
Si l'origine de ce débat est relativement ancienne (Meade, 1952; Arrow et Kurz,
1970; Nurkse, 1952, Hirschman, 1958; Rosenstein-Rodan, 1964), des théories récentes de la
croissance endogène ont contribué à son renouveau. A titre d'exemple, le modèle de Barro
(1990) a attribué aux dépenses publiques productives, comme les dépenses publiques en
capital d'infrastructure, un rôle moteur dans le processus de croissance économique à long
terme. La complémentarité entre le capital public et privé implique que le premier a un
impact positif sur la rentabilité du capital dans le secteur privé (voir Barro et Sala-i-Martin,
1995; Berthelemy, Herrera et Sen, 1995).
Toutefois, s'il existe peu de problèmes en matière de formalisation théorique des liens
entre l'accumulation du capital dans les secteur public et privé, il est souvent très difficile
d'entreprendre des vérifications empiriques (Aschauer, 1989a, 1989b, 1998; Munnel, 1990,
Gupta et al., 2002). Généralement, l'idée suivant laquelle l'investissement public est
positivement lié à la croissance économique réelle est souvent acceptée à tort ou à raison
(voir Aschauer et Lächler, 1998). Il existe quand même certaines raisons pour lesquelles on
doit suspecter qu'une telle relation puisse ne pas être stable ou être vraie uniquement sous
certaines conditions, à savoir les conditions de substituabilité, d’effcience, de productivité et
de financement des déficits (Aschauer et Lächler, 1998). L'identification de telles conditions
est très importante du point de vue de la politique économique en ce sens qu'elle est
susceptible de garantir que la dépense publique aura l'effet escompté et qu'elle n'induira pas
une mauvaise allocation des ressources.
1.2: Les travaux empiriques
Sur le plan empirique, très peu d'études ont été consacrées à la question de l'impact de
la politique budgétaire sur la dépense privée, notamment dans les pays en développement
(pour un survol détaillé de ces études, voir Mansouri, 2000, 2001, 2003a). Dans le cas
particulier du Maroc, il n'existe à notre connaissance aucune étude empirique sérieuse sur les
effets de la politique budgétaire sur les variables macro-économiques fondamentales.
Mohammed Boussetta (voir Boussetta, 1992), dans sa thèse de doctorat d'Etat et ses divers
articles publiés dans les Annales Marocaines d'Economie, n'a pas analysé empiriquement
comment la politique budgétaire au Maroc affecte la dépense privée et la croissance
économique. Il s'est contenté d'exposer les résultats de quelques modèles empiriques estimés
essentiellement pour les pays développés et concernant notamment l'impact de
l'investissement public sur l'investissement privé. Pour le cas du Maroc, Boussetta (1992)
s'est contenté d’affirmer que les dépenses publiques en capital ont historiquement joué un
rôle majeur dans l'activité de l'investissement privé (l'effet de la politique budgétaire sur la
consommation privée, n’a pas été évoqué par Boussetta). Concernant les effets de la
politique budgétaire sur la croissance économique, Boussetta (1992, 1995, 1996) s’est
contenté d’observations statistiques très généralisantes pour conclure qu’il n’existe aucune
relation entre les déficits budgétaires et le PIB.
Qu'en est-il des études empiriques consacrées à l'impact de l'investissement public sur
l'investissement privé? Dans les pays développés, les résultats empiriques divergent
beaucoup sur cette question. Des modèles s'inspirant du cadre conceptuel keynésien estiment
que l'investissement public a un effet d'entraînement sur l'investissement privé (voir
notamment Dalagamas, 1987; Eisner, 1983, 1986, 1989; Eisner et Pieper, 1987). D'autres
études empiriques révèlent que l'effet dépendrait du degré de complémentarité ou de