Techniques immunologiques I) La réaction antigène-anticorps A) Caractéristiques • Cette réaction est spécifique et met en jeu un paratope sur l'anticorps (région qui fixe l'antigène), avec un épitope sur l'antigène (région reconnue par l'anticorps). Un anticorps est spécifique d'un épitope d'un antigène sauf cas particulier. En général, les épitopes reconnus par un lymphocyte B sont très hydrophiles. Cet épitope peut être conformationnel (acides aminés qui se suivent dans la séquence primaire de la protéine) ou non conformationnel (acides aminés non séquentiels). Dans les 2 cas, ce sont des épitopes très extérieurs par rapport à la structure de la protéine et hydrophiles. Il se peut qu'un épitope soit commun à 2 antigènes différents. Un anticorps commun à 2 antigènes différents génère une réaction croisée: réaction dans laquelle un anticorps reconnaît un épitope commun à 2 antigènes. C'est ce qu'il se produit dans les antigènes sanguins du groupe ABO: les individus du groupe A produisent des anticorps contre les globules rouges du groupe B. Cette production d'anticorps anti-B chez un individu A, est due au fait que les antigènes A-B sont des oligosaccharides très proches de ceux produits par des bactéries de la flore intestinale. • Elle est due à des forces de faible énergie: - liaisons hydrogènes - interactions ioniques - interactions hydrophobes - interactions de Van der Waals • Cette réaction est réversible. Cette réaction suit la loi d'action de masse. C'est une réaction équilibrée qui dépend de différentes constantes. k1/k2 = KA = constante d'association KD = 1/KA = constante de dissociation = constante d'affinité KD est exprimée en M et détermine l'affinité Ac – Ag. Plus le KD est petit, plus l'affinité est grande. • L'affinité d'un anticorps pour un antigène est la force avec laquelle l'anticorps fixe l'antigène. • L'avidité est la force avec laquelle un anticorps qui est multivalent (plus de 2 sites de liaison à l'antigène, comme une IgM pentamérique) se lie à un antigène multivalent. L'avidité dépend de plusieurs sites anticorps. B) Définition d'un anticorps monoclonal/polyclonal Si on immunise un lapin avec un antigène (= ensemble d'épitopes différents), il va développer une réponse immunitaire contre cet antigène, qui va impliquer des lymphocytes B qui vont produire des anticorps. Différents lymphocytes B spécifiques des épitopes de l'antigène vont réagir et vont pouvoir devenir des plasmocytes. Si on prélève le sérum de cet animal, on va y trouver les anticorps spécifiques du même antigène, mais d'épitopes différents. Si on prend l'ensemble de ces anticorps, on a l'anticorps polyclonal. Anticorps polyclonal = ensemble d’anticorps qui reconnaissent les épitopes différents d'un même antigène. Si on isole une des cellules qui produit un anticorps, on obtient un anticorps monoclonal. Anticorps monoclonal = anticorps qui reconnaît qu'un seul épitope d'un antigène (sauf réaction croisée) II) Les réactions de précipitation A) Principe C'est la réaction entre un antigène soluble et un anticorps, soit dans une phase liquide, soit dans un gel. Il va se former un complexe immun (complexe antigène-anticorps) qui est insoluble et qui va donc précipiter. Ce précipité va se former par l'apparition d'un réseau tridimensionnel d'antigènes reliés par des anticorps. Pour que cette précipitation se fasse, il faut que l'anticorps utilisé soit au moins bivalent (2 sites de liaison à l'antigène) et que l'antigène soit également au moins bivalent (2 fois le même épitope). Si on met des concentrations croissantes d'antigènes au contact d'anticorps, on aura 3 zones: - zone d'excès d'anticorps, sans précipité (pas assez d'antigènes) - zone d'équivalence: c'est là où il y a le plus de précipité. Ce sont les conditions optimales pour qu'il y ait un précipité - zone d'excès d'antigènes: les concentrations ne sont plus à l'équilibre, donc le précipité se désagrège B) Précipitation en milieu liquide: néphélémétrie Elle nécessite un appareillage complexe contenant un rayonnement lumineux intense et monochromatique, envoyé à travers un tube dans lequel sont mélangés les antigènes et anticorps. Il va être diffracté et détecté par un détecteur. Plus on a de précipité, plus la lumière sera diffractée. La quantité de lumière détectée sera proportionnelle à la quantité de précipité. Ca permet de réaliser un dosage car la quantité de précipité dépend de la quantité d'anticorps mise dans la chambre, puis on comparera avec une courbe étalon. A la fin, c'est une lecture de densité optique qui dépend de la concentration en anticorps. On l'utilise pour doser les immunoglobulines et les facteurs du complément. C) Précipitation en milieu solide L'antigène et l'anticorps vont être déposé en solution dans un puits creusé dans un gel (agar ou de la gélose). L'anticorps et l'antigène diffusent de façon radiale autour du puits jusqu'à se rencontrer. Au lieu de rencontre, il se forme un précipité appelé un arc de précipitation. 1) Immunodiffusion double: méthode d'Ouchterlony Immunodiffusion double car l'anticorps et l'antigène migrent. On peut utiliser des colorants comme le bleu de Coomassie (colorant des protéines). Cette méthode est utilisée à l'hôpital pour détecter les auto-anticorps anti-nucléaires qu'on trouve dans le sérum de certains patients (signe de certaines maladies auto-immunes). Selon la forme des arcs, on peut déterminer la nature du complexe anticorps-antigène. 2) Immunodiffusion radiale: méthode de Mancini On utilise des plaques ou des lames qu'on recouvre de gel qui contient l'anticorps spécifique de l'antigène à rechercher. Une fois que le gel a pris en masse, on réalise des puits où l'on dispose l'antigène. L'antigène va diffuser de manière radiale autour du puits et il va se former un précipité si l'antigène est reconnu par l'anticorps. Il se formera un arc de préciptation (en forme de rond) dont la taille nous permet de déterminer la concentration en antigène. En pratique, cette méthode est utilisée pour doser les IgD. Pour doser, on utilise un anticorps qui reconnaît spécifiquement l'anticorps qu'on veut doser. D) Electroimmunodiffusion: exemple de l'immunofixation Ça appartient aux techniques d'électrophorèse. L'immunoélectrophorèse combine une électrophorèse de protéines et une immunoprécipitation. Dans un gel, on va séparer par électrophorèse des protéines (migration sous un champ électrique), puis les caractériser par immunoprécipitation. Pour cela, on déposera un sérum qui ira précipiter avec les antigènes qu'il rencontrera, à l'endroit où les protéines auront migré. Exemple: gammapathie monoclonale. On fait migrer les protéines du patient (sérum) sur ces gels et on fait réagir ce gel avec des anticorps spécifiques. A la fin, on va colorer les protéines avec du bleu de Coomassie. III) Les réactions d'agglutination A) Agglutination directe: détermination des groupes sanguins ABO La réaction antigène-anticorps se traduit par une agglutination lorsque les déterminants antigéniques sont portés par des particules figurées (= antigène particulaire). Cette agglutination va se produire lorsqu'un réseau va se former entre ces antigènes particulaires et les anticorps. Pour qu'il y ait agglutination, il faut que les antigènes soient multivalents et que les anticorps soient au moins bivalents (→ les IgM sont beaucoup plus agglutinants que les IgG). Les agrégats sont visibles à l'oeil nu. Il existe plusieurs types d'agglutinations dont l'agglutination directe avec comme exemple la détermination des groupes sanguins ABO: les épitopes antigéniques font partis de la particule. On met en contact les globules rouges avec des anticorps spécifiques anti-A ou anti-B, qui vont agglutiner les globules rouges lorsque l'épitope est présent. Si on est du groupe A, on a une agglutination avec un anticorps anti-A alors que si on est O, on n'a aucune agglutination avec les anticorps. B) Agglutination passive ou indirecte On fixe les antigènes de la syphilis avec des particules de charbon. Ces particules sont ensuite mis en contact avec des anticorps spécifiques et une agglutination va se produire. C) Agglutination artificielle: ex du test de Coombs Ce test met en évidence des anticorps anti-GR dans le sérum, qui peuvent être responsables d'anémies. L'agglutination est dite artificielle car l'antigène est bien fixé sur une particule mais l'agglutination se fait mal car l'anticorps spécifique des globules rouges n'est pas assez agglutinant. On réalise un agglutination artificielle en mettant en contact la cellule à l'anticorps, puis on rajoute un anticorps secondaire dirigé contre le premier anticorps, qui va agglutiner le réseau formé. On utilise le test de Coombs pour rechercher la présence d'anticorps anti-rhésus entre la mère et le fœtus car ça provoquerait une anémie chez le nouveau-né. D) Inhibition de l'agglutination Cf TP virologie (rubéole) On réalise une hémagglutination et on recherche la présence d'anticorps qui empêcheraient cette hémagglutination. IV) Les réactions utilisant des réactifs marqués On utilise ce type de réactions lorsqu'on utilise des antigènes qui sont trop petits ou en trop faible concentration pour donner une précipitation ou une agglutination en présence d'anticorps. Dans ce cas là, on utilise des anticorps marqués: - Couplage à un fluorochrome: immunofluorescence - Couplage à un radioisotope: radioimmunologie - Couplage à une enzyme: dosage immunoenzymatique A) Immunofluorescence C'est une technique qui date de 1941. On utilise des anticorps couplés à un fluorochrome (molécule capable d'émettre de la lumière lorsqu'elle est soumise à un rayonnement d'excitation). Les fluorochromes utilisés sont la fluorescéine (FITC), la rhodamine et la phycoérythrine (PE). Quand ils sont excités, ils vont émettre une fluorescence de longueur d'onde supérieure. 1) Microscopie à fluorescence Ce microscope est équipé de différents filtres qui vont guider un rayonnement d'excitation de longueur d'onde donnée vers l'échantillon. Un filtre va permettre de diriger vers l'observateur une lumière de longueur d'onde bien définie. On met, sur une lame, une biopsie ou des cellules isolées, puis on les met en contact avec des anticorps spécifiques de l'antigène recherché. On a 2 types de tests: - test direct: mise en contact d'une cellule ou d'un tissu avec un anticorps directement marqué avec un fluorochrome. Exemple: diagnostic du lupus - test indirect: on met en contact les cellules avec un anticorps qui n'est pas marqué et on va détecter cet anticorps à l'aide d'un anticorps secondaire marqué avec un fluorochrome. Exemple: diagnostic du lupus 2) Cytométrie de flux Dans cette technique, on marque les cellules avec des anticorps fluorescents spécifiques d'un antigène donné. S'il est directement marqué, c'est un marquage direct mais s'il n'est pas marqué, c'est un marquage indirect (utilisation d'un anticorps secondaire marqué par un fluorochrome). On passe ces cellules fluorescentes dans le cytomètre en flux, où elles circulent dans un liquide de gaine (liquide sous pression) et elles vont traverser, une par une, un faisceau laser. Le laser va exciter le fluorochrome qui va ré-émettre de la lumière détectée à l'aide de détecteurs spécifiques. Plus il y a de détecteurs, plus on peut faire des marquages nombreux à l'aide de fluorochromes différents. La fluorescence détectée va déterminer la quantité d'antigène exprimée par la cellule. Les cellules qui passent devant ce faisceau laser peuvent également être analysées selon leur taille et leur granulosité. Il y a une dispersion de lumière en avant qui nous donne des informations sur la taille de la cellule et une dispersion de lumière latérale qui dépend de la granulosité de la cellule. En plus de pouvoir séparer les cellules selon la présence ou non d'anticorps, on peut séparer les cellules selon leur taille et leur granulosité. Ca permet de déterminer la quantité de chaque type de cellule dans chaque type de population. B) Radioimmunologie (radioimmunoassay RIA) L'anticorps est couplé à un radioisotope (thymidine tritiée ou 125I). On met en compétition les anticorps du patient avec un anticorps marqué spécifique du même antigène. Si le titre est élevé chez le patient, on a une radioactivité faible, alors que si le titre est faible chez le patient, la radioactivité sera élevée. On l'utilise pour doser des anticorps anti-récepteur de la TSH dans les thyroïdites auto-immunes. C) Immunoenzymologie: ex de l'ELISA ELISA = Enzyme Linked ImmunoSorbent Assay On couple un anticorps à une enzyme qui réagit avec un substrat non coloré pour donner un produit coloré. On mesure une absorbance pour quantifier la quantité de produit coloré. C'est un substrat chromogène. Exemples d'enzyme: - peroxydase - β-galactosidase - phosphatase alcaline 1) Exemples d'ELISA Il existe différentes techniques d'ELISA qui nous permettent de détecter un antigène ou un anticorps de manière soit qualitative, soit quantitative. • ELISA indirecte: on utilise une plaque de 96 puits recouverts de polystyrène, recouverts par un antigène connu. On fait réagir l'antigène avec un anticorps primaire, contenu dans le sérum du patient, spécifique de cet antigène. Après lavage, on applique un anticorps secondaire qui est spécifique de l'anticorps primaire, marqué à l'aide d'une enzyme. Après lavage, on ajoute le substrat dont l'enzyme est spécifique et on teste la quantité de produit formée. • ELISA sandwich: On recouvre la plaque d'un anticorps spécifique de l'antigène recherché. On ajoute ensuite un échantillon où on recherche l'antigène. Après lavage, on rajoute un deuxième anticorps spécifique de l'antigène, directement marqué avec une enzyme. On ajoute ensuite le substrat qui nous donne un produit coloré. Double sandwich: le deuxième anticorps n'est pas marqué par une enzyme mais on détecte un 3ème anticorps qui est spécifique du 2ème anticorps. Dans ce cas là, c'est le 3ème anticorps qui est marqué avec une enzyme. 2) Les conjugués Un conjugué est un anticorps couplé à une protéine: - conjugué classique: anticorps couplé à une enzyme - conjugué à la biotine et à l'avidine (ou streptavidine): l'anticorps est couplé à la biotine de façon covalente et l'enzyme sera conjuguée à l'avidine. L'avidine a une forte capacité de se lier à la biotine. L'intérêt est que l'avidine peut fixer plusieurs biotines, ce qui permet d'amplifier le signal par rapport à un conjugué classique. V) La technique du Western-Blot: l'immunodot Elle consiste en une électrophorèse de protéines (séparation selon leur taille) dans un gel de polyacrylamide, puis ces protéines seront détectées par une coloration (bleu de Coomassie), puis on les transfère sur une membrane de nitrocellulose grâce à un champ électrique. On fera ensuite réagir cette membrane de nitrocellulose avec des anticorps spécifiques marqués par une enzyme. On détectera la fixation des anticorps sur la membrane grâce à un substrat chromogène ou à un substrat qui génère de la lumière. Immunodot: on utilise des bandelettes de membrane de nitrocellulose où ont été déposés des antigènes sous forme de points. On fait ensuite réagir ces bandelettes avec le sérum d'un patient où on veut détecter la présence d'anticorps spécifiques de ces antigènes. On met ensuite un anticorps secondaire, marqué avec une enzyme, spécifique de l'anticorps primaire.