons que individualisme et égoïsme ne sont pas des termes synonymes.
L’égoïsme signifie que l’individu rapporte tout à lui, ne considère que ses propres intérêts.
L’individualisme désigne le processus par lequel, dans les sociétés modernes, les hommes se dégagent de plus en plus de l’emprise des institutions (parenté, religion, communautés diverses,…) qui,
autrefois, réglaient tous leurs comportements.
Ce processus contribue aussi, selon Max Weber, au désenchantement du monde (cf. paragraphe
précédent). Pour Emile Durkheim (1858 – 1917), l’individualisme est le produit de la solidarité organique dont l’anomie en est la pathologie.
Ainsi, aujourd’hui, tout individu peut choisir librement son mode de vie, agir comme il l’entend
tant qu’il respecte les lois communes. Néanmoins, il faut rappeler le poids des structures dans la détermination des comportements des individus (cf. la socialisation). L’individu choisit donc son mode de vie
en fonction de ses valeurs, de l’éducation qu’il a reçue et de sa propre appréciation de la réalité.
Une des conséquences de l’individualisme est que l’individu est beaucoup plus seul pour assumer
ses choix de vie. L’individualisme a transformé le lien individu – société. En effet, lorsque la société dicte
leurs comportements aux individus, ceux-ci n’ont plus de responsabilité personnelle ; en revanche, quand
l’individu prend des décisions, il devient responsable de celles-ci.
L’individualisme, en favorisant la liberté de choix, suscite toutefois quelques interrogations :
- Comment le lien social peut-il se maintenir ?
- Comment assurer la coordination et la régulation des activités économiques ?
- Comment garantir à chacun des individus composant la société l’exercice et la protection des
droits ?
- …
IV.
Différences et inégalités dans les rythmes de la croissance, du développement et du changement social.
A.

La différence dans les rythmes de changements.
Croissance et développement sont des phénomènes récents :
Durant des siècles, les hommes ne sont pas parvenus à accroître de manière durable leur production de richesse et à transformer leur mode de vie. Jusqu’en 1500 environ, la croissance est quasi-nulle.
Entre 1500 et 1700, elle aurait atteint 0,1% par personne et par an en moyenne. Ce n’est qu’à la fin du
18ème et au début du 19ème siècle que la croissance économique s’accélère et que débute, avec elle, le développement. C’est la révolution industrielle qui marque le passage à la période de croissance et de développement. Elle débute en 1780 en Grande-Bretagne ; en 1810 – 1820 en France et en Allemagne et en
1860 au Japon.
9
Si la tendance générale (le trend) de la production est à la hausse sur ces deux siècles, la production augmente de manière très irrégulière. Sur le long terme, la croissance économique est cyclique (cf.
théorie des cycles).

Une transformation des conditions matérielles des conditions d’existence.
Dans les pays développés, La croissance a permis une forte progression du niveau de vie se traduisant par une amélioration et une diversification de l’alimentation, la diffusion de biens durables,
l’accès aux services et l’allongement de l’espérance de vie.
La croissance s’est accompagnée de bouleversements des structures économiques et sociales :
- Baisse de la part du secteur primaire dans la production et la population active.
- Transformation des structures socioprofessionnelles.
- Emancipation de la femme.
- Changements dans les modes de vie se manifestant par une transformation de la structure de la
consommation (baisse de la part de l’alimentation, augmentation de la part des dépenses de santé et du
logement, hausse des consommations collectives (éducation…))
Cependant, tous les pays n’ont pas connu ni les mêmes rythmes de croissance, ni les mêmes points
de départ de la croissance économique.
B. Les différences de rythme de croissance et les inégalités.

De grandes inégalités de niveau de vie entre les pays.
Les rythmes de croissance élevés dans certaines zones (Europe occidentale, Amérique du nord) se
sont cumulés ce qui explique que les écarts de niveau de vie s’amplifient. Et comme tous les pays n’ont
pas commencé leur développement à la même date, les niveaux de développement atteints aujourd’hui
sont marqués par de fortes inégalités.
Ainsi, le PIB par habitant des Etats-Unis est environ 45 fois plus élevé que celui du Niger et,
comme la croissance annuelle moyenne est souvent plus faible dans les pays pauvres que dans les pays
riches, l’écart ne cesse de s’accroître.
Les inégalités dans la croissance économique provoquent une hiérarchie dans les niveaux de développement. Les pays développés ont commencé leur croissance au 19ème siècle, ont accumulé du capital
et du savoir-faire, ont la maîtrise des circuits financiers, ont atteint un niveau de vie élevé et dominent les
échanges internationaux de marchandises.

Les inégalités à l’intérieur des pays, mêmes développés, persistent.
Les inégalités de niveau de vie restent marquées à l’intérieur des pays et même les pays développés n’ont pas réussi à régler la question de la pauvreté.
Dans les pays développés, une partie de la population ne peut toujours pas accéder au standard
de vie considéré. On retrouve notamment les personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. Aux EtatsUnis, on estime que 15% environ des ménages sont considérés comme pauvres.
Dans les pays les moins développés, la grande pauvreté est encore plus frappante d’autant qu’elle
coexiste souvent avec une minorité de riches.
Enfin, la pauvreté pose la question de l’intégration sociale dans la mesure où la pauvreté économique se cumule avec d’autres inégalités pouvant rendre difficile l’insertion dans la société et engendrer
un processus d’exclusion. Or, une société ne peut se maintenir que si elle intègre l’ensemble de ses
membres.
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C. Les questions posées par la croissance.
2 questions essentielles se posent :
- La croissance peut-elle se poursuivre indéfiniment ?
- Peut-on ou doit-on réguler la croissance ?

La poursuite de la croissance :
Certains pays ont connu une augmentation importante du niveau de vie et d’autres pays ont envie
de suivre le même chemin, mais est-ce possible ?
En effet, la croissance économique dans les pays développés a reposé sur un système économique
et a débouché sur une économie mondialisée marquée par des phénomènes de domination et d’inégalités.
Ces inégalités peuvent engendrer des conflits si on ne cherche pas à les réduire car certains pays ne vont
pas se satisfaire de rester indéfiniment à l’écart du développement.
La poursuite de la croissance est-elle même souhaitable ? (cf. la question du développement durable abordée dans le chapitre 1)

La régulation de la croissance :
La mondialisation de l’économie pose aussi la question de l’Etat. Au 19ème et au 20ème siècle, la
croissance économique s’est effectuée dans un cadre national et elle était encadré et soutenue par
l’intervention de l’Etat qui a joué un pôle essentiel.
A la fin du 20ème siècle, la libéralisation des échanges a favorisé la circulation des capitaux et des
marchandises. Cette libéralisation a limité les possibilités d’action des Etats (cf. la gouvernance de
l’économie mondiale). Quels rôles doivent jouer les Etats ? les espaces économiques (Union Européenne) ? les organisations internationales ? l’OMC ?... dans cette économie mondialisée. Et comment la
société civile peut-elle réagir ?
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