2. Avénement de Philippe
C'est à une catastrophe nationale que le jeune Philippe, âgé de vingt-deux ans, dut devenir roi des
macédoniens: dans l'été 360 av. J.-C.,, son frère aîné, le roi Perdiccas III, fut tué et son armée
massacrée par les illyriens.
La Macédoine fut menacée d'être engloutie par les maux, qui , après le règne brillant d'Alexandre Ier,
au temps des guerres médiques, l'avaient maintenue dans un certain abaissement: les convoitises
des rois barbares qui entouraient le pays, Illyriens au Nord Ouest, Péoniens au Nord et Thraces à
l'Est, et la rivalité des divers prétendants, descendants de souverains antérieurs, dont les ambitions
étaient soutenues par ces rois ou par les citées grecques de la côte, voire par Athènes. Philippe II
commença par gagner du temps en achetant le retrait ou le désintéressement des uns et des autres,
mais, des 359 av. J.-C.,, il prit sa revanche sur le roi Bardylis en écrasant à son tour les illyriens. Un
tel retournement n'est pas à attribuer au hasard, ni même au seules qualités tactiques du roi; sans
doute faut il voir aussi les premiers fruits de la réorganisation militaire qui allait faire de l'armée
macédonienne la meilleure du monde. Philippe reçut une armée dont la force principale était la
cavalerie des "hétairoi",des compagnons, sorte de d'aristocratie guerrière et chasseresse constituée
de riches propriétaires terriens associés de près à la vie du roi.
Durant le seul épisode de sa jeunesse que nous connaissions, un séjour comme otage à Thèbes dont
la phalange d'hoplite, lourds fantassins cuirassés, était à l'époque la meilleure de Grèce, Philippe avait
pu constater la supériorité de ces bataillons. Chaque homme se protégeait avec son bouclier et celui
de son voisin de droite, cependant que sa lance menaçait le cou ou l'oeil de l'adversaire. La victoire
revenait à la phalange qui, avançant en ordre serré sur le champ de bataille, arrivait à rompre par sa
pression le front ennemi; les vaincus, ayant perdus la protection de leur voisins, n'avaient plus qu'à
chercher leur salut dans la fuite au cours de laquelle beaucoup étaient massacrés. Si les détails et la
chronologie des réformes militaires de Philippe II nous restent inconnus, il est certain que sa grande
oeuvre est le développement d'une infanterie nationale; ses hommes prendront le nom, qui les
associait d'une certaine manière au prestige de l'aristocratie, de "pezhétairoi", les compagnons à
pieds, qui formaient sa garde. ce fut l'arme favorite de Philippe, celle de à la tête de laquelle il chargea
souvent, alors qu'Alexandre III combattra avec la cavalerie, et dont il partagea les dangers, ce qui lui
valut quatre blessures graves, dont la perte d'un oeil pendant le siège de Méthone.
Le sort des colonies grecques en Grèce du nord.Un autre problème reçut une solution définitive, celui
des colonies grecques qui, depuis le VIIIème siècle av. J.-C., au moins, constituaient une ceinture le
long de la cote macédonienne, organisant les échanges entre les peuples de l'intérieur et le monde
grec. Elles occupaient la seule zone de la Macédoine où l'on puisse cultiver, avec la vigne et l'olivier;
c'était là également que se trouvaient les mines d'argent et d'or les plus riches. Deux villes avaient pris
une importance exceptionnelles: Amphipolis verrouillait la basse vallée du Strymon et, donc, l'accès
au bassin de Serres et à la Thrace occidentale, et commandait aussi la route Est-Ouest par les lacs
de Mygdonie et la Piérie du Pangée; quand à Olynthe, elle avait su regrouper autour d'elle les
chacidiens en une puissante fédération qui couvrait une bonne partie de la riche Chacidique.
Au Vème siècle av. J.-C.,, ces villes étaient protégées de l'hostilité des macédoniens ou des thraces
par Athènes, dont la flotte pouvait intervenir en force n'importe où, n'importe quand, et dont la
diplomatie avait su rendre précieux l'appui athénien aux princes de l'intérieur. Mais la haine de deux
citées contre Athènes à cause de ses excès impérialiste rendait leur situation beaucoup plus précaire,
alors même que la maladresse de leurs interventions dans la politique macédonienne, et notamment
le soutien apporté en 360 av. J.-C., à divers prétendants, les exposait à la vindicte de Philippe. Celui-
ci sut jouer des intérêts contradictoires, donnant des gages aux Chalcidiens et rusant avec Athènes
pour, en 357 av. J.-C., s'emparer d'Amphipolis, où il s'était gagné des partisans; de même il annexa
Olynthe en 349-348 av. J.-C., grâce aux intelligences qu'il s'était ménagé dans la place.
D'autres citées grecques furent intégrées au royaume, sans perdre leur identité. Ainsi, en 357 av. J.-
C., également, les Thasiens avaient cru pouvoir fonder une ville nouvelle près de leurs mines d'argent
sur le continent, suscitant une réaction des Thraces. Philippe II profita de cette erreur pour refonder la
ville sous le nom de Philippes, s'assurant ainsi de gros revenus miniers et une position très forte à
l'endroit où le marais qui s'étend jusqu'au pied de la montagne vérouille le bassin de Drama; mais il
laissa à la ville une large autonomie.