Aller à la Crèche, c’est se laisser émerveiller par l’humilité d’un Dieu qui vient,
pauvre parmi les pauvres, comme un tout petit. Si, contrairement à Pâques, on
ne connait pas la date exacte de la naissance du Christ, ce qui explique en
partie le choix de substituer à une fête païenne, c’est bien dans la logique de
Dieu qui, aujourd’hui encore dans le cœur des croyants, n’entre jamais par
effraction, il entre le plus souvent discrètement, sur la pointe des pieds. Il faut
faire silence dans notre cœur, le beau silence de la nuit de Bethléem qui a
inspiré tant de peintres et de musiciens, pour laisser la possibilité au murmure
de Dieu de se faire entendre, comme du temps d’Elie dans le fin bruissement
d’une brise légère. Marie était silencieuse à Bethléem, il n’y a guère que le
chant des anges qui habite et enchante le silence de cette douce, de cette
sainte nuit.
Quand Dieu parle, c’est le Verbe qui parait ; à Bethléem le Verbe apprend à
parler la langue des hommes. Ce soir, le Verbe, la Parole Créatrice de Dieu est
comme aphone, elle prendra le temps d’apprendre d’une famille humaine le
langage des hommes. De longues années durant. Le Verbe apprend la langue
des hommes pour nous dire dans notre propre langue les merveilles de Dieu,
pour que notre langue devienne ce qu’elle était avant Babel, ce qu’elle sera de
nouveau à la Pentecôte : la langue des fils et filles du même Père, dont le
propre est de Le louer pour la richesse de ses dons.
Aller à la Crèche, c’est aussi se délester de tout ce qui nous encombre et Dieu
sait s’il y a du travail. Paul le dira magnifiquement : Le Christ Jésus, lui qui était
de condition divine ne retient pas jalousement comme une proie le rang qui
l’égalait à Dieu. Mais il s’est vidé de lui-même, prenant la condition d’un
homme. Dieu, en Jésus, s’est vidé de lui-même pour nous emplir de Lui. Vidons
nous, à notre tour de tout ce qui nous encombre, désir de paraître, soif de
reconnaissance, désir d’accumuler, de dominer, égoïsme pour faire de la place
en nous pour que Dieu puisse la remplir, nous remplir de sa présence, de sa vie,
de son amour. Retrouvons peut-être un cœur, un regard d’enfant, un cœur
ouvert, disponible, avide de donner et de recevoir, sans calcul. Un cœur simple,
simple est l’opposé de tordu et, convenons-en bien, notre cœur est tordu,
malade et compliqué disait le prophète Jérémie. Aller à la Crèche, c’est entrer
dans une pédagogie, éprouvée par la tradition de l’Eglise, une pédagogie de la
simplification intérieure.