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Par ailleurs, il existe aujourd’hui une partie croissante du salariat affectée par les emplois précaires et
la montée du chômage qui, bien qu’hétérogène et peu mobilisée, peut être analysée comme une nouvelle
classe populaire « en soi ».
Au XIXe siècle, Karl Marx défendait déjà la thèse selon laquelle la lutte des classes était le « moteur
de l’histoire ».
La conscience de classe était une conséquence du développement de cette lutte, l’une des caractéris-
tiques du capitalisme étant de faciliter le passage de la classe en soi à la classe pour soi. Quelle est la dimen-
sion scientifique de l’œuvre de Marx susceptible d’être encore utilisée aujourd’hui ?
Selon Louis Chauvel, L’hypothèse centrale du modèle marxiste est de considérer que c’est l’intensité
des rapports de domination qui fonde l’appartenance a une classe (et non plus aujourd’hui la propriété ou la
non propriété des moyens de production). Ainsi, le creusement significatif des inégalités dans la plupart des
PDEM depuis quelques années conduit Chauvel à parler d’un « retour des classes sociales ».
En outre, on peut noter que le débat public sur les classes sociales se structure surtout (sinon totale-
ment) autour de la question de la classe ouvrière. Or, si cette dernière a bien comme caractéristique centrale
d’être de moins en moins mobilisée et visible, c’est loin d’être le cas de la classe dominante. De nombreux
travaux sociologiques ont ainsi montré que le milieu social de la bourgeoisie correspond aux critères de défi-
nition proposés par Louis Chauvel : il s’agit d’un groupe qui jouit d’une position favorable dans le système
productif (haut niveau de qualification de ses membres) et qui, contrairement aux « nouveaux prolétaires »,
produit une forte identité de classe : homogamie sociale importante, faible mobilité sociale, culture com-
mune, défense efficace de ses intérêts dans la sphère politique. La encore, la thèse de l’affaiblissement des
classes au profit d’une moyennisation en profondeur des sociétés occidentales doit être pour le moins relati-
visée.
4. En quoi est-il important de distinguer la mobilité observée de la fluidité sociale dans l’analyse
de la mobilité sociale ?
La mobilité observée (mobilité structurelle + mobilité nette) s’exprime à travers des taux absolus de
mobilité. La mobilité relative permet de saisir l’évolution de la fluidité sociale, c’est-à-dire des chances
respectives des membres de différents groupes sociaux d’atteindre tel ou tel statut (avec des résultats du
type « un fils d’ouvrier a x fois plus de chances qu’un fils de cadre de devenir ouvrier »).
La mobilité sociale désigne le passage d’un individu (mobilité individuelle) ou d’un groupe
d’individus (mobilité collective) d’un groupe social à un autre. Elle est une question centrale dans la socio-
logie contemporaine en raison de la contradiction qui apparait dans les sociétés modernes entre l’idéal égali-
taire comme valeur républicaine et les inégalités de situation qui résultent notamment de l’hérédité sociale.
La mobilité observée est une mobilité apparente, a l’intérieur de chaque PCS, qui est mesurée par les
taux absolus de mobilité calculés à partir des tables de mobilité intergénérationnelle.
La fluidité sociale est une mobilité indépendante des transformations, d’une génération à l’autre, des
emplois et des positions socioprofessionnelles. Elle est mesurée par les taux relatifs de mobilité qui compa-
rent les chances relatives des fils d’accéder à telle ou telle PCS selon leur origine sociale. Une fluidité so-
ciale élevée signifie que les origines sociales influencent peu les destinées ; dans le cas inverse (fluidité so-
ciale faible), les sociologues parlent de viscosité sociale.
La distinction entre les deux types de mobilité est essentielle pour mesurer la mobilité sociale en rai-
son du fait que la mobilité observée ne rend pas pleinement compte du phénomène de la mobilité sociale. En
1999, par exemple, L. A. Vallet montre que sur les quarante dernières années du XXe siècle en France, la
fluidité sociale a fortement progressé en dépit d’un maintien des hiérarchies sociales.
Par exemple, les chances d’être cadres (CPIS) a la fin des années 1970 étaient 100 fois plus fortes
pour les fils de cadres que pour les fils d’ouvriers ; dans les années 1990, ce rapport passe à 39.