Cours 38-39 du 28 /10/11 de 16h à 18h Mme Mirjana Radosavljevic Cancérologie Marchal Antoine Hinderer Anne-Gaëlle Immunologie des tumeurs Définition d’une cellule cancéreuse : - Croissance indéfinie - Arrêt de différentiation - Perte de l’inhibition de contact - Acquisition d’un phénotype invasif - Et on peut ajouter : Capacité à échapper au système immunitaire en fabricant des molécules contre le système immunitaire ou en devenant invisible face à celui-ci. Pour empêcher la cancérisation, on a deux types de mécanismes : 1. Intrinsèques à la cellule : anomalies de l’ADN, normalement il y a arrêt du cycle cellulaire, intervention de P53 (gêne suppresseur de tumeur), réparation, puis la cellule entre à nouveau dans le cycle cellulaire. Si la cellule ne peut pas réparer son ADN il y a apoptose. 2. Extrinsèques : les cellules modifiées se signalent au système immunitaire via des ligands du stress, comme par exemple les molécules induites par les gênes MIC ou REA (ou UMDP). Le récepteur NKG2D porté par les cellules NK (Natural Killer) fixe ces ligands du stress, la cellule tumorale est considérée comme quelque chose d’étranger et sera éliminée. Pourquoi certaines cellules modifiées arrivent à se développer ? Dans le début du XXème siècle est née la notion d’immunosurveillance, puis confirmée en 1970 : c’est le fait qu’une cellule cancéreuse soit reconnue puis éliminée. Depuis, on est passé à la notion d’immunoediting : 1 I) Immunoediting On y décrit 3 stades : - Elimination : phase de reconnaissance et élimination. Il y a reconnaissance des lésions prémalignes et destruction. - Equilibre : entre la croissance de la tumeur et la destruction par le système immunitaire. Il peut perdurer toute la vie d’un individu. - Echappement : la tumeur croît. Cela peut être du à un déficit du système immunitaire ou à une capacité de la tumeur à y échapper ; l’environnement tumoral est capable d’inhiber le système immunitaire. Schéma résumé : Par rapport au tissu sain, les cellules cancéreuses expriment de nouveaux facteurs sécrétés ou à leur surface (NKG2D ligand, protéine HSP, Ag tumoraux) Puis viennent les trois possibilités : - Elimination : intervention des lymphocytes T CD8 positifs (abrégés LTCD8+), des LTCD4+, cellules NKT et NK, macrophages et cellules dendritiques qui sécrètent des cytokines. Tout cela confère une protection. - Equilibre : par rapport au point de départ on a une baisse du nombre de cellules cancéreuses. Il n’y a que les cellules de l’immunité adaptative qui interviennent (LTCD4+, LTCD8+). Mais il y a des cellules cancéreuses faiblement immunogénétiques, qui n’expriment plus de marqueurs tumoraux, ainsi que des cellules immunosuppressives. - Echappement : les cellules cancéreuses sécrètent des substances qui inhibent les cellules NK et les macrophages. 2 Note : Les lymphocytes T régulateurs CD4+ ont une fonction de régulation lors d’une réaction inflammatoire (il faut bien qu’elle s’arrête). Ils sécrètent des cytokines comme IL-10, immunosuppressive et ont un effet inhibiteur sur les LTCD8+, favorisant la progression tumorale lors du stade de l’échappement. Une des premières expériences pour mettre en évidence l’immunité contre les tumeurs : On injecte à une souris des cellules cancéreuse irradiées (l’ADN est détruit, donc elles ne se développent pas mais restent immunogènes). - Si on réinjecte à la même souris des cellules tumorales semblables mais viables cette fois, elles seront détruites par le système immunitaire de la souris. - Si on lui injecte des cellules tumorales viables venant d’une tumeur différente, cette souris développera un cancer. Il y a donc une reconnaissance spécifique d’Ag tumoraux par le système immunitaire (notamment les LT). 3 II) La surveillance immunologique des cancers chez l’homme 1. Argument histologique d’une réponse immune de l’hôte contre les cellules tumorales : Présence d’infiltrat lymphoïde au niveau de tumeurs d’origine tissulaire diverse. Les lymphocytes et les macrophages constituent les cellules les plus nombreuses des infiltrats, mais l’on trouve aussi des cellules dendritiques, des granulocytes et des mastocytes. La présence de lymphocytes in situ de la tumeur : TIL (lymphocytes infiltrant la tumeur) est corrélée avec un facteur de bon pronostic de survie. L’étude de Zhang et al.N.Engl.J.Med : Le suivit de 186 adénocarcinomes de l’ovaire stade III et IV montre une corrélation positive entre le taux de survie à 5 ans et la présence de TIL CD3+ : - 38% pour le groupe TIL+ - 4,5% pour le groupe TIL 2. Argument statistique : Dans les transplantations d’organes, les patients immunosupprimés présentent une incidence plus élevée de cancers par rapport à une population témoin immunocompétente d’âge en rapport. Ex : une étude portant sur 5692 transplantations rénales entre 1964 et 1982 Le risque relatif de cancer du colon est multiplié par 3,2 pour les hommes et par 3,9 pour les femmes. Ces résultats indiquent qu’un traitement immunosuppresseur prédispose à la formation chez le patient transplanté soit de tumeur de novo soit à la croissance de tumeur passée inaperçue dont la croissance fut contenue par un système immunitaire fonctionnel. Ces résultats suggèrent une action protectrice de l’immunité dans la prévention des tumeurs chez l’homme. 3. Argument clinique: Dans quelques rares cas de régression spontanée de mélanomes il a été démontré que les lymphocytes infiltrant les tumeurs pouvaient tuer spécifiquement les cellules tumorales en reconnaissant sélectivement des Ag exprimés par ces dernières. III) Les acteurs de la réponse immune antitumorale • Immunité innée: NK, Macrophages, granulocytes • Immunité adaptative: – cellulaire: LT cytotoxiques CD8+ spécifiques des Ag associés aux tumeurs – humorale: Ac anti Ag associés aux tumeurs (AAT) 1) Les cellules a) Les cellules NK Les cellules NK, cellules de l’immunité innée, n’ont pas de récepteur spécifique mais ont des récepteurs pour des molécules induites par le stress cellulaire (ces molécules sont normalement absentes à la surface des cellules). 4 - Quand il n’y a pas de cancer : la cellule présente les molécules du CMH 1 qui sont reconnues par les récepteurs inhibiteurs de la cellule NK. -Si la cellule est transformée : diminution voir absence des molécules du CMH1 causant l’activation des cellules NK La molécule Rae-1 est un ligand pour le récepteur NKG2D, qui est activateur de la cellule NK et provoque : - la libération de perforine/granzyme par dégranulation. - la sécrétion d’interféron γ (gamma). b) Les cellules dendritiques Elles présentent des Ag peptidiques provenant des cellules cancéreuses aux LTCD4+ via le CMH2 et aux LTCD8+ via le CMH1. Rappel CMH1 : présente un Ag endogène qui provient de la cellule elle-même, d’une bactérie intracellulaire ou d’un virus dans une vacuole d’endocytose. c) Les lymphocytes T CD8+ : Rôle dans l’immunosurveillance antitumorale: cytotoxicité antitumorale CMH-I restreinte et perforine dépendante. La reconnaissance de l’Ag par le LTCD8+ via son récepteur TCR est dite CMH1 restreinte (donc se fait uniquement quand l’Ag est présenté par le CMH1 d’une autre cellule). Il y a induction de l’apoptose de la cellule tumorale par sécrétion de perforine, de plus il y a : - destruction des cellules de soutien du tissu tumoral (fibroblastes) si ces cellules portent également les mêmes marqueurs CMH1. - destruction des cellules endothéliales car elles sécrètent des facteurs de croissance. - sécrétion d’interférons γ qui ont un effet inhibiteur sur l’angiogenèse. d) Rôle des lymphocytes T CD4+ Ils reconnaissent, via leur récepteur TCR, des Ag associés au CMH2 présenté par des macrophages, puis sécrètent : - la cytokine IL-4 : agit sur les cellules fibroblastiques de la tumeur qui sécrètent elles même des facteurs anti-angiogéniques. - des interférons γ 5 L’interaction du LTCD4+ avec le macrophage induit chez le macrophage une sécrétion d’interféron γ. 2) Rôle des anticorps spécifiques de la tumeur « Plasma cell » : cellule de la lignée B qui sécrète des Ac spécifiques de la tumeur. Ils agissent : - directement sur les cellules tumorales. - en interagissant avec le complément, ils induisent une lyse médiée par le complément. - sur les macrophages et cellules NK qui attaquent la cellule tumorales par leur cytotoxicité. Pour l’activation des LTCD8+, il y a reconnaissance du CMH1 par le récepteur TCR du lymphocyte mais il faut également des molécules de co-stimulation indispensables à la cytotoxycité du LT. Réponse immune adaptative anti-tumorale Exemple du mélanome, caractérisé par des Ag associés aux tumeurs : MAGE1, MART1 et signaux de danger. Ces molécules alertent le système immunitaire via les cellules dendritiques qui captent l’Ag associé aux tumeurs. Cela induit une maturation des cellules dendritiques qui expriment des nouvelles molécules à leur surface, elles migrent vers un nœud lymphatique où elles activent les LT CD4+ et CD8+ via respectivement le CMH2 et CMH1. Ces cellules activées retournent sur le site de la tumeur, le LTCD4+ active d’autres cellules présentatrices d’Ag et le LTCD8+ commence à éliminer les cellules tumorales. 6 Obtention de clones CTL (lymphocytes T cytotoxiques) antitumoraux autologues Identification des antigènes associés aux tumeurs. On prélève des lymphocytes et des cellules d’un mélanome qu’on irradie (pour arrêter leur prolifération) après culture. Puis on ajoute les lymphocytes du même patient, avec de l’interleukine 2 pour permettre leur prolifération. On clone ensuite les lymphocytes. Seuls les lymphocytes activés par la reconnaissance des Ag tumoraux se développent. 7 Antigènes associés aux tumeurs *Récepteur jaune : récepteur CMH1 Dans les cellules normales, les protéines présentées sont bleues ou oranges. - S’il y a mutation d’un gêne, une nouvelle protéine du soi est présentée par le CMH1. - Si une mutation fait apparaître un nouvel épitope de la protéine, cela entraine la présentation d’un nouveau complexe qui sera reconnu. - S’il y a réactivation d’un gêne embryonnaire, il sera exprimé et reconnu par le système immunitaire. - S’il y a surexpression d’une protéine normale, cela se répercute au niveau de l’exposition du CHM1 et il y aura reconnaissance par le système immunitaire. Il existe des Ag associés aux tumeurs : - spécifiques des tumeurs (MAGE par exemple, GAGE, BAGE) - Ag de différentiation spécifique du tissu Présentation des Ag endogènes par les molécules du CMH1 Des protéines endogènes vont être ubiquinées, passent dans le protéasome qui les dégradent en petits peptides qui pénètrent dans le REG grâce aux TAP (protéines transportrices d’Ag). Ces peptides vont venir se ficher sur le récepteur du CMH1, ajouté à la protéine β2-microglobuline. Le complexe passe dans le Golgi puis est exprimé à la surface de la cellule. 8 Si un des gêne des TAP ou d’une des différentes molécules chaperonnes est muté cela entraine une diminution de la présentation des Ag, notamment des Ag des tumeurs et donc la non reconnaissance de cette cellule par le système immunitaire. Reconnaissance spécifique et activation du lymphocyte T par une cellule présentatrice d’Ag Elle se fait par le CMH et le récepteur TCR du lymphocyte T ainsi que par de nombreux autres récepteurs associés. VI) Les mécanismes de l’échappement - Diminution de l’immunogénicité (capacité à être reconnu par le système immunitaire), par exemple pas de molécule du stress ou absence du CMH. - Des cellules tumorales vont faire disparaître leurs marqueurs tumoraux ou les remplacer par des nouveaux. - Sécrétion de TGF-β, inhibiteurs des lymphocytes T. - Formation d’une coque, barrière physique, autour de la tumeur alors inaccessible au système immunitaire. Mécanismes d’échappement Il y a les facteurs propres à la cellule et propre à la tumeur ainsi que des facteurs faisant intervenir le système immunitaire. *MICAs : molécule soluble, elle a une action inverse de MICA membranaire qui est une molécule du stress. 9 V) Thérapie Immunothérapie anticancéreuse et anticorps monoclonaux Le fait qu’il existe des Ac dirigés contre les tumeurs peut servir de traitement. On peut ajouter à l’Ac une toxine ou une substance radioactive pour une action directe contre les cellules tumorales. Ex : Herceptin®, Rituximab® 10 La thérapie cellulaire adaptative (difficile en pratique) Prélèvement de la tumeur, on prélève également du sang et on essaye de sélectionner des lymphocytes T infiltrant la tumeur, réactivés in vitro. On les réinjecte ensuite au patient après une chimiothérapie pour créer une « brèche » dans la tumeur. Cela a marché pour certains patients en stade avancé or ce procédé est long et cher. Rmq : Pour les stages, il est possible d’aller dans le centre de recherche d’immunologie et d’hématologie. Ils y travaillent sur les HLA de classe 1. 11