Thème 3 : Dynamique des grandes aires continentales : L’Afrique, les défis du développement Le continent africain face au développement et à la mondialisation Deux enjeux centraux : La question du développement La question de la mondialisation Développement : processus de changements (économiques, démographiques, sanitaires, techniques…), dans lequel la création de richesses (développement économique) aboutit à une progression du niveau de vie des habitants (bien-être sociale). Le développement combine donc croissance économique et élévation du niveau de vie : il est économique et social. Il existe donc des territoires plus ou moins développés. Mondialisation : mise en relation du territoire mondial. Les territoires les plus concernés par ce phénomène sont dits bien insérés dans la mondialisation. Pour les autres, on parle de marginalisation. Le continent africain doit donc être analysé en fonction de ces deux thèmes. On ne doit en aucun cas ici faire de généralités : le continent africain n’est ni complètement sous-développé, ni complètement marginalisé. A toutes les échelles (régions, Etats, villes…) on trouve des territoires plus ou moins développés et plus ou moins intégrés. On cherche donc ici à travailler sur les contrastes au sein du continent. Continent qui cumule les indicateurs économiques, sociaux et environnementaux défavorables, multiples conflits locaux, problèmes de gouvernements corrompus voire autoritaires, intégration mineure dans la mondialisation… Deux tendances en géographie : Les afro-pessimistes qui pensent que l’Afrique n’est pas prête de sortir de ses problèmes Les afro-optimistes qui met en avant la croissance économique du continent pour dire que le continent est en plein décollage tant sur les plans économiques que politiques A nouveau, il faut toujours nuancer les interprétations « toutes noires ou toutes blanches » : la situation est plus complexes ! L’insertion de plus en plus réelle dans la mondialisation et la croissance économique n’impliquent pas forcément un meilleur niveau de vie pour l’ensemble des populations. Les inégalités augmentent elles aussi. Plan du cours : 1. Un continent pauvre mais contrasté 2. L’Afrique dans la mondialisation 3. Des défis à relever 1 1. Un continent pauvre mais contrasté a. Une situation économique critique PIB et richesse : l’Afrique est le continent le plus pauvre de la planète. L’indicateur qui résume le mieux cette situation est le PIB, qui regroupe l’ensemble des richesses produites par année sur le continent. Le PIB de l’Afrique en général est égal à celui du Grand Tokyo soit moins de 2% des richesses mondiales. Attention : le PIB est un indicateur intéressant mais pas très fiable : il vaut mieux regarder le PIB/habitant pour avoir une meilleure idée da la situation. De plus, on a la situation à l’échelle du pays mais on ne voit pas les inégalités à l’intérieur du pays (villes-campagnes, littoraux-intérieurs…) Le PIB/habitant est également très faible à l’échelle internationale. Mais à l’échelle de l’Afrique, il est aussi très contrasté entre les Etats. C’est d’ailleurs en Afrique qu’il y a le plus de personnes vivant sous le seuil de pauvreté : près d’un tiers de la population vit avec moins d’un dollar par jour ! Commerce faible : l’Afrique n’est concernée que par 2% des IDE faits dans le monde et seulement 3% des échanges mondiaux (importations et exportations). Des secteurs d’activité peu lucratifs : la majorité de la population vit de l’agriculture et cette agriculture est peu productive : extensive, manuelle, faible maitrise des systèmes d’arrosage, peu de rendement par hectar, désertification… Le développement de l’agriculture est encore faible : sur terre, parmi les terres exploitables encore disponibles, 60% sont en Afrique. L’industrialisation est encore très faible : dans les 300 premières FTN au monde, une seule est africaine (une banque Sud Africaine). b. Une situation critique sur le plan social L’IDH : le développement n’est pas une catégorie exclusivement économique mais aussi sociale, c’est pourquoi on ne le calcule pas avec le PIB mais avec l’IDH (indice de développement humain), même si ce n’est pas le seul indicateur de développement existant. L’IDH calculé à partir du RNB (Revenu National Brut, PIB réel qui prend en compte les revenus des habitants et non de l’Etat), de l’espérance de vie à la naissance et du niveau d’alphabétisation. Il est très faible dans la majeure partie du continent, et pour cause : o L’espérance de vie moyenne dépasse à peine les 55 ans dans la plupart des pays ; elle est de 42 ans au Swaziland… o L’analphabétisme est très répandu et les taux de scolarisation sont les plus bas de la planète. Des conditions de vie difficiles : o La faim : le continent est marqué par une forte insécurité alimentaire : de nombreuses famines touchent régulièrement le continent, comme en témoignent les émeutes de la faim qui ont traversé le continent en 2008 (la crise alimentaire mondiale de 2007-2008 a pour origine une forte hausse du prix des denrées alimentaires de base, plongeant dans un état de crise quelques-unes 2 des régions les plus pauvres du monde et causant une instabilité politique et des émeutes dans plusieurs pays) o Salubrité : Les conditions sanitaires sont également problématique, avec un accès à l’eau faible (potable ou non), entrainant une insalubrité très forte, à la fois en campagne et dans les villes (développement de bidonvilles) o Maladies : De nombreuses maladies font d’énormes ravages : paludisme, sida… La mortalité infantile atteint des records. Une épidémie d’Ebola qui fait rage depuis 2013 a déjà touché 23'000 personnes et on recense actuellement 10'000 victimes officielles. o Risques naturels : Enfin, les risques naturels sont très présents, avec la sécheresse et la désertification. L’exemple le plus frappant concerne la désertification au Sahel (réfugiés climatiques > bidonvilles) c. Des nuances à apporter : La pauvreté est inégalement répartie à toutes les échelles : certains pays tirent leur épingle du jeu : ce sont les « lions africains » (référence aux dragons et tigres asiatiques). On compte parmi eux l’Afrique du Nord (tournée vers l’Europe et riche en pétrole), l’Afrique du Sud, le Nigéria, l’Angola et le Gabon : ces pays concentrent à eux seuls 70% du PIB africain ! Comme dans les autres cours, on peut (que dis-je, on DOIT !) également se placer à l’échelle infranationale (dans l’Etat) : les richesses y sont elles aussi mal réparties. En général, les villes et les littoraux concentrent les richesses, mais à l’intérieur des villes, on voit fleurir des quartiers d’affaire non loin des bidonvilles. Les inégalités sont toujours un phénomène multiscalaire (à plusieurs échelles). Une croissance économique effective : la carte du PIB montre une réalité, mais comme pour toute carte, il s’agit d’une réalité partielle (on sélectionne des informations donc on ne dit pas tout) et figée. Si on regarde une carte de la croissance on s’aperçoit que l’Afrique est un continent très dynamique avec une croissance moyenne qui avoisine les 5% et qui frôle les 9% pour certains pays (Angola, Côte d’Ivoire…). A titre de comparaison la croissance économique de la France en 2014 est de 0.4 et 0.2 pour la Suisse. En plus, le continent est extrêmement jeune : un tiers de la population a moins de 25 ans ! C’est une conséquence du mal développement (forte natalité) et une charge économique supplémentaire (plus de 400 millions d’enfants africains sont à nourrir, éduquer, soigner et arriveront bientôt sur le marché de l’emploi ce qui rend encore plus grands le besoin d’investissements et la dépendance du continent). Mais ça peut aussi être vu comme une chance : la croissance démographique permet de créer un marché de consommateurs générant de l’activité économique, ainsi qu’un réservoir de main-d’œuvre qui sera le principal de la planète dans la seconde partie du XXIe siècle. En outre, la classe moyenne est en nette augmentation… 3 2. L’Afrique dans la mondialisation a. L’Afrique en marge de la mondialisation ? Le leg du passé : l’Afrique est déjà intégrée dans la première mondialisation au XVIe siècle, pendant les conquêtes coloniales, avec la traite négrière et le commerce triangulaire (Europe-Afrique-Amériques). A la fin du XIXe siècle, les puissance européennes se partagent le continent : ils se constituent de vastes empires coloniaux, tracent de nouvelles frontières, exploitent les richesses de populations et spécialisent les territoires en fonction des produits agricoles dont ils ont besoin (cacao, café, coton, arachide…) Dans la seconde moitié du XXe siècle, la plupart des Etats accèdent à leur indépendance mais le modèle économique hérité de la colonisation est maintenu : ce sont les économies de rente, il s’agit d’une économie uniquement tournée vers la production d’une matière première pour l’exportation (comme le pétrole, mais aussi certaines ressources agricoles privilégiées au détriment des agricultures vivrières destinées à nourrir les travailleurs). A l’échelle internationale, l’Afrique est le continent le moins bien intégré dans la mondialisation, mais il est quand même traversé par de nombreux flux mondiaux. Certes, le commerce est encore très faible, mais la croissance est effective et des FTN africaines commencent à voir le jour (Orascom, FTN égyptienne, est un leader mondial en télécommunication qui investit partout dans le monde). Certains secteurs sont en bonne santé : pétrole au Nigéria, agriculture au Kenya et Afrique du Sud, diamant au Botswana… L’Afrique possède ainsi de nombreuses matières premières qui lui assurent une certaine intégration (voir carte) Les migrations : o Du sud vers le nord : les migrations sont également le témoin d’une forte insertion dans la mondialisation. Les migrations vers le Nord sont très nombreuses, pour plusieurs raisons : la main d’œuvre qualifié part y chercher de meilleures conditions de formation ou de travail (brain drain), la main d’œuvre peu qualifiée fuit la misère ou la guerre. o Du nord vers le sud : Le continent attire également les migrants, notamment les touristes venus du Nord. Des pays comme la Tunisie, le Maroc ou l’Egypte sont fortement tournés vers le tourisme (quand il n’y a pas de problèmes politiques). Le Kenya et la Tanzanie également (Safari…). o Migrations intracontinentales : On note également de fortes migrations vers l’Afrique du Sud, ou encore vers le Proche et Moyen Orient. 3 millions de Zimbabwéens vivent actuellement en Afrique du Sud. Les migrations internes en direction des « lions africains » adjacents au Golfe de Guinée (Nigéria, Gabon) sont également nombreuses, en raison du potentiel économique lié à l’exploitation du pétrole. L’insertion dans les flux mondiaux se traduit par un grand développement de certaines infrastructures (même si en comparaison avec les autres continents, celles-ci restent insuffisantes) : o Des ports (celui de Dakar inauguré en 2011) 4 o Des routes et voies ferrées o Des infrastructures spécifiques à des événements mondiaux comme les stades pour la coupe du monde 2010 en Afrique du Sud o Le développement très rapide des réseaux de téléphone mobile, très répandus en Afrique et qui sont un de ses principaux facteurs d’intégration ! b. Une mondialisation dominée ? On peut tout-à-fait être bien intégré dans la mondialisation, sans pour autant en tirer profit (un esclave africain à l’époque de la colonisation). On distingue donc la mondialisation dominante (ceux qui en profitent) de la mondialisation dominée (ceux qui la subissent). Généralement, on considère que l’Afrique est dans une situation d’intégration dominée (même si ce n’est pas de cas à toutes les échelles !!) Pourquoi ? L’économie de rente : il s’agit d’économie basé sur l’exploitation d’une matière première (pétrole, agriculture…) destinée à l’exportation. Ces économies tirent une certaine richesse, parfois très grande, mais sont en revanche très dépendant des consommateurs et des cours mondiaux. Prenons l’exemple du café : il est généralement produit au Sud (dont en Afrique) mais les consommateurs sont au Nord et surtout, le cours du café (= son prix) est fixé dans des bourses dans les pays du nord… Les producteurs de café sont donc insérés dans la mondialisation mais de manière dominée, ils n’en tirent qu’un profit limité et leurs revenus dépendent de la conjoncture internationale (et non, par exemple, du travail fourni). Les pays producteurs de pétrole font un peu exceptions car quand ils se regroupent ils peuvent faire pression sur les pays du Nord, mais ces pays restent tout de même dépendant de la demande des pays riches : si on arrête d’utiliser du pétrole, ces pays seront ruinés. Un autre facteur à retenir dans la plupart des économies de rente, c’est que l’économie est tournée vers l’extérieur trop fortement : on ne produit pas pour soi-même, mais pour vendre. C’est problématique pour l’agriculture vivrière (celle qui sert à la consommation de ceux qui la produisent). En Afrique, 80% des exportations sont des matière premières (c’est l’inverse de Asie… l’Afrique n’exporte que 19% de produit manufacturé) Un phénomène inquiétant pour l’Afrique est celui de la convoitise pour ses terres. De nombreuses puissances en déficit de terres achètent celles de l’Afrique on appelle ça le Land grabbing. La Chine a 1.5 milliards de personne à nourrir et cherche ainsi des terres à cultiver et a récemment acheté plusieurs milliers d’hectares agricoles à Madagascar. Les mineraies attirent également beaucoup d’intérêt des puissances mondiales : Terres rares et métaux précieux (coltane, or…) Qui investit autant ? les anciennes puissances coloniales (France, Royaume Uni, Allemagne…) et les Etats-Unis. Mais de plus en plus : la CHINE… La Chine est désormais premier partenaire commercial de l’Afrique. Avec la croissance économique, la main-d’œuvre chinoise est de plus en plus chère, les entreprises chinoises de textile créent donc des zones industrielles en Afrique (Ethiopie). On parle même de Chinafrique, en référence à la Françafrique (système postcolonial qui maintenait une 5 certaine dépendance économique malgré l’indépendance politique). Mais si la Chine offre une aide financière et des infrastructures (routes, voies ferrées) aux gouvernements en échange de l’exploitation des matières premières de leur territoire (comme la France), elle ne pose pas de conditions politiques (droits de l’homme, lutte contre la corruption) (contrairement à la France) et provoque de profonds dégâts sur l’environnement. L’Inde est aussi de plus en plus présente sur le continent. 2. Des défis à relever a. Adopter un développement économique et social durable Economie : o Le premier défi serait de développer l’agriculture vivrière (= agriculture pour nourrir la population) plutôt que l’exportation… Des pays comme la Tunisie ou le Maroc exportent la majorité de leur production agricole pour le marché européen (tomates…) mais sont contraints d’acheter des céréales (aux pays du nord) pour nourrir leur population. o Il faut également venir à bout du secteur informel (marché noir, contrebande, trafic illicite), de la corruption des dirigeants et des forces de l’ordre... Comme nous l’avons vu avec le Sahara, l’Afrique connait un fort taux de contrebande, d'exportation illicite et d'activité minière clandestine. Environnement : o Pollution très importante, liée à l’insalubrité dont on a parlé plus haut, mais aussi au manque de réglementation et de volonté politique (par exemple dans le recyclage des déchets, mais aussi par exemple la pollution pétrolière du delta du fleuve Niger, un cataclysme permanent)… o D’autres problèmes important : déforestation (toujours pour cultiver pour l’exportation…), désertification, réchauffement climatique... Démographique : gros défi de la métropolisation, les villes grandissent très vite et sans contrôle, sans planification (bidonvilles). La population urbaine a été multipliée par 13 depuis 1950 !!! Population très jeune à nourrir, éduquer… Là aussi gros défi… b. Surmonter les crises politiques C’est là le plus grand défi, car pour assurer les précédents, il faut impérativement trouver une stabilité politique… comment s’occuper de la planification urbaine, de l’éducation, de l’environnement si les guerres ne s’arrêtent pas… Carte 2 p. 206 : Guerres civiles récurrentes. Origine religieuse, ethnique ou politique, pour les ressources, souvent les enjeux sont mêlés et les conflits sont complexes. Quelques exemples à retenir parmi d’autres: o Génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 : conflit lié à la hiérarchie entre ethnies que les colonisateurs avaient créée. 6 o République centrafricaine, conflit religieux entre musulmans et Chrétien, nombreux massacres… o Printemps arabes, conflit politique contre des pouvoirs autoritaires, mais les progrès escomptés ne sont pas au rendez-vous (conflit politique et religieux en Egypte… nombreux assassinats politiques en Tunisie… une très forte instabilité perdure). L’exemple du printemps arabe incite cependant à l’optimisme : des changements sont possibles. En témoigne, en 1994, la fin de l’Apartheid, régime discriminatoire en Afrique du Sud qui excluait les populations noires du pouvoir. Mais le défi est loin d’être surmonté… actuellement, les conflits entrainent des millions de déplacés (10 millions) et réfugiés (5 millions) qui trouvent refuge dans des camps ou demandent l’asile dans des pays étrangers. Les chiffres sont bien entendu des estimations. (Définition : déplacé : qui reste dans le même pays. Réfugié : qui change de pays) L’intégration régionale : comme pour les Amériques (Alena, Mercosur), les pays africains cherchent à créer des organisations économiques, voire politiques, régionales. Exemple : o UEMOA, Union monétaire ouest-africaine qui utilise une monnaie unique, le Franc CFA. Permet de nombreux échanges et une intense activité économique aux frontières o Autre exemples sur le PPT : par d’intégration continentale (Amérique du Nord, Europe) mais de nombreuses intégrations régionales comme en Amérique Latine. o Union Africaine : union principalement politique, pour résoudre les conflits. Le Maroc en a été exclu pour son occupation du Sahara occidental (cf étude de cas sur le Sahara). Cette union envoie souvent des forces pour assister l’ONU dans les interventions de maintien de la paix (par exemple, en Centrafrique, au Darfour…). Conclusion/résumé : o Continent pauvre et avec des difficultés de développement mais cette précarité est inégalement répartie et évolue dans le temps. o L’insertion dans la mondialisation est moins forte que pour les autres continents mais elle est bien réelle (à nouveau, de manière inégale selon les différents territoires, à différentes échelles), et croissante, même si l’on parle d’intégration dominée et que de nombreux flux sont illicites. o Tendance à croissance économique et insertion majeure dans la mondialisation mais ça ne veut pas dire que l’on va vers une émergence certaines du continent. Encore de nombreux défis : instabilité politique, environnement, inégalités à toutes les échelles… 7