Méthodes expérimentales en astronomie

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VOLUME 1, NUMÉRO 1
PHYSICAL REVIEW LETTERS
21 NOVEMBRE 2003
Méthodes expérimentales en astronomie
Martin Vachon
Département de Physique, Université d’Ottawa, 150 Louis Pasteur, Ottawa, Ontario, KIN 6N5
(reçu le 21 novembre 2003)
L’astronomie est une science qui utilise plusieurs techniques afin d’obtenir de
l’information. La majorité de ces techniques sont basées sur l’analyse par spectroscopie
des ondes électromagnétiques émises à travers l’univers. Certaines régions du spectre
électromagnétique sont plus propices à analyser selon le type de source et selon sa
distance de la Terre. La spectroscopie infrarouge est efficace pour observer des objets
lointains puisque ces ondes peuvent traverser les nuages de poussière dans l’espace et
parce que tout objet qui a une température émet une radiation infrarouge. Par contre, les
rayons X et les rayons gammas sont plus propices pour comprendre les processus de
hautes énergies dans l’espace. Les méthodes expérimentales en astronomie impliquent
habituellement des principes de physique, tel que la spectroscopie et l’effet Doppler. À
partir de ces différentes méthodes, les astronomes peuvent obtenir de l’information sur
l’univers, tel que la formation et le mouvement des étoiles, la présence des trous noirs et
l'évolution de l'univers.
PACS numbers : 82.45.+z, 05.40.+j, 83.10.Nn, 87.15.He
I. INTRODUCTION
L’observation de l’univers est un travail ardu à
cause de la distance entre les astres et notre
planète. D’ailleurs, les distances concernant
cette science se mesurent en années-lumière.
Pour les astres observables les plus éloignés, la
lumière met plusieurs milliers d’années à nous
parvenir. C’est en prenant compte de cette
difficulté que les scientifiques ont appris à
abandonner les données concrètes. Ils observent
plutôt des données abstraites qui peuvent être
interprétées pour donner des résultats.
La
majorité de ces données sont récoltées à l’aide de
techniques basées sur l’analyse des ondes
électromagnétiques émises à travers l’univers.
Certaines régions du spectre électromagnétique
sont plus propices à analyser selon le type de
source et selon sa distance par rapport à la Terre.
Plus précisément, les astronomes étudient la
lumière visible, les rayons X, les rayons γ,
l’infrarouge, l’ultraviolet, les ondes radios ainsi
que d’autres émissions qui ne sont pas des
radiations électromagnétiques, tel que les
neutrinos, les rayons cosmiques et les ondes
gravitationnelles. Toutefois, les émissions les
plus importantes sont les radiations infrarouges,
les rayons X et les rayons γ.
II. LES RADIATIONS
Tout objet qui a une température émet une
radiation dans l’infrarouge [1].
Ainsi,
l’astronomie infrarouge permet d’étudier presque
tout ce qui compose l’univers. Plusieurs objets
de l’espace sont entourés par des régions denses
en gaz et poussières, ce qui empêche à la lumière
visible de nous parvenir.
Toutefois, les
radiations infrarouges, qui ont une longueur
d’onde plus grande, peuvent passer à travers ces
régions sans être dispersées.
Pour les processus de très hautes énergies dans
l’espace, la radiation est émise sous forme de
rayons X et de rayons γ. Les mécanismes qui
produisent ces radiations dans l’espace sont
similaires à ceux qui produisent des radiations à
plus faibles énergies. Les rayons X sont produits
soit par un rayonnement de freinage (ou
Bremsstrahlung
[2]),
un
rayonnement
synchrotron ou par l’effet Compton. Ce dernier
mécanisme ne crée pas de nouveaux photons,
mais produit des photons de plus grandes (ou
plus petites) énergies à la suite d’une collision
avec un électron. Le rayonnement synchrotron
est associé à l’accélération d’un électron qui
spirale autour d’un champ magnétique. Puisque
toute particule chargée qui subit une accélération
rayonne, l’électron émet alors des photons. En
astronomie, le plus important mécanisme qui
produit des rayons X est le rayonnement de
freinage parce qu’il est présent dans toutes les
sources de rayons X. Dans ce cas, les photons
sont créés lorsque des électrons entrent en
collision avec d’autres électrons ou des ions. Le
rayonnement de freinage thermique, qui est
causé par le mouvement thermique irrégulier des
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particules dans un gaz chaud, produit la majorité
des rayons X dans l’espace [2].
Pour ce qui est des rayons γ, ceux-ci peuvent
être produits par quatre processus [2]: une
particule de haute énergie qui heurte une autre
particule, une particule qui heurte son antiparticule et s’anéantie, un élément radioactif qui
se désintègre ou une particule chargée qui est
accélérée. Le processus d’anéantissement est
important en astronomie. D’ailleurs, la plupart
des télescopes à rayons γ sont basés sur le
processus inverse, c’est-à-dire la transformation
d’un rayon γ en couple électron-positron.
III. LES TÉLESCOPES
Les télescopes infrarouges sont similaires aux
télescopes optiques. Les rayons sont focalisés
sur un instrument par un grand miroir courbé et
un miroir secondaire plus petit. L’instrument est
habituellement un spectromètre à prisme ou à
réseau qui disperse la radiation sur un détecteur
afin d’obtenir le spectre de la source. Puisque
les composantes du télescope émettent des
radiations infrarouges si elles ont une
température, elles sont refroidies à l’aide
d’hélium liquide et l’intérieur du télescope est
mis à vide pour que le signal de la source ne soit
pas obstrué.
Les télescopes à rayons X se différencient des
télescopes optiques par la façon dont les rayons
X sont focalisés. Lorsque les rayons atteignent
un matériau quelconque à incidence normale, ils
sont presque tous absorbés plutôt que réfléchis.
Ainsi, les miroirs à incidence normale ne
peuvent être utilisés. De plus, les rayons X ne
sont pas réfractés par des lentilles parce que leurs
longueurs d’onde sont trop courtes, ce qui
signifie que la différence d’indice de réfraction
d’un milieu à l’autre est trop petite pour faire
dévier les rayons. Les télescopes à rayons X
sont donc construits de façon à ce que les rayons
effleurent les miroirs. Les angles d’incidences,
par rapport à la normale de la surface, sont
suffisamment grands pour qu’il y ait une
réflexion totale interne, mais de façon à ce que la
focalisation soit possible.
L’utilisation de
miroirs paraboliques suivis de miroirs
hyperboliques permet ainsi de focaliser les
rayons X sur un instrument (voir figure 1) [3].
Celui-ci disperse alors les rayons à l’aide d’une
substance cristalline. En effet, lorsque les rayons
X passent à travers les atomes du cristal, qui sont
arrangés de façon symétrique, les atomes
agissent comme un réseau de diffraction et ils
dispersent les rayons sur un détecteur qui
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détermine la direction et l’intensité spectrale des
rayons.
Figure 1 : Focalisation des rayons X
Les rayons γ sont encore plus énergétiques que
les rayons X et leur focalisation est pratiquement
impossible. En effet, lorsqu’un rayon γ interagit
avec de la matière dense, il est soit complètement
absorbé ou sinon il subit un changement
d’énergie significatif.
L’impossibilité de
focaliser les rayons implique que les images
obtenues par des télescopes à rayons γ ne sont
pas aussi claires que les images prisent dans les
autres longueurs d’onde, c’est-à-dire que ce type
de télescope a un pouvoir de résolution plus
faible. Le fonctionnement du télescope à rayons
γ (voir figure 2) [3] est basé sur la transformation
d’un rayon γ en couple électron-positron, ce qui
est le phénomène dominant lorsqu’un photon de
cette énergie (plus que 30 MeV) interagit avec la
matière [2]. Le télescope utilise ce processus
pour déterminer l’arrivée d’un rayon γ en
détectant le couple électron-positron. L’appareil
est formé de plusieurs couches qui alternent entre
une couche de conversion et une chambre à
étincelles. La couche de conversion est un métal
lourd, tel que le plomb, dans lequel le photon est
transformé. La chambre à étincelles est une
région remplie de gaz avec des fils électriques
entrecroisés. Lorsque le couple électron-positron
est créé, les particules chargées ionisent le gaz
dans la chambre à étincelles, ce qui crée des
électrons libres. Les fils électriques attirent alors
ces électrons libres, ce qui crée une étincelle à
cet endroit. Des détecteurs de lumière placés à la
base du télescope permettent d’enregistrer les
étincelles. Le chemin d’étincelles fournit ainsi
une représentation tridimensionnelle de la
trajectoire de l’électron et du positron. La
direction du rayon γ peut alors être déterminée
selon le principe de conservation de la quantité
de mouvement. De plus, puisque la diffraction
est un phénomène qui dépend de l’énergie des
particules, l’énergie du rayon γ peut être
déterminée par l’analyse de la dispersion des
particules à travers un cristal placé au fond du
télescope. Avec cette information, une image de
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la source peut alors être produite dans cette
région du spectre électromagnétique.
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s’éloigne est décalé vers le rouge. C'est donc en
comparant les raies des spectres observés à des
spectres connus que l'on peut déceler cet effet.
Ainsi, grâce à des éléments caractéristiques,
comme l'hydrogène qui est présent dans toutes
les étoiles, on arrive à déterminer le mouvement
des astres. En comparant le spectre observé au
spectre normal (sans mouvement), on peut même
déterminer la vitesse du déplacement. Si la
source s’éloigne de la Terre, la vitesse est
calculée d’après l’équation relativiste :
fobs = √(1-(v/c)) fsource
√(1+(v/c))
(1)
Figure 2 : Télescope à rayons γ
IV. LES RÉSULTATS
À partir des données obtenues par l’analyse
des radiations infrarouges, des rayons X, des
rayons γ ainsi que d’autres régions du spectre
électromagnétique, les astronomes peuvent
obtenir de l’information sur l’univers. Tout
d’abord, l’analyse des spectres provenant des
étoiles permet de mieux comprendre comment
elles évoluent et de connaître leur mouvement.
En effet, le spectre provenant d’une étoile est
formé par les spectres d’émissions de chaque
élément qui la compose. Puisque le spectre
d’émission est une caractéristique propre à
chaque élément, il est possible d’identifier les
éléments qui forment l’étoile. De plus, une
analyse des intensités relatives permet de
déterminer la proportion de chaque élément dans
l’étoile. Cette information permet de mieux
comprendre la formation et l’évolution des
étoiles. Par exemple, l’âge d’une étoile peut être
approximée grâce à la fusion, la réaction qui
alimente le noyau d’une étoile [4]. La fusion
transforme petit à petit des atomes légers comme
l'hydrogène en atomes plus lourds comme
l'oxygène. Ainsi, en connaissant la proportion
des éléments présents dans une étoile, on peut
approximer son âge et sa durée de vie restante.
En plus, l’analyse spectrale permet d’étudier le
mouvement des étoiles grâce à l’effet Doppler
[1]. Cet effet est le phénomène qui se produit
lorsqu’une source de lumière est rapprochée ou
éloignée d’un observateur. Si la source se
rapproche, elle émet une lumière de fréquence
paraissant plus élevée, et si la source s’éloigne,
elle émet une lumière de fréquence paraissant
moindre. Ainsi, le spectre de la source qui se
rapproche est formé de raies décalées vers le
violet tandis que le spectre de la source qui
où fobs est la fréquence observée, fsource est la
fréquence de la source au repos, c est la vitesse
de la lumière et v est la vitesse relative entre la
source et la terre [5].
Un trou noir est un corps céleste dont
l’existence a été prédite par les équations de la
relativité générale d’Einstein [6]. La force
gravitationnelle d’un trou noir est tellement
grande qu’aucune radiation électromagnétique ne
peut y échapper.
C’est donc impossible
d’observer un trou noir directement et les
candidats doivent être identifiés par leurs effets
sur la matière autour d’eux. À cause de la
grande force de gravité d’un trou noir, il est
possible de détecter un candidat là où les effets
de la gravité sont observés sans qu’il y ait de
source visible.
La plupart des étoiles se
retrouvent en pair et forment des systèmes
binaires. Si la paire a des masses différentes,
alors l’étoile plus massive va épuiser son
combustible nucléaire avant l’autre et peut
devenir un trou noir si elle n’a pas assez de
pression interne pour combler à sa propre force
de gravité [7]. Dans un tel système binaire, le
trou noir peut avoir une force gravitationnelle
assez grande pour attirer le gaz de l’étoile
restante. Selon le principe de conservation du
moment cinétique, les particules ne peuvent
tomber directement dans le trou noir, mais elles
doivent plutôt parcourir des orbites circulaires,
qui forment un disque d’accrétion [8]. Lorsque
la matière s’approche du trou noir, elle gagne de
l’énergie cinétique, se réchauffe et est condensée
par la force. Le réchauffement ionise les atomes
et le gaz émet alors des rayons X et γ lorsque les
particules de hautes énergies entrent en collision
avec d’autres particules. Les rayons sont émis
dans l’espace avant que la matière franchisse le
rayon critique [7] et les télescopes peuvent alors
détecter cette émission. Par contre, ces donnés
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permettent seulement de conclure l’existence
d’une grande source de gravité qui elle-même
n’émet pas de radiation électromagnétique; un tel
candidat pourrait être une naine blanche ou une
étoile à neutrons. Toutefois, ces astres ne
peuvent atteindre la densité d’un trou noir, car
leur densité elle limité par des principes de
physique. Dans une naine blanche, l’attraction
gravitationnelle est contrebalancée par la
pression des électrons dégénérés [8]. En effet,
les électrons sont des fermions et ils sont soumis
au principe d’exclusion de Pauli. Il est donc
impossible de mettre trop d’électrons dans un
volume donné. D’une autre part, la densité des
étoiles à neutrons doit être inférieure à une
certaine valeur critique: la masse de
Chandrasekhar [8]. Le calcul de la masse du
candidat permet alors d’éliminer la possibilité
qu’il soit une naine blanche ou une étoile à
neutrons. Ce calcul se fait en étudiant la
trajectoire du système binaire et en utilisant la loi
de Kepler :
T² = G m m′ L³
(2)
où T est la période de révolution, G est la
constante gravitationnelle, m et m′ sont les
masses des astres du système et L est la distance
entre eux [8].
L’analyse des ondes électromagnétiques
permet aussi de répondre à certaines questions de
la cosmologie. Par exemple, la théorie la plus
acceptée pour expliquer l’origine de l’univers est
la théorie du Big Bang. Si cette théorie est vraie,
alors il devrait exister une radiation de fond dans
l’univers, maintenant à une température très
faible, qui est le reste de la chaleur produite par
l’explosion.
Les donnés d’un spectromètre
fonctionnant dans l’infrarouge ont permis de
mesurer cette radiation et a démontré qu’elle est
presque identique à la radiation d’un corps noir à
2.726 K (voir figure 3) [1].
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La théorie du Big Bang a aussi été justifiée par
l’observation des galaxies lointaines. En effet,
les radiations provenant de sources éloignées
sont plus décalées vers le rouge à cause de l’effet
Doppler que celles des sources plus près de la
terre. Cet effet est causé par le fait que les
sources plus éloignées se déplacent plus
rapidement par rapport à nous, ce qui suggère
que toute la matière de l’univers provient d’une
explosion.
V. CONCLUSION
Les méthodes expérimentales utilisées en
astronomie permettent d’obtenir de l’information
sur l’univers. Ces méthodes sont basées sur des
principes de physique qui rendent possible
l’acquisition de donnés. Ces donnés permettent
alors de déduire des résultats qui vérifient
certaines théories. En effet, certains phénomènes
observés dans l’espace justifient des concepts de
la mécanique quantique et de la relativité
générale. L’étude des conditions extrêmes dans
les systèmes de l’univers fournit aussi de
l’information sur les propriétés internes de la
matière présente sur notre planète.
[1] Infrared Astronomy,
http://coolcosmos.ipac.caltech.edu/cosmic_c
lassroom/ir_tutorial/
[2] Imagine the Universe – Advanced Science,
http://imagine.gsfc.nasa.gov/docs/science/ad
vanced_science.html, 1997-2003.
[3] Encarta Encyclopedia, Microsoft, 2002.
[4] G. Ranzini, Étoiles et galaxies, Éditions
proxima, 2002, p. 16-17.
[5] R. A. Serway, C. J. Moses, C. A. Moyer,
Modern Physics, 2nd edition, Saunders
College Publishing, 1997, p. 23-24.
[6] J. Bernstein, Einstein, père des trous noirs
malgré lui, Pour la science, Dossier hors
série, juillet 1997, p. 24-29.
[7] K. Thorne, L’effondrement gravitationnel,
Pour la science, Dossier hors série, juillet
1997, p. 30-35.
[8] J-P Lasota, Les trous noirs dans les systèmes
binaires X, Pour la science, Dossier hors
série, juillet 1997, p. 120-124.
Figure 3 : Radiation de fond dans l’univers
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