Il manque encore ici, la description d’un ingrédient essentiel mais discret du milieu interstellaire : la
poussière. Mélangés au gaz, on trouve des grains de poussière de petite taille, de l’ordre du micron,
qui ne représentent qu’une fraction très faible de la masse totale du gaz, moins de 1%, mais jouent
pourtant un rôle très important.
Un premier effet de cette poussière pourrait être qualifié de « cosmétique » : elle produit sur la
lumière des étoiles qui traverse le milieu une extinction sélective, le bleu est plus éteint que le rouge,
et l’infrarouge n’est pratiquement pas affecté. Ainsi, de deux objets identiques, dans le domaine du
visible, le plus lointain parait plus rouge que celui qui est proche. On notera que ce rougissement,
analogue à celui qui produit de beaux couchers de Soleil rougeoyants, n’a rien à voir avec celui que
produit sur les galaxies l’effet Doppler dû à l’expansion de l’Univers.
Le deuxième rôle d’ordre thermique, et il est essentiel en Astrophysique : la poussière agit comme un
agent refroidissant du milieu. Dans une galaxie, la plus grande partie de l’énergie rayonnée par les
étoiles se trouve dans les domaines du visible et de l’ultraviolet. Quand un atome, ou une molécule
absorbe un de ces photons, il se trouve excité, et, dans un gaz raréfié, il peut avoir du mal à se
débarrasser de cet excédant d’énergie. Au contraire de cela, un grain sera juste un peu échauffé, et se
refroidira spontanément sans aucune aide, par l’émission de photons infrarouges lointains. Une des
découvertes majeures de la nouvelle Astronomie infrarouge dans les années 1960 a été de montrer que
ce phénomène de « re-rayonnement » par les grains faisait qu’une grande partie de l’énergie rayonnée
par les galaxies avait jusque là été ignorée.
La nature de ces grains a été déterminée à partir de leurs propriétés spectrales, soit de type graphite,
soit de type silicate. Ils proviennent des étoiles vieillissantes, les super géantes rouges, dont
l’atmosphère se dilate énormément, dans quelques milliards d’années le Soleil atteindra ce stade et
son diamètre atteindra presque celui de l’orbite de Jupiter. Dans les couches supérieures de ces
atmosphères, relativement froides vers 2000 à 3000 K, des matériaux réfractaires se condensent en
petits grains qui sont ensuite expulsés dans de vastes mouvements turbulents et vont se disperser dans
le milieu interstellaire.
Les nuages moléculaires
On imaginera facilement que, dans un nuage dense ou se s’est rassemblé l’équivalent de 1000 à 10 000
fois la mase du Soleil de gaz interstellaire, il va y avoir aussi une grande quantité de poussière qui,
comme le montre bien l’image de Messier 16 par le Hubble Space Telescope, rend ce nuage
complètement opaque, on n’aperçoit aucune étoile à travers le nuage, et imperméable au bain des
photons des étoiles qui parcourent l’espace. De ce fait, il n’y pas d’endroit dans l’Univers plus
obscure que l’intérieur d’un nuage moléculaire. Mais c’est aussi un endroit de record de basse
température : en effet, les grains le refroidissent en émettant des photons infrarouges qui sortent sans
aucune difficulté du nuage.
C’est dans cette ambiance glaciale que va fonctionner la grande usine à molécule cosmique. Tout
d’abord, l’hydrogène, largement prédominant et qui est habituellement dans le milieu diffus à l’état
atomique, voire ionisé, va se présenter sous forme moléculaire H2. C’est encore une observation
infrarouge qui a permis de le mettre en évidence, et l’appellation de « nuage moléculaire » en est
logiquement découlé. On peut noter aussi que l’hélium, d’une inertie chimique remarquable, reste à
l’état atomique.
C’est sur les grains de poussière que le reste va se passer, et ceci grâce à un phénomène simple et
courant bien facilité par le froid ambiant : des forces faibles, dites forces de Van der Waals, attirent et
maintiennent collés à la surface d’un solides les atomes du gaz environnant. Les grains se recouvrent
ainsi d’une couche d’atomes qui on tout loisir de se côtoyer, et de s’associer, selon affinité, pour
former des molécules. Parfois aidé par l’utilisation de l’énergie d’un photon qui serait arrivé à se
glisser jusque là, ce « réacteur chimique », très lent, va d’abord produire des molécules simples
comme OH, H2O, CO, CO2, qui sont très abondantes, puis aussi des molécules plus exotiques telles
que NH3, CH4 etc. Bien évidemment, à ces températures, tous ces produits sont à l’état solide, et le