Les américains et le PLD, dans l’immédiat après guerre vont par exemple s’appuyer sur
Kodama Yoshio et Sasakawa Ryoichi (qualifié dans un rapport des forces d’occupation au
lendemain de la défaite, « d’homme potentiellement dangereux pour l’avenir du Japon et sans
scrupules ». Ces deux hommes vont être les grands manœuvriers des coulisses de la politique
nippone jusqu’à la fin des années 70. Sasakawa fondera même une fondation qui porte son
nom et qui pesait en 1990, 500 millions de dollars…
Autre mécanisme original constitutif de la machinerie politique : les associations de soutien
des politiciens japonais, les kôenkai. Une fois encore, ces organismes, mis en place par
chaque élu, découlent plus des nécessités induites par le mode de scrutin en vigueur jusqu’en
1994, que d’une prétendue culture de l’harmonie. Premier constat, les citoyens japonais sont
peu motivés par la participation politique (55,5% se sont abstenus aux sénatoriales de 1995),
de plus, ils sont très méfiants à l’égard des partis et plus fidèles aux personnes elles mêmes, ce
qui explique en partie pourquoi au niveau local, 80% des conseillers municipaux sont sans
étiquettes. Le facteur primordial expliquant les comportements politiques électoraux des
japonais est toutefois bien celui du mode de scrutin. Un seul chiffre nous permettra d’illustrer
les effets possibles de celui-ci. Ainsi, dans une ville de 45000 habitants, on peut encore
aujourd’hui être élu avec 1,5% des inscrits…
Dès lors, les candidats élaborent une stratégie de ciblage géographique (sur un territoire
donné : le jiban), s’efforçant de gagner le minimum d’électeurs nécessaires dans un endroit
donné et par la suite de les conserver, objectifs auxquels répondent les kôenkai. Ces koenkai
ont deux fonctions distinctes : rassembler de l’argent et des voix d’électeurs. Afin de répondre
à ces deux impératifs de survie politique, ces associations, de nature complexe, mettent en
place diverses actions afin de récolter des fonds et d’entretenir les liens avec les électeurs
acquis tout en essayant d’en gagner d’autres. Par exemple, des pique-niques ou encore des
barbecues sont organisés, activités auxquels il est parfois possible de voir quelques milliers de
personnes…
Le système va même plus loin, pouvant impliquer une rétribution financière. Ainsi un élu
dans l’incapacité de se rendre à un mariage ou à des funérailles doit-il faire un don monétaire.
De la même manière que le parti communiste, l’élu remplit si besoin pour ses électeurs une
fonction de médiateur et ou de conseiller, la kôenkai apparaissant ici aussi comme une aide
potentielle. Les kôenkai sont elles aussi traversées par divers courants idéologiques. Au centre
de celles-ci on trouve donc un rapport interpersonnel avec le sensei qui fait office de lien entre
des éléments disparates. A noter que ces liens interpersonnels qui peuvent inclure une
dimension monétaire s’inscrivent au Japon dans le cadre « d’un échange généralisé » dans le
temps que l’on ne peut pas comparer à de la corruption au sens occidental du terme.
En effet, le pouvoir des kôenkai est essentiellement local, ces organisations ne parvenant pas à
imposer leurs volontés aux électeurs en ce qui concernerait des directives de vote nationales.
A noter que le rôle de ces organisations ne pourra qu’évoluer suite à la modification du mode
de scrutin en 1994, bien qu’il soit peut être encore trop tôt pour tirer des conclusions.
Misère et crime au Japon, de Philippe Pons, aux Editions Gallimard, 1999, 545p.