L'examen de l'œil oculaire dans le cadre des soins de santé
primaire en Afrique Sahélienne
par Marie-Thérèse Banos*
* Ophtalmologiste, Programme National de Lutte contre la Cécité, Niamey, Niger.
" Les illustrations sont de Y. Jaffré et M. Négrel, d'après le « Guide de santé villageois »."
Au Niger, la prévalence de la cécité est de 2 % ; 80 % de ces cécités sont curables
(c'est-à-dire qu'elles peuvent bénéficier d'un traitement essentiellement chirurgical :
c'est le cas de la cataracte), ou évitables (c'est-à-dire qu'elles auraient pu être
évitées par un traitement précoce et/ou une prévention efficace : ce sont des cécités
d'origine cornéenne, infectieuse (trachome, conjonctivite gonoccocique néonatale),
et/ou carentielle (rougeole, avitaminose A). En outre, les traumatismes sont une
cause très importante de cécités unilatérales, le plus souvent par retard de prise en
charge.
I. Rappels
1. Apprendre à reconnaître les éléments essentiels
Le visage
Les deux yeux sont de taille identique et leurs axes sont parallèles.
Les paupières, organes de protection s'ouvrent et se ferment spontanément,
régulièrement (clignement), et complètement. Elles permettent l'étalement des
larmes, facteur très important de la transparence cornéenne. Les cils sont toujours
dirigés vers l'extérieur de l'œil.
Le segment antérieur de l'œil : c'est la partie visible de l'œil.
Au centre, la cornée est une lentille transparente qui permet d'apercevoir l'iris, de
couleur sombre, et percé en son centre d'un trou rond et noir : la pupille.
NB. La cornée est mieux visible de profil, bombant comme un verre de montre.
Le diamètre varie avec l'intensité lumineuse :
- en lumière forte, elle se rétrécit pupille en myosis,
- en lumière faible, elle s'élargit pupille en mydriase.
La pupille est normalement noire (le cristallin situé en arrière de l'iris est
normalement transparent donc invisible).
Autour de la cornée, l'œil apparaît blanc la sclère est recouverte de la
conjonctive bulbaire, muqueuse très fine, qui tapisse aussi la face interne des
deux paupières (conjonctive palpébrale). La conjonctive palpébrale inférieure
vous est familière : c'est elle que vous regardez pour dépister une anémie. Vous
apprendrez à retourner la paupière supérieure.
NB. La zone de jonction cornée-conjonctive s'appelle le limbe.
2. A quoi sert l'œil : la vision
Le rayon lumineux issu de l'infini pénètre dans l'œil au centre de la cornée, traverse
la pupille, le cristallin et le vitré avant d'« impressionner » les cellules rétiniennes de
la macula. L'influx nerveux sera alors transmis au cerveau par l'intermédiaire du nerf
optique et des voies optiques. C'est ainsi qu'un œil normal a une acuité visuelle de
10/10.
Il est ainsi facile de comprendre que toute atteinte de la cornée ou du cristallin est
source de baisse de l'acuité visuelle.
Le cristallin s'opacifie physiologiquement avec l'âge : c'est la cataracte. Il n'existe
aucune prévention possible actuellement. Le traitement ne peut être que chirurgical.
Le diagnostic est facile, la pupille devient blanche.
Par contre, toute atteinte de la cornée est pathologique, les garants de la
transparence cornéenne sont la conjonctive, les larmes sécrétées par les cellules
conjonctivales et étalées par le clignement palpébral (grâce au nerf facial). La
cornée, avasculaire est par contre très sensible : le réflexe cornéen sous la
dépendance du nerf trijumeau est un important facteur de protection.
Il. Local et matériel
1. Local
On peut faire un très bon examen ophtalmique partout. Le local sera propre et bien
éclairé. On peut aussi consulter dehors mais à l'ombre.
2. Matériel
Source d'eau propre indispensable
Les larmes sont très contagieuses. Il est donc indispensable de pouvoir se laver les
mains après chaque malade. Prévoir : eau propre (filtrée ou bouillie), eau de javel,
savon.
Poubelle
Les cotons ou compresses qui auront servi à l'examen doivent être individuels et
pouvoir être jetés après chaque malade.
Matériel d'examen
- coton ou compresses,
- pissette (ou flacon) contenant de l'eau propre pour pouvoir nettoyer les sécrétions,
- lampe électrique (avec piles),
- pince à épiler les cils,
- deux écarteurs « trombone » pour écarter les paupières : déplier un trombone 32
mm et en couder une extrémité à la manière d'un écarteur de Desmarres.
3. Médicaments essentiels
- collyre Argyrol 1 % (à conserver en petite quantité dans un flacon hermétique à
l'abri de la lumière),
- pommade antibiotique Auréomycine 1% (cycline active sur le trachome la moins
chère),
- vitamine A 200 000 UI (capsules)
Attention ! ne jamais utiliser de corticoïdes locaux, toujours vérifier la formule d'un
collyre ou d'une pommade OPH avant utilisation.
III. Examiner le malade
- toujours examiner le comportement du malade avant de le faire asseoir (orienté sur
l'acuité visuelle),
- avoir les mains propres,
- l'examen doit toujours être complet et bilatéral.
1. L'interroger
Pour préciser les signes fonctionnels :
- sécrétions (« œil qui pleure, coule, colle »),
- douleurs,
- baisse d'acuité visuelle.
Faire préciser :
- s'il s'agit d'un ou des deux yeux, depuis quand,
- s'il existe un traumatisme (nature de l'agent traumatisant),
- les traitements faits.
Éléments de gravité
- sécrétions purulentes : infection (danger de contagion),
- douleur : à la lumière (photophobie), au clignement, céphalées,
- baisse d'acuité visuelle de loin récente,
- trouble visuel récent : voile noir ou rouge, mouches volantes, éclairs lumineux,
- diplopie : vision double,
- notion de traumatisme récent,
- notion de chirurgie oculaire récente.
2. Examiner le visage
En cas de sécrétions :
toujours commencer par nettoyer les sécrétions en décollant les cils à l'eau propre.
Attention : risque septique, se laver les mains.
Les paupières : elles doivent s'ouvrir spontanément.
Attention :
- occlusion volontaire et douleur : lésion cornéenne probable,
- occlusion involontaire : ptosis (paralysie du nerf Ill).
Elles doivent se fermer spontanément et totalement.
Attention : inocclusion palpébrale (lagophtalmie) :
- danger si la cornée de l'œil malade reste visible quand on demande au malade de
fermer les yeux.
Les cils : bien regarder les bords ciliaires.
- danger si les cils frottent sur la cornée, on parle alors de trichiasis : recherche de
trachome (cf. ci-après),
- si un ou deux cils frottent : épiler en tirant le cil à sa base,
- si plusieurs cils frottent : adresser au spécialiste pour cure chirurgicale du trichiasis.
Les deux yeux sont de taille identique et parallèle
- l'œil ne doit pas « sortir » de l'orbite exophtalmie, danger de lagophtalmie (cornée
non protégée),
- les deux yeux sont parallèles dans le regard au loin : déviation oculaire, strabisme,
paralysie neuromotrice.
3. Examiner l'œil
Règles :
- prévenir le malade,
- lui demander d'ouvrir les deux yeux,
- ne jamais ouvrir un œil de force : pour écarter les paupières, prendre appui sur les
rebords osseux comme indiqué sur le dessin,
- éclairer l'œil latéralement,
- ne jamais toucher la cornée.
Vérifier que :
- la conjonctive bulbaire (blanc de l'œil) est blanche,
- la cornée est transparente (l'Iris et la pupille sont parfaitement visibles),
- la pupille est ronde et noire, elle réagit à la lumière (c'est l'étude du réflexe
photomoteur).
Éléments de gravité
- lagophtalmie : cornée non protégée,
- trichiasis,
- rougeur de la conjonctive : souffrance oculaire évolutive,
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