Besogne (n,f)
Identification du mot:
V.3252: "li besoinz les en fait isniaux ;" = la nécessité les fait aller vite.
V.3532: "parfaire bien cette besoingne" = aider à ce combat.
V.3920: "mes pour la besoingne le roi." = mais pour les besoins du roi.
Étymologie:
Besogne vient du francique °bisunnia", "soin, besoin" lui-même formé sur le francique "°sunnja" « le souci ». Ce dernier
est attesté en latin médévial ; ce terme juridique au sens de « excuse légitime alléguée par les faillant en justice » d’où
l’ancien français "soigne". Le préfixe bi- a d’abord exprimé la proximité et a fini par être un moyen pour renforcer le sens
du mot.
Sens du mot en Ancien Français:
- nécessité, intérêt
- l’activité, l’occupation (de façon abstraite) "bien faire sa besogne" « servir au mieux ses intérêts » ou « bien faire sa
mission »
- nécessité (générale) (nécessité vitale, physiologique, de la disette, de la misère) : s’applique à toute chose ou personne
nécessaire, indispensable 12ème siècle
- querelle, combat guerrier
Sens du mot dans le contexte:
A le sens de nécessité, d’intérêt, mais aussi de combat.
Paradigme morphologique (mots de la même famille):
- embesogner verbe transitif, d’abord au participe passé embesoignié 12ème siècle « occupé, affairé », puis à l’actif
14ème siècle « employer, occuper, engager (qqn) » n’a plus cours.
- besogneux, -euse adjectif et nom, « qui a besoin de » en parlant d’une chose ; « nécessaire » : est sorti d’usage de
même que les acceptions « qui est dans la misère (de qqn) » 12ème siècle ; « urgent, pressant » 15ème siècle. Sens
moderne « qui travaille péniblement ».
- besogneusement adverbe, dérivé de "besogneux", « laborieusement, avec difficulté » 19ème siècle et littéraire
- besogner verbe, vient du francique °bisonnjôn « se soucier de », dérivé du substantif neutre °bisun(n)i « peine,
souci » qui a donné "besoin". Vieilli, il asignifié « avoir besoin de », « être dans le besoin » 12ème siècle, « falloir, être
nécessaire » en emploi impersonnel au 13ème siècle. "Besogner qqn" se disait pour « forcer qqn à », « chercher à
obtenir », « chercher à prendre qqch » en ancien français. Il se rencontre encore quelque fois avec les sens
archaïques de « travailler », « faire l'acte amoureux » 16ème siècle en relation avec "besogne". Le sens vivant est celui
de « peiner, trimer » qui relève d’un style soutenu.
Sont sortis d’usage au 17ème siècle :
- besogné n,m, dérivé en moyen français.
- besogneur n,m, dérivé en moyen français.
- besognement n,m, dérivé en moyen français.
Paradigme sémantique (synonymes en AF):
- besoin n,m, du francique "°bisunni" : comme "besogne" exprime l’idée de « nécessité, d’exigence en général » +
« situation pressante, moment critique » 11ème siècle, « situation de détresse » 12ème siècle, « indigence matérielle »
16ème siècle. Le pluriel recouvre « tout ce qui est nécessaire à l’homme pour vivre ou travailler » 17ème siècle, par
euphémisme « nécessité psychologique ». Par métonymie, désigne concrètement « une chose dont on ne peut se
passer » 18ème siècle ; sur le plan psychologique « sentiment portant à rechercher des satisfactions morales ou
intellectuelles » 18ème siècle.
"estre besoin" 11ème siècle « être nécessaire ».
"avoir besoin de" 11ème siècle « éprouver la nécessité, le manque de ».
"au besoin" 12ème siècle « en cas de nécessité, s'il le faut »
- besoigner verbe, synonyme de "estre besoin"
Évolution du mot:
Aux 16ème-17ème siècles, signifie « les affaires, l'entreprise », puis « les affaires commerciales ». Désigne également
des « choses employées couramment par qqn (meubles, vêtements, outils) » et, avec une inversion du sens de base
« objets inutiles, jouets ».
L’usage classique et moderne a restreint les valeurs de besogne à deux sens particuliers déjà attestés en ancien
français :
- « acte sexuel » 13ème siècle, devenu usuel aux 17ème-18ème siècle et disparu ensuite.
- « travail exigé (par la profession ou autre cause) » 13ème siècle, style soutenu + expression comme "aller vite en
besogne" « être expéditif » et au figuré « trop entreprenant » 17ème siècle.
Par métonymie, le mot s’applique concrètement à un ouvrage effectué ou à faire.
Blesser / Blecer (vb transitif)
Identification du mot:
V.3471: "Ypomedon se sent bleciez" = Ypomédon se sentit meurtri.
Étymologie:
Blecier fin 11ème siècle, écrit blecer, puis blesser est issu d’une forme gallo-romane "blettiare" « meurtrir », qui
remonte à un francique "°blettjan", dérivé d’un substantif correspondant à l’ancien haut allemand bleizza «
ecchymose , trace d’une blessure, cicatrice », attesté dans le composé "freobleto", "frioblitto" « plaie qui
s'étend ».Ce substantif francique est aussi à rapprocher de l’adjectif anglo-saxon "blate" « blême ».
Sens du mot en Ancien Français:
- sens étymologique de « meurtrir » fin du 11ème siècle, se rencontre jusqu’au 15ème siècle surtout pour l’acte
consistant à meurtrir des fruits ; pour « faire une contusion à qqn ».
- sens secondaire d « endommager (qqch) » 12ème siècle, réalisé concrètement et abstraitement avec la nuance de
« porter préjudice à qqn » s’est éteint au 16ème siècle.
- sens (moderne) de « frapper qqn d’un coup qui cause une sion » apparaît de bonne heure dans un contexte
guerrier. Il est également réalisé à la forme pronominale "se blesser".
Sens du mot dans le contexte:
A le sens étymologique de contusion, lésion, blessure.
Paradigme morphologique (mots de la même famille):
- blessé, -ée 12ème siècle, adjectif.
- blessant, -ante adjectif 12ème siècle, ne s’emploie plus qu’au figuré « insultant ».
- blessure n,f 12ème siècle « plaie ou souffrance » infligée à l’amour propre.
- blessement n,m, 14ème siècle « dommage », puis « infraction, violation » 19ème siècle (langue juridique
archaïque) ; « blesser physiquement » 14ème siècle est sorti d’usage au 17ème. « Fait de blesser moralement ».
- blessable adjectif 17ème siècle.
- blet, -te adjectif réfection au 13ème siècle, « meurtri pour un fruit ».
- blettir / blêtir verbe intransitif 14ème siècle.
- blettissement n,m 19ème siècle.
- blettisure n,f
- blèche n,m et adjectif, régionalisme « mou, gâté », puis « vilain, mauvais ».
Évolution du mot:
On a conservé le sens étymologique et le sens secondaire d’ « endommager » s’est prolongé en marine on dit
"blesser" à propos d’un navire, pour "endommager" du 17ème au 19ème siècle. La forme pronominale au sens moderne
est encore tout à fait vivante.
Borjois / bourjois (n,m ou adj.)
Identification du mot:
V.2955: "U baille estoient li borjois" = les habitants du bourg se trouvaient à l’intérieur de l’enceinte.
V.3162: "ardoir les mesons as borjois" = brûler les maisons des habitants du bourg.
V.3290: "ardent les mesons as borjois" = brûlent les maisons des habitants du bourg.
V.3432: "ne parlez pas comme bourjois" = vous ne parler pas comme un civil, un incompétent à la guerre (A.Petit)
V.4304: "et mil borjois o granz gisarmes" = et mille civils avec de grandes hallebardes
Étymologie:
Borjois vient du latin médiéval "burgensis" dérivé du nom masculin "bourg" lui-même issu d’un croisement entre deux
mots latins homonymes et apparentés :
Le premier est "burgus" (n,m) « fortification, tour fortifiée, redoute », emprunt au grec "purgos" « tour, enceinte garnie
de tour ». Ce mot grec est d’origine incertaine. Le mot latin, par extension, est pris comme synonyme de "castellum
parvulum" « petit château » puis « petit hameau » dès 185.
Le second mot est le bas latin "burgus" (n,f) « ensemble d'habitations fortifiées», il est issu du germanique "°burg"
« localité, ville fortifiée ».
En français "burgeis" 11ème siècle est refait d’après bourg en bourgeois 14ème siècle.
Sens du mot en Ancien Français:
- habitant d’un bourg franc (institué par le comte d’Anjou Foulque Nera autour d’une abbaye près de Loches (début
11ème siècle)).
- habitant de la ville (généralisation), évolution liée aux contextes historiques et sociaux.
- au moyen âge "habitants de villes commerçantes soustraites par des chartes de franchise à l'influence du
seigneur" d'où le syntagme français "bourgeois" 13ème siècle.
- marchand il implique à partir du 13ème siècle et des premiers conflits sociaux dans les villes, une certaine aisance et
la possession de droits et de biens immeubles sur le territoire de la cité. Son développement reflète celui d'une classe
sociale moyenne, intermédiaire entre les nobles et les manants ("pagenses, rustici").
- monnaie.
- tournoi: "petit bourgeois" = tournoi et "grand bourgeois" = double tournoi.
Sens du mot dans le contexte:
Employé comme nom et comme adjectif, comme noms pour représenter les habitants de Monflor et comme adjectif
pour opposer l'esprit de stratège des conseillers du roi à celui des civils qui n'entendent rien à l'art de la guerre.
Paradigme morphologique (mots de la même famille):
- bourgeoisie n,f, du latin médiéval "borgensia", au 13ème siècle signifie "redevance due pour le jouissance des
privilèges accordés aux habitants des villes. Devenu, idéologiquement, "groupe dominant l'économie" 18ème siècle et
"ensemble des membres de cette classe", valeur négative moins nette que celle de "bourgeois" au 19ème siècle
(notion de classe surtout chez Marx, en opposition avec le prolétariat) + adjectif "petite", "moyenne", "grande".
- bourge - adjectif
- bourgeoise n,f / adjectif : n,f : sens médiéval de "femme du bourgeois" 13ème siècle, évolue au 15ème siècle en
"femme, épouse" qui donne au 19ème siècle "ma bourgeoise" (populaire et archaïque). Adjectif : "lettre bourgeoise"
(typographie) 16ème siècle; "caution bourgeoise" "solvable et encore facile à discuter" 16ème siècle; "relatif à la
bourgeoise, au bourgeois" 17ème siècle = sens actuel qui a déterminé l'évolution ultérieure de l'adjectif, le
développement de ses valeurs idéologiques et caractérisantes.
Tous les dérivés ultérieurs de "bourgeois" participent de la valeur moderne caractérisante à l'exception de l'adverbe
"bourgeoisement" (17ème siècle); tous les autres ont une valeur sociale (19ème siècle): "(s')embourgeoiser",
"embourgeoisement", "bourgeoisisme", "bourgeoiseté", "bourgeoisenie", "antibourgeois (-se)", "bourgeoisial (-iale,
-iaux).
Paradigme sémantique (synonymes en AF):
- citeain n,m, "habitant d'une cité" sans préciser si elle est franche ou non. C.F. fiche sur CITE.
- villain n,m / adjectif, antonyme. C.F. fiche sur VILAIN.
Évolution du mot:
- au 17ème siècle, perd son caractère urbain pour définir l'appartenance à un groupe social.
- apparition des sens péjoratifs "petit bourgeois", "gros bourgeois" = d'abord personne sans goût ni culture.
- l'opposition au noble s'estompe au profit d'une nouvelle opposition à l'ouvrier, opposition socio-économique qui
se manifeste clairement après la Révolution et les luttes d'idées. La réaction contre cette classe est reprise par les
artistes : symbole de conformisme, uniquement préoccupé de réussite matérielle, fermé aux valeurs esthétiques
et aux évolutions.
- "patron, employeur" 19ème-20ème siècle, idéologie révolutionnaire, puis socialiste (emploi aujourd'hui disparu).
- au 20ème siècle, après Mai 68, devient le pôle négatif du jugement social.
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