CONSEIL D'ETAT
statuant
au contentieux
dp
Nos 269059, 269060
__________
SOCIETE DOUX
SOCIETE DOUX FRAIS
__________
Mlle Célia Verot
Rapporteur
__________
M. Laurent Vallée
Commissaire du gouvernement
__________
Séance du 2 mars 2005
Lecture du 23 mars 2005
__________
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, me et 10ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de lame sous-section
de la Section du contentieux
Vu 1°), sous le n° 269059, la requête, enregistrée le 23 juin 2004 au secrétariat
du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE DOUX, dont le siège est ZI de
Lospars BP 22 à Chateaulin (29150), représentée par son président-directeur général en exercice,
et la SOCIETE DOUX FRAIS, dont le siège est ZI de Lospars à Chateaulin (29150), représentée
par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE DOUX et la SOCIETE DOUX
FRAIS demandent au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation de l'arrêté du 23 avril 2004 du ministre d'Etat, ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la
pêche et des affaires rurales fixant le mode de calcul et les taux de la taxe d'abattage affectée au
financement de l'élimination des déchets et sous-produits animaux ;
2°) la mise à la charge de l'Etat d’une somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
…………………………………………………………………………
Vu 2°), sous le n° 269060, la requête, enregistrée le 23 juin 2004 au secrétariat
du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE DOUX, dont le siège est ZI de
Lospars BP 22 à Chateaulin (29150), représentée par son président-directeur général en exercice,
N° 269059
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et la SOCIETE DOUX FRAIS, dont le siège est ZI de Lospars à Chateaulin (29150), représentée
par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE DOUX et la SOCIETE DOUX
FRAIS demandent au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation de l'arrêté du 23 avril 2004 du ministre d'Etat, ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la
pêche et des affaires rurales fixant le mode de calcul et les taux de la taxe d'abattage affectée au
financement de l'élimination des déchets et sous-produits animaux jusqu’au 31 décembre 2004 ;
2°) la mise à la charge de l'Etat d’une somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
…………………………………………………………………………
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, devenue la
Communauté européenne ;
Vu le règlement n° 2777/75 du Conseil des Communautés européennes du
29 octobre 1975 portant organisation commune de marchés dans le secteur de la viande de
volaille ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Célia Verot, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l’article 28-I-1° de la loi du 30 décembre 2003 portant loi de
finances pour 2003 a créé l’article 1609 septvicies du code général des impôts, qui institue une
taxe d’abattage à laquelle sont assujettis les abattoirs et qui est destinée à financer le service
public de l’équarrissage ainsi que le transport, le stockage et l’élimination des farines d’origine
animale ; que l’article 1609 septvicies du code général des impôts renvoie à un arrêté du ministre
N° 269059
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chargé du budget et du ministre chargé de l’agriculture le soin de fixer le taux de cette taxe pour
chaque espèce animale, dans les limites fixées par le législateur ; que, sur le fondement de cette
habilitation, un arrêté du 23 avril 2004 du ministre d'Etat, ministre de l’économie, des finances et
de l’industrie et du ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales
a fixé le mode de calcul et les taux de la taxe d’abattage ; qu’un arrêté du même jour pris par les
mêmes ministres fixe en outre le mode de calcul et les taux de cette taxe jusqu’au
31 décembre 2004 ; que les requêtes n°s 269059 et 269060, qui sont dirigées contre ces deux
arrêtés, présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par
une même décision ;
Sur la légalité externe :
Considérant que la signature des arrêtés attaqués par le secrétaire d’Etat au
budget n’était pas nécessaire dès lors que le ministre d'Etat, ministre de l’économie, des finances
et de l’industrie, auprès duquel était délégué ce secrétaire d’Etat, a signé les arrêtés attaqués ;
qu’ainsi le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués n’auraient pas été signés par les autorités
compétentes doit être écarté ;
Sur la légalité interne :
Considérant que la SOCIETE DOUX et la SOCIETE DOUX FRAIS
soutiennent en premier lieu que les taux de la taxe d’abattage devaient être calculés en ne faisant
supporter aux usagers du service public de l’équarrissage que le coût du service dont ils
bénéficient ; que, cependant, la taxe d’abattage a le caractère d’une imposition et non d’une
redevance ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
Considérant que la SOCIETE DOUX et la SOCIETE DOUX FRAIS
soutiennent en deuxième lieu que les arrêtés attaqués auraient été pris en méconnaissance du
principe d'égalité, du principe "pollueur-payeur" inscrit à l’article 174 paragraphe 2 du traité
instituant la Communauté européenne et à l’article L. 110-1-I du code de l’environnement, et de
l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, au motif que les taux fixés par ces
arrêtés conduiraient à imputer à la filière avicole une partie du financement des coûts du service
public de l’équarrissage qui ne lui incomberait pas ;
Considérant qu'afin de se conformer à l'arrêt du 20 novembre 2003 rendu par la
Cour de justice des Communautés européennes qui a jugé que constituait une aide d'Etat
prohibée par l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne le fait pour la collectivité
d'assurer gratuitement pour les éleveurs et les abattoirs la collecte et l'élimination des cadavres
d'animaux et déchets d'abattoirs, alors que le coût correspondant doit normalement leur
incomber, l'article 1609 septivicies du code général des impôts institue une taxe d'abattage qui
est versée par les entreprises qui assurent l'abattage des animaux ; qu'en ce qui concerne la part
de la taxe d'abattage destinée au financement des missions de collecte et d'élimination des
cadavres d'animaux, les taux fixés par les arrêtés attaqués pour chaque espèce animale sont
calculés par répartition du coût de ce service entre les filières d'élevage, en fonction du volume
de carcasses d'animaux trouvés morts avant l'abattage produits par chacune de ces filières ; que
les sociétés requérantes n'apportent aucune précision à leur moyen tiré de ce que, pour
l'établissement de ces taux, le volume des carcasses produites par les éleveurs de volaille, lapins,
gibiers d'élevage non ruminants et ratites aurait été surévalué, tandis que le volume de carcasses
N° 269059
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produites par les éleveurs de porcs auraient été sous-évalué, permettant d'en apprécier le
bien-fondé ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués imputeraient à la filière avicole
une partie du financement du coût du service public de l'équarrissage qui ne lui incomberait pas,
ne peut qu'être écarté ;
Considérant que la SOCIETE DOUX et la SOCIETE DOUX FRAIS
soutiennent en troisième lieu que les arrêtés attaqués méconnaissent les mécanismes de
l’organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de volaille, instituée par le
règlement n° 2777/75 du Conseil des communautés européennes du 29 octobre 1975 modifié ;
qu’il résulte des dispositions de ce glement, tel qu'interprété par l'arrêt rendu par la Cour de
justice des Communautés européennes le 22 mai 2003, que les mécanismes de l’organisation
commune des marchés dans le secteur de la viande de volaille ont pour objet de stabiliser les
marchés et d’assurer un niveau de prix équitable, en reposant essentiellement sur les mécanismes
du marché pour assurer les équilibres souhaités, et qu’est incompatible avec le fonctionnement
de ces mécanismes la perception d’une taxe susceptible de constituer une entrave à la liberté des
échanges entre les Etats membres ou, par une influence sensible sur le niveau des prix du
marché, d'inciter les opérateurs économiques à modifier la structure de leur production ou de leur
consommation ; que dès lors, que comme l'a jugé la Cour de justice des Communautés
européennes dans son arrêt du 20 novembre 2003, la charge financière correspondant à la
collecte et l’élimination des cadavres d’animaux et déchets d’abattoirs doit être regardée comme
un coût inhérent à l’activité économique des éleveurs et des abattoirs, la taxe d’abattage, qui
impute les coûts de ce service aux entreprises chargées de l'abattage des animaux, n'a pas pour
effet de créer des distorsions au jeu de la libre concurrence entre entreprises des différents Etats
membres de l’Union européenne ; qu’elle n’est donc pas susceptible de constituer une entrave à
la liberté des échanges entre les Etats membres ; qu’en outre le taux de la taxe d’abattage, qui est
applicable à l’ensemble des produits relevant de l’organisation commune du marché de la viande
de volaille, n’apparaît pas susceptible d’avoir une influence sensible sur les prix du marché,
contraire aux mécanismes de l’organisation commune du marché de la viande de volaille ; que la
SOCIETE DOUX et la SOCIETE DOUX FRAIS n’apportent d’ailleurs aucun élément précis
tendant à démontrer que la taxe pourrait avoir les effets qu’elles allèguent ; que, dès lors, le
moyen doit être écarté ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE DOUX et la
SOCIETE DOUX FRAIS ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêté du
23 avril 2004 fixant le mode de calcul et les taux de la taxe d’abattage, et de l’arrêté du même
jour fixant le mode de calcul et le taux de cette taxe jusqu’au 31 décembre 2004 ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1
du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce soit mise à la charge de
l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent la
SOCIETE DOUX et la SOCIETE DOUX FRAIS au titre de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative ;
D E C I D E :
N° 269059
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Article 1er : Les requêtes de la SOCIETE DOUX et de la SOCIETE DOUX FRAIS sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DOUX, à la SOCIETE DOUX
FRAIS, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'agriculture, de
l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.
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