Richard TRACHSLER (éd.), Moult obscures paroles. Etudes sur la prophétie médiévale, Paris : Presses universitaires de Paris-Sorbonne (Collection Culture et Civilisations médiévales), 2007, 24 cm, 271 p., ISBN 9762-84050-480-1, 28 €. NL 1. Prophète= filtre nécessaire entre divin et humain, nécessité de métaphore --> décodage. Risque de mécompréhension en fonction de nos désirs. Tension entre « tout est écrit » et possibilité d'un choix face à l'injonction divine. 2. Astrologie latine = science; relation ambiguë avec théologie: admise pour conseiller, supposée régir les tendances de l'homme mais sauvegarde du libre arbitre. Rôle important de l'astrologue de cour, transmission du savoir vers l'élite politique (non vers peuple {aujourd'hui: démocratisation de l'astrologie comme en Egypte démocratisation de la momification}). Les traités en langue vulgaire du XIIIe s. ne transcrivent pas le savoir de leur époque mais celui, dépassé, d'époques antérieures. 3. Etat de la recherche concernant les écrits divinatoires. 5 catégories selon le support utilisé pour la divination: a) dates, b) astrologie c) ésotérique d) tirage au sort e) éléments physiques, lignes de la main etc. ad a) Le nombre des jours périlleux habituellement = 32. Lunaires souvent attribués à Salomon. ad d) p.ex. ouvrir au hasard les livres sacrés. ad e) le plus répandu: chiromancie. 4. Tension entre acceptation et critique de la divination traverse l'Histoire depuis l'Antiquité. Souligne la différence avec prophétie biblique: plutôt clairvoyance que prédiction. Cite critique de Cicéron etc. (txt latins traduits). Tradition chrétienne renoue avec divination par le truchement des « signes » prémonitrices du Jugement. Accompagnée de satires: au MA des satires mettent en scènes des fausses prophéties (évidences comme « le jour suit la nuit »). A toute époque le besoin de connaître et de maîtriser son destin coexistent avec la critique et la moquerie sur cette naïveté. 5. Livre de Sydra à comprendre sur fond d'intertextualité avec le livre de Daniel et les prophéties de Merlin. S'inscrit dans la discussion de l'époque sur l'essence de la prophéties. 6. Analyse les mss qui placent au centre de la trilogie Joseph-Merlin-Arthur les « prophéties de Merlin » en français, notamment les différences par rapport aux versions latines. La même interpolation des prophéties au sein de la trilogie se trouve en espagnol. Effet: lier temps mythique et attente nationaliste du moment. 7. Analyse trois adaptations françaises de l'Histoire des Rois de Bretagne. Diffusion des version vernaculaires de loin inférieure aux mss latins. Compare les version que les traducteurs donnent des prophéties, transmises par de multiples variantes textuelles témoignant de l'obscurité du txt. 8. Analyse des commentaires latins (env.20) des prophéties de Merlin. 8 s'arrêtent à la n° 12 (= ex eventu), les autres continuent en interprétant les prophéties 12-20 en fonction des événements du XIIe s. Le plus ancien commentaire complet attribué, probablement de façon erronnée, à Alain de Lille. 9. Analyse une verison romanesque des prophéties de Merlin de 1270, œuvre d'un franciscain vénitien partisan des guelfes. Utilisation des prophéties comme outil de propagande politique. Frédéric II= Antechrist. 10. Biblio de 41 page, regroupée en thèmes, surtout astrologie, magie et divination, ainsi qu'utilisation politique des prophéties au Moyen Age. Recension L'introduction de l'éditeur situe la prophétie comme filtre nécessaire entre le divin et l'humain. L'inadéquation des deux implique à la fois l'utilisation de métaphores et leur décodage. Celuici, guidé par l'attente et les désirs des destinataires, conduit volontiers à de fausses interprétations qui font partie de l'histoire du prophétisme et sont favorisées par le langage volontiers obscure dans lequel il s'exprime. Une première partie de quatre articles traite des pratiques médiévales, notamment l'astrologie et la divination. Doris Ruhe explore la tension entre ces pratiques et la théologie au Moyen Age. L'astrologie est censée régir les tendances de l'homme mais les théologiens soulignent néanmoins la réalité du libre arbitre. L'astrologue de cour joue un rôle politique important. Citons comme particulièrement intéressante la contribution d'Alessandro Vitale Brovarone qui souligne que la tension entre acceptation et critique de la divination traverse l'Histoire depuis l'Antiquité. Textes de Cicéron et Rabelais à l'appui, (remarquons que, contrairement à la plupart de ses co-auteurs, il donne la traduction française des textes cités ce qui est fort appréciable) il met en évidence que, contrairement à la prophétie biblique qui est plutôt clairvoyance que prédiction, la tradition chrétienne renoue avec la divination antique et que, tout comme celle-ci, elle est accompagnée de satires. L'auteur en cite quelques exemples particulièrement truculents avant de conclure qu'à toute époque le besoin de connaître et de maîtriser son destin coexistent avec la moquerie sur cette naïveté. La deuxième partie rassemble quatre contributions concernant les prophéties de Merlin, tant dans les manuscrits latins que français. L'utilisation des prophéties au service de la propagande politique est particulièrement mise en évidence. Une excellente bibliographie classe (en quarante et une pages) les sources et les travaux concernant la prophétie médiévale par thèmes, dont notamment l'astrologie, la magie et la divination, ainsi que l'utilisation politique de la prophétie. L'index des auteurs et des manuscrits, ainsi qu'une table des illustrations clôt cet ensemble qui livre un éclairage intéressant sur tout un pan de la pensée médiévale plus ou moins intégrée dans la théologie de son époque. Waltraud Verlaguet