IV ] LES CRITIQUES ANTI-RELIGIEUSES
Les critiques anti-religieuses ne sont pas nouvelles, et si elles ont pu trouvé différentes formes ou
motifs, elles se rattachent toutes au principe suivant : la religion est une invention humaine. En en faisant une
valeur objective, elle est dès lors illusoire puisqu’elle cherche un sens bénéfique là où il n’y en a pas. Refusant la
réalité, elle est accusée d’être le fruit de la peur et de l’angoisse.
Il faut donc différencier une telle position de la critique interne qui ne nie pas la foi, mais cherche à la purifier.
C’est donc une critique qui demeure religieuse.
Dès l’antiquité déjà nombreux furent les philosophes matérialistes à critiquer la religion. Ainsi pour
Epicure, Lucrèce et leurs disciples, la religion est né de la crainte des hommes qui sont par faiblesse, plongés
dans la superstition. Il faut donc libérer les hommes de la criante divine en expliquant par le biais de la
philosophie, qu’il n’y a pas de providence, ni de destin. Si Dieu existe, en tous cas, Il ne s’occupe pas de nous. Il
n’y a donc pas à s’en inquiéter.
Pour Spinoza, la religion est une illusion dont la source est l’anthropocentrisme et la croyance aux
causes finales. D’où se célèbre formule, où Dieu est dénommé comme un « asile d’ignorance. »
Freud voit dans la religion l’incapacité de l’homme à affronter la réalité de sa condition, aussi
surmonte-t-il sa détresse infantile en se tournant vers l’image d’un père puissant et protecteur.
La religion provient donc des désirs humains dont notamment celui d’être protégé.
Feuerbach considère Dieu comme étant une création de l’esprit humain. Il l’appelle « l’essence morale
objectivée de l’homme ». C’est-à-dire que l’homme s’est mis à distance de lui-même sous la forme séparée d’un
être transcendant. La religion est donc une projection de l’homme et de ses qualités dans un au-delà imaginaire.
L’homme crée un objet opposé à lui. Dieu n’est qu’un anthropomorphisme, une personnification de l’homme,
car à bien chercher, dans la religion et dans Dieu, on ne trouve que l’homme. En fait la religion n’est qu’une
relation de l’homme à lui-même (l’homme se constituant comme objet.) Mais dans cette projection, l’homme
s’appauvrit en donnant à Dieu toutes ses qualités.
S’il veut retrouver sa propre essence, l’homme doit supprimer l’aliénation religieuse qui l’empêche de
s’atteindre lui-même. En effet, si l’homme veut se réconcilier avec lui-même, il doit renoncer à Dieu.
Pour Marx la religion est une forme d’idéologie. C’est un instrument de conservation au service de la
classe dominante. Mais même l’opprimé peut se retrouver dans la religion, puisque alors celle-ci devient
l’expression de sa volonté à trouver un monde meilleur. De par ce fait, la religion montre tout ce dont l’homme
est capable.
Quoiqu’il en soit la religion plonge l’homme dans au-delà imaginaire, et elle est néfaste puisqu’elle interdit de
transformer réellement sa condition matérielle (l’homme se contentant de rêver et de se projeter dans une vie
meilleure, il s’agit donc d’une compensation idéale.) Dès lors, la religion apparaît comme « l’opium des
peuples. »
La critique de Nietzsche est célèbre : la religion est une croyance, une création des faibles et des
vaincus. Mais le drame de la religion, c’est qu’elle attaque l’homme dans sa dignité vantant les mérites de
l’humilité donc de la faiblesse. La religion mutile l’existence humaine car elle cultive l’esprit de sacrifice et elle
bride la puissance et la volonté.
Mais pour Nietzsche, il n’y a rien à craindre puisque à terme Dieu est mort, ainsi que toute idéal transcendantal.
Pour répondre à tant de critiques, la philosophie moderne aime à poser d’autres questions :
- En niant la religion, ces philosophes ne cherchent-ils pas à bon compte, à se débarrasser de quelque
chose qui les gênent. Elle applique une sorte de philosophie du soupçon sur les philosophes du soupçon.
- Est-il vraiment possible de rejeter la religion et de ne pas être religieux ?
- En refusant la religion, l’homme ne se prive-t-il pas de ce qu’il y a de meilleur en lui ?