II. L’infinitif prépositionnel
A/ L’infinitif complément d’un adjectif ou d’un verbe
L’infinitif qui complète un verbe (cplmt d’objet) ou un adjectif (cplmt déterminatif) peut être construit
directement :
Deus le me duinst venger ! = Que Dieu me permette de le venger !
Ou indirectement :
Diex me donra de mon enfant norrir = Dieu me permettra d’élever mon enfant
Et prioit Dieu et Nostre Dame qu’il li dounassent a haïr…et il priait Dieu et Notre Dame de lui permette de
haïr…
La préposition a est très fréquente en AF, mais comme de, elle tend à se vider de son sens (idée de direction ou
de but ) pour ne plus être qu’un élément de liaison entre l’infinitif et ce qui précède.
B/ L’infinitif servant de thème dans une phrase à prédicat
Dans les phrases à prédicat, la préposition de ( plus exceptionnellement la préposition a), sert à isoler le thème.
En AF, le prédicat précède généralement le thème, mais il peut aussi le suivre. Il le précède obligatoirement
lorsqu’apparaît le démonstratif ce ou plus rarement le pronom il.
D’amer est mervillose cose = Aimer, c’est une chose extraordinaire
Vilonnie est d’autrui gaber = c’est une honte que de se moquer d’autrui
Ce fut vilenie de la teste pendre = ce fut une honte que de suspendre sa tête
En AF il est très rare que le thème soit isolé par que ou par que de ( noble chose est que donner). En FM que de
est très répandu devant l’infinitif, le simple de ou le simple que est plus rare. Aux 16e et 17es. c’était l’inverse.
C/ L’infinitif complément circonstanciel
En FM l’infinitif à valeur de complément circonstanciel n’est introduit que par un nombre restreint de
prépositions : à, après, de, pour, sans.
En AF et jusqu’au 17es. il peut être introduit par un plus grand nombre de prépositions : a, après, de, en, par,
sanz, sor (sur).
L’infinitif à valeur circonstancielle peut en AF, ne pas avoir le même sujet que le verbe principal. Le
complément de l’infinitif se place normalement entre la préposition et l’infinitif et l’article précédent le
complément se contracte avec la préposition.
• a : marque le but, la manière, le moyen, la cause, les circonstances (simultanéité, condition)
bien le connurent a ruistes cos doner = ils le reconnurent bien aux rudes coups qu’il donnait
al pont chaeir fu la criee = au moment de la chute du pont, il y eut des cris
A la place de la séquence traditionnelle (prép.+ régime de l’infinitif + infinitif) on peut trouver la séquence
analytique (prép.+ nom ou pronom régime + prép. a + infinitif).
Aiols canta un son por eus a esbaudir = Aiol chanta un air pour eux, afin de les réjouir
• derrière ainz, ainçois et avant, l’infinitif apparaît peu avant le MF
• après apparaît dans quelques groupes figés :
après mangier sont alé reposer = après avoir mangé, ils sont allés se reposer
• de, en et par marquent la cause, le moyen, la manière et les circonstances
Car d’aller avant ne vos porroit venir se honte non = car si vous poursuiviez votre route il ne pourrait vous
arriver que de la honte
Moult malvaise oevre en moi ocirre feriiés = en me tuant, vous feriez une très mauvaise action
ne veintroiz mie par foïr = vous ne vaincrez pas en fuyant
• pour marque le but, la conséquence (comme en FM), la cause ou l’opposition et la concession (lorsque la
principale et négative)
por loiaument amer sui ge a ma fin venue = parce que je l’aimais loyalement, je suis arrivée au termes de mes
jours.
ja pur murir ne vus en faldrat uns = dût-il mourir, pas un seul ne vous fera défaut
• sanz marque l’exclusion. Derrière sanz il est fréquent que l’infinitif n’ait pas pour sujet l’agent du verbe
principal
n’en partirés sans la teste tranchier = vous ne partirez pas sans que je vous tranche la tête
Au 17e il n’est pas rare de trouver encore un infinitif prépositionnel qui ne renvoie pas au sujet du verbe principal :
Rends-le-moi sans le fouiller (L’Avare, I, 3).
• sor (=sur) signifie dans des formules d’interdiction « sous peine de »
jou te desfenc sour les membres coper… = sous peine d’avoir les membres coupés, je t’interdis…
A la place de la séquence (prép.+ régime + infinitif) on peut trouver une séquence analytique (sor + régime +
prép. a + infinitif : je te desfenc sour les iex a crever… = sous peine d’avoir les yeux crevés, je t’interdis…).