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procéder - pour autant qu’elle le puisse, de la même manière que les sciences qui la
précèdent. Se pose alors la question de l’analogie possible entre la métaphysique et les
sciences physique et mathématique.
Emmanuel Kant fait vis-à-vis de la métaphysique un constat qui n’est pas sans
rappeler ce constat de Descartes qui, voyant combien les hommes sont divisés entre eux,
refuse toute connaissance acquise de l’extérieure comme scientifique
. Ici, ce sont les
contradictions entre ses adeptes qui poussent Kant à ôter à toute la métaphysique
passée le statut de science dont elle se réclamait pourtant. Les conflits qui l’agitent
suffisent à montrer qu’elle n’a pas encore su « emprunter la voie sûre d’une science ».
En tant que connaissance rationnelle, la métaphysique est analogue aux autres sciences,
la mathématique et la physique. Mais elle en diffère essentiellement en ce qu’elle
prétend s’effectuer entièrement a priori, c’est-à-dire sans recours à rien qui vienne de
l’expérience
. Partant de cette définition, Kant critique ce qui était jusque là le
fondement de toute métaphysique, à savoir de considérer que notre connaissance se
règle sur les objets. Cela, dit-il, ne peut conduire qu’à l’impasse en métaphysique, car on
ne voit pas alors ce que cette science pourrait connaître a priori. Ce point de départ n’a
de fait mené qu’à des contradictions insolubles, étant dans l’incapacité de fonder une
quelconque connaissance qui n’ait pas d’abord une expérience de son objet.
La stérilité produite par ce présupposé justifie à elle seule la tentative de Kant de
le renverser, ce qui va constituer le bouleversement épistémologique capital de la
Critique de la Raison Pure. Il s’autorise pour cela des bénéfices qu’on retiré les autres
sciences d’une telle inversion. La physique, dit-il, n’a opéré un réel progrès qu’à partir du
moment où, renversant les perspectives, les savants se sont mis à « prendre les devants »,
à « forcer la nature à répondre à [leurs] questions », bref, à réaliser que « la raison ne voit
« Je ne pouvais qu’estimer les exemples de la mathématique et de la physique, (…) assez remarquables
pour me mettre à réfléchir à l’élément essentiel de la transformation intervenue à leur si grand avantage
dans la manière de penser et pour les imiter, à cet égard, du moins à titre d’essai, autant que le permet leur
analogie, comme connaissances rationnelles, avec la métaphysique. » (Ibid., AK, III, 11 / BXV-BXVI, p.77)
Cf. René Descartes, Discours de la méthode, passim
Emmanuel Kant, Critique de la Raison Pure, op.cit. , AK, III, 11 /B XIV, p.77
« La métaphysique [se définit comme] connaissance spéculative de la raison tout à fait distincte, qui
s’élève entièrement au-dessus de l’enseignement de l’expérience, et cela au moyen de simples concepts. »
(Ibid., AK, III, 11 / BXIV, p.76)