french-circoncision-mutiler-au-nom-de-yahve-1994

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MUTILER AU NOM
DE YAHVE OU D'ALLAH
LEGITIMATION DE LA CIRCONCISION
MASCULINE ET FEMININE
par
Sami A. ALDEEB ABU-SAHLIEH*
www.sami-aldeeb.com
[email protected]
* Docteur en droit; diplômé en sciences politiques; collaborateur scientifique responsable du droit arabe
et musulman à l'Institut suisse de droit comparé, Lausanne; chargé de cours à l'Institut de droit canonique
de l'Université de sciences humaines, Strasbourg.
Du même auteur:
- Les Musulmans face aux droits de l'homme: religion & droit & politique, étude et documents, Verlag
Dr. Dieter Winkler, Postfach 102665, D-44726 Bochum, environ 610 pages (109 Sfr).
- L'impact de la religion sur l'ordre juridique, cas de l'Egypte, non-musulmans en pays d'Islam,
Fribourg/Suisse 1979, 420 pages (60 Sfr).
- Discriminations contre les non-juifs tant chrétiens que musulmans en Israël, Lausanne, 1992, 36 pages
(5 Sfr).
(Les deux derniers titres peuvent être commandés directement auprès de l'auteur).
2
Nouvelle édition augmentée, juillet 1994
Chez l'auteur
Ochettaz 17
1025 St-Sulpice/Suisse
3
INTRODUCTION
L'article 24 alinéa 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 nov. 1989
stipule:
Les Etats parties prennent toutes les mesures efficaces appropriées en vue d'abolir les pratiques
traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants1.
En 1984, la Présidente du Comité inter-africain affirmait:
La conception erronée de la religion a joué un rôle important dans le maintien de la pratique de l'excision
et d'autres pratiques qui ont tendance à reléguer la femme dans une position inférieure par rapport à
l'homme2.
En avril 1987, la Vice-Présidente du Comité inter-africain revint à la charge:
Je demande des tactiques plus agressives pour stopper l'infibulation. Je lance un appel pour un soutien
plus actif surtout de la part des chefs religieux de l'Islam, étant donné qu'il a été confirmé à maintes
reprises que cette pratique est contraire aux préceptes de l'Islam3.
Dans l'esprit de ce comité, la religion et les chefs religieux musulmans jouent un rôle
important en matière de circoncision féminine. Cette étude vise à étudier ce rôle en ce
qui concerne aussi bien la circoncision féminine que la circoncision masculine. Nous
éviterons volontairement toute utilisation du mot Islam, notion abstraite, et nous nous
concentrerons sur les sources écrites du droit musulman et les opinions d'auteurs arabes
contemporains principalement d'origine égyptienne.
1Cette convention est entrée en vigueur le 2 septembre 1990.
2Rapport sur les pratiques traditionnelles, Dakar, 1984, p. 85. Le nom complet du comité en
question: Comité inter-africain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des
femmes et des enfants. En 1984 il portait le nom: Groupe de travail ONG sur les pratiques
traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants.
3Rapport sur les pratiques traditionnelles, Addis Abeba, 1987, p. 77.
4
CHAPITRE I
DEFINITIONS ET DISTINCTIONS
I. Terminologie
La langue française utilise différents termes pour désigner les mutilations sexuelles. En
règle générale, on parle de circoncision pour les garçons, et de circoncision, d'excision
et d'infibulation (selon le cas) pour les filles. Dans cette étude, nous utiliserons les
termes circoncision masculine et circoncision féminine4.
La langue juridique arabe emploie le mot khitan pour la circoncision masculine et le
terme khafd ou khifad pour la circoncision féminine. Mais la langue courante utilise le
terme khitan pour ces deux mutilations. On parle aussi de taharah, ce qui signifie
purification, ces mutilations étant supposées purifier ceux qui les subissent5.
II. La circoncision masculine et féminine
La circoncision féminine provoque un débat public passionné en Occident. Plusieurs
organisations nationales, non-gouvernementales et internationales s'y intéressent6.Ce
débat a un certain écho dans le monde arabe. Les milieux féministes réclament son
abolition alors que les milieux religieux musulmans essaient, le plus souvent, de
justifier la circoncision féminine seulement sous la forme dite sunnah, jugée conforme à
la tradition de Mahomet7. On trouve, par contre, très peu d'intérêt pour cette question
4Le terme circoncision féminine est utilisé par l'OMS (Position de l'OMS relative à la
circoncision féminine remise en juin 1982 à la Sous-Commission des Nations Unies pour la
prévention des discriminations et la protection des minorités, groupe de travail sur l'esclavage).
Dans la Conférence sur les pratiques traditionnelles, Addis Abeba, 1990, les délégués ont
considéré que les termes "circoncision féminine et excision peuvent prêter à confusion et
pourraient ne pas décrire pleinement la diversité de cette pratique". Ils ont recommandé de les
remplacer par mutilations génitales féminines (Rapport sur les pratiques traditionnelles, Addis
Abeba, 1990, p. 8).
5Amin, Ahmad: Qamus al-‘adat wal-taqalid wal-ta‘abir al-masriyyah, Maktabat al-nahdah almasriyyah, Le Caire, 1992, p. 188.
6Nommons ici les organisations les plus importantes:
- Sentinelles, 10 Chemin du Languedoc, Lausanne, Suisse, tél. (021) 6173838. Elle a été fondée
en 1980 par Edmond Kaiser, Fondateur de Terre des Hommes. Cette dernière a inauguré une
campagne contre les mutilations sexuelles féminines avec une conférence de presse tenue le 25
avril 1977 à Genève. Cette campagne est maintenant poursuivie par Sentinelles.
- Le Comité inter-africain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et
des enfants, Mme la Présidente Berhane Ras-Work, 147 rue de Lausanne, 1202 Genève, Suisse,
tél. (022) 7312420. Fondé en 1984, il représente 23 comités nationaux africains.
- OMS, Dr. Leila Mehra, Chief Family Planning and population, Division of family health, 20
Avenue Appia, 1211 Genève 27, Suisse, tél. (022) 7913357.
- Centre pour les droits de l'homme, Service de la législation et de la prévention de la
discrimination, Mr. Doglo Daniel Atchebro, bureau D 416, Palais des Nations, Genève, Suisse,
tél. (022) 9173410.
- Unicef, Madame Marie-Pierre Poirier, Public Affairs Officer NGO, Av. de Trembley 16, 1211
Genève 10, Suisse, tél. (022) 7910823.
Je tiens à remercier ces organisations pour leur soutien et leur encouragement dans la
préparation de cette étude.
7On relèvera ici que ni Rifa‘ah Al-Tahtawi (1801-1873) ni Qassim Amin (1863-1908), deux
figures marquante de la lutte pour la libération de la femme au siècle passé, n'ont pas abordé la
question de la circoncision féminine.
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dans les ouvrages juridiques arabes8. Le corps médical arabe ne semble pas non plus
trop s'y intéresser; composé d'une majorité d'hommes, il perpétue des valeurs morales et
sociales qui prédominent dans sa société et l'empêchent de voir plus loin9.
Contrairement à la circoncision féminine, la circoncision masculine n'intéresse presque
personne10. Le débat sur cette question reste encore tabou. Cette attitude est observée
dans l'article 24 alinéa 3 susmentionné de la Convention relative aux droits de l'enfant.
Malgré sa formulation générale, les Travaux préparatoires démontrent que ses auteurs
ne pensaient qu'à la circoncision féminine, et nullement à la circoncision masculine11.
La distinction qui est faite entre la circoncision masculine et la circoncision féminine se
justifierait pour des raisons médicales et culturelles. Selon Wedad Zenie-Ziegler, une
égyptienne:
Il n'y a pas de similitude entre la circoncision des garçons, mesure prophylactique
recommandée pour les garçons dans presque toutes les sociétés, et la circoncision des
filles dont le but principal est d'atténuer, sinon de réprimer, le désir sexuel chez les
femmes12.
Lors du Séminaire de l'ONU à Ouagadougou, la majorité des participants était d'avis
que les justifications de la circoncision féminine tirées de la cosmogonie et celles issues
de la religion "doivent être assimilées à la superstition et dénoncées comme telles"
puisque "ni la Bible, ni le Coran ne prescrivent aux femmes d'être excisées". Elle a
recommandé "de faire en sorte de dissocier, dans l'esprit des gens, la circoncision
masculine qui a une fonction hygiénique, de l'excision qui est une atteinte grave à
8J'ai consulté de nombreux ouvrages juridiques en langue arabe relatifs au droit pénal et à la
protection de l'enfance. Certains de ces ouvrages consacrent quelques lignes à ce phénomène,
en établissant une distinction entre la circoncision excessive et celle légère, cette dernière étant
considérée comme faisant partie de la sunnah prophétique (voir à titre d'exemple: Muhammad,
Muhammad ‘Abd-al-Gawwad: Himayat al-umumah wal-tufulah fil-mawathiq al-duwaliyyah
wal-shari‘ah al-islamiyyah, Mansha’at al-ma‘arif, Alexandrie, 1991, pp. 92, et 136-137).
Comme c'est la mode dans le monde arabe, ces ouvrages comparent le droit international public
avec le droit musulman en affirmant que le droit musulman a précédé les documents
internationaux dans la protection de l'enfance (Ibid., pp. 15 et 251).
9El-Saadawi, Nawal: The hidden face of Eve, women in the Arab World, transl. & ed. by Sherif
Hetata, Zed Press, London, 1980, p. 36.
10Signalons les deux associations suivantes qui s'opposent à la circoncision masculine (et
féminine):
- Association contre la mutilation des enfants, 50 bd Jean Jaurès, 92100 Boulogne (B.P. 220,
92108 Boulogne Cedex), France, tél. (00331) 48 25 79 56. A l'instar des organisations opposées
à la circoncision féminine, cette Association a produit une cassette vidéo sur l'abus chez l'enfant
de cet acte chirurgical non-justifié.
- National organization of circumcision centers (NOCIRC), P.O.Box 2512, San Anselmo, CA
94979-2512, USA, tél. (415) 488-9883.
11The U. N. Convention on the rights of the Child, a guide to the "Travaux préparatoires",
Martinus Nijhoff Publishers, Dordrecht, Boston, London, 1992, p. 351.
12 Zenie-Ziegler, Wedad: La face voilée des femmes d'Egypte, Mercure de France, Paris, 1985,
pp. 139-140. Voir aussi Farah, Nadyah Ramsis (dir.): Hayat al-mar’ah wa-sihhatuha, Sina lilnashr, Le Caire, et Al-Saqr al-‘arabi lil-ibda‘, Limassol, 1991, p. 37.
6
l'intégrité physique de la femme"13. Ce raisonnement est sans fondement et très
dangereux. Si la circoncision féminine était dans la Bible ou dans le Coran, serait-elle
pour autant permise? Et si l'on se mettait à appliquer tout ce que dit la Bible ou le
Coran, à commencer par la loi du talion?!
Un autre son de cloche chez Ghita El-Khayat-Bennai, une marocaine:
Les femmes ne sont pas seules à subir des mutilations sexuelles. Tous les Juifs par exemple de par ce
monde sont circoncis à l'âge de sept jours, sans que leurs parents ne s'en émeuvent... Ils continuent à
circoncire leurs enfants mâles, même s'ils savent que c'est un événement extrêmement traumatisant pour
l'enfant, préférant exposer le petit garçon à cette souffrance plutôt que d'affronter leurs terreurs et tabous
culturels d'adultes14.
Geneviève Giudicelli-Delage écrit:
Sans doute, les conséquences sont-elles moindres pour la circoncision [masculine] que pour l'excision
[féminine] (quoique certaines pratiques d'excision légère puissent apparaître assez équivalentes à une
circoncision [masculine]). Mais, de toute manière, se placer sur le terrain des conséquences serait une
erreur. La coutume justifie des actes les plus graves, même la mort; l'essentiel n'est pas l'acte mais la
culture. Si une famille malienne peut, en France, faire circoncire son fils mais ne peut faire exciser sa
fille, c'est que la circoncision masculine appartient à un ordre culturel qui, peu ou prou, est le nôtre, à cet
ordre judéo-chrétien qui est le creuset de notre culture, et que cet ordre ne connaît pas et n'a jamais connu
l'excision15.
Pour le Docteur Gérard Zwang, la raison de la distinction entre ces deux types de
circoncision est simple: la plupart des sexologues et des responsables de l'information
sont des circoncis; ils empêchent tout débat autour de la circoncision masculine16
La logique juridique rejette la distinction entre la circoncision masculine et la
circoncision féminine, toutes deux étant des mutilations d'organes sains et, par
conséquent, une atteinte à l'intégrité physique de l'enfant quelles que soient les
motivations religieuses et les superstitions qui les sous-tendent17.
III. Pratique de la circoncision masculine et féminine
13Rapport du Séminaire des Nations Unies relatif aux pratiques traditionnelles affectant la
santé des femmes et des enfants, Ouagadougou (Burkinna Faso), 29 avril - 3 mai 1991,
E/CN.4/Sub.2/1991/48, 12 juin 1991, p. 9.
14El-Khayat-Bennai, Ghita: Le monde arabe au féminin, L'Harmattan, Paris, 1985, p. 39.
15Giudicelli-Delage, Geneviève: Excision et droit pénal, dans Droit et culture, vol. 20, 1990, p.
203.
16Entretien téléphonique du 7 janvier 1993.
17Le 9 avril 1981, le Ministère public belge a considéré la circoncision masculine ainsi que la
circoncision féminine comme une atteinte à l'intégrité physique et, par conséquent, contraire à
l'ordre international public belge; à ce titre, la circoncision masculine ne devrait pas être
couverte par la liberté de culte. Cette conclusion a été rejetée par la Cour d'Appel de Liège qui a
considéré l'excision et l'infibulation d'une nature différente de celle de la circoncision masculine
(sans dire en quoi). Le médecin qui pratiquerait la circoncision bénéficie de l'immunité
médicale. La Cour a cependant rejeté la demande du père algérien de faire circoncire son fils
mineur baptisé catholique confié à la garde de sa mère belge. Le respect des droits de l'enfant
commande dans le cas d'espèce de considérer qu'il lui appartiendra de choisir lui-même, à l'âge
adulte, l'idéologie religieuse ou non confessionnelle qu'il entend partager (Revue trimestrielle de
droit familial, 1982, pp. 331-334; Foblets, M. C.: Salem's circumcision, the encounter of
cultures in a civil law action, a Belgian case-study, dans Living Law in the Low Countries,
special issue of the Dutch and Belgian Law and Society Journal, [1990?], pp. 42-56).
7
La circoncision masculine est pratiquée par tous les musulmans et tous les juifs ainsi
que par certains chrétiens, comme c'est le cas des chrétiens d'Egypte. Elle est aussi
pratiquée par des tribus animistes d'Afrique.
Quant à la circoncision féminine, elle n'est pratiquée ni par tous les musulmans ni par
tous les arabes. En effet, une grande partie, pour ne pas dire la majorité des pays du
Maghreb, tout comme la Turquie et l'Iran, ignorent cette coutume 18. On la retrouve par
contre chez les chrétiens égyptiens19 ainsi que chez les juifs éthiopiens (les Falachas)20
qui, vraisemblablement, continuent à la pratiquer encore aujourd'hui en Israël comme le
font les Africains partis en France. Le Soudan (98%), la Somalie (98%) et l'Egypte
(75%) figurent parmi les plus grands pays arabes qui la pratiquent. Dans ce dernier
pays, 97.5% des familles inéduquées imposent la circoncision à leurs filles, contre
66.2% des familles éduquées21. D'autres pays arabes la pratiquent: le Yémen, les
Emirats arabes unis, le Bahrain, Qatar, Oman, certaines régions de l'Arabie, la
Mauritanie. Elle serait aussi pratiquée par certains musulmans de pays asiatiques
comme l'Indonésie, la Malaisie, le Pakistan et l'Inde sous le nom de circoncision
sunnah, donc avec une référence à la religion. Mais les données exactes dans ce
domaine font défaut. En Afrique, 28 pays la pratiqueraient, dont de nombreuses tribus
animistes; elle toucherait environ 75 millions de femmes22.
Souvent, la circoncision féminine et masculine est faite sans anesthésie, d'une manière
barbare, par des personnes sans formation médicale, des barbiers ou des sages-femmes,
avec des instruments rudimentaires donnant lieu à des complications qui mènent parfois
à la mort. Nous disposons de nombreux témoignages accablants sur la circoncision
féminine mais d'aucun témoignage sur la circoncision masculine puisque cela
n'intéresse personne. Pourtant, j'ai dans mes oreilles, aujourd'hui encore, les cris de mes
petits voisins musulmans circoncis quand j'étais jeune.
Citons ici le plus court et le moins horrible témoignage de femme, celui de Samia,
musulmane, née dans un petit village égyptien près de la frontière soudanaise et qui vit
au Caire:
J'avais sept ans lorsque j'ai été excisée. Je me souviens des récits des femmes de mon village qui parlaient
de cette opération comme si leur vie s'était arrêtée là. L'atrocité de leurs descriptions et en même temps le
sentiment d'une fatalité à laquelle je ne pourrais pas échapper, avaient provoqué en moi une telle panique
que lorsque arriva le jour tant redouté, je fus prise de vomissements. Ce qui se passa alors est encore si
brûlant dans ma chair qu'il m'arrive souvent de me réveiller en pleine nuit en hurlant et d'appeler ma
mère23.
18Gaudio, Attilio et Pelletier, Renée: Femmes d'Islam ou le sexe interdit, Denoël/Gonthier,
Paris 1980, pp. 53-54.
19Zenie-Ziegler: La face voilée, op. cit., pp. 62 et 140.
20Leslau, Wolf: Coutumes et croyances des Falachas (Juifs d'Abyssinie), Institut
d'Ethnographie, Paris 1957, p. 93.
21El-Saadawi: The hidden, op. cit., p. 34.
22Rapport sur les pratiques traditionnelles, Addis Abeba, 1990, p. 56; ONU, Conseil
économique et social, E/CN.4/1986/42, 4 février 1986, p. 19.
23Gaudio et Pelletier: Femmes, op. cit., p. 53. Pour d'autres témoignages, voir El-Saadawi: The
hidden, op. cit., pp. 7-8 (elle décrit sa propre circoncision) et El-Masry, Youssef: Le drame
sexuel de la femme dans l'Orient arabe, Laffont, Paris, 1962, pp. 39-44.
8
La victime est habituellement mutilée, sans anesthésie, en décubitus dorsal, les cuisses
maintenues écartées par des aides, ou par un(e) seul(e), couché(e) sous la jeune fille et
lui crochetant les chevilles avec les pieds. Pour immobiliser une fille de sept ans, il faut
parfois l'intervention de cinq personnes pour tenir la tête, les deux mains et les deux
jambes. Quand il s'agit d'une petite fille, un(e) seul(e) assistant(e) peut lui maintenir à la
fois le corps et les cuisses, l'immobilisant en position assise.
On distingue plusieurs catégories de circoncisions masculines:
- la circoncision proprement dite: elle consiste à exciser totalement ou partiellement le
prépuce;
- la phalloctomie;
- la castration;
- l'émasculation.
Seule la première catégorie nous intéresse ici en raison de la fréquence de sa pratique et
de son caractère rituel. Les trois autres catégories semblent être peu pratiquées et nous
ne disposons pas de matériel suffisant à leur sujet24.
On distingue aussi plusieurs sortes de circoncisions féminines:
- La circoncision féminine dite sunnah, ou en conformité à la tradition de Mahomet. Les
milieux religieux qui défendent cette forme de circoncision féminine ne précisent pas
toujours en quoi elle consiste. Selon un auteur classique, Al-Mawardi, "elle se limite à
couper la peau en forme de noyau qui se trouve au sommet de l'organe. On doit donc en
couper l'épiderme protubérant, sans aller jusqu'à l'ablation"25. Pour le docteur Hamid
Al-Ghawabi, il s'agit de couper aussi bien le clitoris que les petites lèvres26. Selon le
docteur Mahran, on excise le capuchon du clitoris ainsi que les parties postérieures les
plus importantes des petites lèvres27.
- La clitoridectomie ou excision. Elle porte sur l'ablation du clitoris ainsi que des petites
lèvres. C'est l'opération pratiquée le plus fréquemment en Egypte.
- L'infibulation ou circoncision pharaonique. Elle est pratiquée notamment au Soudan et
en Somalie et consiste en l'ablation totale du clitoris, des petites lèvres et d'une partie
des grandes lèvres. Les deux parties de la vulve sont alors cousues ensembles au moyen
de points de suture de soie ou de catgut (au Soudan) ou au moyen d'épines (en Somalie)
24Selon certains informations à vérifier, les gardiens des lieux saints de l'islam en Arabie
séoudite seraient des eunuques. D'où proviennent-ils? D'autre part, l'armée israélienne dans sa
répression contre les Palestiniens s'attaque souvent à leurs organes génitaux. Dans une lettre du
29 novembre 1988 reçue d'un prêtre à Jérusalem, il est dit:
Des témoins voient souvent l'armée battre des garçons sur les parties génitales
(dernièrement à Ramallah et tout autour). Ceux-ci n'osent pas trop en parler, mais ils ne
sont plus des hommes disent leurs mères. N'est-ce pas là une sorte de génocide? (Aldeeb
Abu-Sahlieh, Sami A.: Discriminations contre les non-juifs tant chrétiens que musulmans
en Israël, Pax Christi, Lausanne 1992, p. 28).
25El-Masry: Le drame sexuel, op. cit., pp. 46-47.
26Ghawabi, Hamid Al-: Khitan al-banat bayn al-tib wal-islam, dans ‘Abd-al-Raziq, Abu-Bakr:
Al-khitan, ra’y ad-din wal-‘ilm fi khitan al-awlad wal-banat, Dar Al-i‘tissam, Le Caire 1989, p.
55.
27Mahran, Maher: Les risques médicaux de l'excision (circoncision médicale), réimpression
d'un article paru dans le Bulletin Médical de l'IPPF, vol. 15, no 2, avril 1981, p. 1.
9
pour que la vulve soit fermée à l'exception d'un minuscule orifice pour le passage de
l'urine et du flux menstruel28. Au cours de la nuit de noces, l'époux devra ouvrir sa
femme, le plus souvent à l'aide d'un poignard à double tranchant. Dans certaines tribus,
la femme est recousue à chaque départ du mari et réouverte à chaque retour de celui-ci.
On ferme l'ouverture en cas de divorce pour éviter que la femme ait des rapports
sexuels29.
Signalons que l'Occident a pratiqué dans le passé la circoncision féminine et surtout
l'infibulation. Un des modèles de ceintures de chasteté consistait à faire passer des
anneaux dans les lèvres et la vulve et à les fermer par un fil de fer ou par un cadenas
dont le mari gardait la clef même et surtout quand il s'absentait 30. En Russie, les
Skopotzy (circonciseurs), qui sont des chrétiens, ont pratiqué l'infibulation pour assurer
une virginité perpétuelle; ils invoquent l'Evangile de Saint Matthieu 19:12: "Il y a des
eunuques qui se sont eux-mêmes rendus tels à cause du Royaume des Cieux"31. Une
certaine forme de circoncision féminine, pratiquée dans la tribu des Kikuyu du Kenya,
serait effectuée aujourd'hui dans certains hôpitaux de Paris pour accroître la capacité de
jouissance de certaines femmes aisée. On dégage le clitoris et on le rabat à l'intérieur du
vagin. Une telle pratique augmenterait la jouissance sexuelle des femmes32.
28Ibid., p. 1. Voir aussi le rapport du bureau régional pour la Méditerranée orientale de l'OMS,
dans Terre des Hommes: Les mutilations sexuelles féminines infligées aux enfants, Conférence
de presse de Terre des Hommes, Genève, 25 avril 1977, p. 9.
29El-Saadawi: The hidden, op. cit., p. 40.
30Rapport sur les pratiques traditionnelles, Dakar, 1984, p. 61.
31Terre des Hommes: Les mutilations sexuelles, op. cit., (intervention du Dr. Ahmad Abu-elFutuh), p. 45.
32Gaudio et Pelletier: Femmes, op. cit., p. 59.
10
CHAPITRE II
ARGUMENTS RELIGIEUX
I. Arguments religieux pour la circoncision
1. Les sources du droit musulman
Sur le plan formel, le droit musulman a deux sources principales: le Coran et les
recueils de la Sunnah (tradition: paroles et gestes) de Mahomet, auxquels il faut ajouter
l'igtihad, la doctrine des écoles juridiques musulmanes à travers les siècles.
De notre temps, une catégorie particulière de l'igtihad acquiert de plus en plus
d'importance. Il s'agit des fatwas, avis des savants religieux musulmans qui, formulées
souvent dans un langage accessible au public, indiquent le comportement à suivre pour
se conformer à la volonté divine33. Bien que non contraignantes juridiquement, les
fatwas ne lient pas moins moralement le croyant et constituent parfois la première étape
vers la promulgation ou la modification des lois. Elles sont données par écrit ou
oralement et font souvent l'objet de publications vendues à large échelle 34. Nombreuses
sont celles qui traitent de la circoncision masculine et féminine.
Nous nous limitons ici aux ouvrages et aux recueils de fatwas modernes principalement
égyptiens qui se réfèrent aux ouvrages classiques de droit musulman. Ce choix se
justifie par le fait que le public accède rarement aux ouvrages classiques proprement
dits.
2. Le Coran
Le Coran ne mentionne ni la circoncision masculine ni la circoncision féminine. Une
interprétation extensive du verset 2:124 y voit des traces:
Lorsque son Seigneur éprouva Abraham par certains ordres et que celui-ci les eut accomplis, Dieu dit: "Je
vais faire de toi un guide pour les hommes".
Un des ordres donnés à Abraham pour l'éprouver serait la circoncision dont parlent
certains récits de Mahomet. Or, Abraham est un modèle à suivre pour le musulman en
vertu du verset 16:123:
Nous t'avons ensuite révélé: "Suis la Religion (millat) d'Abraham, un vrai croyant" 35.
On retrouve ici la règle du droit musulman selon laquelle les normes révélées aux
prophètes antérieurs à Mahomet sont maintenues tant qu'elles ne sont pas expressément
abrogées. Ainsi, la Bible devient, par un système de renvoi, une source du droit pour les
musulmans. On y lit:
Dieu dit à Abraham: "... Et voici mon alliance qui sera observée entre moi et vous, c-à-d. ta race après toi:
que tous vos mâles soient circoncis. Vous ferez circoncire la chair de votre prépuce, et ce sera le signe de
33C'est par une fatwa du 13 février 1989 que l'Imam Khomeini a condamné Salman Rushdie à
la peine de mort.
34Sur cette institution, voir Aldeeb Abu-Sahlieh, Sami A.: L'institution du mufti et de sa
fatwa/décision en islam, dans Praxis juridique et religion, 7.2.1990, pp. 125-148.
35Sukkari, ‘Abd-al-Salam ‘Abd-al-Rahim As-: Khitan al-dhakar wa-khifad al-untha min
manzur islami, Dar al-manar, Héliopolis, 1988, pp. 13-17 et 21-22; .
11
l'alliance entre moi et vous... Quand ils auront huit jours, tous vos mâles seront circoncis, de génération
en génération. ... Mon alliance sera marquée dans votre chair, comme une alliance perpétuelle.
L'incirconcis, le mâle dont on n'aura pas coupé la chair du prépuce, cette vie-là sera retranchée de sa
parenté: il a violé mon alliance"36.
La circoncision comme signe d'alliance ne se retrouve que dans deux autres passages de
la Bible37. Ailleurs, c'est plus épique: le roi Saül exigea de David 100 prépuces de
Philistins pour lui donner sa fille Mikal. "David ... trouva que l'affaire était bonne pour
devenir le gendre du roi... Il se mit en campagne... Il tua aux Philistins 200 hommes, il
rapporta leurs prépuces et les compta au roi... Alors Saül... dut reconnaître que Yahvé
était avec David"38.
Cette interprétation des versets coraniques par référence à la Bible est considérée par
l'Imam Mahmud Shaltut comme abusive (israf fi al-istidlal)39. On peut y ajouter que cet
argument textuel basé sur une norme juive ne concerne que la circoncision masculine,
mais non pas la circoncision féminine que la Bible ne prévoit pas et que les juifs ne
pratiquent pas (si l'on excepte les Falachas). Al-Sukkari répond que, selon Ibn-Hagar,
les juifs circoncisaient les deux sexes, d'où son rejet de la circoncision masculine ou
féminine au septième jour pour ne pas leur ressembler. Et même si l'authentique Bible celle d'aujourd'hui étant considérée comme falsifiée - ne contient pas de texte relatif à la
circoncision féminine, les musulmans, malgré cela, doivent la pratiquer si le droit
musulman la prévoit40.
3. Les recueils de la Sunnah
Nous essayons ici de glaner dans les ouvrages d'auteurs arabes contemporains les
différents récits de Mahomet relatifs à la circoncision masculine et féminine:
- Le récit le plus cité rapporte une discussion entre Mahomet et Um Habibah (ou Um
‘Atiyyah). Celle-ci, connue comme exciseuse d'esclaves femelles, faisait partie des
femmes qui avaient immigré avec Mahomet. L'ayant aperçue, Mahomet lui demande si
elle continue à pratiquer son métier. Elle répond par l'affirmative en ajoutant: "à moins
que cela ne soit interdit et que tu ne me commandes de cesser cette pratique". Mahomet
lui réplique alors: "Mais si, c'est permis. Approche-toi de moi pour que je puisse
t'enseigner: Si tu coupes, n'exagère pas (la tanhaki) car cela rend plus rayonnant
(ashraq) le visage et c'est plus agréable (ahza) pour le mari". Selon d'autres rapporteurs,
il lui aurait dit: "Coupe légèrement et n'exagère pas (ashimmi wa-la tanhaki) car c'est
plus agréable (ahza) pour la femme et meilleur (ahab, selon des sources abha) pour le
mari". Nous citerons ce récit par la suite sous récit de l'exciseuse.
36Genèse 17:9-14. A propos d'alliance, le Docteur Gérard Zwang écrit: "Après leur
circoncision, certains Africains portent leur prépuce autour d'un doigt, c'est un anneau
symboliquement vulvaire que portent à l'annuaire les civilisés mariés, c'est une alliance que
Yahvé établit avec les circoncis" (Zwang, Gérard: La fonction érotique, Editions Robert
Laffont, Paris 3ème édition, vol 3, supplément, 1978, p. 271, note 2).
37Exode 12:44; Lévitique 12:3. Dans d'autre passages, la circoncision est un rite d'initiation au
mariage et à la vie du clan (Genèse 34:14 sv.; Exode 4:24-26; Lévitique 19:23). Voir le
commentaire de Genèse 17:10 dans la Bible de Jérusalem, Edition du Cerf, Paris, 1986, p. 46.
381er Livre de Samuel 18:24-28.
39Shaltut, Mahmud: Al-fatawi, Dar al-shuruq, Le Caire & Beyrouth, 10ème édition, 1980, p.
332.
40Sukkari: Khitan, op. cit., pp. 97.
12
- Mahomet dit: "La circoncision est une sunnah pour les hommes et makrumah pour les
femmes". Nous reviendrons sur le sens de ces deux termes.
- S'adressant aux femmes des Ansars, Mahomet dit: "Coupez légèrement et n'exagérez
pas (ikhtafidna wa-la tanhikna), car c'est plus agréable (ahza) pour vos maris".
- Quelqu'un est venu vers Mahomet et s'est converti devant lui. Mahomet lui dit: "Rase
les cheveux de la mécréance et circoncis-toi".
- Mahomet dit: "Celui qui devient musulman qu'il se circoncise même s'il est âgé".
- On demanda à Mahomet si un non-circoncis pouvait faire le pèlerinage. Il répondit:
"Non, tant qu'il n'est pas circoncis".
- Mahomet dit: "Cinq [normes] appartiennent à la fitrah: le rasage du pubis, la
circoncision, la coupe des moustaches, l'épilation des aisselles et la taille des ongles".
D'autres récits nomment dix normes, dont toujours la circoncision. Les normes de la
fitrah seraient les normes que Dieu inculqua à sa création. L'homme qui tend à la
perfection doit se conformer à ces normes. Ces normes ne sont pas obligatoires, mais
simplement recommandables (mandubah), à l'exception de la circoncision qui est
obligatoire. Partant de ces prémisses, Al-Sukkari pense qu'Adam a été le premier
circoncis. Ses descendants ayant abandonné cette obligation, elle fut reconfirmée à
Abraham et à ses descendants. La circoncision serait alors le signe qui distinguerait le
croyant du mécréant. A ce titre, elle constitue l'enseigne de l'Islam41.
- Mahomet a prescrit: "Si les deux parties circoncises (khitanan) se rencontrent ou si
elles se touchent l'une l'autre, il faut faire l'ablution pour la prière". On en a déduit que
la femme et l'homme se circoncisaient du temps de Mahomet.
Les shiites ajoutent un récit de l'Imam Al-Sadiq qui dit: "La circoncision féminine est
une makrumah, et qu'y a-t-il de mieux que la makrumah"! Al-Sadiq est cité aussi par
eux comme le rapporteur du récit de l'exciseuse42.
Les défenseurs de la circoncision (masculine et féminine) eux-mêmes admettent que ces
récits attribués à Mahomet sont peu crédibles43. Mahmud Shaltut dit qu'ils ne sont ni
clairs ni authentiques44. Le Sheikh Abbas, recteur de l'Institut musulman de la Mosquée
de Paris est encore plus formel:
Si pour l'homme la circoncision [masculine] (bien non obligatoire) a un but esthétique
et hygiénique, il n'y a aucun texte religieux islamique valable qui puisse être pris en
considération pour l'excision de la femme, preuve en est que cette pratique est
41Sukkari: Khitan, op. cit., pp. 11-12. ‘Abd-al-Razzaq cite des propos du Christ tiré de
l'Evangile de Barnabé selon lesquels Adam, après le péché, a juré de couper son corps. L'ange
Gabriel l'aurait alors réprimandé. Ne voulant pas parjurer, l'ange lui aurait alors montré le
prépuce qu'il coupa. Il en conclut "Chaque descendant d'Adam doit accomplir le serment
d'Adam et se circoncire" (‘Abd-al-Raziq, Abu-Bakr: Al-khitan, ra’y ad-din wal-‘ilm fi khitan alawlad wal-banat, Dar Al-i‘tissam, Le Caire 1989, p. 16).
42Gamri, ‘Abd-al-Amir Mansur Al-: Al-mar’ah fi zil al-islam, Dar al-hilal, Beyrouth, 4ème
édition, 1986, pp. 170-171.
43Sukkari: Khitan, op. cit., pp. 103-107.
44Shaltut: Al-fatawi, op. cit., p. 331.
13
totalement absente dans la majorité des pays islamiques. Et, si certains peuples
continuent malheureusement à pratiquer l'excision au point même de porter préjudice à
la femme, cela provient sans doute de coutumes antérieures à l'avènement de ces
peuples à l'Islam45.
4. La coutume et le silence de la loi
La circoncision féminine ayant des bases fragiles dans le Coran et les Recueils de la
Sunnah, Al-Sukkari essaie de consolider ces bases en invoquant la coutume qui
constitue une source du droit musulman. Pour lui, la circoncision féminine est devenue
une norme dans la mesure où elle est générale, pratiquée de longue date et n'est pas
contraire à un texte de la loi religieuse.
Il invoque aussi la règle selon laquelle tout ce qui n'est pas interdit est permis. La
circoncision féminine, n'étant pas expressément interdite, reste donc permise46. Même si
les récits relatifs à la circoncision féminine sont crédibles, aucun récit n'est venu
l'interdire ou la déclarer blâmable. Une des règles du droit musulman est, qu'il vaut
mieux appliquer la norme que de l'abandonner47.
Cet auteur oublie cependant que le droit musulman permet de mettre fin à une coutume
basée sur l'ignorance. Le Coran dit à cet effet:
Lorsqu'on leur dit: "Venez à ce que Dieu a révélé au Prophète", ils répondent;
"L'exemple que nous trouvons chez nos pères nous suffit". Et si leurs pères ne savaient
rien? Et s'ils n'étaient pas dirigés? (5:104).
D'autre part, il renverse la règle. Au lieu d'avancer comme principe l'intégrité physique,
il plaide indirectement pour le principe de la mutilation.
II. Arguments religieux contre la circoncision
1. Dieu ne peut mutiler
Cet argument se résume en ceci: Peut-on concevoir un Dieu qui se complaît à mutiler
ses créatures dans le but de les marquer comme on marque du bétail? Docteur Nawal
El-Saadawi, égyptienne, elle-même excisée, écrit:
If religion comes from God, how can it order man to cut off an organ created by Him as long as that
organ is not deseased or deformed? God does not create the organs of the body haphazardly without a
plan. It is not possible that he should have created the clitoris in women's body only in order that it be cut
off at an early stage in life. This is a contradiction into which neither true religion nor the Creator could
possibly fall. If God has created the clitoris as a sexually sensitive organ, whose sole function seems to be
the procurement of sexual pleasure for women, it follows that He also considers such pleasure for women
as normal and legitimate, and therefore as an integral part of mental health 48.
It has very often been proclaimed that Islam is at the root of female circumcision, and is also responsible
for the under-privileged and backward situation of women in Egypt and the Arab countries. Such a
contention is not true... Religion, if authentic in the principles it stands for, aims at truth, equality, justice,
45Extrait d'un texte lu à l'émission Résistance (sans date) transmis par ledit Institut à Mr.
Edmond Kaiser, Fondateur de Terre des Hommes
46Sukkari: Khitan, op. cit., pp. 99-100.
47Ibid., pp. 103-106.
48El-Saadawi: The hidden, op. cit., p. 42.
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love and a healthy wholesome life for all people, whether men or women. There can be no true religion
that aims at disease, mutilation of the bodies of female children, and amputation of an essential part of
their reproductive organs49.
Cet argument est repris par Renée Saurel. Elle écrit:
Le Coran à l'inverse du christianisme et du judaïsme autorise et recommande de dispenser à la femme le
plaisir physique et mental retrouvé à deux au cours de l'acte d'amour. Et des chairs éclatées, suppliciées et
amputées n'ont jamais concouru à la jouissance, à la bénédiction d'avoir reçu en partage la faculté de
rechercher le plaisir et de fuir la douleur 50.
Les deux sources susmentionnées se réfèrent à la religion, à l'islam, au christianisme et
au judaïsme. Ce sont des notions abstraites qui comportent des éléments des plus
contradictoires. Il est préférable de se référer à des sources écrites qu'à des notions
abstraites. A relever aussi que cet argument est valable contre la circoncision aussi bien
féminine que masculine. Ses auteurs, cependant, ne l'invoquent que contre la
circoncision féminine.
2. Interdiction de changer la créature
Il n'est pas difficile de retrouver un appui à l'argument précédent dans le Coran luimême. En effet le verset 4:119 du Coran interdit à l'homme de changer la créature de
Dieu:
[Le démon dit]: "Oui, je prendrai un nombre déterminé de tes serviteurs; je les égarerai et je leur
inspirerai de vains désirs; je leur donnerai un ordre, et ils fendront les oreilles des bestiaux; je leur
donnerai un ordre, et ils changeront la création de Dieu".
Ce verset condamnerait le changement de la créature de Dieu. Il est invoqué par les
islamistes pour s'opposer à la prévention permanente des naissances que ce soit par des
mesures touchant l'homme ou la femme51. Etrangement, les adeptes de la circoncision
féminine et masculine oublient complètement ce verset. Ils oublient aussi cet autre
verset:
[Il] a bien fait tout ce qu'il a créé (32:7).
49Ibid., pp. 41-42.
50Saurel, Renée: L'enterrée vive, dans Les Temps modernes, no 393, avril 1979, Paris, p. 1659,
cité par El-Khayat-Bennai: Le monde arabe, op. cit., p. 43.
51Buti, Muhammad Sa‘id Ramadan Al-: Mas’alat tahdid al-nasl wiqayatan wa-‘ilagan,
Matba‘at Al-Farabi, 2ème édition, Damas, <1982?>, pp.33-34; Khatib, Um Kulthum Yahya
Mustafa Al-: Qadiyyat tahdid al-nasl fil-shari‘ah al-islamiyyah, Al-Dar al-su‘udiyyah, 2ème
édition, Gaddah, 1982, pp. 143-146. Dans un récit, des compagnons de Mahomet participaient
dans une razzia. Comme ils sentaient la privation, ils demandèrent à Mahomet s'ils pouvaient se
castrer. Mahomet la leur interdit. Commentant ce récit, Ibn-Hagar écrit: "L'émasculation a,
parmi ses méfaits, la souffrance et la déformation de soi-même, ainsi que le risque de mourir;
elle supprime la virilité et change la création de Dieu. C'est une ingratitude à l'égard de la grâce
de Dieu, car le fait d'être créé homme est une des grâces suprêmes. Si elle est supprimée,
l'homme ressemble à la femme et opte, par ce fait, pour l'imperfection au lieu de la perfection".
Selon d'autres commentateurs, l'interdiction découle du fait que la castration change la création
et met fin à la progéniture (Ibn-al-Dardir, ‘Abd-al-‘Aziz: Li-maslahat man tahdid al-nasl watanzimuh, Maktabat al-Qur’an, Le Caire 1990, pp. 52, 54-55).
15
Aziza Kamel, adversaire de la circoncision féminine, invoque ce verset et ajoute:
"L'excision est une déformation de ce que Dieu a créé, alors que Dieu est satisfait de sa
création"52.
3. L'homme connaît mieux ses affaires
Mahomet avait indiqué à des paysans de ne pas pratiquer la pollinisation des dattiers.
Cette année-là, les dattiers n'ont pas donné de dattes. Revenus vers Mahomet pour des
explications, ces paysans ont reçu pour réponse: "Vous connaissez mieux [que moi] vos
affaires temporelles".
Le dernier passage du récit est cité par le Sheikh Hassan Ahmed Abo Sabib, du Soudan,
dans son intervention au séminaire sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la
santé des femmes et des enfants en Afrique (Dakar, 6-10 février 1984). Armé de ce
récit, il conclut que la circoncision féminine doit être interdite parce que la science
médicale a prouvé qu'elle est nocive. Or, dit-il, le Coran interdit à l'homme de nuire à
lui-même en vertu du verset 2:195: "Ne vous exposez pas, de vos propres mains, à la
perdition". D'autre part, Mahomet dit: "Celui qui nuit à un croyant me nuit et celui qui
me nuit, nuit à Dieu".
Ce sheikh soudanais n'est pas allé au bout de son raisonnement. Dans le récit des
dattiers, Mahomet n'a pas voulu se considérer comme infaillible en botanique,
admettant du même coup que les paysans savaient plus que lui en cette matière tout en
étant prophète. Appliqué par analogie à la circoncision féminine et masculine, ce récit
signifie que Mahomet pouvait bien avoir émis une opinion la concernant, mais son
opinion en la matière n'est pas infaillible et pouvait être contredite par la médecine.
Notre sheikh ne va pas si loin. Il sépare la réponse de Mahomet de l'ensemble du récit
des dattiers et se limite à dire que les récits de Mahomet sur la circoncision féminine ne
sont pas fiables en invoquant l'autorité de son homologue l'Imam Shaltut. Il en conclut
que la question de la circoncision masculine et féminine doit être jugée en fonction des
méfaits et des bienfaits53.
Malgré cette petite incohérence, cet avis est le plus explicite que nous connaissons de la
part d'un responsable religieux musulman contemporain contre la circoncision
féminine.
4. Le cas Al-Mahdawi
Tous les arguments religieux susmentionnés sont cités uniquement et exclusivement
contre la circoncision féminine. Bien qu'ils puissent être étendus facilement aussi contre
la circoncision masculine, leurs auteurs ne le font jamais. Non sans raison.
En effet, le seul auteur musulman à avoir mis en doute la circoncision masculine est
actuellement en procès et risque d'être condamné à mort pour apostasie. Il s'agit du juge
à la retraite Mustafa Kamal Al-Mahdawi. Ce dernier, un ami personnel, subit
actuellement une campagne féroce menée par les milieux religieux libyens dans les
52Rapport sur les pratiques traditionnelles, Addis Abeba, 1987, p. 83. On retrouve ce verset
aussi sur la couverture d'un fascicule soudanais luttant contre la circoncision (Al-Darir, Asma’
‘Abd-al-Rahman: Murshid muharabat al-khifad, [Khartoum, 1982]).
53Texte arabe intégral de cet avis dans Rapport sur les pratiques traditionnelles, Dakar, 1984,
pp. 247-250; traduction française sommaire, pp. 72-73.
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mosquées et la presse. Le prédicateur de la Mosquée du Prophète, à Médine en Arabie
séoudite, a publié en juillet 1992 un fascicule distribué gratuitement en Libye où il
demande à la Ligue du Monde musulman et à la Conférence islamique d'établir une
fatwa collective des savants musulmans contre ce juge et de l'exécuter comme apostat
s'il ne se rétracte pas. Quant à son livre, il demande qu'il soit retiré du marché, brûlé et
interdit à tout lecteur. Il lui reproche, entre autres, d'avoir nié le devoir de circoncire les
garçons alors qu'il y a unanimité à ce sujet et Mahomet lui-même était circoncis54.
Ce juge libyen affirme en fait que la circoncision masculine est une coutume des juifs
qui croyaient que leur Dieu ne les voyait que s'ils avaient des signes distinctives comme
la circoncision ou le sang sur les portes. Il fait ici allusion à l'ordre de Dieu donné aux
juifs de mettre le sang du bétail immolé la Pâque sur les deux montants et le linteau des
maisons parce qu'il avait l'intention de frapper les premiers-nés d'Egypte. Dieu dit à
Moïse et à Aaron: "Le sang sera pour vous un signe sur les maisons où vous vous tenez.
En voyant ce signe, je passerai outre et vous échapperez au fléau destructeur lorsque je
frapperai le pays d'Egypte"55. Le juge libyen ajoute que le Coran ne comporte aucune
mention à "cette étrange logique". Pour lui, Dieu ne peut pas s'adonner à de tels
badinages56 comme il ne peut pas avoir créé le prépuce comme un objet superflu qu'on
peut couper. Il cite ici le verset 3:191 qui dit:
Notre Seigneur! Tu n'a pas créé tout ceci en vain! Gloire à toi! Préserve-nous du châtiment du feu57.
III. Qualification de la circoncision en droit musulman
Qualifier un acte, signifie le déclarer comme interdit, blâmable, recommandable, permis
ou obligatoire. Ce sont les cinq principaux critères de classement des actes du croyant
musulman.
Les adversaires de la circoncision, la considèrent comme interdite lorsqu'il s'agit des
filles. En revanche, ils ne s'opposent pas à la circoncision des garçons et la considèrent
même comme obligatoire.
Quant aux défenseurs de la circoncision masculine et féminine, ils se sont divisés sur la
qualification à lui conférer. Trois opinions ont été émises:
1. Obligatoire pour les garçons et pour les filles
L'Imam Ahmad n'admet la prière et le pèlerinage que d'un circoncis. L'Imam Malik
refuse l'accès à la fonction publique et le témoignage du non-circoncis. D'autres vont
jusqu'à interdire de manger de la viande d'un animal tué par un non-circoncis58. Ce
courant invoque les raisons suivants:
- le verset 16:120 demande à Mahomet de suivre la voie d'Abraham. Or Abraham a été
circoncis à un âge avancé, à 80 ans et selon certains à 120 ans, malgré les souffrances
54Gaza’iri, A.-B. G. Al-: Ya ‘ulama’ al-islam iftuna, Matabi‘ al-Rashid, La Médine, 1992, p.
28.
55Exode 12:7-13.
56Il se réfère ici au verset 86:14.
57Al-Mahdawi M. K.: Al-Bayan bil-Qur’an, 2 volumes, Al-dar al-gamahiriyyah, Misratah et
Dar al-afaq al-gadidah, Casablanca, 1990, vol. I, pp. 348-350.
58Sukkari: Khitan, op. cit., p. 45.
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que la circoncision pouvait provoquer. Si cela n'avait pas été un acte obligatoire pour
Abraham, il ne l'aurait pas fait.
- Les différents récits de Mahomet relatifs à la circoncision cités plus haut.
- A l'époque des compagnons, la circoncision masculine et féminine était pratiquée.
- La non-circoncision masculine et féminine retient l'impureté dans le corps et rend
nulle la prière, exactement comme la rétention d'une impureté dans la bouche.
- Selon Al-Mawardi, la circoncision (masculine et féminine) provoque une souffrance.
Or la souffrance n'est licite qu'en cas d'intérêt, de punition ou d'obligation. Et puisque
l'intérêt et la punition sont à écarter, la circoncision (masculine et féminine) est une
obligation59.
2. Sunnah pour les deux sexes
Selon ce courant, la circoncision masculine et féminine relève de la sunnah, terme sur le
sens duquel les légistes ne sont pas d'accord. Elle peut avoir deux sens: la tradition de
Mahomet, ou simplement d'une coutume de l'époque de Mahomet 60. En tant que
sunnah, elle serait recommandable et non pas obligatoire61.
Les adeptes de ce courant invoquent le récit assimilant la circoncision (masculine et
féminine) à une norme de la fitrah citée plus haut. A ce titre, elle vise à la perfection de
l'homme. Tout en étant recommandable, le musulman n'est pas tenu de la pratiquer. Ils
ajoutent que de nombreuses personnes ont adhéré à l'islam et jamais Mahomet n'a
cherché (sous leurs habits) à savoir s'ils étaient circoncis ou non62.
3. Obligatoire pour les garçons, sunnah pour les filles
Les auteurs modernes optent pour cette opinion. Certains précisent qu'il s'agit d'une
makrumah.
Al-Sukkari dit que la circoncision masculine est obligatoire à cause des odeurs et des
liquides gras répugnants produits et retenus par le prépuce. Cette impureté est un
empêchement à la validité de la prière. Or, la pureté étant nécessaire pour la prière, la
circoncision devient nécessaire selon la règle juridique qui dit: ce qui est nécessaire
pour l'accomplissement d'une obligation devient à son tour obligatoire.
En revanche, n'ayant pas de prépuce et donc n'étant pas sujette à une impureté de ce
côté-là, la circoncision féminine n'est que recommandée. Deux raisons fondent cette
recommandation:
- réaliser la makrumah que Mahomet lui accorde,
- empêcher de tomber dans l'interdit63.
Le terme makrumah est loin d'être clair. Pour le Professeur ‘Abd-al-Wahhab Khallaf, ce
terme signifie que la circoncision féminine augmente le plaisir de l'homme"64. Shaltut
59Ibid., pp. 47-54.
60Shaltut: Al-fatawi, op. cit., p. 332.
61Sukkari: Khitan, op. cit., p. 46.
62Ibid., pp. 55-61.
63Ibid., pp. 46, 62-63.
64Khallaf, ‘Abd-al-Wahhab: Khitan al-banat, dans ‘Abd-al-Raziq: Al-khitan, op. cit., p. 76.
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dit que la circoncision féminine est une makrumah pour les hommes qui ne sont pas
accoutumés à sentir la partie excédante65.
La majorité des opinions cependant traduit ce mot comme un acte louable, méritoire
pour la femme. C'est l'opinion du professeur Zakariyya Al-Birri. Pour lui, il convient de
pratiquer la circoncision féminine. Celui qui ne la pratique pas, ne commet pas pour
autant de péché s'il est convaincu, à la lumière des textes religieux et des conseils des
médecins spécialistes, qu'il n'en était pas tenu66. Al-Qaradawi laisse le choix aux
parents selon leurs convictions, tout en préférant lui-même pratiquer la circoncision
féminine parce qu'elle sauvegarde la morale des filles "notamment à notre époque"67.
Une fatwa de la Commission de fatwa égyptienne du 28 mai 1949 a aussi déclaré que
l'abandon de la circoncision féminine ne constitue pas un péché68. Une autre fatwa de
cet organisme du 23 juin 1951 est plus rigide. Non seulement elle n'envisage pas la
possibilité d'abandonner la circoncision féminine, mais elle considère qu'il est
souhaitable de la pratiquer parce qu'elle modère la nature. Bien plus, elle ne permet pas
de prendre en considération les avis des médecins sur ses méfaits (voir chapitre III, §
III, point 2)69.
Une troisième fatwa de ce même organisme du 29 janvier 1981, bien plus détaillée, se
montre franchement hostile à l'abandon de la circoncision féminine. L'auteur de cette
fatwa est l'actuel Grand Sheikh de l'Azhar. Il y affirme qu'il n'est pas possible
d'abandonner les enseignements de Mahomet en faveur de l'enseignement d'autrui, fût-il
un médecin parce que la médecine évolue et n'est pas constante. La responsabilité de la
circoncision des filles incombe aux parents et à ceux qui en ont la charge. Ceux qui ne
l'accomplissent pas manquent à leur devoir"70.
4. Raison de la différence entre garçon et fille
Al-Sukkari essaie d'expliquer la différence entre garçon et fille devant la norme
religieuse:
- Abraham s'était circoncis, et il ne l'aurait pas fait si ce n'était pas un devoir. Mais il
n'est pas prouvé qu'Abraham ait commandé la circoncision féminine71. Celle-ci est
plutôt un commandement de Mahomet selon le "récit de l'exciseuse" cité plus haut.
- La circoncision masculine est un signe qui distingue l'homme musulman du nonmusulman. En ce qui concerne la femme, on adopte normalement une attitude de
65Shaltut: Al-fatawi, op. cit., pp. 333-334.
66Birri, Zakariyya Al-: Ma hukm khitan al-bint wa-hal huwa daruri, dans ‘Abd-al-Raziq: Alkhitan, op. cit., pp. 95-96.
67Qaradawi, Youssef Al-: Huda al-islam, fatawi mu‘assirah, Dar al-qalam, Kuwait, 3ème
édition, 1987, p. 443.
68Makhluf, Hassanayn Muhammad: Hukm al-khitan, dans Al-fatawi al-islamiyyah min dar alifta’ al-masriyyah, Wazarat al-awqaf, (Le Caire), vol. 2, 1981, p. 449.
69Nassar, ‘Allam: Khitan al-banat, dans Al-fatawi al-islamiyyah min dar al-ifta’ al-masriyyah,
Wazarat al-awqaf, (Le Caire), vol. 6, 1982, p. 1986.
70Gad-al-Haq, Gad-al-Haq ‘Ali: Khitan al-banat, dans Al-fatawi al-islamiyyah min dar al-ifta’
al-masriyyah, Wazarat al-awqaf, (Le Caire), vol. 9, 1983, pp. 3119-3125.
71Cet auteur se contredit puisqu'il a invoqué plus haut la circoncision des femmes juives pour
fonder la circoncision des femmes musulmanes.
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réserve à son égard et on ne va pas chercher (sous ses habits) si elle est circoncise ou
pas.
- La circoncision masculine prévient de beaucoup de maladies, dont le cancer et réduit
le recours à la masturbation. Cet argument est avancé aussi par l'Imam Mahmud Shaltut
pour qui le prépuce du garçon cache des microbes nocifs pour la santé, ce qui n'est pas
le cas de la fille72.
5. Conséquences de la qualification
Les légistes se sont posés la question de savoir si l'autorité publique peut obliger un
musulman à se circoncire, surtout à un âge avancé. Les zaydites et les shafiites
répondent par l'affirmative. Selon l'Ecole hanafite, si un groupe rejette la circoncision
masculine, le chef de l'Etat doit leur déclarer la guerre. Certains disent cependant qu'on
peut dispenser quelqu'un de la circoncision masculine si elle présente un danger pour sa
santé. Al-Sukkari, auteur moderne, estime que la question de la santé ne se pose pas de
nos jours. Le musulman qui craint pour sa santé, peut s'adresser à un médecin qui
utilisera à cet effet l'anesthésie et les appareils modernes.
Les hanbalites disent que la circoncision masculine et féminine est un rituel de l'islam;
l'homme peut obliger sa femme à s'exciser comme à prier. Les ibadites considèrent le
mariage du musulman non-circoncis comme nul même s'il y a eu consommation. La
femme peut demander au juge de la séparer de son mari. Si le mari se circoncit après la
consommation, le mariage reste nul; il doit conclure un nouveau mariage pour
reprendre sa femme. Pour les hanbalites, la non-circoncision du mari est un vice du
contrat donnant le choix à la femme de demander le divorce ou de maintenir le mariage.
Pour certains, le non-circoncis n'a pas de droit de tutelle sur un musulman et n'a pas le
droit de donner son consentement au mariage d'un parenté musulman. Dans ce cas, le
mariage est dissous sauf s'il a été consommé.
Al-Sukkari, auteur moderne, accorde à la femme le choix de dissoudre le mariage si le
mari n'est pas circoncis parce que le prépuce peut être un vecteur de maladies. Il peut
être aussi une cause de dégoût empêchant la réalisation des buts du mariage, à savoir
l'amour et la bonne entente entre les conjoints. La femme a le droit d'être mariée à
quelqu'un de beau et de propre, l'Islam étant la religion de la propreté, de la pureté73.
Ahmad Amin souligne l'importance qu'a la circoncision dans l'esprit de l'Egyptien par
un fait anecdotique: une tribu soudanaise a voulu adhérer à l'islam. Son chef a écrit à un
savant de l'Azhar pour lui demander ce qu'il fallait faire. Le savant lui a envoyé une
liste d'exigences, en plaçant au premier point la circoncision. La tribu a alors refusé de
devenir musulmane74.
Pour la masse des croyants, l'appartenance à l'islam implique nécessairement la
circoncision des garçons. A Java, circoncire un garçon se dit: recevoir quelqu'un au
sein de l'Islam; à Alger, pendant la colonisation, les cartes d'invitation à cette cérémonie
la désignaient, en français, sous le nom de baptême. Elle constitue dans la vie
musulmane une importante fête de famille, ce qui n'est pas le cas de la circoncision des
72Sukkari: Khitan, op. cit., p. 63-6; Shaltut, Mahmud: Khitan al-banat, dans ‘Abd-al-Raziq: Alkhitan, op. cit., pp. 89-90.
73Ibid., pp. 70-77.
74Amin: Qamus, op. cit., 1992, p. 187.
20
filles, faite en cachette75. Selon les autorités religieuses séoudiennes, un homme qui se
convertit à l'islam doit se circoncire, mais pour éviter qu'il refuse d'entrer dans l'islam
par répugnance à cette opération, on peut retarder cette exigence jusqu'à ce que la foi
soit affermie dans son coeur76.
Sur le plan social, la non-circoncision féminine a des conséquences graves. Dans
certains pays, les filles non-circoncises ne se marient pas et les gens commencent à
parler d'elles comme de personnes de mauvaise conduite, possédées par le diable. Dans
la campagne égyptienne, la matrone qui pratique la circoncision féminine délivre un
certificat qui sert pour le mariage77. Wedad Zenie-Ziegler écrit que les paysannes
égyptiennes s'étonnent que leurs concitoyennes du Caire ne sont pas excisées. Elles
partent "d'un grand éclat de rire, ponctué par des exclamations indignées": "On ne le fait
vraiment pas? Les filles restent comme cela, sans être coupées? Elles ne se déchaînent
pas?"78. El-Masry rapporte les dires d'une sage-femme égyptienne qui avait circoncis
plus de 1000 filles. Selon elle, "on devait lyncher les pères qui s'opposeraient à
l'excision de leurs filles, parce que ces pères acceptaient en somme que leurs filles
deviennent des prostituées"79. Au Soudan, où se pratique l'infibulation, des frères ont
voulu éviter cette torture à leurs jeunes soeurs. La plupart d'entre eux ont été chassés de
la maison paternelle après des disputes terribles, les parents les accusant d'être des
dépravés et de chercher à dévergonder leurs soeurs. Très peu ont réussi; mais, pour
pouvoir mettre fin aux qu'en dira-t-on des voisins, ils ont été obligés d'amener leurs
soeurs vivre sous leur toit à Khartoum ou Atbara. "Car il est aussi anormal au Soudan
de ne pas coudre le sexe des filles, qu'en Occident de ne pas donner de bain aux enfants.
Les voisins jasent"80.
IV. Modalité de la circoncision selon le droit musulman
1. Circoncision des garçons
La circoncision masculine consiste, selon les légistes classiques musulmans, à couper le
prépuce, de préférence tout le prépuce. Si l'homme a deux pénis, certains disent qu'il
faut circoncire les deux; d'autres disent qu'il faut circoncire seulement celui qui urine. Si
l'enfant est né circoncis, certains disent qu'il faut le laisser tel quel; pour d'autres, il faut
passer le couteau sur l'emplacement du prépuce pour l'accomplissement du
commandement. Si la circoncision est incomplète, il faudrait la compléter81.
2. Circoncision des filles
Al-Sukkari, auteur moderne, décrit comme suit la circoncision féminine. "Il faut
commencer par invoquer Dieu en récitant la formule: au nom de Dieu miséricordieux et
compatissant, suivie de louange à Dieu et de prière sur le prophète, l'auteur de cette
75Bousquet, G.-H.: L'éthique sexuelle de l'Islam, Desclée de Brouwer, Paris, 1990, pp. 102103.
76 Voir les deux fatwas séoudiennes parue dans Magallat al-buhuth al-islamiyyah (Riyadh), no
20, 1987, p. 161, et no 25, 1989, p. 62.
77Zenie-Ziegler: La face voilée, op. cit., pp. 66-67.
78Ibid., pp. 64-65.
79El-Masry: Le drame sexuel, op. cit., p. 3.
80Ibid., p. 62.
81Sukkari: Khitan, op. cit., pp. 65-67. Certains légistes pensent que Mahomet serait né
circoncis. D'autres affirment qu'il a été circoncis au septième jour.
21
makrumah suprême". La circoncision féminine doit être faite par un ou une médecin
chirurgien de religion musulmane et d'apparence pieuse, connaissant les enseignements
de Mahomet. Il faut utiliser les meilleurs moyens médicaux pour réduire la souffrance.
La circoncision féminine doit être faite le jour pour que le médecin puisse la faire à la
lumière du jour, mais en toute discrétion, en présence seulement du tuteur de la fille ou
de sa mère, ou de celui qui a le plus de pitié pour elle82. Il ne précise pas en quoi
consiste la circoncision féminine. Pour Gad-al-Haq, la circoncision féminine consiste à
"couper la peau qui se trouve au-dessus de la sortie de l'urine sans exagérer et sans
l'extirper"83. Al-Sha‘rawi précise que si la fille n'a pas de partie excédante, il n'y a pas
besoin de la circoncire84.
Ce qui est décrit plus haut comme conforme à la sunnah reste du domaine de la théorie.
Dans les faits, on pratique plutôt la clitoridectomie (pratiquée en Egypte) ou
l'infibulation (pratiquée au Soudan et en Somalie). Au Soudan, une étude a démontré
que 64% des circoncisions féminines avaient été pratiquées par des accoucheuses
traditionnelles, 35% par des sages-femmes et 0.7% par des médecins85.
3. Circoncision de l'hermaphrodite
Les auteurs classiques ont divergé au sujet des hermaphrodites, personnes ayant deux
sexes. Certains disent qu'il faut circoncire les deux sexes; d'autres, par contre, disent
qu'il faut circoncire l'organe qui urine par analogie à la succession 86. Pour d'autres,
enfin, il faut attendre jusqu'à ce qu'on sache lequel des deux organes prédomine pour le
circoncire. Par précaution, Al-Sukkari, auteur moderne, choisit la première opinion, à
savoir la circoncision des deux organes afin d'éviter l'erreur87.
4. L'âge pour la circoncision masculine et féminine
Les légistes ne sont pas unanimes quant à l'âge auquel la circoncision doit être faite.
Différentes opinions sont avancées: en tout temps, à l'âge de la puberté, avant l'âge de
10 ans (l'âge auquel l'enfant est frappé pour le contraindre à faire sa prière), à environ
sept ans pour le garçon, au septième jour (certains prenant en considération le jour de
naissance, d'autre ne le prenant pas), surtout pas le septième jour ou moins (parce que
c'est la coutume des juifs auxquels il faut éviter de s'assimiler). Al-Mawardi propose
que la circoncision soit faite au plus tard à sept ans mais de préférence à sept jours,
voire à quarante jours sauf inconvénient. C'est l'opinion à laquelle opte Al-Sukkari pour
les garçons. Pour les filles, il propose l'âge de sept à dix ans pour qu'elles puissent
supporter l'opération88.
Selon des témoignages recueillis par Wedad Zenie-Ziegler, la circoncision féminine en
Egypte est faite en principe une semaine après la naissance, mais cela se fait parfois à
82Ibid., p. 86.
83Gad-al-Haq: Khitan al-banat, op. cit., p. 3121.
84Sha‘rawi, Muhammad Mitwalli Al-: Al-fatawi, Maktabat al-Qur’an, Le Caire, 1981, vol. I, p.
27.
85Rapport sur les pratiques traditionnelles, Addis Abeba, 1990, p. 64.
86Selon le droit musulman, la soeur reçoit la moitié de la part du frère. Si une personne est
hermaphrodite, elle héritera selon le sexe qui urine.
87Sukkari: Khitan, op. cit., pp. 87-89.
88Ibid., pp. 86 et 90-95.
22
deux mois, parfois à sept mois ou même à sept ans89. Nawal El-Saadawi dit qu'elle a
lieu en Egypte à l'âge de 7 ou 8 ans, avant que la fille ait ses règles90.
Les légistes se sont posés la question s'il fallait circoncire les personnes mortes sans
circoncision. La majorité des légistes rejettent une telle circoncision parce que cela
porte atteinte à l'intégrité physique (hurmah) du défunt et expose sa partie honteuse
('‘awrah); de plus, elle est inutile puisque son but est d'accomplir un acte cultuel et
d'être propre pour la prière, ce dont n'a pas besoin le mort. Pour d'autres, la circoncision
du mort est nécessaire; son prépuce est déposé dans le linceul. Ils invoquent un récit de
Mahomet selon lequel il faut faire aux morts ce qu'on fait aux personnes qui se marient.
Al-Sukkari, auteur moderne, opte pour la première opinion91.
89Zenie-Ziegler: La face voilée, op. cit., p. 62.
90El-Saadawi: The hidden, op. cit., p. 33-34.
91Sukkari: Khitan, op. cit., p. 78-81.
23
CHAPITRE III
LA RAISON AU SECOURS DE LA RELIGION
Le Coran dit: "Nul ne L'interroge sur ce qu'Il fait, mais les hommes seront interrogés"
(21:23). Dieu n'a donc pas à rendre compte de ses normes même si les légistes
musulmans défendent l'idée que les normes divines visent à réaliser le bien de l'homme.
Bien dont les critères échappent en général à l'homme.
Il est cependant une tendance actuelle aussi bien chez les musulmans que chez les juifs,
à vouloir justifier a posteriori les normes religieuses, en leur attribuant des effets
bénéfiques, réels ou fictifs. C'est un recours à la raison pour justifier la religion. Tel est
le cas de la circoncision comme des interdits alimentaires. Cela prouve qu'on n'admet
plus que Dieu puisse faire souffrir les êtres humains pour le simple but de les marquer
comme du bétail.
Les défenseurs de la circoncision masculine et féminine, après avoir prouvé l'existence
d'une norme religieuse y relative, vont s'atteler à démontrer ses bienfaits ainsi que les
désavantages de la non-circoncision, ce qui est un moyen de réconforter le croyant et de
répliquer aux opposants. Quant aux opposants (de la circoncision féminine), à moins
d'être des mécréants rejetant toute légitimation religieuse, ils combattent aussi sur deux
fronts: après avoir nié l'existence d'une norme religieuse prescrivant la circoncision
féminine (la seule qui les intéresse), ils vont essayer de prouver son caractère nocif pour
pouvoir l'interdire.
Et si la raison ne parvient pas à prouver la religion? Alors, on la récuse, comme on le
verra plus loin.
I. La circoncision masculine
1. Bienfaits de la circoncision masculine
Les auteurs musulmans passent rapidement sur la circoncision masculine. Ils n'y voient
que des bienfaits et, surtout, elle ne suscite pas de débat en Occident. La noncirconcision masculine, affirme le docteur Al-Hadidi (un opposant de la circoncision
féminine), peut avoir comme conséquences des infections du pénis en raison des
gouttes d'urine. Cela peut aller jusqu'au cancer menant à amputer le pénis entièrement 92.
La circoncision préviendrait même du cancer chez la partenaire du circoncis, avantage
signalé par Docteur Al-Fangari qui ajoute qu'elle aide à prolonger l'accouplement en
raison du dégagement de la glande du pénis93. Des arguments similaires se retrouvent
chez leurs collègues juifs. De quoi faire pâlir les chrétiens auxquels Saint Paul propose
la circoncision dans le coeur au lieu de la circoncision dans la chair 94! Si seulement
Saint Paul pouvait entendre nos experts médicaux musulmans et juifs avant d'abroger
l'obligation de se faire circoncire!
92Hadidi, Muhammad Sa‘id Al-: Khitan al-awlad bayn al-tib wal-islam, dans ‘Abd-al-Raziq:
Al-khitan, op. cit., pp. 65-66. Sur les bienfaits de la circoncision masculine voir aussi Salih,
Muhammad Ibn-Ahmad As-: Al-tifil fil-shari‘ah al-islamiyyah, Matba‘at nahdat Masr, le Caire,
1980, pp. 84-85.
93Fangari, Ahmad Shawqi Al-: Al-tib al-wiqa’i fil-islam, Al-hay’ah al-masriyyah al-‘ammah
lil-kitab, Le Caire, 1980, p. 143.
94Epître aux Romains 2:29.
24
L'Imam Shaltut ne voit pas de base pour la circoncision masculine ou féminine, ni dans
le Coran ni dans la Sunnah de Mahomet. Elle doit donc être jugée d'après le principe
islamique général, qui interdit de faire souffrir quelqu'un, à moins que cela ne s'avère
bénéfique pour lui et que l'avantage soit supérieur au désavantage. Pour les garçons,
affirme-t-il, la circoncision est bénéfique parce qu'elle supprime le prépuce qui retient la
saleté et favorise le cancer et autres maladies. C'est donc une mesure préventive et
protectrice. D'où son caractère obligatoire en droit musulman95.
Logiquement, si la circoncision masculine est si bénéfique, il faudrait la généraliser. On
ne peut cependant faire l'apologie de la circoncision masculine en raison de son utilité
dans des cas pathologiques. Un pied peut être amputé sur prescription médicale s'il est
gangrené, et l'amputation sera certainement bénéfique. Personne n'irait plaider la
généralisation de l'amputation des pieds aux adeptes de religions déterminées96. A
moins que, logique oblige, ces adeptes aient des pénis différents de ceux de leurs cohumains.
Signalons ici que la circoncision a fait des adeptes parmi les chrétiens qui prennent la
Bible pour un livre scientifique. C'est notamment le cas aux Etats-Unis où des
accoucheurs "sectionnent dès la naissance le prépuce de futurs méthodistes, adventistes,
catholiques, sectateurs de Love, si ce n'est braves athées". Pour eux, les mâles
incirconcis "ne peuvent être que des citoyens ruraux et quelque peu demeurés"97. On
estime le nombre des circoncis dans ce pays à 50% des nouveaux-nés. Mais en 1975, la
commission américaine pour la santé a décrété que la circoncision n'était pas une bonne
mesure d'hygiène. Depuis lors, les circoncisions ont été considérablement réduites98.
Les adeptes de la circoncision ont alors entrepris une campagne pour faire revenir cette
commission sur sa décision en avançant que la circoncision préviendrait les infections
urinaires infantiles, voire même la transmission du Sida, ce que les experts suédois
démentent99.
2. Méfaits de la circoncision masculine
Nous l'avons dit plus haut, la circoncision masculine n'intéresse presque personne. Le
Docteur Gérard Zwang, cité plus haut, figure parmi les rares adversaires de la
circoncision masculine. Non seulement il n'y voit pas de bienfaits, mais relève aussi ses
méfaits. Il écrit:
95Shaltut: Al-fatawi, op. cit., pp. 333-334.
96La circoncision masculine juive a été interdite à plusieurs reprises à travers les siècles. Plus
proche de nous, elle a été interdite à Strasbourg en 1793 après l'instauration du culte de la
Raison. En Russie, la circoncision juive et musulmane a été combattue par la révolution
bolchevique au même titre que toutes les autres pratiques religieuses. On constate aussi des
tendances au sein du judaïsme en faveur de la dispense de cette pratique pour les convertis afin
de favoriser le prosélytisme (déjà au 2ème siècle). Au milieu du 19ème siècle le courant
réformateur du judaïsme allemand a prôné l'abolition du caractère obligatoire de la circoncision
pour les nouveau-nés juifs. Malgré l'échec de cette tentative à Francfort en 1843, le judaïsme
réformé américain officialise quarante ans plus tard l'intégration de prosélytes incirconcis
(Erlich, Michel: Les mutilations sexuelles, PUF, Paris, 1991, pp. 110-113)
97Zwang, Gérard: La fonction érotique, op. cit., p. 271.
98Zwang, Gérard: Prépuce et érotisme, dans Union, revue internationale des rapports humains,
no 44 nouvelle série, mai 1992, p. 41.
99Zwang, Gérard: Le prépuce: une erreur de la nature? (note bibliographie), dans
Contraception-fertilité-sexualité, 1989, vol. 17, no 12, p. 1162.
25
La plus grande suspicion est de rigueur quand griots et féticheurs essaient de légitimer
irréfutablement les mutilations sexuelles rituelles (à moins qu'on ne fasse partie de ces
ethnographes incurablement naïfs). Seuls héritiers d'une culture extra-européenne
touchés par la pensée scientifique, et contribuant souvent à l'élaborer, c'est du côté des
judaïsants que viennent habituellement les arguments prétendus "logiques" en faveur de
la circoncision100.
Il nomme les cinq sortes de raisons "raisonnables" avancées par les adeptes de la
circoncision en Occident, raisons qui se recoupent avec celles avancées par les
musulmans, à savoir:
1. La circoncision témoigne du souci légitime de parfaire la sexualité individuelle;
2. La circoncision est une bonne mesure d'hygiène;
3. La circoncision prévient la masturbation;
4. La circoncision prévient le cancer;
5. La circoncision prodigue une meilleure maîtrise du stade en plateau.
Après avoir démonté ces raisons l'une après l'autre101, il montre que le prépuce sert pour
l'enfant de préservatif empêchant le gland de baigner en permanence dans le pipi et le
protégeant des irritations et des inflammations aux contacts avec des vêtements, langes,
couches imprégnés d'urine. Il affirme que la circoncision à la naissance est "presque
toujours responsable du rétrécissement inflammatoire du méat urétral". Cette protection
du gland et de la verge se prolonge dans les actes érotiques, d'où l'intérêt du prépuce
dans la vie affective pendant l'enfance, l'adolescence et à l'âge adulte sur ce plan102.
Il conclut qu'"il n'y aucune raison [médicale] de priver systématiquement les nouveauxnés, les petits garçons ou les adultes d'une partie intégrante de l'anatomie humaine
normale". Même pour les prépuces malades, il déconseille la circoncision et lui préfère
des interventions chirurgicales simples sauvegardant le prépuce. Il préconise que les
chirurgiens plasticiens étudient la possibilité technique d'une reconstitution préputiale
pour des circoncis atteints de "peeling balanique", un désavantage de la circoncision103.
Quant aux chirurgiens sollicité pour pratiquer la circoncision, il leur indique de la
refuser. Si c'est un adulte qui la demande, le chirurgien a le droit de faire valoir cet
argument de conscience dont certains usent, en tout libéralisme, pour ne pas pratiquer
les interruptions de grossesse. Si ce sont des parents qui amènent un enfant normal, "le
chirurgien peut faire valoir l'impossibilité de commettre le délit de coups et blessures
sur un mineur, et conseiller d'attendre la majorité du rejeton"104.
Mr. Valla, président de l'Association contre la mutilation des enfants, n'hésite pas à
qualifier la circoncision masculine, de véritable excision. Selon lui, la circoncision
masculine provoque aujourd'hui la mort d'au moins plusieurs dizaines de bébés par an
Outre-Atlantique. De plus, elle provoque de nombreuses complications, comme des
saignements, des infections, une réduction de la sensibilité du gland de la verge, ainsi
que dans certains cas, un appauvrissement de la vie amoureuse105.
100Zwang, Gérard: La fonction érotique, op. cit., p. 271.
101Ibid., pp. 271-275.
102Ibid., pp. 275-277.
103Ibid., pp. 277-279.
104Ibid., pp. 279.
105Union, Revue internationale des rapports humains, no 44 nouvelle série, mai 1992, p. 42.
26
Il faudrait peut-être compléter ces avis de médecins par les avis de psychologues pour
répondre à la question de savoir si on peut exclure tout effet nocif d'une opération
mutilante souvent pratiquée sans anesthésie? Il nous manque des statistiques pour
déterminer, par exemple, le pourcentage des personnes circoncises par rapport au
pourcentage des personnes non circoncises atteintes de paranoïa? Ceci nous semble
important pour déterminer les bienfaits et les méfaits de la circoncision106.
II. La circoncision féminine
1. Bienfaits de la circoncision féminine conforme à la sunnah
La circoncision non-conforme à la sunnah est condamnée par tous les milieux religieux
musulmans. Pour certains, "la pratique de la circoncision féminine, comme la font des
femmes dans des contrées retardées à l'égard de leurs filles, relève du délit légalement
punissable"107. On ne trouve personne à la défendre même si c'est la forme la plus
pratiquée dans les pays musulmans. Cette condamnation se base principalement sur le
récit de l'exciseuse cité plus haut. Le plus étrange en l'espèce est, que ces milieux
religieux n'essaient pas de tirer profit de ce récit pour combattre cette pratique. A titre
d'exemple, on estime le nombre des femmes circoncises dans la région du nord du
Soudan à 89.2%: 82.3% sous forme d'infibulation; seulement 19.2% des chrétiennes
sont circoncises sous cette forme. Davantage de chrétiens (57.7%) que de musulmans
(20.8%) seraient en faveur de l'abandon de cette pratique pour leurs filles108.
Si ces savants religieux, tous des machos, s'opposent à la circoncision féminine nonconforme à la sunnah, ils n'en approuvent pas moins la circoncision sunnah. Ce genre
de circoncision féminine n'est d'ailleurs pas très précis: pour certains, il s'agit de
l'ablation légère de la peau du clitoris en application du "récit de l'exciseuse"; pour
d'autres, il s'agit de couper le clitoris et les petites lèvres.
Le but de la défense de la circoncision féminine conforme à la sunnah est exprimé sans
ombrage par Al-I‘tissam, revue islamiste du Caire. Cette revue s'élève contre l'OMS qui
"déforme les vérités de l'islam"; elle demande à l'Azhar et aux savants religieux
d'"ouvrir les yeux et être attentifs à toutes les idées qui nous viennent de l'extérieur afin
de les combattre en prouvant leur non-sens et sauver les moeurs islamiques"109. Voilà
les bienfaits de la circoncision féminine selon ses défenseurs masculins:
A) Elle maintient la propreté
Le docteur Hamid Al-Ghawabi affirme que les mauvaises odeurs chez la femme ne
peuvent être supprimées quelle que soit la propreté qu'en coupant le clitoris et les
petites lèvres110.
106Nous renvoyons le lecteur aux réflexions d'Elisabeth Badinter: XY de l'identité masculine,
Editions Odile Jacob, Paris 1992, pp.86-89.
107Birri: Ma hukm, op. cit., pp. 95-96. Voir aussi Salim, Muhammad Ibrahim: Khitan al-banat,
dans ‘Abd-al-Raziq: Al-khitan, op. cit., pp. 81-82.
108Rapport sur les pratiques traditionnelles, Addis Abeba, 1990, pp. 63-68.
109Al-I‘tissam, déc. 1980, no 1, cité par Soual, no 4, 1983, Les femmes dans le monde arabe,
pp. 73-74.
110Ghawabi: Khitan, op. cit., p. 55.
27
B) Elle prévient des maladies
Le nombre des femmes atteintes de la nymphomanie est moindre chez les femmes
circoncises. Cette maladie peut infecter le mari et même lui donner la mort111. La
circoncision féminine prévient du cancer du vagin112 et du gonflement du clitoris qui
pousse à la masturbation ou aux rapports homosexuels113.
C) Elle procure le calme et rend le visage rayonnant
La circoncision féminine empêche la fille de devenir nerveuse dès son jeune âge et lui
évite d'avoir un visage jaune. Cette affirmation est basé en fait sur les récit de
Mahomet: "La circoncision est makrumah pour les femmes" et "rend plus rayonnant le
visage"114. On invoque aussi le "récit de l'exciseuse" pour dire que la circoncision
embellit le visage de la femme et la rend plus attirante pour son mari 115. Selon un
défenseur de la circoncision féminine, celle-ci donne à la fille une bonne santé, une
beauté féminine et une protection de sa morale, de sa chasteté et de son honneur tout en
maintenant la sensibilité sexuelle nécessaire sans exagération116.
D) Elle maintient le couple soudé et empêche la drogue
Le Docteur Hamid Al-Ghawabi reconnaît que la circoncision féminine réduit l'instinct
sexuel chez la femme, mais il n'y voit qu'un bienfait. Avec l'âge, l'instinct sexuel de
l'homme baisse. Sa femme circoncise sera à ce moment-là au même degré dans
l'instinct sexuel. Si elle ne l'était pas, le mari ne pourrait pas la satisfaire, ce qui le
pousse à recourir à la drogue pour y parvenir117.
E) Elle empêche de tomber dans l'interdit
C'est l'argument le plus évoqué. Le Professeur Al-‘Adawi de l'Azhar dit que la
circoncision de la fille est makrumah, ce qui signifie "qu'elle l'aide à garder sa gêne et la
garde des penchants qui excitent son instinct sexuel. La fille en Orient, région souvent
très chaude, si elle n'est pas circoncise, a un instinct sexuel très poussé qui réduit sa
gêne et la rend plus disposée à répondre à cet instinct sexuel "sauf celle dont Dieu a
pitié"118. Le juge ‘Arnus dit que la circoncision féminine réduit l'instinct sexuel qui, s'il
est exagéré, mène la personne à l'état de l'animal, et s'il n'existe pas il la réduit à l'état
d'une chose morte. C'est un modérateur. De ce fait, les femmes et les hommes noncirconcis sont plus penchés vers le sexe119. Salim, président du tribunal suprême
musulman (supprimé en 1955), répète que la circoncision féminine est une makrumah,
un acte méritoire qu'elle n'est pas obligée de pratiquer, mais qu'il est préférable de faire.
Car, ajoute-t-il, elle protège la fille des infections, de l'enflure des organes sexuels
111Ibid., p. 57.
112Salih: Al-tifil, op. cit., pp. 85-85.
113Ghawabi: Khitan, op. cit., p. 62.
114Ibid., p. 51.
115Sukkari: Khitan, op. cit., p. 64. Voir aussi Shaltut: Khitan al-banat, op. cit., pp. 89-90.
116Salim: Khitan al-banat, op. cit., pp. 81-82.
117Ghawabi: Khitan, op. cit., p, p. 57.
118‘Adawi, ‘Abd-al-Rahman: Khitan al-banat, dans ‘Abd-al-Raziq: Al-khitan, op. cit., pp. 9798.
119‘Arnus, Mahmud: Khitan al-banat, dans ‘Abd-al-Raziq: Al-khitan, op. cit., pp. 93-94
28
externes, des réactions psychiques fortes et des excitations sexuelles qui, domptées,
mènent à des troubles nerveux et non domptées, aux voies des vices si elles sont
suivies, notamment dans la jeunesse et durant l'activité de la glande génétique. Il
explique en quoi consiste cette circoncision: il s'agit de couper la partie saillante du
clitoris qui dépasse la peau "afin qu'il ne soit pas objet d'excitation par le mouvement,
les habits, la montée des animaux etc. D'où son nom khafd: abaisser le niveau"120. Gadal-Haq, le Grand-Sheikh de l'Azhar, ajoute que notre époque nécessite la circoncision
féminine "en raison de la mixité entre les hommes et les femmes dans les
rassemblements. Si la fille n'est pas circoncise, elle s'expose aux nombreuses excitations
qui la poussent au vice et à la perdition dans une société sans freins"121.
2. Méfaits de toute forme de circoncision féminine
Les opposants de la circoncision féminine la rejettent en raison de ses méfaits qui
varient en gravité selon la forme pratiquée.
A) Elle nuit à la santé physique et psychique
De nombreuses complications se produisent après une circoncision féminine Ces
complications qui peuvent varier sont reparties par le docteur Mahran comme suit:
- des complications immédiates: choc, douleur, saignements, infections, complications urinaires et lésions
accidentelles des organes environnants.
- des complications ultérieures: cicatrices douloureuses, formation de chéloïdes, adhérences labiales,
kystes du clitoris, mutilation de la vulve, calculs vaginaux, stérilité.
- des complications psychosexuelles: chez la femme: sentiment d'une diminution de la féminité,
affaiblissement du désir sexuel, diminution de la fréquence du coït, absence d'orgasme, dépression et
psychose, taux de divorce élevé; chez l'homme: impotence et éjaculation précoce, polygamie.
- des complications obstétriques122.
Il n'y a aucune technique chirurgicale capable de remédier à cette mutilation, capable de
restaurer la sensibilité érogène des récepteurs amputés. La fonction érotique d'une
femme excisée est définitivement supprimée. Le chirurgien ne peut agir que sur les
complications pour qu'à défaut de procurer du plaisir le sexe d'une femme mutilée ne
cause plus de souffrance123.
Les défenseurs musulmans de la circoncision féminine ne nient pas ces complications,
mais les attribuent à la manière de pratiquer la circoncision féminine, et notamment au
fait qu'on ne respecte pas les modalités prévues par le droit musulman. Al-Sukkari écrit:
Si quelqu'un s'adresse à un barbier pour lui faire l'opération de l'appendicite, peut-on en
conclure que cette opération en soi n'a pas été prévue par un texte dans l'islam et de ce
fait elle devrait être interdite parce que la manière de la faire est mauvaise? Il ajoute que
la circoncision féminine a été pratiquée pendant des siècles et constitue une coutume
admise par le droit musulman. Les prétendues conséquences n'ont jamais eu lieu. Et si
aujourd'hui on en parle, c'est peut-être en raison de ceux qui la font124.
120Salim: Khitan al-banat, op. cit., pp. 81-82.
121Gad-al-Haq: Khitan al-banat, op. cit., p. 3124.
122Pour les développements de ces complications, voir Mahran: Les risques, op. cit., pp. 1-2;
Rapport sur les pratiques traditionnelles, Addis Abeba, 1990, pp. 56-57; Terre des Hommes:
Les mutilations sexuelles, op. cit., (intervention du Docteur Gérard Zwang), p. 25.
123Terre des Hommes: Les mutilations sexuelles, op. cit., (intervention du Docteur Gérard
Zwang), p. 25.
124Sukkari: Khitan, op. cit., p. 106.
29
B) Elle pousse à la drogue
Nous avons vu plus haut que les défenseurs de la circoncision féminine dite sunnah
invoquent en faveur de celle-ci la prévention du recours à la drogue. Cet argument est
renversé par les adversaires de la circoncision féminine125. Le lien entre la circoncision
féminine et le fléau du hachisch en Egypte est largement exposé par El-Masry. La
circoncision féminine fausse les rapports sexuels: "Très peu de mâles normalement
constitués peuvent réussir à satisfaire pleinement, à amener régulièrement au stade de
l'orgasme une femme ayant perdu, par mutilation, une partie de sa capacité
voluptueuse... L'homme sera très bientôt obligé de reconnaître qu'il n'y arrivera pas par
ses propres forces... Pour atteindre ce but, un seul remède: le hachisch". Il cite plusieurs
sources. Le général de police Safwat pour qui: "les narcotiques sont plus répandus en
Egypte car ils sont liés, dans l'esprit des gens, à l'activité sexuelle, elle-même liée à
l'excision, inconnue en Europe". Le docteur Hanna ajoute: "L'homme a surtout recours
aux narcotiques afin de satisfaire sa femme sur le plan sexuel. L'excision faisant perdre
à la femme sa sensibilité, l'homme est obligé de s'adonner aux stupéfiants pour pouvoir
résister le temps nécessaire". Il affirme que ce sont les femmes qui demandent à leurs
compagnons de se doper avant de faire l'amour: "Elles savent en effet, par expérience,
que c'est là leur seule chance d'atteindre à l'orgasme, car le hachisch est la seule parade
contre la mutilation du clitoris"126. La revue Al-Tahrir du Caire, dans son numéro du 20
août 1957 tire la conclusion suivante: "Si vous voulez lutter contre les narcotiques,
interdisez l'excision"127.
On observe le même lien entre la circoncision féminine et les narcotiques au Yémen où
le fléau du qat frappe durement. Une tentative d'interdiction en avril 1957 dans la
colonie britannique d'Aden a failli provoquer un soulèvement populaire. Les Yéménites
virent dans cette mesure "une enfreinte à leurs droits fondamentaux". Les femmes ellesmêmes manifestèrent leur réprobation faisant valoir qu'elle portait atteinte à leur vie
conjugale. Depuis le 24 juin 1958, l'usage du qat est redevenu légal à Aden128.
C) Elle cause des troubles dans les familles
La femme, ne pouvant satisfaire son instinct sexuel, devient révoltée et névrosée, et au
lieu de sauvegarder sa morale, la circoncision féminine la pousse à chercher la
satisfaction sexuelle à tout prix et en dehors du cadre conjugal. Cela a pour
conséquence aussi la croyance dans l'obsession diabolique (zar) qui n'existe nulle part
qu'en Egypte "comme si les diables ne trouvent d'autres pays à habiter que l'Egypte"129.
125Voir sur le lien de la drogue avec la circoncision féminine: Amin: Qamus, op. cit., 1992, p.
188; Morsy, Soheir A.: Sex differences and folk illness in an Egyptian village, dans Women in
the Muslim World, Harvard University Press, Cambridge (Massachusetts) & London, 1978, p.
611; Hadidi: Khitan al-awlad, op. cit., pp. 67-70.
126El-Masry: Le drame sexuel, op. cit., pp. 56-59.
127Ibid., p. 31. Le docteur Al-Fangari dit dans le même sens: "Sans l'interdiction de la
circoncision féminine nous ne pourrons pas mettre fin à la drogue dans le monde arabe et
musulman" (Fangari: Al-tib, op. cit., p. 144). Le docteur Mahran écrit: "L'excision féminine est
l'une des causes de l'accroissement de la consommation de hachisch chez des hommes qui sont
persuadés, faussement d'ailleurs, que fumer ainsi retarde l'éjaculation et permet d'arriver à un
orgasme en même temps que les femmes excisées; 16% des femmes excisées ont reconnu que
leur mari fumaient du hachisch pour des raisons sexuelles" (Mahran: Les risques, op. cit., p. 2).
128El-Masry: Le drame sexuel, op. cit., pp. 61-62.
129Hadidi: Khitan al-awlad, op. cit., pp. 67-70.
30
D) Elle ne prévient pas des maladies
Pour le docteur Al-Hadidi, il n'existe pas d'intérêt médical pour la circoncision
féminine, contrairement à la circoncision masculine puisque la femme n'a pas de
prépuce qui maintient les microbes130. Le docteur Nawal El-Saadawi nie aussi que la
circoncision féminine réduit les cas du cancer des organes génitaux131.
III. Position mitigée des milieux religieux face à la raison
La querelle rationnelle sur les méfaits et les bienfaits de la circoncision masculine et
féminine n'a d'intérêt que si l'on admet au préalable le principe du respect de l'intégrité
physique et que toute atteinte à cette intégrité doit être permise ou interdite en fonction
des méfaits et des bienfaits de la circoncision. Or, ceci ne semble pas être admis, ni
chez les musulmans ni chez d'autres, notamment en ce qui concerne la circoncision
masculine.
En ce qui concerne la circoncision féminine, nous l'avons dit plus, les milieux religieux
musulmans y sont opposée si elle prend une autre forme dite sunnah, principalement en
raison du récit de l'exciseuse. Pour la circoncision féminine dite sunnah, en revanche,
ces milieux refusent de la condamner sur la base du principe et des critères
susmentionnés même si on distingue quelques nuances dans leurs positions respectives.
1. Appliquer la norme pour la norme
Hamrush, président de la commission de fatwa de l'Azhar, rejette l'idée selon laquelle la
circoncision féminine prévient des maladies ou maintient la santé puisque,
contrairement aux garçons, elle n'a pas de prépuce qui retient la saleté. Il rejette aussi
l'idée qu'elle sauvegarde la morale et l'honneur de la femme et l'empêche de se lancer
derrière son instinct sexuel. Si c'était le cas, alors il faudrait conclure qu'elle est une
obligation et non pas une makrumah. Néanmoins, ce sheikh soutient qu'il serait
souhaitable de pratiquer la circoncision féminine en application des récits de
Mahomet132.
2. La norme a des bienfaits inconnus par la raison
Le Professeur Al-Labban dit que l'observation scientifique externe ne doit pas servir à
détruire les normes instituées par Dieu (dont la circoncision masculine et féminine) et
annoncées par Mahomet, mais à les confirmer133. Et si nous ne comprenons pas la
sagesse derrière ses normes, la faute incombe à notre raison et non à Dieu. La
législation islamique est la dernière des législations et elle est apte à régir tout temps;
notre cerveau humain ne peut pas atteindre un niveau lui permettant de la prendre en
défaut. En fait, Mahomet ne parle pas par passion134.. Il explique comment la science
confirme la norme religieuse. La circoncision féminine dite sunnah permet aux petites
veines de se souder (contrairement aux autres formes de circoncisions féminines) et
130Ibid., pp. 67-70.
131El-Saadawi: The hidden, op. cit., p. 38.
132Hamrush, Ibrahim: Khitan al-banat, dans ‘Abd-al-Raziq: Al-khitan, op. cit., p. 75.
133Il s'agit ici d'une référence au verset 23:115: "Pensiez-vous que nous vous ayons créés sans
but?"
134Il s'agit ici d'une référence au verset 53:3: "il ne parle pas sous l'empire de la passion".
31
facilite la purification après l'ablation de la partie saillante qui retient le flux menstruel
et l'urine. Cette sagesse derrière la norme islamique n'a été découverte par la science
qu'ultérieurement135.
Dans une fatwa égyptienne du 23 juin 1951, il est dit:
Les théories médicales relatives aux maladies et aux moyens de les soigner ne sont pas constantes; elles
sont sujettes à changement avec le temps et les recherches. De ce fait, il n'est pas possible de s'y fier pour
dénigrer la circoncision féminine. Le Législateur sage, expert et savant y a une sagesse et s'en sert pour
redresser la création humaine. Les expériences nous ont appris qu'avec le temps les faits nous dévoilent
ce qui nous a été caché concernant la sagesse du Législateur en ce qu'il nous a légiféré 136.
3. Ni méfaits, ni interdiction
Al-Sukkari affirme que Mahomet n'a jamais émis de réserve à l'égard de la circoncision
féminine signifiant qu'elle serait nocive. Comment dans ce cas un être humain ordinaire
peut-il l'interdire sous prétexte qu'elle est nocive pour la fille? Peut-on imaginer le
Prophète garder le silence devant un acte qui serait nocif pour la fille137? L'homme n'a
pas le pouvoir de permettre ou d'interdire, ceci étant un attribut de Dieu, exprimé dans
le Coran ou par son prophète138. Si malgré cela certains pays interdisent la circoncision
féminine, cette interdiction étatique ne change rien au fait qu'elle reste autorisée par la
loi religieuse139.
4. Maintenir la coutume à défaut de méfaits
L'Imam Shaltut, comme nous l'avons vu plus haut, ne voit pas de base pour la
circoncision masculine ou féminine, ni dans le Coran ni dans la Sunnah de Mahomet.
Pour lui, la circoncision féminine ne présente pas d'intérêt médical parce que la fille n'a
pas de prépuce qui retient la saleté. Il renvoie ensuite dos à dos les défenseurs et les
adversaires qui invoquent des raisons rationnelles pour ou contre la circoncision
féminine; tous deux exagèrent. Il conclut que la circoncision féminine pourrait être une
makrumah pour les hommes qui ne sont pas accoutumés à sentir la partie excédante; et
en cela elle ressemble au fait de soigner sa beauté, de se parfumer ou d'épiler les poils
des aisselles140. Dans un autre avis, l'Imam Shaltut se prononce pour le maintien de la
coutume de la circoncision féminine tant que son caractère nocif n'est pas prouvé141.
Le Sheikh Al-Nawawi parvient avec le même raisonnement à un autre résultat. Pour lui,
les récits de Mahomet relatifs à la circoncision féminine sont faibles et celle-ci n'a pas
de raison. L'Islam est venu modérer sa pratique parmi les arabes et elle continue à être
pratiquée sous cette forme modérée sans acquérir la qualité d'obligation en dehors de
quelques cas exceptionnels. On ne peut établir une norme sur la base d'une exception142.
135Labban, Muhammad Muhammad Al-: Khitan al-banat, dans ‘Abd-al-Raziq: Al-khitan, op.
cit., pp. 85-86.
136Nassar: Khitan al-banat, op. cit., p. 1986.
137Sukkari: Khitan, op. cit., pp. 33-37.
138Ibid., pp. 39-40.
139Ibid., p. 99.
140Shaltut: Al-fatawi, op. cit., pp. 333-334.
141Shaltut: Khitan al-banat, op. cit., pp. 89-90.
142Nawawi, ‘Abd-Allah Al-: Sa’aluni ‘an al-mar’ah, Dhat al-salassil, Kuwait, 1986, p. 103.
32
Une opinion moins précise est donnée par Al-Banna, vice-ministre égyptien pour les
affaires religieuses. Pour lui, la circoncision féminine ne peut être détachée du critère de
l'intérêt: Dieu ne nous en charge pas s'il n'y a pas d'intérêt. De ce fait, si elle présente un
intérêt, il faut la suivre; si non, il faut l'abandonner. Les médecins compétents doivent
s'y prononcer en prenant en considération toutes les filles de régions de températures
différentes, parce que le problème peut se poser autrement d'un pays à l'autre, ou même
d'une fille à l'autre. Si une fille présente une situation particulière, alors il faut la
circoncire; sinon, il faut laisser la nature humaine telle que Dieu l'a créé. Tant qu'une
telle étude n'a pas été faite, les musulmans restent libres de l'appliquer ou de ne pas
l'appliquer143.
Selon le Professeur Khallaf, les médecins ne doivent pas condamner la circoncision
féminine à partir de cas isolés, mais comparer les excisées aux non-excisées et ensuite
rendre leur jugement. S'ils concluent que la circoncision féminine est nocive et donc à
interdire, l'interdiction ne sera pas contraire à un texte de la religion, ni à une position
unanime des savants religieux144.
5. Permise mais à interdire à cause des méfaits
Le docteur ‘Abd-al-Wahid nous offre un raisonnement pour le moins étrange. Après
avoir affirmé qu'en principe la circoncision féminine est interdite au même titre qu'il est
interdit de se couper un doigt, il reconnaît que le Législateur (Dieu) a autorisé la
circoncision féminine dite sunna, tout dépassement étant interdit. Il ajoute cependant
que cette forme de circoncision est autorisée mais non obligatoire, et propose de
l'interdire en raison de ses méfaits médicaux psychologiques qu'il expose largement145.
6. Elle doit être interdite
L'opinion la plus osée et la plus cohérente d'un responsable religieux contre la
circoncision féminine est donnée par le Sheikh Abo Sabib, un soudanais dont nous
avons parlé plus haut. Il s'était exprimé devant le séminaire sur les pratiques
traditionnelles (Dakar, 1984). Les récits de Mahomet relatifs à la circoncision féminine
ne sont pas fiables. Le Coran et les récits de Mahomet ne permettent pas de faire
souffrir quelqu'un alors que la science prouve la nocivité de cette mutilation146.
Seules les deux dernières opinions prônent l'interdiction de la circoncision féminine et
optent pour le principe de l'intégrité physique. Les autres se gardent bien de l'interdire
même si certains laissent le choix au croyant. Passons maintenant à cette interdiction
sur le plan étatique.
143Banna, Muhammad Al-: Khitan al-banat, dans ‘Abd-al-Raziq: Al-khitan, op. cit., p. 79-80.
144Khallaf: Khitan al-banat, op. cit., p. 76. Voir aussi Hamrush: Khitan al-banat, op. cit., p. 75.
145‘Abd-al-Wahid, Nigm ‘Abd-Allah: Nazrat al-islam hawl tabi‘at al-gins wal-tanassul,
Matabi‘ al-manar, Kuwait, 1986, pp. 109-116.
146Pour plus de développements, voir plus haut chapitre II, § II, point 3.
33
CHAPITRE IV
INTERDICTION LEGALE DE LA CIRCONCISION FEMININE
La circoncision féminine pose plusieurs questions:
- A-t-on le droit de juger les pratiques des autres sociétés et dans ce cas, avec quels
critères?
- Peut-on au nom de la différence rester indifférent face aux mutilations dont sont
victimes les enfants?
- Faut-il distinguer entre les différentes formes de circoncision?
- Faut-il interdire la circoncision d'une manière radicale ou progressive?
- Peut-on provisoirement la permettre en milieux hospitaliers?
I. Juger les pratiques des autres
Les milieux musulmans favorables à la circoncision féminine voient dans la campagne
occidentale contre la circoncision féminine un acte impérialiste. Al-Sukkari écrit que si
on cherche aujourd'hui à la supprimer "c'est parce que l'Occident a réussi à imposer
largement ses vues laïques matérialistes à nos sciences, nos moeurs et nos arts"147.
L'Imam Shaltut qui accepte la possibilité d'interdire la circoncision féminine si elle
s'avère nocive précise que cette interdiction ne doit pas être stipulée pour imiter d'autres
peuples -allusion polie à l'Occident, mais seulement s'il est prouvé qu'elle est nocive148.
Jomo Kenyatta, feu président du Kenya, disait: "L'excision et l'infibulation soudent nos
rangs; elles sont des marques de notre fécondité"149 Ce à quoi répond Pierre Leulliette:
Des millions d'enfants de deux à quatorze ans sont affreusement torturés dans une atmosphère d'hystérie
collective, au mépris de leur sexe, au mépris de leur corps, au mépris de leur vie.... La culture sauvage
n'est-elle pas dans ce cas, la manifestation la plus basse de la phallocratie omniprésente, illimitée? Ces
mutilations ne sont-elles pas simplement d'abord un acte de haine et de peur secrètes de l'homme envers
la femme?150.
Ce problème se retrouve posé au sein des organisations internationales. Le 10 juillet
1958, le Conseil économique et social de l'ONU a invité l'OMS à "entreprendre une
étude sur la persistance des coutumes qui consistent à soumettre les filles à des
opérations rituelles, et sur les mesures prises ou projetées pour mettre fin à ces
pratiques"151. La réponse était nette: "[L'Assemblée mondiale de la santé] estime que les
opérations rituelles en question résultent de conceptions sociales et culturelles dont
l'étude n'est pas de la compétence de l'OMS"152. Et ceci malgré un rapport accablant
établi par le bureau régionale pour la Méditerranée orientale de l'OMS153
147Sukkari: Khitan, op. cit., p. 41.
148Shaltut: Khitan al-banat, op. cit., p. 89.
149Gaudio et Pelletier: Femmes, op. cit., p. 59. Voir Kenyatta, Jomo: Au pied du mont Kenya,
Maspero, Paris 1967, pp. 96-110. A la page 98, on lit: "...la clitoridectomie - tout comme la
circoncision chez les Israélites - est une mutilation corporelle considérée, en quelque sorte,
comme la condition sine qua non pour recevoir un enseignement religieux et moral complet".
150Cité par Gaudio et Pelletier: Femmes, op. cit., p. 60.
151Nations-Unis, 26ème session du Conseil économique et social, 1029ème séance plénière, 10
juillet 1958.
152OMS, 12ème assemblée mondiale de la santé, 11ème séance plénière, 28 mai 1959.
153Texte du rapport dans Terre des Hommes: Les mutilations sexuelles, op. cit., pp. 9-12.
34
Dans un communiqué sur l'excision féminine du 23 septembre 1980, l'Unicef explique
que son approche pour l'éradication d'une pratique fondée sur des modèles culturels et
traditionnels remontant à plus de 2000 ans "est basée sur la conviction que la meilleure
manière d'aborder ce problème est de déclencher une prise de conscience au travers
d'une éducation du public, de membres de la profession médicale et des agents de santé
traditionnels, et grâce à la participation des collectivités locales et de leurs
animateurs"154.
En 1984, le Comité inter-africain a préconisé que "pour des raisons psychologiques
compréhensibles, la parole dans ce domaine devrait être laissée aux Négresses". Il a
demandé de freiner, pour des raisons d'efficacité, la fougue de "cette vague des
réactions violentes et incontrôlables partie des pays occidentaux pour dénoncer ces
mutilations"155. En matière d'interdiction légale, il avait, en 1984, mis en garde contre
"une précipitation intempestive qui aboutirait à des mesures législatives hâtives qui ne
seraient jamais appliquées"156. En ce qui concerne les professionnels de la santé, il se
satisfaisait de condamner "la médicalisation et la modernisation de la pratique de
l'excision féminine, celle-ci étant non conforme à l'éthique médicale" et de
recommander d'interdire "à tout le personnel médical et paramédical de la pratiquer"
pour la même raison157.
Ce problème embarrasse les pays d'accueil occidentaux. Dominique Vernier écrit:
Dès les premières instructions [en France] portant sur des affaires d'excision (on
commence à en parler dans la presse en 1982-83), la justice est dans l'embarras et elle
ne cesse de l'être jusqu'à ce jour158.
Cet embarras est fondé en raison des principes mêmes du droit pénal. En effet, les
parents n'ont pas l'intention de porter des coups et violences à leurs enfants mais
simplement de respecter une coutume, faute de laquelle leurs filles devenues femmes ne
pourraient pas s'intégrer dans leur pays d'origine159. D'autre part, sur le plan pratique, il
n'est pas difficile pour un couple qui veut faire exciser son enfant de partir le faire dans
son pays d'origine rendant ainsi inefficace la loi du pays d'accueil. Enfin, même si les
pays d'origine adoptent des lois contre de telles pratiques, ces lois ne peuvent aller à
l'encontre d'une pratique massive intégrée au coeur même de ce qui fait cette société160.
II. Droit à la différence ou indifférence
Ce débat autour du droit à la différence fut tranché en faveur du droit à l'intégrité de la
fille (et non du garçon).
L'OMS a abandonné les réserves susmentionnées émises en 1959. Elle a appuyé en
1977 la création du premier Groupe de travail sur l'excision féminine. En février 1979,
154Unicef, Service d'information, Position de l'Unicef sur l'excision féminine, 23 sept. 1980, p.
1.
155Rapport sur les pratiques traditionnelles, Dakar, 1984, p. 67.
156Ibid., p. 71.
157Ibid., p. 7.
158Vernier, Dominique: Le traitement pénal de l'excision en France: historique, in Droit et
culture , vol. 20, 1990, p. 193.
159Ibid., pp. 193-194.
160Giudicelli-Delage: Excision, op. cit., p. 211.
35
son bureau régional de la Méditerranée orientale a organisé à Khartoum le premier
Séminaire international sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des
femmes et des enfants. Ce Séminaire recommanda l'adoption de politiques nationales
précises en vue de l'abolition de la circoncision féminine161. En juin 1982, l'OMS a fait
une déclaration formelle sur sa position vis-à-vis de l'excision féminine à la
Commission des Droits de l'homme des Nations Unies. Elle y approuva les
recommandations formulées à l'issue du Séminaire tenu à Khartoum et ajouta:
"L'opinion de l'OMS a toujours été que la circoncision féminine ne devrait jamais être
pratiquée par des professionnels de la santé dans quelque contexte que ce soit, y
compris dans des hôpitaux ou autres établissements spécialisés"162. La dernière prise de
position date de 1989: le Comité régional de l'OMS pour l'Afrique a passé une
résolution recommandant aux Etats membres:
- d'adopter des politiques et des stratégies appropriées en vue d'éliminer la circoncision féminine
- d'interdire la médicalisation de la circoncision féminine et de décourager le personnel de la santé
d'effectuer une telle opération163.
Un revirement est aussi constaté dans la position du Comité inter-africain. Alors qu'en
1984 il mettait en garde contre la promulgation de lois contre la circoncision féminine,
il a réclamé en 1987 de telles lois parce que "ni les efforts, ni les recherches, ni les
campagnes, n'ont eu un vrai impact"164. Trois ans plus tard, il a renforcé sa position en
demandant la promulgation de lois spécifiques "interdisant la pratique des mutilations
génitales féminines et des abus sexuels et prévoyant des peines pour toute personne
coupable de telles pratiques". Cette loi devrait réserver "une peine particulièrement
sévère pour les professionnels de la santé"165.
Certains pays occidentaux ont emboîté timidement le pas aux deux organisations
susmentionnés.
Ainsi la France a adopté en en 1981 l'article 312 al. 3 du code pénal qui dit:
Lorsque les violences ou privations ont été habituellement pratiquées, les peines encourues seront les
suivantes: la réclusion criminelle à perpétuité s'il en résulte une mutilation, une amputation ou la
privation de l'usage d'un membre, la cécité, la perte d'un oeil ou d'autres infirmités permanentes ou la
mort, sans que l'auteur ait eu l'intention de la donner.
Cet article est invoqué contre la circoncision féminine même s'il n'utilise pas le mot. En
Suède, une loi de 1982 interdit les interventions sur les organes externes, destinées à
mutiler ceux-ci ou à y provoquer des altérations définitives, que le consentement à
l'intervention ait été donné ou non166. La Grande-Bretagne a fait de même en 1985167.
En Suisse, l'article 122 du CPS stipule:
161Traditional practices affecting the health of women and children, Report of a Seminar,
Khartoum, 10-15 February 1979, p. 4.
162Position de l'OMS relative à la circoncision féminine, op. cit.
163WHO, Resolution of the Regional Committee for Africa, Thirty-ninth session,
AFR/RC39/R9, 13 Sept. 1989.
164Rapport sur les pratiques traditionnelles, Addis Abeba, 1987, p. 77.
165Ibid., pp. 8-9.
166Loi no 316 du 27 mai 1982 portant interdiction de la circoncision féminine, dans Recueil
international de la Législation sanitaire, 1982, p. 770.
167Loi du 16 juillet 1985 portant interdiction de la circoncision féminine, dans Recueil
international de la Législation sanitaire, 1985, pp. 1043-1044.
36
Celui qui aura mutilé le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou
rendu ce membre ou cet organe impropre à sa fonction, sera puni, de dix ans de réclusion au plus ou d'une
peine de 6 mois à 5 ans d'emprisonnement.
En outre, la Commission centrale d'éthique médicale de l'académie suisse des sciences
médicales a pris en 1983 une position nette contre la circoncision féminine et sa
pratique par le personnel médical168.
La Convention relative aux droits de l'enfant n'est pas claire à ce sujet. L'article 24
chiffre 3 affirme:
Les Etats parties prennent toutes les mesures efficaces appropriées en vue d'abolir les pratiques
traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants.
Aucune définition n'est donnée à la notion de "pratiques traditionnelles préjudiciables à
la santé des enfants". Les Travaux préparatoires ne nous sont d'aucune aide dans ce
domaine. La définition est donc laissée au bon plaisir des Etats. Ces Etats d'ailleurs
n'hésiteront pas à invoquer l'article 29, chiffre 1, lettre c) de cette Convention:
Les Etats parties conviennent que l'éducation de l'enfant doit viser à [...] inculquer à l'enfant le respect de
ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs
nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes
des siennes.
168Cette Déclaration, prise après intervention de M. Edmond Kaiser, dit ce qui suit:
Nous recommandons à tous les médecins hospitaliers et praticiens de prêter une attention
particulière à la teneur de cette Déclaration que nous publions ci-après.
La Commission centrale d'éthique médicale de l'Académie suisse des sciences médicales,
- rendue attentive au fait que des parents provenant de pays dans lesquels on pratique sur
les femmes des interventions rituelles de mutilation sexuelle essaient d'hospitaliser leurs
enfants dans nos hôpitaux ou de les confier à des établissements de soins ambulatoires en
vue de faire procéder à ces interventions,
- préoccupée par le fait que l'on puisse accéder à cette exigence pour des raisons de
compassion mal comprise ou pour d'autres motifs inconsidérés,
- convaincue que de telles interventions effectuées en vertu d'une coutume contraire aux
préceptes de notre éthique sur des mineurs incapables de discernement sont cruelles et
avilissantes, qu'elles contreviennent par là au droit éminemment personnel à l'intégrité
physique et constituent dès lors l'infraction poursuivie d'office de lésions corporelles
graves au sens de l'article 122, chiffre 1er, alinéa 2 du code pénal suisse,
déclare:
- Quiconque fût-il médecin et pratiquant dans des conditions cliniques irréprochables,
effectue des mutilations sexuelles sur des enfants et des adolescents de sexe féminin se
rend coupable de lésions corporelles graves intentionnelles au sens de l'article 122 du
Code pénal suisse. Il doit être de ce fait poursuivi pénalement d'office.
- Il viole en outre un droit fondamental de la personne humaine en procédant à une
intervention cruelle et dégradante sur une mineure incapable de discernement et qui ne
peut faire valoir son droit éminemment personnel à l'intégrité corporelle.
- Quiconque collabore à une telle intervention se rend complice sur le plan pénal et, sur le
plan général, est coupable de violation des droits de l'homme.
- Les coupables et leurs complices qui exercent la profession de médecin ou de personnel
soignant contreviennent en outre de la façon la plus grave aux principes moraux
applicables dans l'exercice de leur profession (Déclaration publiée par le Bulletin des
médecins suisses, vol. 64, 1983, cahier 34, 24.8.1983, p. 1275).
37
Signalons enfin la Déclaration de Londres issue de la 1ère Conférence d'étude
européenne sur les mutilations génitales des filles (Londres, 6-8 juillet 1992). Cette
Déclaration dit: "toute forme de mutilation et de lésion génitale de filles est une
violation de son droit humain fondamental, et doit être abolie". Elle demande aux
groupes nationaux et aux individus de "promouvoir un cadre légal d'action basé sur des
lois spécifiques contre les mutilations génitales féminines ou sur des lois générales
contre les lésions corporelles de l'enfant". Elle demande aux gouvernements et à toutes
les organisations sanitaires de "résister à toute tentative de médicalisation de la
mutilation ou de la lésion génitale de la fille"169.
III. Distinction entre les différentes formes de circoncisions
Il faut rappeler ici qu'une première distinction sur le plan de la loi et des mentalités est
faite, à tort, entre la circoncision masculine, généralement admise, et la circoncision
féminine. Ni l'OMS, ni le Comité inter-africain, ni l'Unicef, ni la Déclaration de
Londres, ni les lois occidentales interdisant la circoncision féminine n'abordent la
question de la circoncision masculine. Elle n'est pas non plus envisagée dans les
Travaux préparatoires de l'article 24 chiffre 3 de la Convention relative aux droits de
l'enfant. On y évoque la circoncision des filles, mais jamais la circoncision des
garçons170.
On aurait pu attendre, logiquement, de ces organisations et de ces lois occidentales
qu'elles établissent aussi une distinction entre les différentes formes de circoncisions
féminines dans la mesure où la circoncision féminine bénigne est assimilable à la
circoncision masculine. Or, ceci n'est nullement le cas, comme nous l'avons vu plus
haut. Lors de la Conférence susmentionnée d'étude européenne sur les mutilations
génitales des filles, la Hollande tentait d'admettre une telle distinction, mais l'OMS s'y
est opposée. Docteur Mehra qui représentait l'OMS m'a expliqué qu'elle craint
l'impossibilité de contrôler la pratique si l'on admet une forme donnée171.
Cette attitude ferme contre toute forme de circoncision féminine n'est pas partagée par
le droit musulman. Ce dernier distingue entre la circoncision féminine dite sunnah,
permise, et les autres formes qui, tout en étant largement pratiquée, sont condamnées
par les milieux religieux. Cette distinction semble être admise aussi dans les pays
musulmans.
Au Soudan, une loi datant de 1946 considère l'infibulation comme une infraction
passible d'amende et d'emprisonnement. Elle fut abrogée sous la pression du public et
remplacée par l'autorisation, pour les sages-femmes de formation, de pratiquer la
circoncision sunnah172.
Dans une feuille volante non datée en langue arabe, l'Association soudanaise pour la
lutte contre les pratiques traditionnelles dit:
- La circoncision des filles (khafd) est une atteinte à l'intégrité physique et une déformation de la création
d'être humain que Dieu a façonné de la meilleure manière et sous la meilleure forme.
- La circoncision des filles est une opération sauvage que les religions célestes ne permettent pas.
169Document remis par Dr. Leila Mehra de l'OMS.
170The U. N. Convention on the rights of the Child, a guide, op. cit., p. 351.
171Rencontre du 12 janvier 1992.
172Rapport sur les pratiques traditionnelles, Addis Abeba, 1990, pp. 63-68.
38
- La circoncision des filles n'est ni un devoir, ni une sunnah, mais un acte qui relève de l'époque
préislamique (al-gahiliyyah: la période de l'ignorance) contre l'excès de laquelle le Prophète a mis en
garde dans son récit: "Coupe légèrement et n'exagère pas car c'est plus agréable pour la femme et
meilleur pour le mari".
- La circoncision des filles ne sauvegarde pas la chasteté, cette dernière étant sauvegardée par l'éducation
qui promeut la bonne morale et l'enseignement musulman sain.
- La circoncision des filles a précédé les religions et elle est pratiquée par de nombreux peuples de
différentes religions et convictions dont seuls le Soudan, l'Egypte et la Somalie sont musulmans.
- Evitez donc la circoncision des filles.
Cette organisation, toute en rejetant d'une manière générale la circoncision féminine,
semble suggérer au troisième paragraphe la pratique de la circoncision dite sunnah en
lieu et place de la circoncision pharaonique qui a court au Soudan. Un document
préparé par le Conseil national de l'assistance sociale en collaboration avec l'UnicefKhartoum fait de même. Ce document précise que la forme bénigne de la circoncision
s'appelle sunnah, ce qui signifie qu'elle est conforme à la tradition de Mahomet; c'est
une manière de la légitimer au lieu de l'éradiquer173.
Une attitude similaire est adoptée par l'Egypte. Ce pays a promulgué un décret
ministériel (no 74 de 1959) relatif à la circoncision féminine. Le texte est très peu clair.
Il dit ce qui suit:
1. Il est interdit aux médecins d'effectuer les opérations de circoncision féminine. Si on le souhaite, seule
l'opération de circoncision partielle peut être faite, et non la circoncision totale.
2. Sont interdites les opérations de circoncision féminine dans les unités du Ministère de la santé.
3. Les sages-femmes patentées n'ont pas le droit d'effectuer une intervention chirurgicale quelconque,
dont l'opération de circoncision féminine 174.
Ce texte est extrait d'un ouvrage collectif récent sur la vie de la femme et sa santé. Les
auteurs de cet ouvrage disent que ce texte laisse à désirer puisqu'il n'interdit pas la
circoncision féminine. Il faut, de ce fait, promulguer une loi qui interdit d'une manière
absolue toute forme de circoncision féminine175
Les ouvrages juridiques et les recueils de lois égyptiens relatifs à la santé publique ne
font jamais mention de ce décret. On ne trouve pas non plus de jugements à ce sujet. En
revanche, les tribunaux égyptiens ont condamné un barbier qui avait pratiqué la
circoncision d'un garçon provoquant la mort de celui-ci. Contrairement au médecin, dit
le jugement, le barbier n'est pas protégé par la loi si son acte aboutit à la mort ou à une
infirmité. Il a refusé de prendre en considération l'objectif louable ou charitable du
barbier ou l'absence d'intention criminelle. Dans le cas d'espèce, le tribunal a appliqué
173Al-khifad al-far‘uni, ma lahu, wa ma ‘alayh, Al-Maglis al-qawmi lil-ri‘ayah al-igtima‘iyyah
& Unicef-Khartoum, Mai 1979, pp. 10-11. On constate le même problème dans un autre
document contre la circoncision: Ad-Dareer, Asma’ ‘Abd-al-Rahman: Murshid muharabat alkhifad, [Khartoum, 1982], p. 5.
174Selon une autre source, un décret du Ministère de la Santé du 24 juin 1959 a créé un comité
chargé d'étudier la circoncision féminine en Egypte ainsi que ses aspects religieux, sanitaires et
sociaux. Ce comité prit alors les décisions susmentionnées mais le premier paragraphe serait
comme suit: "Il et interdit à toute autre personne qu'à un médecin de pratiquer l'excision...". Un
quatrième paragraphe s'y ajoute: "L'excision telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui en Egypte a
des effets néfastes pour les femmes tant avant qu'après le mariage. Puisque les autorités
religieuses ont décidé qu'il était contraire au dogme islamique de pratiquer l'excision totale des
organes, ce n'est donc pas un rite islamique" (Rapport sur les pratiques traditionnelles, Dakar,
1984, p. 88).
175Farah: Hayat al-mar’ah, op. cit., p.39.
39
l'article 200 du code pénal qui prévoit trois à sept ans de travaux forcés ou de détention
en cas de blessure volontaire sans intention de donner la mort, mais l'occasionnant176.
Dans un autre jugement, la Cour de Cassation a affirmé que la sage-femme n'a pas le
droit de pratiquer la circoncision, opération réservée aux seuls médecins en vertu de
l'article premier de la loi 415/1954. Elle ajouta que toute atteinte à l'intégrité physique,
sauf cas de nécessité prévues par la loi, est punissable, à l'exception des actes effectués
par un médecin. La sage-femme en question avait circoncis un garçon d'une manière
erronée en lui coupant la glande du pénis, lui causant ainsi une infirmité permanente
estimée par le tribunal à 25%. La peine infligée à la sage femme était de six mois de
travaux forcés avec sursis pour trois ans177.
176Magmu‘at al-qawa‘id al-qanuniyyah 1931-1955, division pénale, séance du 28 mars 1938,
vol. 2, p. 824.
177 Qararat Mahkamat al-naqd, division pénale, séance du 11 mars 1974, année judiciaire 25,
p. 263.
40
IV. Mesures provisoires et préventives
Tout le monde s'accorde pour dire que les mesures légales à elles seules ne suffiront
jamais à abolir la circoncision féminine. Il faut en plus, et avant tout, éveiller la
conscience des victimes de telles pratiques. Pour cela, il faut comprendre les raisons de
ces pratiques. Entre temps, ne faudrait-il pas essayer d'éviter le pire en les permettant,
provisoirement, sous une forme modérée, en milieux hospitaliers?
1. Médicalisation
Comme nous l'avons vu plus haut, l'OMS, le Comité inter-africain, la Déclaration de
l'Académie suisse des sciences médicales et la Déclaration de Londres rejettent cette
possibilité comme contraire à la déontologie médicale. Ils réclament même des peines
sévères contre le personnel médical qui pratiquerait la circoncision féminine.
Cette attitude peut être critiquable. Une interdiction légale radicale ne fera
qu'encourager la pratique de la circoncision clandestine par des personnes qui n'ont pas
les connaissances requises pour éviter les complications mettant en danger la santé de la
femme. Le représentant du Sénégal a fait part de ce problème lors de l'élaboration de la
Convention relative aux droits de l'enfant. D'où la rédaction actuelle de l'article 24
alinéa 3178.
Dominique Vernier pense qu'il faudrait accepter la médicalisation comme elle se
pratique chez les élites intellectuelles citadines dans certains pays d'Afrique et acceptée
dans certains hôpitaux en Italie, malgré l'hostilité des médecins. Elle propose aussi la
substitution de l'excision réelle par l'excision symbolique comme elle se pratique en
Guinée. Dans ce pays la forgeronne effectue une simple rature, de manière à faire
couler quelques gouttes de sang. Une manière de préserver le rite, sans mutiler
l'enfant179.
La médicalisation risque cependant de légaliser la circoncision féminine et de la
perpétuer, notamment en raison de ses retombées économiques. Lors du Séminaire de
l'ONU à Ouagadougou, certains intervenants ont déclaré que le personnel médical, pour
des motifs essentiellement pécuniaires, tendait de plus en plus à se substituer aux
matrones et aux exciseuses et à réaliser l'excision dans les hôpitaux. Les agents de santé
non seulement tirent profit de la pratique de l'excision, mais ils la perpétuent en
réduisant au minimum les risques. La cupidité aidant, ils ignorent délibérément le côté
sinistre des mutilations sexuelles. Conscient de la confiance et des égards que leur
accorde la population, ils abusent de la naïvité des parents pour montrer le bien-fondé
de la coutume. Selon les participants au dit Séminaire, une telle orientation devrait être
sévèrement combattue parce qu'elle risque de donner une nouvelle légitimité à
l'excision180.
2. Comprendre
178The U. N. Convention on the rights of the Child, a guide, op. cit., p. 351.
179Vernier: Le traitement pénal, op. cit., pp. 198-199.
180Rapport du Séminaire des Nations Unies relatif aux pratiques traditionnelles, op. cit., pp. 7
et 10.
41
A. Gaudio et R. Pelletier voient dans la circoncision féminine "une expression du
pouvoir masculin"181, une "volonté diabolique de contrôler la sexualité féminine,
tyrannie infinie du mâle dominateur sous l'alibi de la culture"182.
Nawal El-Saadawi, elle-même excisée, explique le maintien de la circoncision féminine
dans la société arabe par la volonté de domination de l'homme:
The importance given to virginity and an intact hymen in these societies is the reason why female
circumcision still remains a very widespread practice despite a growing tendency, especially in urban
Egypt, to do away with it as something outdated and harmful. Behind circumcision lies the belief that, by
removing parts of girls' external genital organs, sexual desire is minimized. This permets a female who
has reached the dangerous age of puberty and adolescence to protect her virginity, and therefore her
honour, with greater ease. Chastity was imposed on male attendants in the female harem by castration
which turned them into inoffensive eunuchs. Similarly female circumcision is meant to preserve the
chastity of young girls by reducing their desire for sexual intercourse 183.
Elle ajoute que la circoncision féminine est un moyen pour dominer la femme, surtout
dans une société patriarcale dans laquelle un homme peut avoir plusieurs femmes. On a
eu ainsi recours à différents moyens pour la plier sexuellement à un seul homme et
contrôler à qui appartiennent les enfants184.
Pour le Docteur Gérard Zwang, la circoncision est motivée par "la culpabilisation
métaphysique". C'est la motivation "de toutes les mutilations sexuelles que les humains
s'infligent depuis qu'ils ont inventé les couteaux de pierre ou de métal. Celle qui rend
nulle et non avenue toute considération non religieuse, métaphysique":
Par culpabilisation métaphysique, la plupart des humains offrent aux dieux, à la
divinité, aux esprits, des sacrifices. De plaisirs terrestres, de joies charnelles, d'organes
destinés au plaisir. Dans le but d'obtenir "une bonne situation" dans la vie extra, supra
ou infra-terrestre qui suit nécessairement (!) la mort. D'où les jeûnes, carêmes,
ramadans, aliments tabous, d'où les prescriptions limitatrices de la vie sexuelle,
chasteté, continence, retaillage divers des organes génitaux (circoncision, excision,
infibulation, subincision, hémi-castration, etc.)185.
L'intérêt économique peut aussi expliquer le maintien de la circoncision féminine. Nous
l'avons vu plus haut concernant la circoncision en milieux hospitaliers. On peut aussi le
constater en milieux traditionnels où les sage-femmes qui profitent financièrement de
telles pratiques ne sont pas prêtes à renoncer à ces pratiques186. Dans certaines régions,
le métier d'exciseuse se transmet de mère en fille, et la survie de la famille en dépend.
L'éradication de la pratique de l'excision aurait pour conséquence de supprimer l'unique
source de revenu de la famille. De ce fait, on préconise un système de recyclage afin de
faire des exciseuses des matrones, leur permettant ainsi d'abandonner l'excision au
profit d'une autre activité rémunératoire187 L'intérêt économique joue aussi un rôle en
181Gaudio et Pelletier: Femmes, op. cit., p. 53.
182Ibid., p. 57.
183El-Saadawi: The hidden, op. cit., p. 33.
184Ibid., p. 40-41.
185Zwang, Gérard: La fonction érotique, op. cit., pp. 275.
186El-Saadawi: The hidden, op. cit., p. 41.
187Rapport du Séminaire des Nations Unies relatif aux pratiques traditionnelles, op. cit., pp.
10-11.
42
ce qui concerne la circoncision masculine. Au Canada, où les assurances commencent à
refuser le remboursement de la circoncision, celle-ci est en nette régression188.
Il faut ajouter que la dot est plus élevée lorsque la fille est vierge au moment du mariage
que si elle ne l'est pas; la virginité des jeunes filles est donc un avantage à monnayer.
Cela explique souvent l'ardeur de certains peuples à défendre la pratique de
l'infibulation189.
3. Eduquer
Nawal El-Saadawi affirme que les filles avec lesquelles elle avait discuté n'étaient pas
conscientes du préjudice que la circoncision féminine pouvait leur causer. Certaines
pensaient même qu'elle était bon pour la santé et la propreté, surtout parce que le mot
utilisé dans le langage commun est la purification (taharah). Les filles croient que cette
opération visait à les purifier, à empêcher les gens de parler contre elles, à les empêcher
de courir les hommes et à éviter la répulsion de leur mari. Après leur guérison, Elles
avaient un sentiment de satisfaction d'avoir été purifiées. Ce type de réponse, Nawal ElSaadawi l'avait obtenu même de la part d'étudiantes en médecine, lesquelles n'avaient
jamais appris de leurs professeurs ou de livres étudiés que le clitoris avait une fonction
sexuelle. Jamais on ne posait de question au sujet du clitoris à l'examen de médecine, le
clitoris étant considéré sans importance190.
D'après les témoignages recueillis par Wedad Zenie-Ziegler de femmes égyptiennes, les
paysannes pratiquent la circoncision féminine parce que "cela s'est toujours fait"; elles
n'en connaissent pas la raison191. "L'idée que cette opération puisse représenter une
mutilation ne leur vient même pas à l'esprit"192.
Wedad Zenie-Ziegler ajoute que ces femmes vont "s'appliquer à perpétuer le rituel, tant
qu'elles n'auront pas compris que ce sacrifie est inutile et qu'il s'inscrit dans un immense
complot destiné à les assujettir à la domination masculine"193.
188Nocirc Newsletter, vol. 5, no 2, 1991, p. 3.
189Rapport du Séminaire des Nations Unies relatif aux pratiques traditionnelles, op. cit., p. 9.
190El-Saadawi: The hidden, op. cit., pp. 34-35.
191Zenie-Ziegler: La face voilée, op. cit., pp. 62-63, 72.
192Ibid., p. 137.
193Ibid., pp. 137-138.
43
CHAPITRE V
LE 3EME SYMPOSIUM INTERNATIONAL SUR LA CIRCONCISION
Entre le 22 et le 25 mai 1994, s'est tenu à Université de Maryland, près de Washington,
le troisième symposium sur la circoncision. J'y ai été invité pour présenter une
conférence intitulée: Muliter au nom de Yahvé ou d'Allah: légitimation de la
circoncision masculine et féminine. Il s'agissait d'exposer la position du droit musulman
face à la circoncision masculine et féminine.
Le rapport suivant sur ce symposium permet au lecteur de comprendre les enjeux de la
cironcision tels qu'ils se posent aux Etats-Unis.
I. Organisateurs et participants
Ce symposium a été organisé par NOCIRC (National organization of circumcision
information resource centers)194. Y ont participé une centaine de personnes appartenant
aux trois religions monothéistes (Christianisme, Judaïsme et Islam) venant des ÉtatsUnis, du Canada, du Mexique, de l'Australie, de l'Angleterre, de la France, de la Suisse,
de la Somalie et de l'Égypte.
Une quarantaine de conférenciers se sont exprimés dans ce symposium, chaque
conférence étant suivie de débats. Nous avons aussi vu deux films, l'un sur la
circoncision masculine aux États-Unis et l'autre sur la circoncision féminine en
Somalie.
Tous les aspects de la circoncision ont été traités: médicaux, psychologiques,
économiques, religieux et juridiques. Ma propre conférence traitait de la circoncision en
droit musulman. Elle a été précédée et suivie de conférences sur la circoncision dans le
christianisme et le judaïsme.
Une exposition de photos et de dessins a été organisée dans une salle où on pouvait en
outre acheter ou acquérir gratuitement de nombreux documents et ouvrages produits
essentiellement par les conférenciers et les groupes qui ont participé au symposium. Un
groupe avait fait quarante copies de mon étude susmentionnée; elles ont été toutes
vendues.
Le symposium a été clos le 25 mai par un banquet lors duquel ont été distribué sept
diplômes aux personnes qui ont contribué à faire avancer la lutte contre la circoncision
tant masculine que féminine. Le 26 mai a eu lieu une manifestation à Washington
contre la circoncision (voir plus loin).
II. Raisons de ce symposium
194National organization of circumcision information resource centers (NOCIRC), P.O.Box
2512, San Anselmo, CA 94979-2512, USA, tél. (415) 488-9883. C'est l'organisation la plus
importante dans la lutte contre la circoncision masculine et féminine. Elle est fondée et présidée
par Mme Marilyn Fayre Milos, une infirmière qui a été renvoyée de son travail en raison de ses
prises de position.
44
Comme son titre l'indique, le symposium en question est le troisième du genre. Ce qui
démontre en soi que la circoncision est un véritable problème, notamment aux ÉtatsUnis. Quel est ce problème?
La circoncision infantile est passée de l'Angleterre aux pays anglophones après 1870
comme moyen pour prévenir ou soigner la masturbation considérée dans ce temps-là
comme la cause de l'alcoolisme et de nombreux désordres physiques et mentaux. Après
que cette théorie a été déclarée fausse en 1948 par le Service national britannique de la
santé, le taux des circoncis a été réduit à moins d'un 0.5% en Angleterre. Le taux des
circoncis au Canada et en Australie a aussi baissé mais reste encore d'environ 20%.
Aux États-Unis, avec le développement des naissances dans les hôpitaux, la
circoncision infantile est restée largement pratiquée. La communauté médicale a essayé
de trouver des justifications "médicales" pour la maintenir. Encore aujourd'hui, les
États-Unis restent le seul pays au monde dont la majorité des nouveau-nés mâles sont
circoncis pour des raisons non-religieuses. Ce taux est aujourd'hui de 60%, avec des
différences d'une région à l'autre. Environ 3'300 bébés subissent la circoncision
quotidiennement dans les hôpitaux des États-Unis. Ce qui représente plus de 1'250'000
enfants circoncis chaque année. Plusieurs bébés meurent à la suite de cette opération
pratiquée sans anesthésie, et de nombreuses complications médicales en résultent. La
circoncision est considérée aujourd'hui comme une des raisons de la violence qui règne
dans la société américaine où le taux du crime est six fois plus élevé qu'en Europe. En
effet, la circoncision porte atteinte au cerveau de l'enfant. Elle porte aussi atteinte au
fonctionnement normal de la sexualité chez les adultes: selon les cas, un quart de la
peau du pénis du bébé est coupé. Ce qui a poussé de nombreux américains à recourir à
une restauration de leur prépuce (voir plus loin).
Aux États-Unis, l'Académie médicale de pédiatrie adopte une position neutre face à la
circoncision. Elle laisse aux parents la décision de circoncire ou de ne pas circoncire
leurs enfants. On ne peut cependant dire qu'ils soient informés des implications de leur
décision. Les médecins donnent rarement des informations sur les bienfaits ou les
méfaits de la circoncision. L'opération devient de la sorte une routine, faite d'une
manière barbare (et le mot n'est pas trop fort) par des médecins intéressés par le gain
matériel, avec le consentement non-éclairé de parents ignorants, sur des enfants qui ne
peuvent exprimer leurs désirs. Certes, la circoncision pourrait, dans des cas rarissimes,
être utile pour soigner certaines maladies comme le phimosis. Mais sa pratique actuelle
aux États-Unis, comme partout ailleurs dans le monde, dénote une banalisation
coupable au mépris de l'intégrité physique de l'enfant.
III. Combattre la circoncision en identifiant ses acteurs
Durant ce symposium, les participants ont essayé de voir comment on pouvait mettre
fin à la circoncision masculine. Pour ce faire, il fallait s'adresser aux acteurs impliqués
dans la circoncision.
1. Les médecins
Il s'agit d'une corporation qui est très difficile à affronter. Les participants avaient peu
confiance en eux: un médecin tire profit de l'opération de la circoncision et on ne peut
lui demander de couper la branche sur laquelle il est assis. L'opération de la
circoncision et le commerce du prépuce (utilisé pour les grands brûlés), constituent un
marché juteux aux États-Unis d'un à deux milliards de dollars par année. Malgré cela,
45
certains médecins se sont convertis et sont devenus des opposants à la circoncision.
Certains sont venus apporter leurs témoignages et plaider contre la circoncision. L'un
d'eux a offert à NOCIRC le plateau sur lequel il circoncisait et nous a donné une
conférence intitulée: "Leave it alone".
2. Les infirmières
Il y a aussi les infirmières qui participent aux opérations de circoncision. Ces
infirmières peuvent être facilement mobilisées contre la circoncision en raison des
souffrances atroces dont elles sont témoins lors de la circoncision des bébés. Une telle
opération, faut-il le dire, se passe dans les premiers jours qui suivent la naissance et elle
est faite sans anesthésie. Nous avons pu voir un film d'une telle opération et écouter
plusieurs fois la voix d'un enfant circoncis. C'est véritablement insupportable. Ce n'est
d'ailleurs pas sans raison que la circoncision se passe toujours en l'absence des parents,
à portes fermées. Le bébé est attaché aux pieds et aux mains et immobilisé sur un
plateau en plastique moulé dans sa forme. Son prépuce est tiré et coincé par une pince
en métal et le prépuce est coupé par une lame. Nous avons pu voir le plateau: un
véritable instrument de torture.
Les infirmières cependant craignent d'être démises de leurs fonctions si elles refusent de
participer à de telles opérations en tant qu'objecteuses de conscience. Ainsi, la
fondatrice de NOCIRC était une infirmière. Elle a perdu son travail en raison de son
opposition à la circoncision. Actuellement, il semblerait que l'opposition soit plus facile
à faire. Une douzaine d'infirmières de l'hôpital St-Vincent, à Santa Fe, Nouveau
Mexique (dont plusieurs de religion juive)195, ont informé par lettre leur direction
qu'elles refusent désormais de participer à la circoncision. Trois de ces infirmières (dont
deux juives) étaient présentes lors du symposium et nous ont donné les raisons pour
lesquelles elles ont pris cette décision: ces raisons sont les suivantes:
- La circoncision néonatale est une violation du droit du nouveau-né mâle à un corps
intact.
- Il n'existe pas de raison médicale valable pour l'amputation du prépuce. Amputer le
prépuce prive l'enfant d'une partie de son corps qui a une fonction protectrice et
sexuelle.
- La circoncision est une opération chirurgicale qui comporte des risques de
complications, comprenant l'hémorragie, l'infection et la mutilation.
- La circoncision néonatale est pénible. Souvent elle a lieu sans anesthésie ou avec une
anesthésie inadéquate. En outre, la souffrance postopératoire est rarement traitée.
- L'information des parents dans ce domaine est très souvent incomplète et basée sur
des mythes.
- L'enfant n'est pas en mesure dans cet âge vulnérable d'exprimer ses propres désirs ou
de se protéger.
Ces infirmières ont fait pleurer tout le monde dans la salle.
3. Les assurances
Les assurances peuvent jouer un rôle important dans l'abolition de la circoncision
masculine. Ainsi au Canada où les assurances refusent de payer les frais de la
circoncision, le taux des circoncis est en chute libre. Ceci semble être aussi le cas dans
195Adresse de contact: Nurses of St. Vincent Hospital, c/o Ann Lown, R.N., P.O.Box 8824,
Santa Fe, NM 87504, USA.
46
certains États des États-Unis. Les organisateurs et les participants voudraient
convaincre les assurances de ne plus payer pour la circoncision.
4. Les responsables religieux
La circoncision est pratiquée par les adeptes des trois religions monothéistes: Juifs,
Musulmans et Chrétiens.
En ce qui concerne les Juifs, la circoncision masculine découle de la Bible (Genèse
17:9-14 cités plus haut).
C'est en effet de cette communauté que provient l'opposition la plus farouche contre
l'abolition de la circoncision. Les justifications soit disant "médicales" de la
circoncision ont été fournies principalement par les chercheurs de religion juive. Des
pays occidentaux ont établi des lois contre la circoncision féminine, mais n'osent pas
faire de même pour la circoncision masculine de peur qu'ils ne soient traités
d'antisémites. Il faut cependant observer que des voix juives américaines s'élèvent
contre la pratique de la circoncision (voir plus loin).
Les Musulmans pratiquent systématiquement la circoncision masculine. Pourtant le
Coran ne fait aucune mention de cette pratique. Bien au contraire, on peut y trouver des
versets qui peuvent être invoqués contre elle:
Notre Seigneur! Tu n'a pas créé tout ceci en vain (3:191).
[Dieu] a bien fait tout ce qu'il a créé (32:7).
[Le démon dit]: "Oui, je prendrai un nombre déterminé de tes serviteurs; je les égarerai
et je leur inspirerai de vains désirs; je leur donnerai un ordre, et ils fendront les oreilles
des bestiaux; je leur donnerai un ordre, et ils changeront la création de Dieu" (4:119).
On peut déduire des deux premiers versets que le prépuce est une partie intégrante du
corps humain créée par Dieu et on ne saurait le supprimer pour parfaire l'oeuvre de
Dieu. Le troisième verset considère le changement de la nature comme une obéissance
au démon.
La pratique de la circoncision chez les musulmans provient principalement des normes
juives: chaque musulman doit se circoncire comme Abraham qui est considéré comme
un modèle. On invoque aussi des récits peu fiables de Mahomet. Ces récits ont été
réunis 200 ans après la mort de Mahomet.
En ce qui concerne les Chrétiens, Saint Paul leur propose la circoncision dans le coeur
au lieu de la circoncision dans la chair (Épître aux Romains 2:29). Malgré cela, il existe
un courant chrétien évangélique aux États-Unis qui suit la Bible à la lettre et croit que
ce livre comporte des normes médicales scientifiques que le croyant devrait suivre, dont
la circoncision. A signaler ici que les Mormons pratiquent largement la circoncision
bien que leur Livre saint considère les normes bibliques relatives à la circoncision
comme abrogées.
5. Les organisations internationales
Les organisations internationales refusent de se mouiller dans ce domaine. Elles ont
peur d'être traitées d'antisémites. C'est le cas notamment de l'Organisation mondiale de
la santé, du Conseil de la Population de l'ONU, du Comité inter-africain.
47
6. Le législateur national: vers une loi incriminant la circoncision
Fallait-il passer une loi incriminant la circoncision masculine? Telle était la question qui
revenait souvent lors du symposium. Bien que de nombreux juifs opposés à la
circoncision aient participé au symposium, ils étaient en général contre l'adoption d'une
telle loi. La majorité des participants cependant étaient d'avis qu'il fallait faire une loi
qui incrimine la circoncision masculine au même titre que la circoncision féminine. Il
n'y avait aucune raison pour distinguer entre les deux formes de circoncisions, toutes
deux étant des mutilations sexuelles d'organes sains pratiquées sur des enfants non
consentants. Il n'y avait aucune raison qui puisse justifier de telles mutilations. Si le
prépuce était inutile, la nature ne l'aurait pas créé. Il fallait dans tous les cas laisser
l'enfant intact jusqu'à l'âge de 18 ans et lui laisser la liberté de décider de se faire
circoncire ou non. Il est libre, une fois grand, de se faire couper les oreilles s'il le veut,
mais on n'a pas le droit de disposer de son corps quant il est bébé.
J'étais le seul juriste présent dans le symposium. J'ai demandé aux organisateurs
d'inviter la prochaine fois d'autres juristes et des professeurs de droit afin de pouvoir
présenter un projet de loi condamnant la circoncision masculine et féminine. Je leur ai
aussi proposé
- d'identifier les professeurs de droit qui pourraient être intéressés par ce sujet dans leur enseignement et
de mettre à leur disposition le matériel nécessaire;
- de fournir aux bibliothèques de droit les documents de base pour pousser les chercheurs à faire des
études dans ce domaine.
Certes, l'adoption d'une loi incriminant la circoncision masculine provoquera la colère
et l'opposition des milieux juifs. Mais si une loi doit être adoptée, les États-Unis sont les
premiers à pouvoir le faire en raison de leur soutien inconditionnel à Israël. C'est le seul
pays qui ne craint pas d'être traité d'antisémite et c'est dans ce pays que l'opposition à la
circoncision est la mieux organisée.
IV. Comment restaurer son prépuce
Ce titre peut prêter à rire. Il s'agit en réalité d'une méthode connue dans le passé,
notamment dans la période hellénique (323-30 avant J.-C.) et dans l'empire romain (27
avant J.-C. - 140 après J.-C.). Elle est mise au point aux États-Unis.
Cette méthode part de la constatation que la circoncision masculine est une atteinte à
l'intégrité physique qui perturbe le fonctionnement normal de l'organe masculin mutilé,
notamment lorsque une grande partie du prépuce est coupée. Elle consiste à provoquer
l'extension (stretching) de la peau du pénis pour compenser la partie coupée par la
circoncision. Il s'agit notamment de tirer la peau du pénis et de la bander dans une
première étape avant d'y suspendre des objets métalliques d'un certain poids fixés par
du sparadrap. L'opération dure environ quinze mois au bout desquels la peau du pénis
retrouve la longueur qu'elle devait avoir si elle n'était pas circoncise.
Cette méthode a été expérimentée par Jim Bigelow sur lui-même et sur d'autres196. Jim
Bigelow n'est pas un médecin, mais un docteur en psychologie et un pasteur de l'Église
196Adresse: Mr. Jim Bigelow, P.O.Box 52138, Pacific Grove, CA 93950, USA tél. (408) 3154326.
48
évangélique. Il a exposé cette méthode dans un livre197. J'ai acheté ce livre qui est plein
de renseignements non seulement sur la restauration du prépuce, mais aussi sur la
circoncision en général, notamment telle que pratiquée aux États-Unis. Il s'agit d'un
ouvrage scientifique de 239 pages, très sérieux et fortement documenté. C'est
probablement le plaidoyer le plus vibrant contre la circoncision masculine jamais écrit.
Jim Bigelow est un homme charmant et plein d'humour. Il était présent au symposium.
Il nous a donné une conférence avec de nombreuses diapositives. Il n'hésitait pas à
parler d'une histoire à succès et m'a avoué par la suite qu'il avait écrit son ouvrage par
esprit de charité chrétienne. La restauration du prépuce selon sa méthode a été
accomplie avec succès par des centaines de circoncis, non seulement chrétiens, mais
aussi juifs (ce qui n'a pas manqué à provoquer la colère des rabbins). Accueillis au
début avec scepticisme par les milieux médicaux, son ouvrage et sa méthode ont fini
par être reconnus. Quelques Européens y ont recours. Deux médecins étaient même
venus de l'Australie pour assister à sa conférence. De nombreux témoins chrétiens et
juifs présents dans la salle ont apporté leur appui à Jim Bigelow et ont avoué qu'ils en
avaient tiré un grand profit sur le plan sexuel. Bien plus, de nombreux groupes de
soutien aux circoncis désireux de restaurer leurs prépuces se sont constitués aux ÉtatsUnis et même en Europe dans le but de prodiguer gratuitement conseil et appui
moral198.
V. Manifestation à Washington
Le 26 mai, les organisateurs du symposium et les participants ont fait une manifestation
à Washington devant le Physician Committee for responsible medecine (P.O.Box 6322,
Washington DC 20015). Plusieurs participants avaient porté des copies de leur certificat
de naissance sur lequel était inscrit le médecin qui les avaient circoncis. Ils les ont
brûlés devant cet organisme avec la Déclaration universelle des droits de l'homme qui
ne protège pas les droits de l'enfant contre les mutilations sexuelles. Comme cet
organisme se situait devant la télévision nationale, plusieurs photographes et
cameramen étaient présents à la manifestation.
Le directeur de cet organisme (Mr. Neal Barnard, M. D.) a demandé aux manifestants
de former un comité pour le rencontrer. La présidente de NOCIRC, le président de
NOHARMM199, deux autres membres de NOCIRC, une infirmière juive objecteuse de
conscience qui refuse de participer aux opérations de circoncision et moi-même
(chrétien d'origine palestinienne) ont été sélectionnés. La discussion a duré environ 45
minutes.
Le directeur était très sympathique et a donné la parole à chacun de nous. Moi-même, je
me suis présenté comme juriste suisse, chrétien d'origine palestinienne, et l'infirmière
s'est présentée comme américaine de religion juive fière d'être en ma compagnie en tant
que palestinien. Ce qui a contribué à calmer le directeur. Celui-ci disait qu'il avait tant
de problèmes médicaux à régler aux États-Unis qu'il ne pouvait s'occuper du problème
197Jim Bigelow: The Joy of Uncircumcising, restore your birthright and maximize sexual
pleasure, édité par Hourglass, Book publishing, P.O.Box 171, Aptos, CA 95001, USA.
198Adresse: Mr. R. Wayne Griffiths, RECAP - UNCIRC, 3205 Northwood Drive, Ste. 209,
Concord, CA 94520-4506, USA tél. (510) 827-4077, Fax (510) 827-4119.
199National organization to halt the abuse and routine mutilation of males (NOHARMM), POB
460795, San Francisco, CA 94146-0795, USA, Tel/Fax 415-826-9351. Cette organisation est
fondée et présidée par Mr. Tim Hammond.
49
de la circoncision sans devoir laisser de côté un autre problème. Il avançait aussi le
problème du budget. Ce à quoi nous lui avons répondu qu'en commençant par le respect
de l'enfant, il aura moins à s'en occuper une fois grand et épargnera de la sorte beaucoup
d'argent. Quant aux objectifs, nous lui avons dit qu'il fallait éduquer les parents et faire
une loi interdisant la circoncision masculine au même titre que la circoncision féminine.
Dans l'opération de circoncision, l'enfant n'est pas consentant, et ses parents ne peuvent
pas consentir à sa place en matière de circoncision. Dans tous les cas, pour que les
parents puissent consentir valablement, il faudrait qu'ils soient bien informés. Ce qui
n'est nullement le cas actuellement aux États-Unis. Moi-même, j'ai exprimé mon
indignation devant le taux élevé et injustifié des circoncisions pratiquées aux ÉtatsUnis; une telle pratique viole les droits de l'homme que les États-Unis prétendent
défendre.
Lorsque nous sommes sortis de la rencontre avec le directeur, l'infirmière juive et moimême avons déclaré devant les cameramen que c'était la première fois dans l'histoire
humaine qu'une juive et un palestinien s'unissaient pour sauver les enfants du monde au
lieu de tuer les enfants des uns et des autres comme au Proche-Orient. Nous en étions
fiers comme des coqs.
Ce sentiment de fierté était d'ailleurs partagé par tous les participants au symposium.
Tous avaient le sentiment d'être des pionniers et que leur prise de position avait une
valeur historique. C'est la première fois dans l'histoire qu'un groupe décide de lutter
pour mettre fin à une pratique qualifiée unanimement comme barbare et dégradante.
Les différents travaux du symposium seront publiés. J'espère vivement que les milieux
médicaux suisses s'intéresseront à ces travaux et prendront position contre la
circoncision tant masculine que féminine. J'espère surtout que les infirmières suisses
suivront l'exemple des courageuses infirmières de Santa Fe et refuseront d'assister aux
opérations de circoncision pratiquées dans les hôpitaux suisses.
CONCLUSION
Pour nous, un Dieu qui exige de ses croyants de se mutiler pour les marquer, par leur
sexe, comme on marque du bétail, est un Dieu d'une morale douteuse. On peut
comprendre que la circoncision masculine ou féminine, comme toute autre intervention
médicale, puisse être justifiée dans des cas spécifiques et sur indications médicales
individuelles. Mais mutiler les enfants, garçons ou filles, et en prétendant leur faire du
bien, relève du cynisme et du fanatisme.
A cet effet, il n'existe aucune raison qui puisse justifier la distinction entre circoncision
féminine et la circoncision masculine. Le Docteur Zwang va encore plus loin. Il
affirme: "On ne pourra jamais mettre fin à la circoncision féminine tant qu'on continue
à pratiquer la circoncision masculine. Comment voulez-vous convaincre un Africain de
ne pas circoncire sa fille si en même temps vous lui permettez de circoncire son
fils?"200. On ne peut, à cet effet, que condamner l'attitude des organisations
internationales et non-gouvernementales pour la dissociation de ces deux types de
mutilations, légitimant de la sorte la circoncision masculine.
200Entretien téléphonique du 7 janvier 1993.
50
La religion a été un instrument pour justifier la circoncision masculine et féminine. Il
faudrait donc démasquer son caractère irrationnel et dénoncer le rôle néfaste de certains
milieux religieux qui la défendent ou qui refusent de la combattre.
C'est le but de cette étude qui, je l'espère, contribuera au respect des droits des enfants.
Avis aux intéressés
Je dispose d'un grand nombre de documents sur la circoncision masculine et féminine.
Ils sont mis à la disposition de toute personne intéressée. Je suis aussi prêt à discuter de
ce problème avec ceux qui le souhaitent. Il suffit à cet effet de me contacter à l'adresse
suivante: Sami Aldeeb, Institut suisse de droit comparé, 1015 Lausanne. Tél.
021/6924912. Fax 021/6924949.
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