Le miracle de Woergl - Le système monétaire

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Fraction VIVANT au Parlement de la Communauté Germanophone de Belgique
Séance plénière du 5.12.2008
Interpellation Mr. C. Servaty
Crise Financière
Monsieur le président,
Chers membres du Parlement et du Gouvernement,
Ni vous, Mesdames et Messieurs, ni les téléspectateurs ne devraient croire que la crise
bancaire actuelle soit la cause de la prolifération de la crise financière et économique. La crise
bancaire est due au fait que les marchés financiers aient pu agir depuis des décennies sans
aucun contrôle politique, que la fraude fiscale massive est permise dans les paradis fiscaux et
que l’avarice du banquier ne connaît aucune limite. Les paquets de sauvetage des pays
européens en faveur de ces banques - que vous trouvez bien, Monsieur Servaty, toutefois avec
un « mais » - sont à eux-seuls un nouveau scandale.
Ceux qui jouent avec notre argent reçoivent actuellement de l’Etat presque 1000 milliards
d’euros de l’Etat du contribuable, rien qu’en Europe. Et que font-ils avec ? Redistribuent-ils
l’argent pour des crédits aux entreprises, ce qu’ils devraient faire ? Non ! Avec cet argent, en
remplacement de leurs titres d’actions putréfiés, ils achètent le placement le plus sûr
actuellement sur le marché, c.à.d. des bons d’Etats. Naturellement, dans le système présent,
l’Etat doit à nouveau payer des intérêts aux banques privées pour la vente de ces bons d’Etat.
L’Etat paye donc des intérêts pour l’argent qu’il a emprunté contre des intérêts aux mêmes
banques afin de sauver ces banques. Il paye donc pour le même argent deux fois des intérêts.
Et je ne parle même pas des intérêts composés !
Faut-il décrire tout cela comme une bêtise ou comme une corruption ?
Mais laissons la crise bancaire et venons-en à la crise économique.
Où en est la situation économique actuelle ?
1. L’Etat s’endette auprès des fortunés à cause des intérêts composés de façon
exponentielle. C’est la raison pour laquelle, entre-temps, il vend ses dernières
propriétés.
2. Dans ce système monétaire, les entreprises qui ont constamment besoin de nouvel
argent pour la production, ne reçoivent l’argent que des fortunes privées, via les
banques commerciales. Les fortunes privées réduisent l’argent pour l’économie réelle,
car elle l’entasse ou le prélève comme moyen de spéculation.
3. Les conséquences des 1 et 2 : La grande majorité de la population, l’ensemble des
consommateurs, a toujours moins d’argent à sa disposition. C’est pourquoi la
conjoncture intérieure ne fonctionne plus non plus comme elle le pourrait.
En d’autres termes, il manque partout le moyen d’échange pour permettre la fabrication de
produits et l’échange entre le travail, les produits et les services. En effet, la production
diminue et les services, même nécessaires, ne sont plus disponibles. Le programme de
conjoncture vantée partout par les Gouvernements, s’effectue à crédit et ne présente dès lors
aucune solution à long terme ! On verse l’argent emprunté d’en haut comme programme
conjoncturel dans la botte économique qui se vide sous la pression des intérêts et des intérêts
composés exponentiels, et ce plus vite que la performance que ne peut fournir l’économie.
Cela ne peut pas fonctionner.
Je ne vais pas maintenant entrer ici dans le vif du sujet, mais je vais vous lire quelques
passages provenant d’informations sur l’expérience de Woergl en Autriche en 1932, c.à.d. 3
ans après l’éclatement de la crise économique mondiale en 1929.
La CG s’est rendue à plusieurs reprises en Autriche afin d’apporter d’éventuels nouveaux
procédés autrichiens à notre Communauté. L’expérience d’alors, appelée aussi « Le miracle
de Woergl», montre combien les gens peuvent très concrètement s’entraider à niveau
communal. La source provient du livre de Fritz Schwarz « Das Experiment von Woergl »
(L’expérience de Woergl) *
« Comme beaucoup de communes et villes ont été touchées par la récession, Woergl avec
ses 4216 habitants a été touchée par la crise et un taux de chômage élevé. Surendettée à la
caisse d’épargne d’Innsbruck, la localité n’était même pas en mesure de payer les intérêts
dépassés s’élevant à 50.000 Schilling. Le seul avoir de la commune était des arriérés
d’impôts d’un montant de 115.000 Schilling que la population, trop pauvre, ne pouvait
payer. Les chômeurs dépendaient en masse du service d’aide sociale. Il n’en était pas
autrement dans les autres régions d’Autriche et d’Allemagne. Des pères de familles
désespérés ne voyaient pas d’autre solution que de se suicider.
A Woergl, les espoirs des humiliés et désespérés s’adressaient au courageux bourgmestre
Michael Unterguggenberger, mais il n’avait plus rien à distribuer depuis longtemps. La
cause misérable des chômeurs et de leurs familles lui alla tant au cœur qu’il ne trouva plus
le sommeil et commença à chercher une solution à cette situation d’urgence. Ses pensées
se dirigeaient vers l’ordre économique naturel.
Un jour, il prit la décision de prendre à la lettre Silvio Gesell, dont la pensée, qui
permettait la création d’emplois avec de l’argent en circulation alors que l’argent stagnant
fermait la porte à l’emploi, ne le quittait plus. Afin de convaincre le conseil communal,
les commerçants, les artisans, les fermiers, soit toute la commune de la nécessité de son
idée, il décida de parler de cette sortie de secours en tête à tête avec la plupart, puis avec
les associations et finalement dans des réunions avec toute la population.
Unterguggenberger proposa de charger la commission de prévoyance sociale à la mise en
place de l’aide d’urgence de Woergl. Le cœur craintif, mais sans hésitation, toute la
commune accepta cette proposition.
L’aide d’urgence consistait à faire imprimer par la commission de prévoyance sociale,
sous la direction de personnalités dignes de confiance des « Arbeitswertscheine», c.à.d.
des billets équivalant à la valeur du travail. Ces billets valaient en réalité comme moyen
de paiement, pratiquement comme de l’argent et étaient mis en circulation dans les valeurs
suivantes : 2.000 billets jaunes à 1 schilling le billet, 2.000 bleus à 5 schilling et 2.000
rouges à 10 schilling. Le bourgmestre ayant lu en profondeur Silvio Gesell, pensait
qu’avec seulement 32.000 Schilling comme valeur nominale, il fournirait à la commune
suffisamment d’argent ! La banque nationale de Vienne ayant reçu vent de ce qui se
passa, prétendit qu’il s’agissait de billets d’argent et réclama son monopole sous peine de
sanctions. Par chance, Unterguggenberger ne se laissa pas impressionner. Il répondit
qu’il s’était seulement fourni de « billets équivalant à la valeur du travail » et avait lancé
une expérience.
Les particularités de ces « billets de travail » étaient clairement expliquées dans le
« Woergler Nachrichten » (Les informations de Woergl) à la population. La grande
différence à l’argent normal qui gardait bien entendu toute sa valeur et qui pouvait
continuer à circuler, c’était d’assimiler l’argent à une denrée périssable, selon la
proposition de Silvio Gesell. Il perdait donc constamment de valeur à raison de 1% par
mois. Celui qui gardait son billet plus d’un mois chez lui devait coller sur une des douze
cases imprimées sur le billet, un timbre fiscal qu’il devait se procurer au service
communal. En cas d’omission, la quantité d’achats diminuait, et bien entendu, tout le
monde se donnait la peine de se débarrasser de ces billets avant la fin du mois afin d’éviter
des frais „d’entreposage“.
Afin de montrer le bon exemple, la commune de Woergl acheta à la commission de
prévoyance 1.000 schillings en « billets de travail » pour le paiement des salaires. Les
« billets de travail » étaient acceptés dans les magasins comme argent réel et employés par
les commerçants pour le paiement rapide de leurs impôts. Lorsqu’après 3 jours, 5.100 des
1.000 schillings dépensés retournèrent à la commune sous forme d’impôts, le comptable
alarma le bourgmestre car il ne pouvait expliquer cette merveilleuse augmentation
d’argent que de la manière suivante : « Il doit y avoir des faux-monnayeurs à l’œuvre ! »
Unterguggenberger aurait rigolé aux éclats. On suppose qu’il aura pris le temps
d’expliquer à ses collègues de travail le lien entre la masse monétaire et la circulation de
l’argent.
Puisque 1.000 schillings circulant entre 10 mains équivalent à une force économique de
10.000 schillings, alors ces 1.000 schillings ont pour l’économie autant de valeur que
5.000 schillings qui ne passent que deux fois de main en main. La charge de coller un
timbre fiscal amène les citoyens de Woergl à dépenser directement cet argent aussi vite
que possible dans des achats ou alors de le déposer à la caisse d’épargne, où il pouvait être
échangé par des schillings. La banque ne réclamait pour ce service aucun frais et tous les
gains étaient versés à la Caisse Communale.
L’argent pouvait circuler sans aucun trouble, ce qui permettait à la commune de Woergl
de réaliser d’énormes contrats dans l’économie intérieure et de diminuer le taux de
chômage de façon sensationnelle de 25%, et cela endéans 13 mois avec une somme
ridicule de 32.000,- schillings.
L’énumération est aujourd’hui encore nous laisse bouche bée : Construction d’une piste
de ski, asphaltage de plusieurs routes, construction d’un pont en béton, canalisation des
bâtiments scolaire et communal, installation d’une cuisine pour nécessiteux, création d’un
parc sur le site de la gare, modernisation de l’éclairage routier etc.
Woergl se transforma en une île de l’espoir au milieu d’un océan de désespoir. Pas
étonnant que des journalistes, des professeurs et des ministres du monde entier affluèrent à
Woergl afin de trouver, dans leurs propres recherches, une explication à ce miracle.
Aussi, le bourgmestre se déplaçait personnellement dans son pays pour tenir des
conférences devant ses homologues de tous les coins d’Autriche. Cela fît boule de neige
et sonner l’alarme à la Banque Nationale de Vienne : 178 commune autrichiennes
résolurent de poursuivre l’exemple de la commune de Woergl. Cela aurait été
l’avènement et sans aucun doute l’heure de gloire de l’humanité s’il n’avait pas été réduit
au silence par la Banque Nationale autrichienne à Vienne.
Le Gouvernement Dollfuß introduisit une plainte : Quel comble ! Un plouc qui n’a étudié
que jusqu’à ses 12 ans, qui n’a jamais étudié ni l’économie politique, ni l’économie
sociale, et qui ne peut même pas présenter le moindre petit doctorat ; un cheminot, un
démocrate qui prétend pouvoir corriger le système monétaire autrichien ! L’émission
d’argent dans toutes ses formes n’est permise qu’à la Banque Nationale.
L’argent alternatif fut donc défendu.
Le bourgmestre Unterguggenberger ne se satisfit pas de la décision et le procès que
Woergl mena, passa par les trois instances, mais sans succès. Le 18 novembre 1933,
l’objection de Woergl fût définitivement rejetée. Mais comme l’appel n’eu pas
d’ajournement, l’argent alternatif dû déjà être restitué le 15 septembre et échangé contre
des schillings que l’on pouvait facilement thésauriser, avec comme conséquences le retour
soudain du chômage et des situations d’urgences auprès des familles. »
La domination du capital était déjà aussi puissante en ce temps-là qu’aujourd’hui.
Le cœur de la solution était donc la différence entre une monnaie qui gagne en valeur quand
elle est épargnée, voire thésaurisée, et une monnaie qui, comme « moyen de paiement » à
Woergl, perdait de sa valeur à raison d’1% par mois et n’était pas appropriée pour l’épargne.
Elle était donc dépensée aussi rapidement que possible, permettant aux entreprises de vendre
leurs produits, aux pouvoirs publics d’encaisser suffisamment de recettes fiscales pour
financer des commandes de services publics, et permettant même à la Caisse d’Epargne de
Woergl, grâce aux entrées, de proposer aux emprunteurs dignes de confiance des prêts à un
taux d’intérêt (fabuleux) de 6% - si bien qu’au lieu de garder les gains sur les intérêts, la
société de prêt et d’épargne la versait à la Caisse Communale, ce qui faisait également partie
du miracle !
Sans un changement rapide de paradigme, les pays de l’Union Européenne se verront
confrontés à des failles socioéconomiques aux conséquences lourdes. Je trouverais donc
opportun de reproduire ici l’expérience de Woergl.
Merci pour votre attention,
Joseph Meyer
Fraction VIVANT
(*) http://userpage.fu-berlin.de/~roehrigw/woergl/alles.htm
http://userpage.fu-berlin.de/~roehrigw/benjes/ben06.html
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