
DOCUMENT 7 :
« [Le PIB mesure mal la richesse d’un pays car il oublie toutes les richesses non monétaires. En effet,] le PIB exclut de sa mesure nombre
d’éléments essentiels au bien-être social et individuel, mais qui ont, pourrait-on dire, la malchance d’être gratuits. »
Toubal & Frémeaux, « Comment mesurer la richesse ? », Alternatives économiques n°193, 2001
DOCUMENT 8 :
« Le débat sur l’utilité « hédonique » de la croissance remonte à un article ancien de Richard Easterlin (1974). Suivi d’une série d’études
similaires, ce dernier montre que depuis l’après-guerre, le score moyen de satisfaction déclaré par la population est resté à peu près constant,
malgré l’augmentation spectaculaire de la richesse des pays développés. Ainsi, la proportion d’Américains se déclarant « très heureux »
n’aurait pas augmenté entre 1973 et 2003 malgré l’accroissement du PNB par tête de deux tiers. La même observation vaut pour les pays
européens et le Japon. De manière générale, la proportion de gens qui se déclarent « très heureux » se trouve systématiquement au voisinage
des 30% ; en terme d’échelle, les gens se situent toujours en moyenne sur le sixième échelon quand on leur propose une échelle de 1 à 8.
Revenu et bien-être ne seraient donc pas synonymes, et mesurer la croissance du PNB ne serait pas une bonne manière d’évaluer les progrès
d’un pays.
DOCUMENT 9 :
« Il est manifeste que nous sous-estimons grossièrement l’ampleur de la croissance économique du 20ème siècle. Si l’on extrait un
échantillon représentatif de biens et calcule la moyenne des prix réels, on découvre que le travailleur moyen peut en 1997 acheter 6 fois plus
de biens qu’en 1895. On obtient un résultat semblable à partir des statistiques historiques mesurant la croissance du PIB par travailleur : 66
000 $ vs 12 000 $ aux prix de 1995. Mais la Statistique Historique nous dit seulement ce qu’on pourrait obtenir aujourd’hui en affectant notre
revenu aux biens et services qui existaient un siècle plus tôt. Or, bien des choses que nous produisons et consommons de nos jours
n’existaient pas à l’époque ! Aussi, essayez d’y réfléchir deux minutes : quelle valeur accorderiez-vous à l’élévation de nos possibilités
technologiques – la capacité à produire, non les mêmes biens toujours moins cher, mais de nouveau types de biens et de services ? Looking
Backward, un roman d’Edward Bellamy écrit dans les années 1890s, nous en donne une bonne idée. Le héros se trouve brutalement précipité
en l’an 2000. A un moment donné, comme son hôte lui demande : "Voulez-vous écouter un peu de musique ?", il s’attend à le voir s’installer
au piano. C’est qu’à l’époque, pour écouter de la musique à la demande, il fallait disposer d’un piano à proximité, et de quelqu’un pour en
jouer. Fantaisie qui eut coûté, en ce temps là, une pleine année de salaire au travailleur américain moyen. Depuis, le prix réel d’un piano
Steinway a baissé de moitié, représentant tout de même 1 100 heures de travail d’un travailleur moyen. Mais si ce qui vous importe est moins
le piano en lui-même que la possibilité d’écouter de la musique, il n’en coûte plus aujourd’hui que 250 $, soit 10 heures de travail en
moyenne : le prix d’une bonne chaîne Hifi, avec un tuner ! Par conséquent, si l’on veut mesurer la croissance du niveau de vie, doit-on s’en
tenir à la baisse de moitié du prix réel du piano ? Ou bien doit-on plutôt prendre en compte la division par 240 du prix qu’il en coûte pour
écouter de la musique ? » De Long, Slouching toward Utopia, 1997
Pour comprendre ce document, voici une aide :
1. Si on calcule le PIB en 1890, quelle production va-t-on mesurer pour savoir la valeur de la musique à l’époque ? Combien de temps de
travail cela représente-t-il ?
2. Si on calcule le PIB en 2000, quelle production va-t-on mesurer pour savoir la valeur de la musique à l’époque ? Combien de temps de
travail cela représente-t-il ?
3. A partir des deux mesures que vous avez indiquées, quelle période est la plus « riche » en musique ? Cela vous paraît-il logique ?
4. Concluez à partir du paradoxe que vous venez de soulever en vous aidant de la phrase soulignée.
DOCUMENT 10 :
« Le PIB ne valorise que l’activité marchande ou monétaire conduisant à la production de biens et services qui seront appropriés par des
individus. Donc seul le travail rémunéré - travail salarié ou travail indépendant - est considéré comme une activité digne d’intérêt. Toutes les
autres activités sont considérées comme productrices de rien. Toutes les activités ou les temps essentiels pour la vie des sociétés : « temps
avec les proches », « temps des activités citoyennes et démocratiques », « temps domestique »…sont comptés pour zéro. Dans cette
perspective, la société qui sera capable de mettre sous la forme de biens et services appropriables le plus de choses possibles sera la plus
riche. La société qui consacrera le moins de temps aux activités politiques, citoyennes, familiales, personnelles, domestiques, aux activités de
care, consistant à prendre soin, entretenir, soigner, sera celle qui connaît le plus de progrès ».
Méda, « Quel progrès faut-il mesurer ? », Esprit, 2009
DOCUMENT 11 :
« Le fait de monétariser l'activité productive fait grimper les statistiques du PIB, ce qui ne reflète pas complètement la production réelle.
Dans le cas du travail domestique, si ce travail était rémunéré, c'est à dire si l'on engageait des cuisinières, des bonnes et des gardes d'enfants,
au lieu de dépendre des maîtres et maîtresses de maison, le PIB inclurait ce type de services au titre de la production finale puisqu'ils seraient
achetés sur le marché. Le travail des maîtres et maîtresses de maison n'étant pas rémunéré, il est exclu du PIB ».
Heilbroner & Thurow, Comprendre la macroéconomie, 1981
« Deux types de phénomènes seraient à l’oeuvre derrière cette
apparente indifférence des gens au revenu national : l’habitude et les
comparaisons. Il s’agit de deux intuitions simples : d’une part, les gens
s’habituent à un niveau de vie élevé, au sens où leur niveau d’exigence
s’élève avec leur niveau de vie, si bien que leur satisfaction, qui résulte
de l’écart entre revenu effectif et niveau d’aspiration, reste inchangée ;
d’autre part, la satisfaction que les gens retirent de leur revenu est
essentiellement relative : l’élévation de mon revenu ne me satisfait que
si elle est supérieure à celle des gens auxquels je me compare, mon «
groupe de référence ». En poussant cette dernière hypothèse jusqu’à sa
limite, si la croissance élevait les revenus de tous d’une manière
homogène, elle laisserait tout le monde indifférent ».
Clark & Senik, « La croissance rend-elle heureux ? »,
27 questions d’économie contemporaine, 2008