Cours 5 9. SUPRACONDUCTIVITE La supraconductivité est le phénomène présenté par certains métaux, alliages, ou céramiques dont la résistance électrique devient nulle en courant continu lorsque : - la température est inférieure à une température critique Tc ; - le champ magnétique est inférieur à un champ magnétique critique Hc. La supraconductivité a été découverte en 1911 par Kamerling Onnes, lors des travaux sur ρ la liquéfaction de l’hélium déroulé à l’Université de Leyde (Hollande). Il a constaté qu’à 4,2 K, la ΔT résistivité de mercure s’annulait brusquement (impossible de la distinguer de zéro) (fig. 5.1). On a constaté ultérieurement qu’autres éléments et alliages possède la même propriété, mais la température critique Tc est très basse en général sous 20 K. Tc T La transition de l’état normal à l’état Fig. 5.1 supraconducteur est brutale, pouvant atteindre 10-3 K dans les métaux purs et quelques K dans les alliages. Dans un anneau supraconducteur (par exemple Pb) immergé dans l’hélium liquide (4,2 K), le courant électrique induit se maintient pendant plusieurs années sans atténuation décelable si T < Tc et H < Hc. La température critique et le champ magnétique critique sont liés par la relation empirique : T 2 H c H c0 1 c Tc0 (5.1) où Hc0 est le champ critique à température nulle et Tc0 la température critique sous champ nul. La courbe Hc(Tc) est représentée à la figure 5.29. Hc La surface sc comprise entre la fonction et les axes nc correspond à l’état supraconducteur (phase Hc0 supraconductrice). La zone nc portion de courbe correspond à l’état normal. sc Les métaux qui dans l’état normal manifestent une conductivité faible ont des températures critiques plus élevées (Hg a Tc0 = 4,15 K, Pb Tc0 = 7,18 K, Nb Tc0 Tc Tc0 = 9,46 K tandis que Al a Tc0 = 1,19 K). Fig. 5.2 Pour un échantillon de matériau, le champ magnétique critique Hc dépend de sa forme et son orientation par rapport au champ. La deuxième particularité d’un supraconducteur est l’effet appelé Meissner qui consiste dans l’exclusion d’un champ magnétique extérieur en pouvant considérer le supraconducteur comme idéalement diamagnétique. Les lignes du champ magnétique sont expulsées de l’intérieur dus aux courants Foucault développés à la surface (loi de Lenz) qui 1 5 ne s’atténuent pas même en champ continu (fig. 5.3). En effet, le champ magnétique pénètre dans une couche d’épaisseur faible sous la surface du supraconducteur. De point de vue magnétique le supraconducteur manifeste un diamagnétisme parfait, donc : H M (5.2) Par conséquent de la relation : sc B μ 0 H M (5.3) μ0 0 (5.4) on a : Fig. 5.3 La caractéristique magnétique B = f (H) (représenté à la figure 5.4) peut être sous forme a ou b. On appelle supraconducteurs de première espèce, ou supraconducteurs de type 1, les supraconducteurs dans lesquels l’effet Meissner cesse brusquement lorsque H atteint Hc. On appelle supraconducteurs de deuxième espèce ou supraconducteurs de type 2 les B B a Hc b H Hc1 Hc2 H Fig. 5.4 supraconducteurs dans lesquels la disparition de l’effet Meissner est progressive à partir d’une valeur du champ magnétique appelée champ inférieur Hc1, la disparition totale de l’effet Meissner intervenant au champ critique supérieure Hc2 quand on réalise la transition à l’état normal. En général, Hc2 est considéré comme champ critique. Entre Hc1 et Hc2 le supraconducteur de type 2 se trouve dans un état intermédiaire en présentant une alternance de zones où B = 0, respectivement B 0. Les zones normales (où B 0) ont la forme de filaments appelés fluxoïdes ou vortex. Les fluxoïdes se déplacent sous l’action de la force de Lorenz lors de la variation du courant électrique ou du champ magnétique. En régime permanent, ces fluxoïdes se trouvent dans une position d’équilibre, liées des leurs interactions et des défauts de réseau. Le mouvement des fluxoïdes produit une dissipation d’énergie en régime variable. Pour évacuer cette énergie (sous forme de chaleur), qui peut perturber l’état supraconducteur, on utilise la stabilisation du conducteur englobant le supraconducteur sous forme de filaments fins dans une masse de métal pur appelée matrice (en général de cuivre) qui favorise l’évacuation de la chaleur. Dans un supraconducteur, la densité de courant a une valeur maximale (critique) notée Jc liée de l’énergie des électrons et qui ne doit être jamais dépassée pour ne se détruire pas l’état supraconducteur. 2 5 Dans un supraconducteur d’une forme donnée, les relations entre Jc, Hc et Tc sont empiriques conformément aux courbes de la figure 5.5. Le volume compris entre la surface Σ et les axes Hc correspond à l’état supraconducteur. La première théorie de la supraconductivité, appelée la théorie de London (1935), donne une Σ explication classique du comportement électrodynamique du supraconducteur complétant les équations de Maxwell avec deux équations. Cette théorie phénoménologique considère que Jc Tc dans un supraconducteur les électrons de conduction Fig. 5.5 comportent des électrons normaux et supraconducteurs. Les électrons normaux de densité volumique ρvn se déplacent avec la densité de courant Jn comme dans un conducteur normal interagirant avec le réseau. Les électrons supraconducteurs de densité volumique ρ vs se déplacent avec la densité de courant Js sans interagir avec le réseau. La densité volumique totale ρv et la densité de courant J se conforment aux suivantes conditions : J = Js quand T 0 J = Jn + Js = J = Jn quand T Tc ρv = ρvs quand T 0 ; ρv = ρvn + ρvs= ρv = ρvn quand T Tc (5.5) Les équations de Maxwell : E B ; t B J D ; t D ρ v ; B 0 (5.6) sont complétés avec la loi de conservation de la charge électrique écrite pour les deux composantes : J n ρ ρ n ; J s s t t (5.7) et les lois de matériau : D = 0 E ; B = 0 H ; Jn= E (5.8) le supraconducteur n’étant pas ferromagnétique. La dépendance Js(E) a été établie de London de l’équation du mouvement de l’électron supraconducteur qui se déplace sans interagir avec le réseau (donc b = 0): m0 dv E q0 E dt (5.9) Compte tenu que la densité de courant associée aux électrons supraconducteurs prend la forme : J s q0 N s v E (5.10) 3 5 on tire de (5.9) : E où J s t (5.11) m0 représente la constante de London. N s q02 La relation (5.11) s’appelle la première équation de London. La deuxième équation de London lie la densité de courant Js au champ magnétique B. Compte tenu de la première équation de Maxwell et de la relation (5.11) on obtient : J s B (5.12) En régime permanent, dans le cas d’un domaine supraconducteur semi-infini limité par le plan yz, les solutions du système formé des équations (5.6), (5.7), (5.8), (5.11) et (5.12) sont de la forme : Bx B x J x J x E x E 0 x (5.13) 0 s s0 est la profondeur de pénétration, (x=0 étant à la surface du supraconducteur). μ0 Il résulte que l’induction magnétique B, le champ électrique E et la densité de courant électrique Js ne sont pas nulles pratiquement seulement dans une couche mince d’épaisseur de la surface du supraconducteur. La profondeur de pénétration est l’ordre (10-8 10-7) m. On peut justifier qu’en régime sinusoïdal permanent l’état supraconducteur peut être détruit aux hautes fréquences. Avec la loi de la conduction électrique (5.8) et la première équation de London (5.11) écrit sous la forme E=ωΛ Js le rapport entre la densité de courant Jn et la densité où de courant Js devient : Jn σ 2π f Js (5.14) Par suite, en régime harmonique dans le matériel supraconducteur la composante normale du courant devient majoritaire lorsque la fréquence des champs extérieurs dépasse la valeur (1012 1014 ) Hz et ce matériau devient normal conducteur. La théorie la plus complète du phénomène de supraconductivité est la théorie microscopique BCS (après le nom des auteurs Bardeen, Cooper, Schrieffer – prix Nobel 1972). La théorie BCS a démontre l’existence simultanée d’électrons normaux et électrons supraconducteurs. Ces derniers se déplacent par le réseau cristallin sans dissipation d’énergie. Aux températures très basses, l’énergie des ces électrons se diminue par son interaction avec les vibrations thermique du réseau et ceux-ci se couplent deux par deux à spins opposés. Le couplage appelé une paire de Cooper ayant le spin s = 0 constitue un boson qui respecte la statistique Bose-Einstein (sur un niveau énergétique peuvent exister plusieurs bosons). La dimension d’une paire Cooper est plus grande que la distance d’entre 4 5 paires. La résistance de supraconducteur est nulle puisque les paires Cooper se déplacent par réseau sans être perturbés. APPLICATIONS DE LA SUPRACONDUCTIVITE La découverte de la supraconductivité a fait entrevoir beaucoup d’applications par la possibilité d’utilisation du déplacement du courant électrique sans pertes résistives par certains conducteurs pour la réalisation d’un nouveau type de matériel électrique très performant. Citons par exemple les magnétomètres ultrasensibles, les éléments de commutation à haute fréquence, les aimants de champ magnétique élevé, moteurs et générateurs électriques, câbles d’énergie électrique, limiteurs de courant de défaut et accumulateurs d’énergie magnétique. Mais toutes ces applications de moyenne et haute puissance sont restées peu ou pas développées dans la mesure où les matériaux supraconducteurs devaient être refroidis à très basse température à l’aide de l’hélium liquide (point d’ébullition à 4,2 K) comme fluide refroidisseur, qui en implique des isolations thermiques de qualité. Pour ceci, les problèmes thermiques paraissaient insurmontables jusqu’au milieu des années soixante quand ils ont été testés les premières applications de la cryoélectrotechnique (électrotechnique à basse température). Les matériaux supraconducteurs utilisés à ce moment-là, appelés aujourd’hui supraconducteurs à basse température (LTS), ont offert la possibilité d’atteindre jusqu’à 105A/mm2 avec des pertes nulles dans un environnement électromagnétique constant ou des pertes faibles en conditions variables en temp. Ces pertes en alternatif ont limité l’utilisation des supraconducteurs aux enroulements et câbles de courant continu jusqu’aux années ’80 quand les premiers supraconducteurs NbTi pour courant alternatif au domaine des fréquences industrielles ont été mis au point. Les supraconducteurs classiques (LTS) ont permis la réalisation de cryoéquipements électriques en stade de prototype qui ont confirmé les prévisions du point de vue de performances techniques. Il faut souligner que le système cryogénique à hélium liquide, destiné au maintien la basse température et aussi l’isolation thermique très performante, qui doivent être attaché à ces applications, pénalise ces réalisations du point de vue du rendement et du coût. Un regain d`intérêt vers le domaine de la cryoélectrotechnique a été généré par la découverte en 1986 de nouveaux matériaux supraconducteurs à haute température critique (HTS) capables d’être utilisés aux températures proches de celle de l`azote liquide (77 K). L’azote liquide, produit industriel à un prix très abordable par grandes unités de production, deviendra l’agent cryogénique pour les nouvelles applications électriques à basses températures. D`autre part, les unités de liquéfaction (les liquéfacteurs) de l’azote de petite capacité sont supérieures aux liquéfacteurs d’hélium du point de vue de l’efficacité et du prix. Au début, les matériaux supraconducteurs de nouvelle génération (HTS), qui font partie de la famille des matériaux céramiques (perovskites), n’ont pas connu le degré de développement prévu du à la possibilité limite de fabrication sous certains formes et avec des paramètres compétitifs. Aujourd’hui la majorité des difficultés technologiques sont résolue et les fils et les bandes supraconductrices sont produit industriellement et commercialisés la plus connue étant la variante de bande supraconductrice Bi-2223 (avec la formule chimique générale Bi2Sr2Ca2Cu3Ox) sous forme de système filamenteux supraconducteur (poudre en tube) dans une matrice d`alliage d’argent extrudé. Ce type de supraconducteur peut atteindre une densité de courant critique autour de 200A/mm2, beaucoup inférieure encore aux supraconducteurs classiques (LTS). 5 5