Philippe II est le bâtisseur du grand royaume de Macédoine, celui dont l'oeuvre politique en Grèce, ouvrira la voie à la conquête de l'empire perse. L'étude de ce personnage ne nous est guère connu que par ses ennemis, et d'abord par Démosthène, dont les distribes ont propagé l'image du barbare, ivre de sang et de vin, qui ne devait ses succès qu'à la chance et à la faiblesse, la lâcheté ou la trahison de ses adversaires. Chez Aristote, à qui il confia l'éducation de son fils et qui lui servit de conseiller pour le règlement des affaires grecques, aucune indication personnelle; seul un passage de la "Politique" parle de la royauté macédonienne comme d'un système à part, distinct tout à la fois des "basileiai"' et de l'autocratie perse. Le roi eut bien des historiens, et parmi eux Théopompos de Chios, qui écrivit une longue série de "Makédonika"; mais il ne reste que quelques fragments, et il faut donc se contenter de ce qu'en dit " L' Histoire Universelle" de Diodore de Sicile, récit lacunaire, parfois erroné, rédigé pour des lecteurs vivant sous Auguste. Ainsi nous allons voir de quel était le but que Philippe essayait de concrétise a travers ses conquêtes. Pour cela nous étudierons son Avènement au pouvoir, sa conquête du monde grec. Et enfin l’organisation du monde au lendemain de sa mort. I-La Macedoine de Philippe II 1. La Macédoine avant Philippe. La Macédoine antique est une contrée limitée par des frontières peu précises mais naturelles. Au Sud, les monts Cambuniens séparent le Royaume de Macédoine de la Thessalie. À l'ouest et au nord, prennent naissance trois grands fleuves se jetant dans le Golfe de Thessalonique : l'Haliacmôn et l'Axios, ainsi que le Strymon qui, à l'Est, formait la frontière entre la Thrace et la Macédoine. La vallée de l'Haliacmôn est relativement accidentée, tandis que la basse vallée de l'Axios est au contraire large et fertile. La côte est peu propice à l'établissement de ports ; le climat intérieur est souvent rigoureux. Les montagnes, grâce à leurs importantes forêts, fournissent du bois de construction à toute la Grèce, de même que les plaines fournissent des pâturages abondants, favorables à l'élevage des chevaux. Egalement, le pays était riche en minerais précieux (argent, or). Le premier souverain connu de la dynastie argéade est Perdiccas Ier (VIIe siècle av. J.-C.). Parmi ses successeurs, le plus important fut Amyntas Ier (VIe siècle av. J.-C.), qui devint vassal du roi perse. Durant les guerres médiques (49-480 av. J.-C.), la Macédoine constitue pour les souverains perses une base d'opération particulièrement importante, et le fils d'Amyntas Ier, Alexandre Ier, prit part à la grande expédition de Xerxès à la tête d'un régiment macédonien. Les rapports entre la Macédoine et le monde grec sous le règne de Perdiccas II, successeur d'Alexandre Ier, sont très étroits. Athènes avait beaucoup d'intérêts dans le nord de l'Égée (intérêts économiques, politiques, commerciaux, stratégiques…) et s'intéressait beaucoup à ce qui se passait en Thrace et en Macédoine. Par exemple, la fondation, en 437-436 av. J.-C., de la colonie d'Amphipolis par des colons majoritairement athéniens apparaissait pour Athènes comme un moyen de contrôler la Thrace et la Macédoine et d'avoir le contrôle sur cette riche région aurifère, que convoitaient aussi les souverains macédoniens. Sous le règne d'Archélaos, la Macédoine s'allia aux Athéniens pour se défendre contre les populations tribales de haute Macédoine, les Lyncestes et les Élimiotes. Il aurait assuré la défense de son royaume, en bâtissant des forteresses et en dotant son armée de chevaux et d'armes. Il aurait également entrepris de vastes réformes administratives, comme la création de « cités » au sens grec du terme, et dont la plus puissante était Pella, capitale du royaume. Après l'assassinat d'Archélaos, vers 400 av. J.-C., la Macédoine entra dans une période de troubles, jusqu'à l'avènement d'Amyntas III en 393 av. J.-C. Celui-ci dut lutter contre les tribus révoltées et les cités qui avaient profité de l'affaiblissement de l'autorité royale, et pour cela Amyntas III s'appuya sur l'aide de Sparte. Par la suite, dès 378-377 av. J.-C., Amyntas III rompit l'alliance spartiate et se tourna vers les Athéniens qui avaient reconstitué leur flotte. Après la mort d'Amyntas III, les troubles dynastiques reprirent en Macédoine. Pendant cette période, l'influence athénienne se développa dans le royaume. La puissance macédonienne se rétablit sous le règne de Perdiccas III. 2. Avénement de Philippe C'est à une catastrophe nationale que le jeune Philippe, âgé de vingt-deux ans, dut devenir roi des macédoniens: dans l'été 360 av. J.-C.,, son frère aîné, le roi Perdiccas III, fut tué et son armée massacrée par les illyriens. La Macédoine fut menacée d'être engloutie par les maux, qui , après le règne brillant d'Alexandre Ier, au temps des guerres médiques, l'avaient maintenue dans un certain abaissement: les convoitises des rois barbares qui entouraient le pays, Illyriens au Nord Ouest, Péoniens au Nord et Thraces à l'Est, et la rivalité des divers prétendants, descendants de souverains antérieurs, dont les ambitions étaient soutenues par ces rois ou par les citées grecques de la côte, voire par Athènes. Philippe II commença par gagner du temps en achetant le retrait ou le désintéressement des uns et des autres, mais, des 359 av. J.-C.,, il prit sa revanche sur le roi Bardylis en écrasant à son tour les illyriens. Un tel retournement n'est pas à attribuer au hasard, ni même au seules qualités tactiques du roi; sans doute faut il voir aussi les premiers fruits de la réorganisation militaire qui allait faire de l'armée macédonienne la meilleure du monde. Philippe reçut une armée dont la force principale était la cavalerie des "hétairoi",des compagnons, sorte de d'aristocratie guerrière et chasseresse constituée de riches propriétaires terriens associés de près à la vie du roi. Durant le seul épisode de sa jeunesse que nous connaissions, un séjour comme otage à Thèbes dont la phalange d'hoplite, lourds fantassins cuirassés, était à l'époque la meilleure de Grèce, Philippe avait pu constater la supériorité de ces bataillons. Chaque homme se protégeait avec son bouclier et celui de son voisin de droite, cependant que sa lance menaçait le cou ou l'oeil de l'adversaire. La victoire revenait à la phalange qui, avançant en ordre serré sur le champ de bataille, arrivait à rompre par sa pression le front ennemi; les vaincus, ayant perdus la protection de leur voisins, n'avaient plus qu'à chercher leur salut dans la fuite au cours de laquelle beaucoup étaient massacrés. Si les détails et la chronologie des réformes militaires de Philippe II nous restent inconnus, il est certain que sa grande oeuvre est le développement d'une infanterie nationale; ses hommes prendront le nom, qui les associait d'une certaine manière au prestige de l'aristocratie, de "pezhétairoi", les compagnons à pieds, qui formaient sa garde. ce fut l'arme favorite de Philippe, celle de à la tête de laquelle il chargea souvent, alors qu'Alexandre III combattra avec la cavalerie, et dont il partagea les dangers, ce qui lui valut quatre blessures graves, dont la perte d'un oeil pendant le siège de Méthone. Le sort des colonies grecques en Grèce du nord.Un autre problème reçut une solution définitive, celui des colonies grecques qui, depuis le VIIIème siècle av. J.-C., au moins, constituaient une ceinture le long de la cote macédonienne, organisant les échanges entre les peuples de l'intérieur et le monde grec. Elles occupaient la seule zone de la Macédoine où l'on puisse cultiver, avec la vigne et l'olivier; c'était là également que se trouvaient les mines d'argent et d'or les plus riches. Deux villes avaient pris une importance exceptionnelles: Amphipolis verrouillait la basse vallée du Strymon et, donc, l'accès au bassin de Serres et à la Thrace occidentale, et commandait aussi la route Est-Ouest par les lacs de Mygdonie et la Piérie du Pangée; quand à Olynthe, elle avait su regrouper autour d'elle les chacidiens en une puissante fédération qui couvrait une bonne partie de la riche Chacidique. Au Vème siècle av. J.-C.,, ces villes étaient protégées de l'hostilité des macédoniens ou des thraces par Athènes, dont la flotte pouvait intervenir en force n'importe où, n'importe quand, et dont la diplomatie avait su rendre précieux l'appui athénien aux princes de l'intérieur. Mais la haine de deux citées contre Athènes à cause de ses excès impérialiste rendait leur situation beaucoup plus précaire, alors même que la maladresse de leurs interventions dans la politique macédonienne, et notamment le soutien apporté en 360 av. J.-C., à divers prétendants, les exposait à la vindicte de Philippe. Celuici sut jouer des intérêts contradictoires, donnant des gages aux Chalcidiens et rusant avec Athènes pour, en 357 av. J.-C., s'emparer d'Amphipolis, où il s'était gagné des partisans; de même il annexa Olynthe en 349-348 av. J.-C., grâce aux intelligences qu'il s'était ménagé dans la place. D'autres citées grecques furent intégrées au royaume, sans perdre leur identité. Ainsi, en 357 av. J.C., également, les Thasiens avaient cru pouvoir fonder une ville nouvelle près de leurs mines d'argent sur le continent, suscitant une réaction des Thraces. Philippe II profita de cette erreur pour refonder la ville sous le nom de Philippes, s'assurant ainsi de gros revenus miniers et une position très forte à l'endroit où le marais qui s'étend jusqu'au pied de la montagne vérouille le bassin de Drama; mais il laissa à la ville une large autonomie. II-Philippe de Macedoine en Grece 1-La Troisième Guerre Sacrée (357-352 av. J.-C.) C'est donc une image très constrastée que les Grecs pouvaient se faire du roi au moment où létat de ses forces lui permit d'intervenir en Grèce: une volonté de domination servie par un instrument militaire bien rodé et parfaitement docile; une brutalité effrénée pour briser les obstacles à son ambition; l'absence de scrupules dans le choix des moyens; un sens politique qui l'amène à épargner l'adversaire vaincu si celui-ci peut servir à la consolidation du système; une profonde connaissance du pays lui permettant de saisir toutes les occasions et de profiter des faiblesses de la Grèce classique. Le principal avantage de Philippe II était le partage du pays en cantons et leur antagonisme, habilement attisé par les Perses, qui avaient su épuiser les différentes cités prétendant organiser l'espace grec à leur profit, Athènes, Sparte, et Thèbes. En outre, l'évolution des pratiques militaires depuis la guerre du Péloponnèse avait favorisé la formation de troupes de mercenaires permanentes, prêtes à se louer au plus offrant. L'anarchie en était arrivée à un tel point que n'importe tyran disposant de quelques moyens financiers pouvait prétendre à l'hégémonie. Ainsi en Thessalie, seul l'assassinat contrecarra l'ambition des tyrans de Phères. Cette région, située immédiatement au Sud de la Macédoine, avait depuis longtemps d'étroits contacts avec le royaume et l'aristocratie thessalienne, passionnée de cheval et de chasse, menait une vie rurale qui ne devait pas être sensiblement différente de l'aristocratie macédonienne. Il est sigificatif que les autres Thessaliens aient préférés se placer sous l'autorité de Philippe plutôt que de subir le joug de tyrans locaux: ils l'élurent Archonte, c'est à dire, chef militaire suprême à vie, avec pour mission de régler la situation à Phères. La tache était malaisée et Philippe dut s'y prendre à deux fois, en 353 et 352 av. J.-C.,, pour finalement écraser l'armée adverse, qui laissa sur le terrain 6000 hommes et 3000 prisonniers. 2-La Guerre d'Olynthe et la paix de Philocrate La cité d'Olynthe, en Chalcidique, bien qu'elle fût alliée à Philippe II de Macédoine, voyait d'un très mauvais œil les succès et la montée en puissance de ce dernier. Olynthe vit se développer un important mouvement antimacédonien, qui poussa peu à peu les Olynthiens à établir une alliance avec Athènes en 352-351 av. J.-C., Philippe II de Macédoine déclenche alors une vague militaire en Chalcidique, pour montrer sa puissance et son désaccord avec le soudain retournement olynthien. Toutefois, ce n’est qu'à l'été 349 av. J.-C. que Philippe II décida de conquérir la Chalcidique. Il exigea des Olynthiens qu'ils lui livrent deux de ses demis-frères réfugiés à Olynthe. Le refus de coopérer des Olynthiens lui servit alors de prétexte pour envahir la Chalcidique. Les Olynthiens, pour parer cette menace, firent appel à l'aide athénienne, qui envoie deux corps expéditionnaires au secours d'Olynthe. Pendant ce temps, la Chalcidique était livrée à elle-même face aux armées macédoniennes. Au début de l'été 348 av J.-C. commence le siège d'Olynthe par Philippe II de Macédoine. Ce dernier envahit la ville et écrase toute résistance. Les habitants sont réduits en esclavage et la cité est rasée. Dans sa lutte contre Athènes, Philippe II de Macédoine propose des négociations à plusieurs reprises. A Athènes, l'orateur Philocrate, soutenu par Démosthène, propose d'envoyer une ambassade à Pella, en vue de ces négociations avec Philippe II de Macédoine. Parallèlement toutefois se met en place la recherche d'une alliance grecques contre la Macédoine. Cette seconde voie politique est menée par l'orateur Eubule, secondé par l'orateur Eschine, fervent opposant à Philippe II. Le peuple athénien mène donc parallèlement deux négociations : l'une pour la paix, l'autre en vue de la guerre. Toutefois, les négociations en vue de construire une alliance grecques contre la Macédoine furent un échec : Philippe effrayait les foules, et Athènes n'apparaissait plus comme un allié très utile. En 347 av. J.-C., Philippe II de Macédoine renouvelle sa volonté de d’accord avec Athènes. Dans les clauses de paix, un point particulier est important pour Athènes : maintenir Philippe dans le Nord de la Grèce. Alors que la Troisième Guerre Sacrée continue, avec la menace d'une intervention macédonienne, les Phocidiens demande l'aide des Athéniens et des Spartiates pour garder les Thermopyles. Toutefois, au début de l'année 346 av. J.-C., l'avantage revient à Philippe II de Macédoine : une nouvelle révolution éclate en Phocide, où le neveu d'Onomarchos, Phalaicos, reprend le pouvoir et s'oppose aux Phocidiens qui l'avaient autrefois écarté du trône. Par là même, il s'oppose aux Athéniens et aux Spartiates, auxquels il interdit l'accès aux Thermopyles. Désormais, le passage des Thermopyles n'étant plus défendue, si Philippe II tente une avancée, il pénètrera en Grèce centrale et menacera l'Attique. Les Athéniens n'ont plus qu'une solution : accepter la signature d'un traité de paix avec Philippe. Sur proposition de Philocrate, dix ambassadeurs athéniens sont envoyés à Pella auprès de Philippe II. Ce dernier leur exprime ses bonnes intentions à l'égard d'Athènes. A leur retour de Pella, les ambassadeurs font convoquer l'Assemblée. L’Assemblée adopte alors le texte du traité rédigé par Philocrate. Ce traité stipule une alliance entre Athènes et la Macédoine, ainsi que pour et avec leurs alliés respectifs.Une fois l'accord athénien donné sur ce traité, une seconde ambassade athénienne est envoyée à Pella pour recevoir le serment de Philippe et de ses alliés. Arrivés à destination et couverts de cadeaux, ils attendent le retour de Philippe de Thrace, qui prête serment à Phères, après deux mois d'attente. Les Athéniens sont satisfaits et rassurés par la paix. Philippe, quant à lui, passe le défilé des Thermopyles. Il assiège ensuite la ville de Thèbes, comme il l'avait promis aux Athéniens. Désormais, grâce à son alliance avec les Thessaliens, Philippe II de Macédoine contrôle l'amphictyonie, ce qui lui assure un rôle prépondérant en Grèce centrale. 3-La montée en puissance des orateurs antimacédoniens A partir de 346 av. J.-C., Athènes est véritablement divisée en deux partis : les « philippisants », partisans d'une entente avec la Macédoine (parmi lesquels on trouve l'orateur Eschine), et les « antimacédoniens », déterminés à faire obstacle aux projets de Philippe II (et parmi lesquels on trouve l'orateur Démosthène). Démosthène, fervent adversaire des Macédoniens,exprime clairement dans les Philippique(dont nous avons un extrait dans le corpus) que les alliances signées avec Philippe II de Macédoine ne peuvent apporter de profit qu'à la Macédoine, car Philippe sait très bien tirer son épingle du jeu. En effet, Démosthène insiste sur le fait que l'alliance avec Philippe peut avoir des effets dévastateurs. En effet, la ville d'Olynthe, autrefois alliée de la Macédoine, fut par la suite rasée ; de même, les Thessaliens, alliés de Philippe dans la Troisième Guerre Sacrée, en ont perdu leur liberté. Alors que la perse tente d'acheter les Athéniens pour qu'ils reprennent la lutte contre la Macédoine, Philippe fait envoyer une ambassade à Athènes afin de détourner les athéniens de l'idée d'alliance perse. L’Assemblée athénienne, séduite par les promesses des envoyés macédoniens, repousse les offres perses. Voyant la manipulation exercée par Philippe, les antimacédoniens menés par les orateurs Démosthène poussent le peuple athénien à demander des modifications très importantes du traité, de façon à ce que Philippe ne puisse pas les accepter : ainsi, Athènes réclame une clause reconnaissant « que chacun possède ce qui lui appartient », ce qui implique que Philippe restitue à Athènes toutes les places dont il s'est emparé depuis son avènement. Comme l'avaient imaginé Démosthène, Philippe II de Macédoine rejette cette clause. Il apparaît dès lors comme un homme qui ne tient pas ses promesses, un imposteur, et devient impopulaire à Athènes. Démosthène persuade enfin l'Assemblée athénienne d'intervenir contre Philippe, chaque fois que celui-ci tente d'étendre la domination macédonienne. En effet, à chaque mouvement d'avancée des troupes de Philippe II, les Athéniens envoyèrent leurs troupes pour les contrer. Ce fut le cas précisément en Eubée, où l’armée macédonienne intervint pour établir des oligarchies. Les partisans de l'indépendance eubéenne firent alors appel aux Athéniens. En 341-340 av. J.-C., les Athéniens apportent une aide importante aux cités de Périnthe et de Byzance, menacées par les Macédoniens, et font échouer le siège de ces deux cités. Philippe, mis en échec, doit restaurer son prestige aux yeux de ses alliés. Ce qu'il fait en s'emparant d'une flotte marchande de 180 riches vaisseaux transportant du blé du Pirée jusqu'en Scythie. La prise de la flotte marchande par Philippe II est totalement contraire à la Paix de Philocrate, considérée dès lors par Athènes comme véritablement rompue. A partir de ce moment, Athènes déclare la guerre à Philippe II de Macédoine. 4-La bataille de Chéronée (été 338 av. J.-C.) A la fin de l'été 338 av. J.-C., l'armée grecque, composée d'un vaste réseau d'alliés (Athéniens, Thébains, Eubéens, Achéens…), s'oppose aux forces macédoniennes dans la plaine de Chéronée. Malgré la légère supériorité numérique des alliés grecs, les Macédoniens menés par Philippe et son fils Alexandre parviennent à profiter du manque de coordination entre les alliés grecs, grâce à une ingénieuse stratégie. Faisant semblant de reculer, l'armée de Philippe attire à elle l'aile gauche athénienne de l'armée grecque, qui se dissocie donc peu à peu du reste de l'armée grecque. Une fois la ligne de front grecque distendue, la cavalerie d'Alexandre attaque ce point de faiblesse et enfonce les lignes grecques. Les forces alliées grecques sont éparpillées, et la bataille s'achève sur une éclatante victoire macédonienne. Suite à cette défaite, Thèbes, située à seulement un jour de marche de Chéronée, doit capituler. Philippe y installe une oligarchie en faveur de la Macédoine. Athènes, quant à elle, a un peu plus de répit : Philippe cherche à traiter de la paix avec les Athéniens, et leur propose des conditions très avantageuses et particulièrement douces : libération des prisonniers athéniens faits lors de la bataille de Chéronée, rapatriement des corps des Athéniens tombés au combat.Si Philippe II de Macédoine a proposé des conditions si avantageuses à Athènes, c'est avant tout parce qu'il a compris que les athéniens étaient prêts à une résistance massive, et parce qu'il a voulu éviter toutes les difficultés et les pertes humaines et économiques d'une lutte durable. III. La fin du règne de Philippe (338-336 av. J.-C.) 1-La Ligue de Corinthe (338 av. J.-C.) Suite à la paix signée avec Athènes, de nombreuses cités grecques signent à leur tour des traités de paix avec la Macédoine. Philippe II conclut de nombreux accords bilatéraux, ce qui lui permet d'envisager une paix panhellénique, une Koinè eirènè. Cette idée est acceptée par tous les Grecs, hormis les Spartiates. La paix commune est conclue à Corinthe, et est théoriquement illimitée, représentée par un Conseil (synedrion), composé de synèdres, représentants des cités dont le nombre est proportionnel à l'importance politique de leur cité. Le pouvoir exécutif est placé dans les mains d'un hègémôn, chef militaire responsable du maintien de l'armée, et qui est en l'occurrence le Roi de Macédoine. Philippe II, en tant qu'hégémon de la nouvelle Ligue Grec construite à Corinthe, fait voter la guerre par le Conseil contre un ennemi commun : le Grand Roi de Perse. Ainsi, tous les participants de la paix commune deviennent dès lors des alliés dans une guerre panhellénique contre la Perse, de façon à punir les Perses de leurs crimes durant les Guerres Médiques. Les circonstances sont alors parfaites pour entreprendre une expédition en Asie Mineure. En effet, l'Empire perse est dans une période de troubles intenses, suite à l'assassinat du Grand Roi Artaxerxès Ochos, en 338 av. J.-C.. Philippe II de Macédoine veut donc attaquer l'ennemi perse avant que l'ordre soit rétabli dans l'Empire. Dès le début de l'année 336 av. J.C., des troupes macédoniennes sont envoyées par Philippe en Asie Mineure. 2-La dernière alliance matrimoniale de Philippe et son assassinat Au début de l'année 336 av. J.-C., Philippe n'a qu'un seul fils apte à lui succéder : Alexandre. Pour assurer la continuité de sa dynastie, au cas où Alexandre et lui-même périraient en Asie, Philippe souhaite avoir un autre fils, et veut donc une nouvelle épouse. En outre, s'il avait un autre fils, cela donnerait un rival à Alexandre qui commence à devenir trop influent et apprécié au goût de son père. Philippe II de Macédoine entreprend donc de conclure un septième mariage, et choisit pour épouse la jeune Cléopâtre, fille du très influent aristocrate macédonien Attale. Ainsi, si Cléopâtre donnait un enfant à Philippe, celui-ci aurait l'appui et le soutien de l'entourage et des amis d'Attale. Etant un souverain polygame, Philippe II peut épouser Cléopâtre tout en gardant Olympias, la mère d'Alexandre, comme autre épouse. Mais Olympias n'apprécie guère cette idée de mariage et se sent outragée, délaissée. Elle estime également que les droits successoraux de son fils sont bafoués. Elle quitte la Macédoine et se réfugie en Epire, chez son frère Alexandre le Molosse, roi d'Epire. Craignant qu'Olympias ne monte son frère contre lui, Philippe II décide de proposer sa fille (née de son union avec Olympias) en mariage au Roi d'Epire, qui constituerait un excellent allié contre les Perses. Le mariage en question coïncide avec une importante fête religieuse, et se déroule en juillet 336 av. J.-C. Mais, suite à ce mariage et à cette fête religieuse, Philippe II de Macédoine est assassiné en public par Pausanias. Conclusion Chéronée n'aurait pu être qu'une grande bataille parmi d'autres si Philippe s'était contenté d'imposer une hégémonie macédonienne susceptible d'être érodée à son tour par les aléas de l'histoire, comme l'assassinat du roi, et, sutout par une vraisemblable action en sous main de la Perse, devenue consciente, mais un peu tard, que l'adversaire le plus dangereux avait changé. L'intelligence de Philippe fut de vouloir construire un système durable en organisant une paix générale et en proposant aux grecs un objectif mythique auquel nul ne pouvait redire et qui, purgeant la Grèce de ses"grandes compagnies" supprimerait une des causes de l'anarchie: la conquête de l'empire perse. La Grèce du IVème siècle avait connu d'autres arbitrages et d'autres projets de "paix généralisée" imposée par la Perse. Ils avaient échoué parce que le Grand Roi, peu désireux d'intervenir directement, s'était contenté de confier la responsabilité à la citée la plus puissante du moment, aussitôt victime de la coalition de ses rivaux. La réunion de Corinthe, dès 338, d'un congrès panhellénique se fait, certes, à l'ombre de l'armée macédonienne. Mais il proclame solennellement la liberté, l'autonomie et l'intégrité territoriale des citées contractantes: il interdit, réalisant un vieux rêve de Platon, la guerre des grecs contre de grecs. Sparte ayant refuser d'y participer, elle perd le reste des conquête faites à l'époque archaïque, mais sans être pour autant menacée. L'expédition asiatique sera menée par Alexandre III. Que l’Histoire retiendra comme Alexandre le Grand. Bibliographie -J.-N. CORVISIER, Philippe II de Macédoine, Paris, Fayard, 2002 -Pierre CARLIER, Le IVe siècle grec jusqu'à la mort d'Alexandre, Seuil, Points Histoire, 1995 -Encyclopédie Universalis