C`est une trajectoire étrange que celle de la fête de Noël. Une des

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C’est une trajectoire étrange que celle de la fête de Noël. Une des hypothèses
quant à son origine est celle de la christianisation d’une fête païenne. Et
aujourd’hui, après quinze siècles au cours desquels on a célébré dans la joie
l’évènement central de l’histoire des hommes, la venue de l’Eternel dans notre
temps, il semble que cette fête soit retournée à son paganisme originaire.
Longtemps elle a gardé quelques oripeaux de ses habits chrétiens : on évoquait
de belles valeurs : la famille, la paix, la solidarité mais le masque désormais est
tombé. Le paganisme a ceci de spécifique que sa logique mortifère dévore tout,
jusqu’à ses adeptes, la Bible juive nous avait largement prévenu. Noël est
(re)devenue une fête absolument païenne, le culte le plus archaïque et le plus
brutal qui soit, celui de Mammon, règne désormais sans partage, ou presque,
sur cette ex-fête chrétienne. Les puissances économiques qui en sont les
grands prêtres ne prennent même plus la peine de dissimuler leur véritable
intention derrière de vagues bons sentiments : il faut consommer, acheter,
transactionner : victuailles, gadgets électroniques, voyages, tel est l’unique
propos de cette fête revenue au non-sens de ses origines païennes que l’Eglise
a voulu humaniser en la divinisant. L’histoire parfois, si on prend la peine de la
lire, est maîtresse de sagesse. Voilà ce qui arrive quand on dévitalise une fête,
des valeurs, comme une dent à laquelle on retire le nerf, en en évacuant le
mystère....Pendant un temps subsiste comme un ersatz de christianisme : la
solidarité à la place de la charité, de vagues bons sentiments à la place de la
puissance des dons du Saint Esprit, mais très vite le paganisme reprend ses
droits, brutaux, violents et à sa suite l’égoïsme, la force brute, l’asservissement,
en un mot....la mort. Voilà où nous en sommes !
Alors que faire ? Que faire ? Ce que l’Eglise depuis quinze siècles nous propose :
aller à la Crèche. Ce que François d’Assise a redécouvert, émerveillé, alors
même qu’en, son temps déjà, les puissances d’argent étendaient le pouvoir
d’un capitalisme naissant qui risquait de gangréner l’Eglise elle-même. Aller à la
Crèche.
Aller à la Crèche, c’est se laisser émerveiller par l’humilité d’un Dieu qui vient,
pauvre parmi les pauvres, comme un tout petit. Si, contrairement à Pâques, on
ne connait pas la date exacte de la naissance du Christ, ce qui explique en
partie le choix de substituer à une fête païenne, c’est bien dans la logique de
Dieu qui, aujourd’hui encore dans le cœur des croyants, n’entre jamais par
effraction, il entre le plus souvent discrètement, sur la pointe des pieds. Il faut
faire silence dans notre cœur, le beau silence de la nuit de Bethléem qui a
inspiré tant de peintres et de musiciens, pour laisser la possibilité au murmure
de Dieu de se faire entendre, comme du temps d’Elie dans le fin bruissement
d’une brise légère. Marie était silencieuse à Bethléem, il n’y a guère que le
chant des anges qui habite et enchante le silence de cette douce, de cette
sainte nuit.
Quand Dieu parle, c’est le Verbe qui parait ; à Bethléem le Verbe apprend à
parler la langue des hommes. Ce soir, le Verbe, la Parole Créatrice de Dieu est
comme aphone, elle prendra le temps d’apprendre d’une famille humaine le
langage des hommes. De longues années durant. Le Verbe apprend la langue
des hommes pour nous dire dans notre propre langue les merveilles de Dieu,
pour que notre langue devienne ce qu’elle était avant Babel, ce qu’elle sera de
nouveau à la Pentecôte : la langue des fils et filles du même Père, dont le
propre est de Le louer pour la richesse de ses dons.
Aller à la Crèche, c’est aussi se délester de tout ce qui nous encombre et Dieu
sait s’il y a du travail. Paul le dira magnifiquement : Le Christ Jésus, lui qui était
de condition divine ne retient pas jalousement comme une proie le rang qui
l’égalait à Dieu. Mais il s’est vidé de lui-même, prenant la condition d’un
homme. Dieu, en Jésus, s’est vidé de lui-même pour nous emplir de Lui. Vidons
nous, à notre tour de tout ce qui nous encombre, désir de paraître, soif de
reconnaissance, désir d’accumuler, de dominer, égoïsme pour faire de la place
en nous pour que Dieu puisse la remplir, nous remplir de sa présence, de sa vie,
de son amour. Retrouvons peut-être un cœur, un regard d’enfant, un cœur
ouvert, disponible, avide de donner et de recevoir, sans calcul. Un cœur simple,
simple est l’opposé de tordu et, convenons-en bien, notre cœur est tordu,
malade et compliqué disait le prophète Jérémie. Aller à la Crèche, c’est entrer
dans une pédagogie, éprouvée par la tradition de l’Eglise, une pédagogie de la
simplification intérieure.
Oui, chers amis, allons, ce soir encore, à la Crèche, et apprenons de Dieu qu’il
n’est pas de lieu, de cœur que sa présence ne peut emplir de sa douce lumière.
Ce devait être sinistre en temps normal, l’étable de Bethléem, une nuit d’hiver
et pourtant, la présence de Jésus, le Verbe de Dieu sous le regard aimant de
Marie, de Joseph et du bon bœuf et de l’âne gris, l’a transformé en paradis,
habité par les anges. Tous les lieux humains, même les plus sinistres, peuvent
être transformés en paradis si nous laissons Jésus les habiter. Aller à la Crèche
c’est aussi apprendre de Dieu lui-même qu’il n’est pas de lieu, pas de cœur
d’homme qui ne soit digne de devenir la demeure du Très Haut.
Alors oui nous sommes revenus au temps du paganisme. Eh bien à la bonne
heure ! Ni César Auguste, ni Quirinius le gouverneur dont nous parle Luc dans
son introduction solennelle, ni Hérode ne sont venus à la Crèche, seuls
quelques bergers sont venus. Peut-être parce que leur condition modeste,
étrangère à la comédie sociale, religieuse, politique du temps leur laissait
suffisamment d’espace intérieur pour accueillir autre chose. Eh bien, comme
eux, dans ce monde où Auguste ne règne plus mais infiniment plus tyrannique,
plus égoïste, plus obscène, Mammon, prince sans cœur et sans
visage....retrouvons le chemin de la Crèche où règne, sur un peu de paille le
plus beau, le plus doux, le plus humble des enfants des hommes en qui nous
reconnaissons en même temps le Verbe de Dieu. Le tout Puissant qui vient
illuminer notre monde du sourire d’un enfant, la source de tout amour qui
vient battre dans le cœur d’un petit d’homme. Oui chers amis, allons à la
Crèche et retrouvons, ensemble, la poésie, la simplicité, la paix, la profonde
vérité de Noël !
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