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VIRUS
GÉNÉRALITÉS
LA DÉCOUVERTE
En 1890, le botaniste russe Dimitri Ivanovski se trouvait en Crimée pour étudier
l'origine d'une étrange maladie infectieuse qui se répandait parmi les plants de
tabac, dont elle flétrissait les feuilles vertes. Les cultivateurs l'appelaient la
« maladie du marbre » ou « mosaïque du tabac », en raison des striures qu'elle
provoquait.
Ivanovski se consacra à la recherche de l'agent de cette infection. Pour cela, il filtra
au moyen d'un récipient de porcelaine poreuse le jus d'une feuille malade finement
hachée. Il remarqua alors que le jus filtré conservait son pouvoir infectieux. Mais
aucune des Bactéries connues à l'époque ne pouvait passer à travers les pores de
ce filtre. S'agissait-il d'une Bactérie invisible, qui n'avait jamais été identifiée
jusqu'alors ? Quelques années plus tard, en 1898, le microbiologiste hollandais
Martinus W. Beijerinck formula l'hypothèse selon laquelle il s'agissait d'un nouveau
type d'agent infectieux, différent des Bactéries, qu'il appela « virus ».
Ce n'est qu'en 1935 que Wendell M. Stanley, un jeune chimiste travaillant au sein
de l'institut Rockfeller de New York, démontra que le virus était simplement un
composé biochimique constitué de quelques molécules protéiques, qu'on pouvait
obtenir in vitro sous la forme de fines aiguilles cristallines. Dix ans plus tard, Ernst
Ruska, l'inventeur du microscope électronique, observa pour la première fois un
virus. Il s'agissait d'un bactériophage, ou « virus dévoreur de Bactéries ».
VIVANTS OU NON ?
Les virus peuvent être considérés aussi bien comme des êtres vivants que des
êtres non vivants, ou mieux comme une forme intermédiaire entre les êtres vivants
et les êtres non-vivants. C'est le seul exemple de ce type dans la nature.
Un virus est une particule dont l'organisation est étroitement liée à des processus
de nature biochimique. Un virus est incapable de mener une vie autonome. Aussi
parasite t-il une cellule vivante pour en détourner les fonctions biochimiques.
Envisagés comme des êtres non vivants, les virus constituent une exception, car
aucun autre n'exerce une influence comparable sur les fonctions des cellules. Mais
considérés comme des êtres vivants, il apparaissent comme les organismes les
plus simples.
Ces observations ont abouti à trois théories sur la nature des virus :
1) Ce sont des formes de transition entre la matière inerte et la matière vivante.
2) Ils peuvent être rapprochés des êtres vivants en raison de leur capacité à se
multiplier, à évoluer, à s'adapter et à se déplacer d'un organisme à un autre, qu’il
soit animal ou végétal.
3) Les virus sont plutôt de nature purement chimique, compte tenu de l’absence de
fonctions biologiques, du nombre réduit de molécules qui les composent (peu
compatible avec la complexité de l'organisation des êtres vivants même les plus
primitifs) et de la simplicité de leur structure, qui comprend un seul type d’ acides
nucléiques et des protéines.
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ORIGINE
En dehors des cellules tes, les virus ne se reproduisent pas. Ce comportement
particulier a donné lieu à trois hypothèses sur leur origine. Remarquons, par
ailleurs, que les chercheurs n'excluent pas que les différents virus puissent avoir
une origine différente :
1) La première hypothèse postule que les virus sont des cellules ayant subi une
régression. En effet, ils pourraient dériver de formes de vie semblables aux
Bactéries, c'est-à-dire des unicellulaires qui auraient perdu progressivement une
partie de leur information génétique jusqu’à devenir des parasites intracellulaires
totalement pendants des cellules hôtes. La complexité de certains des plus gros
virus existants, qui présentent des centaines de gènes et des processus de
développement complexes, constituerait une preuve de cette théorie selon laquelle
ils résultent de l'évolution régressive de cellules vivantes autonomes. Les premières
formes de vie apparues sur la Terre étaient sans doute des molécules d'acide
nucléique issues de réactions chimiques utilisant l'énergie de la lumière ultraviolette
ou de décharges électriques. Ces molécules, mettant à profit la proximité d'autres
composés organiques (eux aussi issus de réactions chimiques), réussirent à
assurer leur réplication (voir origine de la vie). Au cours de l'évolution, cependant,
quelques-unes des capacités de synthèse pourraient avoir été de nouveau
perdues.
2) Selon une deuxième hypothèse, les virus seraient des parasites ayant régressé.
Ils dériveraient des acides nucléiques (ADN ou ARN) des cellules hôtes, qui
auraient commencé à se reproduire et à mener une vie parasitaire. Dans ce cas, un
ou plusieurs gènes auraient acquis la faculté de se reproduire et d'évoluer (c'est-à-
dire de modifier leur organisation et leurs séquences nucléotidiques)
indépendamment du génome. À l'origine de la vie, des micro-organismes libres, qui
avaient besoin de métabolites préformés, seraient devenus des parasites
d'organismes capables de leur fournir les substances dont ils avaient besoin. La
membrane, ou le revêtement de la plupart des virus, pourrait dériver de leurs
cellules hôtes.
3) Selon la troisième hypothèse, les virus et les cellules ont évolué parallèlement.
Dans cette perspective, les virus seraient apparus en même temps que les
molécules les plus primitives qui, les premières, réussirent à se reproduire.
Quelques-unes de ces molécules finirent par constituer des unités d'organisation et
de duplication appelées cellules, tandis que d'autres s'assemblèrent pour former les
particules virales, qui connurent une évolution parallèle à celle des cellules, dont
elles devinrent les parasites.
STRUCTURE
Les virus sont minuscules, invisibles au microscope optique. Seul le microscope
électronique permet de mettre en évidence la variété de leurs formes, de leurs
dimensions et de leurs structures. Certains sont allongés, d'autres sont sphériques,
cubiques, polyédriques ou en forme de brique ; d'autres encore, comme les
bactériophages, les virus qui attaquent les Bactéries, ont une tête ovale ou
polyédrique et une queue fine. Tous sont des parasites cellulaires constitués d'une
molécule d'acide nucléique (ADN ou ARN) entourée d'une enveloppe de protéines.
Ils sont dépourvus de noyau, de cytoplasme et de membrane, ainsi que de tous les
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autres organites et de toutes les autres fonctions caractéristiques des cellules. Du
reste, ils n'en ont pas besoin puisqu'ils détournent les structures, et donc les
fonctions, de la cellule hôte pour se répliquer. C'est pour cette raison que, dans le
cas des virus, on parle d'organisation sub-cellulaire. Les virus sont plus grands que
les molécules biologiques normalement observables dans la nature, mais ils sont
beaucoup plus petits que les plus petites cellules. Leurs dimensions varient de 10-
20 à 200-300 nanomètres (rappelons que le nanomètre est la millième partie du
micron, qui est à son tour la millième partie du millimètre ; autrement dit, le
nanomètre est la millionième partie du millimètre).
Le génome viral
Le patrimoine génétique d'un virus est constitué d'un simple filament d'acide
nucléique (ADN ou ARN) entouré d'une ou de deux enveloppes protectrices de
nature protéique. Comme dans les cellules, le long filament d'ADN ou d'ARN viral
s'enroule autour d'une structure protéique centrale, à la façon d’un fil autour d'une
bobine (voir chromosomes et chromatine). Si le génome d'un virus était couché par
écrit, sous la forme d'une série linéaire de lettres de l'alphabet, il occuperait une
page entière de livre. À titre de comparaison, le génome d'un homme occuperait au
moins cinq cent mille pages.
La capside
L'enveloppe, ou coque, de la particule virale, constituée de protéines, est appelée
capside. Avec l'acide nucléique virale qu'elle contient, elle forme la nucléocapside.
La capside est formée de sous-unités protéiques disposées de façon ordonnée,
selon deux types de symétrie fondamentaux : cubique (comme dans les
Herpèsvirus) ou hélicoïdale (comme dans le virus de la peste bovine). Chez les
virus à symétrie cubique, les sous-unités protéiques sont appelées capsomères.
Les capsomères se présentent à la surface de la nucléocapside sous la forme de
cubes minuscules, qu'il est possible de mettre en grâce au microscope
électronique. Chez les virus à symétrie hélicoïdale, l’ensemble des sous-unités
structurelles de la capside protéique forme une spirale. À la différence des virus
cubiques, dans lesquels l'acide nucléique est englobé par la coque, les virus
hélicoïdaux se présentent comme un cylindre creux et spiralé formant une gaine
protectrice tout le long de la molécule d’acide nucléique.
La particule virale complète et mûre, avec le génome viral enfermé dans la capside,
est appelée virion. Les virus les plus grands possèdent une membrane faites de
lipides (virus de la rougeole, de la grippe, de la myxomatose), et des virus encore
plus complexes possèdent une enveloppe constituée, en plus des lipides, de
glucides et d'autres substances. On connaît aussi des virus plus simples, dits
« virus nus », c'est-à-dire dépourvus de membrane lipidique, parmi lesquels on
compte les Adénovirus et le virus de la poliomyélite.
Les bactériophages
La plupart des connaissances amassées sur les virus l’ont été grâce aux études
menées sur les bactériophages, ou phages, virus qui infectent et détruisent les
Bactéries, et en particulier sur le bactériophage T4. Chez toutes les Bactéries
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cultivables il est possible d’observer des bactériophages, mais les souches
bactériennes les plus utilisées sont celles de Escherichia coli, Salmonella et
Shigella.
Les bactériophages furent découverts vers 1915, de façon presque simultanée et
indépendante, par deux savants, Frederick W. Twort en Angleterre, et Félix
d'Herelle en France. Twort, en étudiant des cultures de staphylocoque, Bactérie de
forme sphérique, observa dans l’une d’elles des plaques qui avaient détruit les
Bactéries. En mettant en contact des colonies normales de staphylocoques avec
une aiguille contenant des Bactéries mortes, il remarqua que les plaques mortelles
se répandaient parmi les nouvelles Bactéries. Un ou deux ans plus tard, le
chercheur français d'Herelle fit les mêmes observations, et il donna à ces étranges
plaques le nom de « bactériophages » ou « phages ».
Les bactériophages ont une forme semblable à celle d'un têtard : une tête
sphérique ou polyédrique et une queue longue et fine d’où partent des
prolongements, ou fibres. Dans la tête se trouve un acide nucléique (ADN ou ARN),
tandis que la queue est constituée d'un axe central recouvert d'une gaine enroulée
en spirale. Une enveloppe protéique entoure la te du bactériophage et se
prolonge sur toute la longueur de la queue.
L'ADN d'un phage T4 est formé à 65 % de nucléotides d'adénine et de thymine. La
présence de l'hydroxymétylcytosine au lieu de la cytosine de l'ADN cellulaire est
caractéristique. Le génome du T4 dispose de suffisamment d'informations pour
coder en tout 214 protéines.
Les constituants protéiques structurels de la capside sont au nombre de 11, le plus
abondant est le produit du gène viral 23 (la protéine P23), qui représente à lui tout
seul plus de 50 % de la masse protéique de la tête.
L'axe (ou stylet) de la queue est formé de 144 sous-unités protéiques identiques,
codées par le gène 19, disposées en une structure à symétrie hélicoïdale.
La gaine est l'appareil contractile qui pousse le stylet contenant l'ADN comme
l'aiguille d'une seringue à travers la paroi de l'hôte bactérien. La gaine est
constituée comme le stylet de 144 sous-unités protéiques identiques, produites par
le gène 18, qui se disposent autour du stylet et en imitent la structure à symétrie
hélicoïdale.
La plaque basale est l'organe qui déclenche le mécanisme d'injection de l'ADN. Elle
présente une structure hexagonale qui, au contact de la paroi cellulaire
bactérienne, s'ouvre en une étoile à 6 pointes. Ce changement de configuration
brise les liaisons entre l'axe et la plaque, déterminant la contraction de la gaine vers
le bas. Un constituant structurel de la plaque, qui en dirige le comportement, est
l'enzyme dihydrophosphate réductase.
Les fibres situées à l'extrémité de la queue sont 6 par virion ; elles sont attachées à
la plaque basale. Au moins six gènes concourent à la formation des fibres. Quatre
d'entre eux sont structurels (les gènes 34, 35, 36, 37), les deux autres (les gènes
57 et 38) contrôlant sans doute le montage des précurseurs par un mécanisme
encore inconnu.
Les rétrovirus
Il existe un groupe particulier de virus, appelés rétrovirus, qui, au lieu d'ADN,
présentent comme acide nucléique une molécule d'ARN, ou acide ribonucléique.
Ce sont les rétrovirus. Constitué d'une seule hélice, l'ARN assure normalement
dans la cellule la fonction de messager de l'information génétique durant la
synthèse protéique. Les gènes, ou zones d'informations, constitués d'ADN, sont
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copiés ou transcrits en ARN, qui sert ensuite de matrice pour la synthèse des
protéines. Dans une cellule, le flux d'information génétique passe de l'ADN à l'ARN,
puis aux protéines. Cette règle semblait ne souffrir aucune exception jusqu'à la
découverte de la grande famille des rétrovirus.
Essayons de comprendre en quoi un rétrovirus diffère d'un virus à ADN commun.
Quand les virus à ARN envahissent une cellule, ils se servent d'une enzyme (la
transcriptase inverse) pour « rétrotranscrire », temporairement, leur code génétique
en ADN. On obtient de la sorte un provirus, qui fonctionne à la façon d'un moule à
ADN, pour produire de nouvelles molécules d'ARN viral. Cette opération de
transcription comporte des erreurs de copie, si bien que les virus à ARN se
caractérisent par un degré élevé de variabilité (voir structure du VIH).
Certains chercheurs considèrent les rétrovirus comme un groupe spécial
d'éléments génétiques, représentants d'une ligne évolutive à part. D'autres,
conformément à l'hypothèse de l'origine cellulaire des virus, soutiennent que les
rétrovirus pourraient dériver d'ARN messager cellulaire.
CYCLE VIRAL
Pour vivre et pour se reproduire, les virus doivent être l'hôte de cellules. Ils s’y
introduisent et utilisent les mécanismes cellulaires afin de se multiplier.
La pénétration d'un virus dans une cellule marque à la foie le but d’un cycle vital
pour l’envahisseur et d’un cycle infectieux pour l’hôte. Une fois la membrane
cellulaire traversée, le virus libère son matériel génétique dans le cytoplasme de la
cellule et amorce la formation de nouveaux virus par la réplication de son génome.
Les virus mûrs, ou virions, sont projetés hors de la cellule par exocytose ou bien
après lyse cellulaire (voir phases du cycle infectieux), c’est-à-dire éclatement de la
cellule par rupture de sa membrane. Les virions, particules virales libres, sont alors
prêts à infecter de nouvelles cellules.
L'un des cycles les plus étudiés est celui du bactériophage T4 à l'intérieur des
Bactéries. Le bactériophage, semblable à un spermatozoïde, possède à la base de
la queue des organes d'adhésion qui lui permettent de se fixer à la paroi cellulaire
de la Bactérie. Dans le cycle infectieux, on parle de phase d'adhésion ou
d'adsorption. Une fois l'adhésion réalisée, la gaine de la queue se contracte et
insère l'axe ou stylet dans la paroi cellulaire, exactement comme l'aiguille d'une
seringue dans la peau. L'acide nucléique contenu dans la tête du bactériophage est
poussé à travers la structure tubulaire jusqu'à ce qu'il pénètre dans la Bactérie. On
parle alors de désagrégation du virus. Dès son entrée, le génome viral est intégré
au génome de la Bactérie pour produire de nouvelles particules virales. Les
processus de duplication aboutissent à la formation de nouvelles copies d'ADN
viral, la transcription et la traduction de l'information génétique qu'il contient
permettant en revanche de produire les protéines virales (voir Structure et fonctions
de l'ADN). Le cycle se termine par l'auto-assemblage des particules virales et la
lyse de la Bactérie.
Chez les bactériophages, l'enveloppe externe injecte l'acide nucléique dans le
cytoplasme de la cellule hôte, mais, dans de nombreux autres cas, le virus pénètre
tout entier dans la cellule et, avant de commencer la réplication, doit se libérer de
l'enveloppe protéique.
Les phases du cycle
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