Maroc: Ne vous laissez pas induire en erreur par la façade
Le Maroc a pu réaliser quelques progrès sur la voie de la réforme démocratique. Les mouvements de
protestation de 2011 ont donné lieu à l'adoption d'une nouvelle constitution, permis l'élection d'un nouveau
parlement et d'un chef de gouvernement islamiste, Abdelilah Benkirane. Cet aspect est d'importance à double
titre: avant 2011, le parti de Benkirane, le Parti de la justice et du développement (PJD), a toujours été dans
l'opposition; le PJD est le seul parti islamiste qui a accédé au pouvoir à la faveur d'élections au lendemain du
Printemps arabe et il y est encore.
Le mois dernier, des élections régionales et municipales ont eu lieu au Maroc, en vertu d'un nouveau processus
de décentralisation. Sur le papier, l'objectif consiste à déléguer aux autorités locales certains pouvoirs du
gouvernement central, accorder le droit au peuple d'établir une relation directe avec les instances de la prise de
décision – ainsi que je viens de l'examiner, dans le cas de la Tunisie. Seulement, à l'image de tout le processus
de réforme au Maroc, cet effort de décentralisation, en réalité, n'implique aucunement une véritable dévolution
de pouvoir, étant donné que les walis (gouverneurs), qui sont choisis par le roi, conservent un droit de véto
absolu sur les décisions des conseils régionaux.
Pour plusieurs raisons, je doute qu'il existe des chances au Maroc pour la réalisation de réformes réelles.
Premièrement, la Constitution de 2011 n'a pas engagé de changement réel. Le pouvoir dans sa quasi-totalité est
toujours aux mains du roi et du Makhzen (le cercle restreint de la prise de décision). En outre, quatre ans plus
tard, plusieurs lois organiques de la nouvelle constitution attendent encore d'être mises à exécution. Ainsi, bien
qu'étant un document impressionnant, la nouvelle constitution marocaine n'a rien changé à la réalité politique
du pays.
Plus inquiétant encore, l'an dernier, le gouvernement marocain a donné libre cours à l'usage de la force brutale
contre les journalistes et certains dirigeants de l'opposition, a interdit les rassemblements des associations de
droits de l'Homme et menacé de porter des accusations criminelles contre les activistes récalcitrants. De plus,
les prochaines étapes de la réforme au Maroc n'ont toujours pas été définies. L'effort de décentralisation récent
aurait pu être une avancée sérieuse sur la voie de la réforme. A présent que cette démarche a été, pour une
bonne part, mise en application, il faudra attendre de voir ce que le gouvernement fera pour que cette
entreprise continue de progresser et qu'elle soit menée jusqu'à son terme.
Egypte: De faux pas en avant et de véritables pas en arrière
Il est difficile de trouver des signes positifs dans le cas égyptien, mais les élections législatives qui se tiennent
actuellement dans le pays pourraient inspirer un certain espoir. Tout d'abord, étant donné que l'Egypte n'a plus
eu de parlement depuis 2012, le fait qu'un scrutin parlementaire s'y tienne, finalement, peut représenter, à
priori, une bonne chose.
En outre, à cette occasion, le gouvernement égyptien a autorisé la présence d'observateurs nationaux
internationaux, y compris des Ong et des ambassades étrangères –ce qui n'a pas été le cas auparavant.
De plus, théoriquement, le nouveau législatif égyptien peut exercer une certaine influence sur le chef de
l'exécutif égyptien et servir de contrepoids au pouvoir du président Al-Sissi. Selon la constitution égyptienne
de 2014, le parlement avalise le gouvernement nommé par le président, ou refuse de le cautionner, il a le droit
d'appeler, par le vote des 2/3 de ses membres, à la tenue d'élections anticipées afin d'écarter le président.
Cependant, ces dispositions permettant au législatif de circonscrire les pouvoirs du président de la république
égyptienne n'auront de sens que si les Egyptiens élisent des représentants du peuple ayant des vues politiques
différentes de celles du président et étant prêts à faire le sacrifice de leur avenir politique (et à prendre le risque
de se trouver derrière les barreaux) en s'opposant au président de la république. Qui sont-ils ces candidats aux
élections législatives égyptiennes?