Colloque de l`Association des Provinces wallonnes – 9

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« BASSIN DE VILLE, BASSIN DE VIE. QUELLE POLITIQUE DE LA
VILLE EN WALLONIE »
INTERVENTION DE MONSIEUR
PAUL-EMILE MOTTARD, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION
DES
PROVINCES WALLONNES.
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames et Messieurs les Bourgmestres et Échevins,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Chers amis en vos titres et qualités,
En commençant mon intervention, je souhaite remercier Monsieur le Ministre Paul Furlan de son invitation à
prendre la parole à ce colloque.
En effet, la présence de l’Association des Provinces wallonnes à la tribune d’un colloque consacré à la
politique de la ville, cela peut sembler surprenant.
Pourtant cela me paraît on ne peut plus naturel car l’institution que je représente est un partenaire
important des villes et communes. Les provinces participent au développement des villes, tout en intégrant
le fait rural et en assurant la cohérence de la mise en œuvre des politiques publiques sur l’ensemble du
territoire de la province.
Les travaux des ateliers d’hier l’ont démontré à suffisance : l’organisation de la vie en commun en ville a des
incidences sur les populations des communes avoisinantes.
Les villes jouent un rôle central dans le développement d’un territoire car elles constituent un pôle
d’attraction en matière économique, sociale et culturelle. Leur influence dépasse naturellement le cadre de
la ville.
Colloque Bassin de ville, bassin de vie – Discours – 07/10/11
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Cette dimension est reconnue par la Charte de Leipzig sur la ville européenne durable, qui souligne
l’importance des villes pour le développement durable, à savoir la prospérité économique, l’équilibre social,
et le respect des impératifs écologiques. Il y est également question des nombreux défis auxquels les villes
sont confrontées et qui sont de natures très diverses : économique, sociale et d’exclusion, culturelle,
démographique, notamment.
La Charte note également que « Nous avons besoin de plus en plus de stratégies entières et d’une action
concertée de toutes les personnes et institutions engagées dans le processus de développement urbain, et ce
également au-delà des limites des villes et des communes individuelles. Toutes les instances gouvernementales – aux niveaux local, régional, national et européen – assument leur part de responsabilité pour
l’avenir de nos villes. »
Face aux différents défis que reconnaissait déjà la Charte de Leipzig en 2007, il est évident que les villes
seules ne peuvent en assumer la responsabilité.
Il ne peut, par exemple, être question de mener des actions dans les domaines de la mobilité, l’économie, la
culture, les infrastructures sociales et sportives en s’arrêtant aux limites administratives de la cité.
Se pose alors la question du territoire pertinent pour mener les politiques publiques.
A cet égard, vous m’excuserez de prendre l’exemple que je connais le mieux : celui de Liège. Notre Conseil
provincial organisait récemment une séance thématique consacrée à la supracommunalité.
A cette occasion, de nombreux mandataires, provinciaux, bien sûr, mais communaux également,
bourgmestres et chefs de groupes de l’opposition, ont exposé leur vision de la supracommunalité.
Que constate-t-on ?
La volonté politique est d’inscrire la ville dans les villes-régions européennes. L’ambition est d’utiliser les
atouts de Liège et de sa région pour l’inscrire parmi les territoires qui comptent au niveau européen.
Cela suppose de la positionner dans un cadre européen qui tend à privilégier les entités de 500.000, voire d’1
million d’habitants pour être reconnue et bénéficier du soutien européen pour la concrétisation de grands
projets.
Colloque Bassin de ville, bassin de vie – Discours – 07/10/11
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Les forces vives liégeoises s’inscrivent dans un contexte d’organisation qui allie les villes, les communes et la
Province au sein d’une Coordination provinciale des Pouvoirs locaux.
L’intérêt de ce modèle réside moins dans sa structure que dans les actions qu’il permet.
Pour des missions ou projets jugés d’intérêt commun à toute la population du territoire, il permet la
mobilisation de tous les acteurs autour de thématiques précises.
Lorsque l’on parle de mobilité – le tram –, d’aménagement du territoire et notamment de l’implantation des
espaces commerciaux, d’enseignement, de culture, de sport ou de soins de santé, le bon niveau d’action
dépasse celui de la commune.
Dans un contexte où l’assainissement des finances publiques impose de faire mieux avec des ressources qui
évoluent peu, voire qui diminuent, l’ambition de nos territoires ne pourra s’exprimer que par une mutation
des relations entre les villes et leurs partenaires institutionnels.
Cela suppose de repenser les collaborations avec les communes périphériques, les provinces d’abord ; avec
la Région, la Fédération Wallonie-Bruxelles, l’État fédéral, voire l’Europe, ensuite.
Lorsque l’on évoque les actions à mener sur un territoire déterminé, j’en citais quelques-unes tout à l’heure,
on en vient assez vite à réfléchir en termes de structures pour les organiser.
L’organisation institutionnelle belge peut être qualifiée de complexe, elle est surtout en évolution presque
permanente. Il me semble qu’il y a un certain consensus pour estimer qu’un niveau intermédiaire entre la
Région et les communes est nécessaire.
Je ne vous étonnerai pas en vous disant que j’estime que les provinces, ou quel que soit le nom qu’on
souhaitera leur donner demain, ont encore un rôle à jouer, et ce, essentiellement pour 4 raisons :
1. D’abord, et cela me paraît essentiel, elles assurent la solidarité territoriale et le lien étroit entre zones
rurales et urbaines au sein de la province. Il est, en effet, important de veiller à assurer un développement
harmonieux de nos territoires en veillant à ne laisser personne au bord du chemin. Et l’on sait que les défis
auxquels les villes et les zones rurales sont confrontés sont parfois bien différents.
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Cette solidarité est un élément important de cohésion économique, sociale et territoriale.
2. Ensuite, soulignons qu’elles possèdent des fonctionnaires, des agents territoriaux qui disposent d’une
expérience de la gestion d’une administration pour exercer cette solidarité territoriale.
Les cinq provinces wallonnes, ce sont près de 20.000 agents, des enseignants, des éducateurs, ingénieurs,
médecins, informaticiens, bibliothécaires, des ouvriers, des employés etc. au service de leur territoire, de
l’économie de leur province ainsi que de ses communes et sa population.
Ils disposent d’un contact privilégié avec les acteurs locaux et développent une offre de service qui
correspond aux besoins de proximité.
Avant d’imaginer la constitution de nouvelles structures de toutes pièces, ne faut-il pas se poser la question
de la prise en compte de l’expertise présente dans les institutions existantes.
Cela me paraît être une mesure de bonne gouvernance.
3. Citons également le fait que la Province assure une réelle représentation démocratique de son territoire
puisqu’elle se compose d’élus directs qui assurent la proximité locale vis-à-vis de la population grâce au
maintien du système électoral par district.
Savez-vous que près de 45 % des élus provinciaux actuels sont également mandataires communaux ? Le lien
avec la commune et la proximité territoriale est donc bien présent.
4. Enfin, le pouvoir fiscal propre des provinces. Nous avons eu l’occasion de l’évoquer lors des travaux en
ateliers, la question des moyens d’intervention des structures supracommunales est essentielle.
Les provinces étant constituées, comme je viens de le rappeler, de représentants élus au premier degré,
elles disposent, de ce fait, d’un pouvoir fiscal propre. Elles disposent, dès lors, d’un mécanisme de
financement efficace et transparent.
Il s’agit d’un nouvel élément qui plaide en faveur de la prise en considération d’une institution provinciale
renouvelée dans la constitution des structures supracommunales.
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On doit donc envisager l’organisation de nos territoires en fonction des spécificités locales et réfléchir à des
structures supralocales qui présentent des contours différents d’un coin à l’autre de la Wallonie.
Dans les débats qui voient le jour actuellement autour des bassins de vies, on constate qu’en fait, ces
territoires jugés pertinents correspondent assez bien à l’échelle territoriale des provinces. C’est vrai pour le
Brabant wallon, Liège, le Luxembourg et Namur. Seule exception pourtant, le Hainaut.
Le Hainaut dispose de particularismes locaux sur le plan démographique, sociologique ou économique qui
peuvent justifier un partage en plusieurs entités distinctes.
Peut-être la proximité d’une grande métropole européenne comme Lille n’est-elle pas étrangère à cet état
de fait.
Il me semble qu’une réflexion particulière devrait être menée sur cette question spécifique pour envisager la
manière dont organiser au mieux la supracommunalité hennuyère.
On ne peut, dès lors, considérer qu’il y aurait un et un seul modèle d’organisation. Chacun devra se
déterminer sur celui qui correspond le mieux aux caractéristiques de son propre territoire.
Dans ce même ordre d’idées, je m’interroge sur la manière d’organiser et d’articuler les bassins de vie.
Beaucoup réclament aujourd’hui une clarification et une simplification des structures existantes au niveau
intermédiaire entre le niveau communal et le régional.
Si je lis bien, on y substituerait de nouvelles structures organisées autour de bassins de vie aux provinces.
Mais ces bassins présenteront des contours différents et concerneront des populations spécifiques en
fonction des compétences concernées.
Va-t-on alors imaginer des structures différentes si l’on parle de soins de santé, de culture, d’enseignement,
d’économie ou de sécurité?
En termes de simplification et de clarification du paysage institutionnel, cela ne me paraît pas être la
meilleure voie à suivre et je ne suis pas convaincu que le citoyen s’y retrouvera mieux qu’aujourd’hui.
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Il faut surtout éviter de construire une Wallonie de sous-préfectures où chacun disposerait d’une partie de
l’autorité publique.
J’entendais, par ailleurs, certains plaider pour que le Gouvernement wallon impose un modèle de structure
supracommunale, de bassin de vie. Cette suggestion est pour le moins hâtive.
D’une part, parce que ce serait faire fi de l’évolution de l’institution provinciale. Nous travaillons actuellement activement avec le Gouvernement wallon pour dessiner le nouveau visage des provinces.
D’autre part, j’ai le plus grand respect pour le principe d’autonomie communale. Il faut préserver une
certaine forme de spontanéité du terrain et de souplesse dans l’organisation des projets de dimension
supralocale.
Ces projets doivent venir des territoires eux-mêmes, dans une approche « bottom-up ».
Je plaide donc pour qu’il n’y ait pas de modèle unique imposé d’en-haut mais propose de laisser
l’opportunité aux acteurs locaux d’envisager ensemble la meilleure organisation pour répondre aux
spécificités de terrain.
Ces réflexions m’amènent à présent à évoquer la question de l’intérêt provincial.
Jusqu’à nouvel ordre, la notion d’intérêt provincial est maintenue dans la Constitution et permet aux
provinces d’exercer pleinement leurs missions de proximité.
Ce principe est un élément fondamental de leur action car il leur permet de répondre aux attentes
spécifiques exprimées localement et pour lesquels d’autres niveaux de pouvoir ne peuvent apporter une
réponse adéquate.
On peut dès lors estimer qu’un projet de mobilité tel que le tram en Province de Liège n’intéresse pas
uniquement les communes concernées par son tracé mais un ensemble beaucoup plus large de population.
Cette démarche de définition des missions d’intérêt provincial peut également concerner d’autres types
d’équipement collectifs comme des grandes infrastructures culturelles, sportives, voire les implantations de
surfaces commerciales.
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En termes d’aménagement du territoire, il y aurait une certaine pertinence à adopter une vision supracommunale pour éviter les concurrences entre communes. L’objectif étant de proposer l’implantation la plus
efficace d’un point de vue économique, social et environnemental.
Les questions de mobilité et d’aménagement du territoire constituent des exemples significatifs de domaines
où la notion d’intérêt provincial prendrait tout son sens.
Je souhaitais tenir ces quelques propos sur les questions de structures en réponse à ceux qui, parfois de
manière un peu dogmatique ou par réaction épidermique, estiment que la Wallonie se porterait mieux sans
les provinces.
A titre personnel, j’apprécie les débats, la contradiction lorsque les échanges sont possibles. Mais il m’est
très difficile d’aborder un dialogue avec des interlocuteurs qui ne pensent qu’en termes de suppression pure
et simple des provinces.
Si je peux admettre que certains ont des avis bien tranchés sur l’avenir de l’institution, je n’admets pas que
l’on la traite, ainsi que son personnel et ses élus, avec dédain et irrespect, frôlant même la diffamation,
comme je le lisais dernièrement dans un avis pseudo académique paru dans la presse.
Je n’aurai pas la prétention de dire que la province est LA réponse en termes de supracommunalité ou de
structure locale intermédiaire.
La province, en fonction de sa capacité d’adaptation, peut être une réponse ou une partie de la réponse à
apporter aux défis du développement de nos territoires.
Comme vous le souligniez récemment dans la presse, Monsieur le Ministre, les provinces ont montré leur
volonté de s’autoréformer. Vous indiquiez que c’est à elles de faire la démonstration de leur utilité.
Ce travail, vous le savez, est en cours. Votre projet de décret relatif à la recomposition des organes
provinciaux a été adopté en Commission du Parlement wallon.
Mais la réforme des provinces va au-delà de ces questions liées au nombre d’élus. Le plus important porte
sur la redéfinition des compétences provinciales, le renforcement du soutien aux communes et la
modernisation du mécanisme de partenariat avec la Région wallonne.
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Concernant le réaménagement des compétences provinciales, un travail important de remise en question est
largement engagé dans les différentes provinces qui ont pratiquement toutes dégagé leurs axes prioritaires.
Il s’agit pour elles d’identifier les domaines d’actions pour lesquelles elles disposent d’une réelle expertise et
apportent une plus-value significative.
Ce n’est pas l’objet de ce colloque mais plutôt de celui que tiendra l’Association des Provinces wallonnes le 8
novembre prochain à Seraing.
La Déclaration de Politique Régionale précise que la redéfinition des compétences provinciales ne doit pas
avoir d’impact négatif sur le personnel.
Pour notre part, nous serons également très attentifs à ce que la qualité des services qui sont proposés
aujourd’hui aux communes, entreprises et citoyens soit préservée.
C’est une des grandes difficultés de l’exercice. Si l’on retire un certain nombre de missions aux provinces, il
faudra s’inquiéter des conséquences que cela peut avoir pour les acteurs de terrain.
Vous le savez, les provinces ont prioritairement investi les politiques liées aux compétences de la
Communauté française – aujourd’hui, la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce n’est évidemment pas un hasard.
Ces secteurs d’activité (santé, social, culture, enseignement) sont ceux qui ont le plus besoin de soutien. Ils
ne sont évidemment pas les seuls mais bien les plus marquants. L’abandon d’un certain nombre
d’interventions provinciales risque d’avoir des incidences sur le milieu associatif et les institutions qui ont
bien souvent besoin du soutien de la province pour fonctionner.
Un autre volet important de la réforme est le renforcement du rôle des provinces en soutien aux communes.
C’est une dimension essentielle car il existe un grand nombre de thématiques pour lesquelles les communes
se félicitent de leurs collaborations avec les provinces.
L’aide qui leur est apportée est précieuse et la consultation des communes qui a été organisée voici plusieurs
mois montre que les services offerts sont de qualité et doivent être renforcés et diversifiés.
Un autre élément de la réforme est la modernisation du mécanisme de partenariat provinces-Région
wallonne qui a montré toutes ses limites.
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Nous sommes tous bien conscients que le système actuel doit être abandonné. Il reste à déterminer le
modèle qui s’y substituera. Les partenariats pourraient devenir des missions déléguées par la Région aux
provinces. Cela me semble être une orientation à examiner.
En conclusion de mon intervention, vous me permettrez de résumer en quelques mots les réflexions que je
viens de vous adresser.
Les défis auxquels les villes sont confrontées aujourd’hui imposent la participation de tous les acteurs d’un
territoire pour en assurer le développement.
Il faut envisager des modes de fonctionnement collaboratifs plutôt que concurrentiels et où chacun peut
contribuer à la réalisation des objectifs communs en fonction de ses propres atouts.
Il y a toute une série de questions qui relèvent uniquement de la ville, mais la plupart concernent des
problématiques qui transcendent l’ensemble des entités du territoire.
Cette dynamique suppose de s’organiser à une dimension supralocale.
Il est vain de rechercher le modèle d’organisation qui s’imposerait partout de la même manière car les
particularités locales sont innombrables. Le modèle retenu à Liège n’est pas comparable à ce qui se dessine
autour de la Wallonie picarde, en Famenne ou ailleurs.
La province présente un intérêt manifeste pour participer à l’organisation d’un territoire au niveau supralocal
puisqu’elle dispose de la solidarité territoriale, du personnel qualifié, des ressources fiscales propres et des
structures politiques nécessaires pour exercer un contrôle démocratique effectif.
Elles disposent de la connaissance des particularités locales de leur territoire et assurent le lien entre les
préoccupations urbaines et rurales. Cette dimension doit être bien comprise et prise en considération si l’on
veut assurer le développement harmonieux de notre région. C’est, par ailleurs, ce que l’Union européenne
nous encourage à développer dans le cadre de ses politiques de cohésion sociale, économique et territoriale.
Pour mieux répondre aux besoins locaux, les provinces doivent également réfléchir à de nouveaux modes de
collaboration avec les villes et les communes pour les impliquer davantage dans les politiques qu’elles
mènent.
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Dans le débat qui doit s’ouvrir sur l’organisation supracommunale, de bassins ou quelle que soit la
terminologie la plus appropriée, les provinces tiendront leur place grâce à leur capacité de s’adapter à
l’évolution de notre société.
C’est ce à quoi elles travaillent, dans un esprit de franche collaboration avec le Gouvernement wallon, les
villes et les communes, qui sont leurs premiers partenaires.
Je vous remercie de votre écoute.
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