LES TEMPS DU VERBE
I- LE PRESENT DE L'INDICATIF.
Le présent occupe une place à part dans le paradigme verbal comme « forme non-marquée ». Son absence de
désinence I'oppose au futur et à l'imparfait qui possèdent une marque spécifique.
"J'aime" ="J'aimerai"
“J'aime”= “J'aimais”
Nous aimons = Nous aimions
Ce morphème zéro, marqué par l'absence significative, correspondrait à une absence de marque temporelle . Ce serait
la valeur de ce temps grammatical "présent".
Il s'agit toujours de bien distinguer le temps grammatical du temps chronologique de référence. Le tiroir verbal
(tense) se distingue du temps de reférence (time): celui de l'époque.
Le présent est en effet le support de plusieurs valeurs temporelles contradictoires renvoyant à un procès situé dans le
passé, le présent ou le futur. Il peut remplacer des formes verbales du passé ou du futur.
Ces différentes valeurs temporelles ne sont pas le fait du verbe au présent lui-même, cette forme verbale n'ayant
aucune valeur temporelle précise ; elles dépendent de l'énoncé dans lequel se trouve le verbe au présent et, plus
particulièrement de ses données énonciatives des indicateurs temporels…
"Les enfants partent demain en vacances.
Hier, en me promenant dans la ville, je rencontre Jacques
L'adverbe situe le procès dans une époque distincte de l'actualité du locuteur.
Mais, en l'absence d'indicateurs temporels orientant vers l'avenir ou le passé, le présent marquera la relation avec
"l'actuel", le procès est contemporain de l'acte d'énonciation.
"Les enfants arrivent. "
Le "nunc" de l'énonciateur imprègne tout l'énoncé. (Serbat).
Le présent permet de saisir le procès en cours de déroulement : aspect imperfectif, sans préjuger de sa durée : le
bornage et la durée peuvent venir des indications contextuelles.
La bombe explose.
"Les ouvriers sortent à 5 heures.
"Elle marche au milieu de la rue.
Les différentes valeurs temporelles du présent de l'indicatif
1-Le présent de l'énonciation.
Dans un énoncé au présent, sans autres indications contraires, la forme verbale indique une stricte simultanéité du
procès avec le moment de parole.
Exemples : dans les dialogues les parties qui se réfèrent à la réaliimmédiate
" Voyons, quelle heure est-il ?
J'entends des pas. "
ainsi que les actes de langage : verbes performatifs.
"Je te promets de venir.
"Je vous félicite pour ce brillant résultat.
ou encore dans les reportages en direct.
2-Le présent étendu
La durée désignée dépasse le moment de parole:
- de manière plus ou moins symétrique côté passé et futur.
" Ces lampes n'éclairent pas. "
"J'ai attendu jusqu'à présent maintenant j'en ai assez.
''Au robinet, l'eau est froide ce matin.
- du côté du passé " Voilà deux heures que je vous attends.
"II pleut depuis vingt- quatre heures.
La limite initiale est située dans le passé, la limite finale est indéfinie.
- du côté de l'avenir. "Désormais, je me couche plus tôt.;''
"Est-ce que vous pouvez finir ce travail d`ici vendredi ?
Le procès, toujours centré sur le point d'énonciation, est orienté vers l'avenir partir de la limite initiale fixée par
l'adverbe : "désormais" ou "d'ici".
3-Le présent à valeur de passé.
3 1 : Le passé proche.
L'énoncé reste rel au moment de la parole, mais le procès est décalé dans le passé par rapport au moment de
l'énonciation grâce à un indicateur temporel ou par des connaissances situationnelles ou contextuelles.
"Je quitte à l'instant mon ami.
"Comment on t'offre une place de chroniqueur dans un bon journal à Paris et tu as l'aplomb de refuser ! "
3-2 - Le présent historique ou de narration.
Ce présent est éloigné, coupé du moment de I'énonciation. Le procès est signalé implicitement comme passé par son
appartenance évidente à la succession des événements du récit. Le présent tire encore sa valeur temporelle du
contexte : récit au passé, d'un adverbe, d'un complément indiquant une date.
"A ce moment arrivent deux individus; je les reçois, je leur expose la situation ; ils m'écoutent et l'instant d'après ils
s'éclipsent.
'En 1789, le peuple de Paris prend la Bastille.
"Un agneau se désaltérait / Dans le courant d'une onde pure/ Un loup survient a jeun qui cherchait aventure, / Et que
la faim en ces lieux attirait. (La Fontaine)
Le contraste créé par l'intrusion du présent dans un récit au passé produit un effet d'accélération, de dramatisation.
4-Le présent à valeur temporelle de futur.
Il n'apparaît que dans une énonciation de discours. Il ressort alors de la situation même l'énoncé est prononcé que
celui-ci ne peut que concerner un temps postérieur au moment de la parole". II en est ainsi quand un enfant répond à
sa mère qui l'appelle : "J'arrive " et qui continue à jouer.
Le plus souvent, l'énoncé contient une indication temporelle de futur :
Dès que j'aurai des nouvelles de lui, je vous informe.
"Dans deux ou trois ans, je prends ma retraite.
cf Touratier, Le système verbal français p92-93
Le présent dépourvu de valeur temporelle.
Si aucune indication ne situe l'énoncé dans le temps, et si le contenu. de l'énoncé a une portée générale ou abstraite,
Le présent prend la valeur gnomique d'une vérité générale.
''Nous sommes loin du temps où La Bruyère disait que tout est déjà dit. " (Gide, Prétextes)
"Javel aîné était alors patron d'un chalutier. Le chalutier est le bateau de pêche par excellence. Solide à ne craindre
aucun temps, il travaille la mer, infatigable, la voile gonflée traînant par le flanc un grand filet qui racle le fond de
l'océan. " (Maupassant, En mer.)
On peut aussi mentionner l'emploi du présent de définition lexicologique dans les relatives déterminatives qui n'ont
pas de correspondant adjectival :
"Je jetai sur lui des brassée de fleurs qui ne s'ouvrent que le soir. " (Giraudoux)
"Thérèse elle-même se félicitait de ce qu'il était un homme avec lequel on peut causer. "(Mauriac, Thérèse
Desqueyroux.)
Quand le contexte des verbes au présent indique expressément ou indirectement qu'il s'agit d'un fait habituel ou
répétitif, l'on a le présent d'habitude : "Il prend du café au petit déjeuner.
ou le présent de répétition : Tous les matins, il écoute le bulletin météorologique
II- L'IMPARFAIT DE L'INDICATIF
Le morphème imparfait est marqué par / ε / et / i / signifié non proprement temporel.
Si "actuel " peut être pris dans deux effets de sens :
-effectif, réel
"actuel" qui se passe présentement
-contraire à la réalité, non réel (sans que la réalité soit
située dans le temps.) : valeur modale
"non actuel''
ce qui n'est pas actuel du point de vue du temps passé
valeur temporelle
Ses emplois temporels
L'imparfait signifie un procès "non actuel du point de vue temporel. Soit le schéma :
Quand il a une valeur temporelle de temps du passé, "l'imparfait a cette particularité de traduire des actions ou des
états passés, en tant que tels, sans les enclore dans les limites de leur réalisation, sans les présenter comme ayant eu de
commencement ni de fin.'' (Wagner)
Cette absence de délimitation initiale et finale le distingue du passé simple. L'imparfait présente le procès comme
vécu de l'intérieur ; plusieurs linguistes ont souligné le caractère analytique de cette forme qui présente une part du
procès comme une part de réel (action déjà vécue) et une part de virtuel (il n'est pas indiqué si le procès a pris fin ou
s'il s'est prolongé ). Ce caractère l'oppose encore au tout global, indécomposable, synthétique du passé simple.
L'imparfait s'applique donc souvent à des actions dont on montre le déroulement dans le passé, le
développement dans la durée. Imparfait + lexème verbal imperfectif
(lexème imperfectif : action prolongeable, procès indépendant en soi de toute idée de limite finale, se combine avec
“longtemps" : marcher, travailler, craindre, aimer, dormir ... )
"Elle aimait bien ses amis, elle les servait avec beaucoup de zèle"
''Ils vivaient heureux. "
Mais l'imparfait peut être employé à propos d'actions qui ne sont pas envisagées dans la durée.
Imparfait + lexème perfectif.
(verbe perfectif : le procès, une fois commencé ne peut être que recommencé et non pas prolongé)
" Une heure après, il prenait le train pour Paris.
"Il sortait de l'immeuble quand la cheminée se détacha du toit.
La limite finale du procès "il sortait" est estompée par l'imparfait : attente d'une suite.
Parallèlement A ce que I'on peut observer avec le présent, on note divers emplois :
(1) la coïncidence avec le repère " Quand je revins, il était malade.
(2) on privilégie la période passée antérieure au repère "Depuis vingt ans, il était malade.
(3) on privilégie la période postérieure au repère "Désormais, il était sauvé. "
Les emplois temporels dans les textes narratifs.
En raison de sa valeur temporelle non spécialisée de simple passé, de son caractère analytique et non délimité,
l'imparfait joue dans les textes narratifs un rôle spécifique. II ne peut introduire un repère temporel nouveau, mais doit
s'appuyer sur un repère temporel installé : - par une autre forme verbale.
- par une indication temporelle.
C'est en ce sens que l'on a pu dire que l'imparfait est un temps anaphorique.
L'imparfait affecte parmi les procès passés ceux qui n'appartiennent pas à la succession chronologique de la trame
événementielle, ceux que le narrateur choisit de ne pas faire entrer dans cette trame.
1-Le début de récit
Quand la trame événementielle n’est pas encore mise en place, on indique qu'il s'agit de données passées.
"Il était une fois...
" Un jour sur ses longs pieds allait je ne sais où : le héron au long bec emmanché d'un long cou. " (La Fontaine)
L'imparfait campe le décor, la trame événementielle attend le premier passé composé on le premier passé simple.
2-Arrière-plan descriptions et fond de décor, circonstances préalables au milieu desquelles interviendra
événement important de premier plan.
2-1 Evénements, actions ou états chargés de situer ou de préciser les événements et la trame événementielle à venir.
Après l'ouverture à l'imparfait une description de la situation sert de cadre à l'intrigue de l'histoire :
"L'onde était transparente ainsi qu'aux plus beaux jours / Ma commère la carpe y faisait mille tours / Avec le brochet
son compère. " (La Fontaine )
Mais ces éléments d'arrière-plan , de description peuvent aussi interrompre le récit :
Ce fut comme une apparition.
Elle était assise, au milieu du banc, toute seule ; ou du moins il ne distingua personne, dans I'éblouissement que lui
renvoyèrent ses yeux. En même temps qu'il passait, elle leva la tête ; il fléchit involontairement les épaules ; et quand
il se fut mis plus loin, du même côté, il la regarda.
Elle avait un large chapeau de paille, avec des rubans roses, qui palpitaient au vent, derrière elle. Ses bandeaux
noirs, contournant la pointe de ses grands sourcils, descendaient très bas et semblaient presser amoureusement
l’ovale de sa figure. Sa robe de mousseline claire, tachetée de petits pois, se répandait à plis nombreux.. Elle était en
train de broder quelque chose ; et son nez droit, son menton, toute sa personne se découpait sur le fond de l’air bleu.
Comme elle gardait la même attitude, il fit plusieurs tours de droite et de gauche pour dissimuler sa manœuvre ; puis
il se planta tout près de son ombrelle, posée contre le banc, et il affectait d’observer une chaloupe sur la rivière.
(Flaubert, L’Education sentimentale)
Cette altemance de formes verbales donne son rythme au récit.
2-2 Cas spécial de fond de décor: actions passées exclues de la trame événementielle qui se déroulent simultanément
à un ou plusieurs événements de cette trame, ce que fait parallèlement un personnage autre que celui qui occupe la
scéne.
On passe d’un front principal à un front secondaire. ef Weinfich : « L’Arrière-plan narratif »
"L’impériale partit d'un éclat de rire. Le rémouleur ne riait pas, lui. " (Daudet, Lettres de mon moulin)
'La cérémonie commença et Mina ouvrit la bouche pour chanter le cantique d'entrée. Simon, lui, ne chantait pas. Le
dimanche il mettait ses poumons au repos. " (Didier Decoin, Abraham de Brooklyn.)
L’opposition de cet imparfait de fond de décor ou d’arrière-plan avec le passé simple peut se faire dans le cadre d'une
même phrase. Le passé simple vient interrompre le déroulement indéfini du processus évoqué à l’imparfait:
Nous étions à I'étude, quand le proviseur entra suivi d'un nouveau habilen bourgeois et d'un garçon de classe
qui portait un grand pupitre. " (Flaubert, Madame Bovary)
On trouve aussi l’ordre inverse:
"Le lendemain matin, l'officier descendit quand nous prenions notre petit déjeuner dans la cuisine. " (Vercors, Le
silence de la mer)
3-Commentaires et explications. Réflexions sur l’action principale
-Différentes sortes de remarques du narrateur.
"Ca, c'est le marmitage des grands jours ou je ne m’y connais pas, dit Garibaldi à ses compagnons. C’était la
première phrase qu'il prononçait depuis leur arrivée dans le trou. " (Romains, Verdun.)
“Il ouvrit le journal à La treizième page ! Gomez vit une photo : La Guardia serrait la main d'un gros homme, tous
deux souriaient avec abandon. (Sartre)
-Un cas particulier : ce que Le Bidois appelle « l’imparfait des dires », le style indirect libre. Cette particularité
d’emploi est purement contextuelle : les énoncés à l’imparfait développent un élément désigné par un verbe de parole.
Ils rapportent les propos tenus :
Des députés du peuple rat
S'en vinrent demander quelque aumône légère
Ils allaient en terre étrangère
Chercher quelque secours contre le peuple chat ;
Ratopolis était bloquée :
On les avait contraints de partir sans argent...
Ils demandaient fort peu, certains que le secours serait prêt dans quatre ou cinq jours.
(La Fontaine, Fables, VII, 3)
“EIle se risqua enfin : Tout ça n’avait rien à voir ensemble..., elle n'aimait pas mêler la religion avec ces choses-là.
Elle était pratiquante... Elle remplissait tous ses devoirs
(Mauriac, Nœud de vipères)
-Notons encore l’imparfait de concordance, lorsqu’un verbe conjonctif est lié à un verbe au passé.
Amélie déclara qu'elle rentrait chez elle
"Vous avez dit que j’étais là ? " (style indirect)
“J’ai toujours trouvé qu'il valait mieux le dire"
4-L’imparfait narratif ou d'événement
- Effet de dramatisation lorsque l’imparfait qui accompagne une date expressément spécifiée comme historique donne
à cette date une importance générale, une allure non factuelle, qui dépasse le cadre du récit. Mise en relief du fait
évoqué.
En 1802 naissait à Besançon Victor Hugo. "
(Date historique + verbe perfectif à l’imparfait)
-Quand il s'agit de dépeindre un procès comme dans un tableau, on parle d'imparfait pittoresque. (cf document: Un
preneur d’otages .... )
- L’imparfait peut désigner le prolongement non limité de l’événement de la trame
“Elle rentra mouillée et le lendemain elle toussait. "
Il « décrit un état de choses qu'a ouvert le procès exprimé au passé simple." (Wagner etPinchon)
5-L’imparfait de rupture (ou de perspective)
II est analogue au présent qui exprime un futur proche. Accompagné d’un indicateur temporel, il exprime un fait
postérieur au repère indiqué.
"Lorsque le notaire arriva avec M. Geoffrin .... elle les reçut elle-même et les invita d tout visiter en détail. Un mois
plus tard, elle signait le contrat de vente et achetait en même temps une petite maison bourgeoise. "(Maupassant, Une
vie ) Souvent cet emploi intervient en clôture du récit au passé : effet produit d'une ouverture, d’une impression
d’inachevé. L’événement relégué à l’arrière-plan narratif présente 1'atinosphère finale du drame, l’état dans lequel le
narrateur voit les héros installés.
Les emplois non temporels. dits modaux.
1-L'imparfait de non-réel
Le procès à l’imparfait est indiqué comme ne relevant pas du monde réel. Exclu du monde réel présent, le procès,
selon les contextes et les situations désignées, est :
possible dans le présent ou l’avenir : potentiel
contraire à la réalité présente : irréel du. présent
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