- La méta-analyse de Goltzsche et Olsen ou "méta-analyse du Lancet", qui fut interprétée par les
médias comme très défavorable à la mammographie, et que reprennent largement les auteurs de la
revue Prescrire, démontre le même bénéfice lorsqu'elle est ré analysée avec une méthodologie adaptée.
C’est ce qu’on réalisé les méthodologistes de la Fondation Cochrane (Olsen O, Gotzsche PC. Screening
for breast cancer with mammography (Cochrane review). In : The Cochrane Library, Issue 4 : 2001.
Oxford : update software.) en corrigeant les erreurs de la première analyse qui était menée comme pour
les essais thérapeutiques "en intention de traiter" avec la mortalité brute comme critère. Les essais
analysés ne sont pas conçus pour cela et n’ont pas assez de puissance statistique pour donner un
résultat avec la mortalité globale comme critère. Il a fallu analyser comme pour une intervention en
population générale avec la mortalité relative par cancer du sein comme critère pour démontrer que
cette méta-analyse donne le même résultat que les autres. La HAS (à l’époque ANAES) a fait en 2002
une excellente analyse méthodologique de la méta-analyse du Lancet.
- Quand à la parution de la revue Prescrire, il ne s'agit en aucun cas d'une méta-analyse. La méta-
analyse est une technique statistique de ré analyse et d’addition des data de plusieurs essais en tenant
compte d'éventuels biais et différences, pour en augmenter le poids. Les auteurs de Prescrire on fait
uniquement une revue de la littérature, leurs conclusions reflètent une opinion qui n'a pas de signification
statistique. Il ne s'agit pas non plus d'un consensus d'experts, simplement des questions posées,
souvent à juste titre, par les auteurs.
Ces données statistiques peuvent être discutées en fonction de deux facteurs essentiels : l’âge de la
population invitée, et la dispersion des retombées :
- l’âge de la population invitée : plus les femmes sont âgées, plus le dépistage mammographique
est performant ; les seins sont moins denses, les mastopathies bénignes disparaissent, il y a moins de
faux négatifs et moins de faux positifs. Mais plus les femmes sont âgées, moins le bénéfice en « années
de vie de qualité » sauvées est important. La réduction de mortalité spécifique par cancer du sein est
maximale lorsque les mammographies sont proposées aux femmes de 55 à 65 ans, elle atteint alors 30
%, comme l’a démontré la revue à long terme des essais suédois. Si l’on considère l’ensemble de la
population de 50 à 75 ans, cette réduction reste statistiquement significative mais est plus proche de 20
%. Le bénéfice attendu reste supérieur aux risques encourus.
Chez les femmes de 40-49 ans il existe aussi un bénéfice, plus faible, plus long et plus difficile à mettre
en évidence ; l'équilibre avantages / inconvénients ne paraît guère, en l'état actuel de nos pratiques,
suffisamment favorable à titre collectif pour mettre en place une action en population générale. Les
femmes qui réalisent ce dépistage à titre individuel doivent en être justement informées.
Chez les femmes de plus de 75 ans les propositions de dépistage mammographique varient en fonction
de l’évaluation individuelle de l’espérance de vie ; le bénéfice en années de vies sauvées serait bien
difficile à mettre en évidence, et la mammographie doit être mise en balance avec la pratique régulière
de l’examen clinique, plus facile à réaliser et plus performant chez la femme âgée.
- La dispersion des retombées : même si au total, chez les femmes de plus de 50 ans, le bénéfice
attendu est supérieur aux effets délétères encourus, il y a une dispersion des effets : ce ne sont pas les
mêmes qui encourent les effets délétères et qui recueillent les bénéfices. Les premières sont plus
nombreuses, les dernières bénéficient beaucoup puisqu'elles ont la vie sauvée. D’où l’importance de la
participation des femmes : si peu de femmes ont une mammographie, il y a peu de probabilités qu’il y
ait suffisamment de vies sauvées, seuls les inconvénients seront observés, l’équilibre efficacité / risques
ne sera pas favorable aux femmes. C’est pour cette raison que les professionnels de santé, les
décideurs, les efforts de communication, mettent autant l’accent sur la participation.
La participation des femmes au dépistage est donc aussi une affaire de solidarité citoyenne : pour que
certaines soient sauvées, il faut que d’autres, beaucoup plus nombreuses, acceptent de ne recueillir du
dépistage que des inconvénients. La plupart de inconvénients sont mineurs, comme par exemple le fait
de passer des mammographies pour n’en retirer aucun bénéfice personnel. D’autres sont beaucoup plus
délétères, comme les faux négatifs et la fausse réassurance, les faux positifs, les biopsies inutiles, et le
surdiagnostic avec surtraitement. Cette notion de solidarité, sans assurance que l’on puisse soi-même
bénéficier, doit faire partie des informations données aux femmes. Et contrairement à ce que l’on peut
craindre, cette information « passe bien », nous en avons fait l’expérience.